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Date : 20210531


Dossier : IMM-6989-19

Référence : 2021 CF 511

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2021

En présence de l'honorable juge Shore

ENTRE :

FATOUMATA NIARE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision relative à une mesure d’exclusion rendue le 4 novembre 2019 par un agent d’exécution, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, art 44(2) [LIPR ou Loi].

[2] La demanderesse est citoyenne du Mali. En janvier 2015, elle est venue au Canada munie d’un permis d’études de niveau universitaire valide jusqu’au 31 mars 2016, renouvelé jusqu’à mars 2019. Elle a également renouvelé son certificat d’acceptation du Québec (CAQ) de façon concomitante durant la période en question.

[3] En novembre 2018, la demanderesse a débuté des études de niveau collégial et, par conséquent, une nouvelle demande de CAQ a été faite. Celle-ci a été refusée en mars 2019, maintenue en révision administrative en août 2019. Le mois suivant, une demande de contrôle judiciaire a été déposée à l’encontre de cette décision. Suite à une entente à l’amiable conclue en novembre 2019, la demande de CAQ a été reconsidérée et acceptée – le même mois – pour une période commençant en décembre de cette année.

[4] Durant cette période, soit en octobre 2019, la demanderesse a soumis une demande de renouvellement ou de prolongation du permis d’études à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

[5] Le 2 novembre 2019, la demanderesse a été arrêtée pour des accusations de voies de fait, conduite dangereuse et entraves. Dans les jours qui ont suivi son arrestation, la demanderesse a été interpellée par un agent d’immigration et un rapport d’interdiction de territoire a été produit. Le 4 novembre 2019, une mesure d’exclusion a été émise.

[6] Le présent contrôle judiciaire porte sur l’observation des principes d’équité procédurale et sur les conclusions de l’agent eu égard à la preuve. Hormis l’argument sur l’équité procédurale, la norme de contrôle applicable par cette Cour est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23, 77).

[7] La demanderesse avance dans un premier temps que la décision de l’agent a été prise de façon hâtive ou arbitraire et est incompatible avec l’objet et l’esprit de la LIPR. Elle soutient que l’agent n’a pas considéré ses circonstances particulières, l’empêchant de renouveler ou de rétablir son permis dans les délais requis par la Loi.

[8] En lien avec ce qui précède, la demanderesse argue – dans un deuxième temps – que la décision a été prise sans égard à la preuve, soit les démarches entreprises pour obtenir le CAQ permettant de régulariser son statut.

[9] Conformément à la LIPR, art 29(2), 41, 44(2) et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art 228(1)(c)(iv) [RIPR], une mesure d’exclusion peut être prise lorsqu’un étranger est interdit de territoire pour manquement à la Loi, dont le défaut de quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[10] Un agent d’exécution détient une marge discrétionnaire limitée, sinon inexistante, selon les faits pour « examiner si le demandeur qui est resté au Canada plus longtemps qu’il lui était permis a déposé une demande de rétablissement, ou si l’on peut supposer qu’il aurait présenté une demande dans la période de 90 jours, avant que sa situation ne soit portée à l’attention des fonctionnaires de l’immigration » (Ouedraogo c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 810 aux para 23-24).

[11] En l’espèce, le dossier de révision judiciaire démontre clairement que la demanderesse a entamé des démarches pour régulariser son statut au Québec avant et suite à l’expiration de son permis d’études. L’obtention du CAQ est d’ailleurs conjoint avec le processus pour régulariser son statut au Canada, dans la province de Québec (Accord Canada-Québec – Relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains (5 février 1991) au para 22(a); voir aussi le RIPR, art 216(3)).

[12] Cette attestation, accompagnée de la preuve, ne figure cependant pas dans le dossier certifié du tribunal; il n’y a que la preuve de dépôt d’une demande de renouvellement ou de prolongation du permis d’études et de paiement des frais de 350 $ en octobre 2019, soit plus de sept mois suite à l’expiration de son permis. La preuve portant sur les efforts pour obtenir le CAQ ne peut donc justement être considérée par cette Cour (Zheng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 13 Imm LR (3d) 226 au para 18, citant Asafov c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 713 et Lemiecha (Tuteur d’instance) c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1993] ACF no 1333; Aivani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1231 aux para 18-20). La Cour ne peut non plus reprocher à l’agent de ne pas avoir tenu compte de ce qui n’était pas produit ou porté à son attention (Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 321 au para 23).

[13] Nonobstant ce qui précède, la jurisprudence de cette Cour a déjà reconnu que lorsqu’un étranger est jugé interdit de territoire aux termes de la Loi, le délégué du ministre est préoccupé avec les faits en cause, plutôt que les circonstances personnelles de l’intéressé ou les facteurs atténuants de sa situation, lorsqu’il prend une mesure d’exclusion en vertu de l’article 228 de la LIPR (Laissi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 393 aux para 17-19).

[14] Les prétentions de bonne foi ne confèrent pas non plus un statut implicite ni n’écartent l’application de la Loi (Mbaye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1037 au para 13).

[15] Le matériel au dossier montre que l’agent d’immigration a examiné un certain nombre de facteurs avant de prendre une décision, incluant la récente demande de renouvellement ou de prolongation de statut, plusieurs mois hors délai; l’absence de raisons justifiant le défaut de statut pendant cette période; les moyens pour subvenir à ses besoins; et l’absence de crainte à l’égard du pays natal.

[16] La demanderesse est restée au Canada après l’expiration de son statut de résident temporaire, elle était sans statut depuis plusieurs mois, le tout ayant été constaté suite à l’arrestation pour infractions criminelles. Sur ce, la Cour remarque un certain manque de franchise et d’honnêteté dans l’affidavit de la demanderesse à l’évidence du dossier certifié.

[17] Comme spécifié par la Cour, l’objet de la LIPR visant à faciliter l’entrée au Canada aux étudiants et travailleurs temporaires doit être équilibré par la nécessité de protéger l’intégrité des programmes de citoyenneté et d’immigration et de promouvoir le respect des diverses obligations prévues par la Loi, notamment les enjeux liés à la sécurité (Toure c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 1086 au para 16; voir aussi la LIPR, art 3(1)(h)–(i); Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Cha, 2006 CAF 126 au para 23).

[18] En conclusion, la Cour estime que l’agent n’a pas manqué à l’équité procédurale et la décision est raisonnable compte tenu de la jurisprudence, de la législation et des objectifs du régime. Pour les motifs ci-haut, la Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT au dossier IMM-6989-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-6989-19

 

INTITULÉ :

FATOUMATA NIARE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 mai 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 mai 2021

 

COMPARUTIONS :

Abdou Gaye

 

Pour LA DEMANDERESSE

 

Isabelle Brochu

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Abdou Gaye

Montréal (Québec)

 

Pour LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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