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Date : 20210603


Dossier : IMM‑2531‑20

Référence : 2021 CF 534

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2021

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

FERDI BRACAJ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue le 31 janvier 2020 par un agent principal d’immigration à la suite d’un examen des risques avant renvoi (ERAR).

[2] Le demandeur est Albanais. Il revendique le statut de réfugié au Canada par peur des conséquences d’une vendetta déclarée après que son frère eut tué le membre d’une autre famille. Le demandeur est d’abord entré au Canada avec un faux passeport en janvier 2006 puis y est retourné en avril 2019 après avoir séjourné pendant plusieurs années en Albanie et en Italie. Entre‑temps, il a été réputé s’être désisté de sa demande d’asile de 2006 et une mesure de renvoi a été prise à son égard. Par la suite, le demandeur a présenté une demande d’ERAR.

[3] L’agent a rejeté la demande d’ERAR et a ensuite refusé de réexaminer la décision le 27 mars 2020.

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur l’appréciation de la preuve faite par l’agent dans sa décision initiale et sur son défaut de mener une entrevue. Hormis en ce qui concerne ce dernier élément, la norme de contrôle applicable par notre Cour est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23, 77).

[5] Le demandeur déclare que l’agent s’est trompé lorsqu’il a examiné et pondéré la preuve, qu’il a tiré des conclusions voilées sur la crédibilité et qu’il s’est mépris en négligeant de tenir une entrevue.

[6] Sur ce dernier aspect, il est toutefois clair que c’est l’insuffisance de la preuve et non la crédibilité qui constitue l’élément déterminant de la demande d’asile. La tenue d’une audience n’était donc plus nécessaire puisque le demandeur ne satisfaisait pas aux critères cumulatifs énoncés à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR] (voir aussi Hare c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 763 aux para 20‑21; Cosgun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 400 au para 32 [Cosgun]).

[7] L’agent a rejeté la demande d’ERAR notamment parce que dans les années suivant le meurtre, les actions du demandeur n’étaient pas celles d’une personne qui craignait avec raison les conséquences de cet événement. Rien n’indique l’existence d’une vendetta toujours en cours. Selon la preuve, les actions du demandeur ne permettaient pas non plus d’établir que les prétendus agents de persécution avaient l’intention de poursuivre celui‑ci, qu’ils étaient motivés de le retrouver et qu’ils disposaient de l’influence nécessaire pour le faire.

[8] En outre, l’absence de l’entrevue visée à l’alinéa 113b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 n’entraîne pas de manquement à l’équité procédurale puisque les facteurs énumérés à l’article 167 du RIPR n’étaient pas remplis. Cette dernière disposition est fondée sur un critère conjonctif dont toutes les conditions doivent être remplies pour que l’agent d’ERAR tienne une audience. Voir Cosgun, précitée, citée dans Ullah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 221 au para 25 :

Étant donné la présence, en anglais, de la conjonction « and » entre les alinéas b) et c) ci‑dessus, il est clair que les facteurs énoncés aux alinéas 167a), b) et c) sont cumulatifs. […] Les parties conviennent que si les trois facteurs énoncés à l’article 167 ont été remplis, un agent ERAR est tenu de tenir une audience et que si l’un des facteurs énoncés aux alinéas b) ou c) n’est pas rempli, une audience ne serait pas obligatoire.

[9] Quant à l’appréciation de la preuve, la Cour constate que la thèse du demandeur porte sur la façon dont l’agent a favorisé et suivi une partie de la preuve au détriment de l’autre dans son analyse de la demande ainsi que sur la manière dont il en a tiré des constatations et y a repéré des divergences. Il s’agit d’un exercice que l’agent peut légitimement entreprendre, puisqu’il n’est pas tenu d’accepter immanquablement les explications ou les éléments de preuve du demandeur (voir Karakaya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 777 au para 18). En tant que décideur spécialisé, l’agent est en mesure de comprendre la preuve, de l’évaluer et d’en tirer des conclusions.

[10] De plus, il est bien établi que l’agent est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve dont il était saisi (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CA)). Le demandeur n’invoque aucun élément de preuve ou aucune observation qui, compte tenu de la preuve tant subjective qu’objective, serait en contradiction avec les conclusions (Basanti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1068 au para 24).

[11] La demande d’asile était incomplète et trop générale. La Cour conclut que les motifs fournis par l’agent sont intelligibles, transparents et que la décision attaquée est tout autant justifiée que justifiable. Pour les motifs qui précèdent, la décision de l’agent est raisonnable et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2531‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2531‑20

 

INTITULÉ :

FERDI BRACAJ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 MAI 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE J. SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 JUIN 2021

 

COMPARUTIONS:

Gjergji Hasa

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Simone Truong

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Hasa Attorneys

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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