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     Date: 20001102

     Dossier: IMM-908-00

OTTAWA (Ontario), le 2 novembre 2000

DEVANT : Madame le juge Heneghan

ENTRE :


KABUIKO ZOBETO


demandeur


et


LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée conformément aux motifs ci-joints.





                             « E. Heneghan »

                                     J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




     Date: 20001102

     Dossier: IMM-908-00

ENTRE :


KABUIKO ZOBETO


demandeur


et


LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]      M. Kabuiko Zobeto (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision que la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rendue conformément à l'article 69.3 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), dans sa forme modifiée. La décision en cause a été rendue le 20 janvier 2000. La décision avait pour effet d'accueillir la demande que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration avait présentée en vue de faire annuler la reconnaissance antérieure par la Commission du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur.

[2]      Le demandeur est citoyen angolais. Il est arrivé au Canada le 25 décembre 1992 et a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. À la suite de l'audience qui a été tenue le 23 juillet 1993, la Commission a rendu sa décision le 2 novembre 1993 et a conclu que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention.

[3]      Le 23 juin 1995, le défendeur a obtenu l'autorisation de demander à la Commission de réexaminer et d'annuler la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention.

[4]      Le 20 novembre 1998, le ministre a demandé le réexamen et l'annulation de cette décision conformément au paragraphe 69.2(2) de la Loi, pour le motif que la reconnaissance initiale avait été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la dissulation d'un fait important.

[5]      L'audience a eu lieu devant la Commission le 15 novembre 1999. Même s'il avait le droit de comparaître à l'audience et d'y prendre part, le demandeur n'a pas comparu. Il était représenté par un avocat et l'audience s'est déroulée sur la base d'arguments juridiques avancés pour son compte en vue d'empêcher la présentation de la preuve relative à la situation personnelle du demandeur, pour le motif que la présentation de cette preuve constituait un abus de procédure.

[6]      Les renseignements en question étaient les suivants : le nom du demandeur, son état civil, son séjour et son statut en Suisse et les raisons qui l'avaient amené à demander à résider au Canada. Ni le demandeur ni personne d'autre n'ont fourni ces renseignements à l'audience portant sur le statut de réfugié au sens de la Convention. Selon le demandeur, le défendeur disposait de ces renseignements au moment où la Commission a tenu l'audience initiale qui a donné lieu à une décision en sa faveur.

[7]      Le ministre a cherché à présenter en preuve la déclaration sous serment de Charles Dombrady, agent des appels au Bureau des appels de l'Immigration, à Toronto. La partie pertinente de cette déclaration portait sur des renseignements qui, selon le ministre, avaient délibérément été omis par le demandeur lorsqu'il avait cherché à être admis au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention. Il s'agit des renseignements suivants :

     [TRADUCTION]
     Je, Charles Dombrady, de la ville de Toronto, Municipalité de la communauté urbaine de Toronto, DÉCLARE SOLENNELLEMENT CE QUI SUIT :
     Je suis agent des appels au Bureau des appels de l'Immigration, à Toronto. Je représente le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et, en cette qualité, j'ai examiné le dossier du défendeur et j'ai connaissance des faits ci-après énoncés.
     A. Hope et F. Mortazavi, membres de la Commission, ont reconnu au défendeur dans cette requête le statut de réfugié au sens de la Convention à Toronto le 2 novembre 1993. La pièce « A » est une copie de la décision y afférente.
     Nous avons tous les motifs de croire que le défendeur a induit la Commission en erreur par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur des faits importants ou par la suppression et la dissimulation de faits importants :
     -en réponse à la Q3 du Formulaire de renseignements personnels (pièce B), le défendeur n'indique aucun autre nom et il déclare être « célibataire » alors que des lettres de sa conjointe confirment qu'elle le connaît sous le nom de Nunes CARVALHO (pièce F);
     -en outre, dans les documents de mariage (pièces G, H, I), il est également fait mention du défendeur sous le nom de Nunes CARVALHO;
     -enfin, les photos de mariage (pièces J, K, L) établissent que le marié, Nunes Carvalho, est l'individu même qui figure sur la photo fournie par le défendeur, où il se présente sous le nom de Kabuiko ZOBETO, dans les renseignements inscrits dans le formulaire d'arrivée (pièce N);
     -en réponse à la Q17, le défendeur ne mentionne pas la France, alors que les pièces G, H, I établissent qu'il s'est marié dans ce pays;
     -dans la réponse à la Q30, le défendeur nie avoir revendiqué le statut de réfugié ailleurs alors que la pièce M indique qu'il a revendiqué le statut de réfugié en Suisse et en France;
     -la pièce F montre également que le défendeur était en Suisse au mois d'août 1990, mais ces renseignements n'ont pas été donnés dans le Formulaire de renseignements personnels;
     -dans son formulaire de renseignements personnels (pièce B), le défendeur déclare avoir un frère, qui est décédé; dans l'intervalle, dans sa lettre du 7 février 1993, il déclare que sa famille est composée de neuf enfants qui comptent sur son soutien;
     -en réponse à la Q33 du Formulaire de renseignements personnels, le défendeur énonce les raisons pour lesquelles il craint d'être persécuté, mais dans la lettre produite sous la cote E, il déclare qu'il ne craint rien et il affirme que ce sont ses études qui l'ont amené à venir au Canada et qu'il a l'intention de retourner éventuellement dans son pays de naissance;
     Je fais cette déclaration solennelle d'une façon consciencieuse en la croyant exacte et en sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment.

[8]      Malgré les arguments détaillés que l'avocat avait invoqués au sujet de la question de l'abus de procédure, la Commission a admis cet élément de preuve à l'audience qui a eu lieu le 15 novembre 1999. Il ressort de la décision du 20 janvier 2000 que la Commission a rejeté les arguments portant sur l'abus de procédure, y compris les questions relatives à la fin de non-recevoir, à la chose jugée et au retard.

[9]      Lors de l'audition de cette demande de contrôle judiciaire, le demandeur a soutenu que la Commission ne s'était pas arrêtée aux arguments qui avaient été avancés au sujet de l'abus de procédure.

[10]      La première question à examiner dans le cadre de cette demande de contrôle judiciaire se rapporte à la norme de contrôle. Comme le juge Richard (tel était alors son titre), de cette cour, l'a dit dans la décision Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 87 F.T.R. 46, au paragraphe 24 :

     Étant donné que j'ai conclu que la section du statut est un tribunal spécialisé envers lequel la Cour devrait faire preuve d'une grande retenue, lorsqu'elle examine les conclusions tirées sur des questions de droit et sur des questions de fait, la norme de contrôle judiciaire à appliquer est celle du caractère manifestement déraisonnable.

[11]      Il s'agit donc ici de savoir si la décision de la Commission était manifestement déraisonnable.
[12]      Il est clair qu'indépendamment des termes qu'elle a employés dans sa décision, la Commission était consciente de la portée des arguments du demandeur. Le demandeur s'opposait à la présentation de la preuve devant la Commission à l'audience relative au réexamen et à l'annulation, le ministre ayant eu cette preuve à sa disposition avant que la Commission reconnaisse le statut le 2 novembre 1993. La Commission a énoncé comme suit les questions dont elle était saisie :
     [TRADUCTION]
     1. Il s'agit de savoir si le demandeur devrait être autorisé à fonder sa demande de réexamen et d'annulation du statut de réfugié reconnu au défendeur, étant donné que le défendeur soutient qu'il y a eu abus de procédure, et compte tenu des doctrines de l'issue estoppel ou de la chose jugée, et du fait que le ministre a tardé à demander l'autorisation et à poursuivre cette demande. Le défendeur demande également à la formation de conclure que la preuve, qui était disponible avant l'audience initiale relative au statut de réfugié qui a eu lieu le 23 juillet 1993, doit être déclarée inadmissible et qu'elle doit être exclue.
     2. Si la section du statut décide qu'il n'y a pas eu abus de procédure, il s'agit de savoir si la reconnaissance initiale a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important, ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important. Dans l'affirmative, il s'agit de savoir si les autres éléments non contredits justifieraient la reconnaissance initiale du statut qui a été accordée au mois de novembre 1993.

[13]      Le demandeur a cherché à exclure cette preuve pour le motif que sa présentation permettait au ministre de se fonder sur la preuve de circonstances dont il (le demandeur) ne disposait pas. À cet égard, le demandeur s'est fondé sur la décision que cette cour a rendue dans l'affaire Vasquez c. ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1998), 160 F.T.R. 142. Le demandeur a soutenu que s'il ne peut pas subséquemment présenter des éléments qui étaient disponibles lors de l'audience initiale, il devrait en bonne justice être également interdit au ministre de le faire.

[14]      À mon avis, la Commission a énoncé et examiné les questions de la façon appropriée. La Commission a décidé que l'issue estoppel ne s'appliquait pas étant donné qu'elle n'était pas au courant des faits réels lors de l'audience initiale relative au statut de réfugié. En outre, la Commission a conclu que cet argument ne s'appliquait pas pour le motif que l'audience fondée sur le paragraphe 69.2(2) était différente de la première audience relative à la « reconnaissance » , puisqu'elle portait sur la question de l'annulation.

[15]      La Commission a examiné la question de la chose jugée et elle a conclu que cette doctrine ne s'appliquait pas à une audience relative à la question de l'annulation, qu'elle jugeait différente d'une nouvelle demande.

[16]      Enfin, la Commission a examiné la question du retard qui s'était produit entre le moment où l'autorisation relative au réexamen du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur avait été accordée et la date à laquelle la demande avait été présentée. Il y avait eu un retard de plus de trois ans. La Commission a conclu que le demandeur n'avait subi aucun préjudice par suite de ce retard et, en outre, qu'il n'y a pas de délai de prescription qui s'applique à l'introduction d'une demande de réexamen, une fois que l'autorisation a été accordée1.

[17]      À mon avis, la décision de la Commission d'admettre la preuve contestée n'était pas manifestement déraisonnable ou même simplement déraisonnable. Le demandeur était au courant de la preuve en question et il l'avait à sa disposition au moment où il a demandé à être admis au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention. Il lui était possible de la présenter. De fait, il était peut-être tenu de la présenter, compte tenu de l'obligation imposée à l'article 8 de la Loi.

[18]      La Commission a ensuite examiné le bien-fondé de l'affaire, à savoir la question de la crédibilité de la preuve présentée par le ministre. Le demandeur n'a pas contre-interrogé l'auteur de la déclaration sous serment et il n'a pas réfuté la preuve documentaire qui avait été présentée. Les conclusions que la Commission a tirées au sujet de cette preuve sont raisonnables.

[19]      Enfin, la Commission a examiné l'article 69.3(5) de la Loi, à savoir si en l'absence d'une preuve « viciée » , il y avait suffisamment d'éléments pour qu'il puisse être conclu que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention. Elle a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments à l'appui de pareille conclusion.

[20]      La Commission a fait droit à la demande que le ministre avait présentée en vue de faire réexaminer la reconnaissance du statut et de la faire annuler, et elle a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[21]      En conclusion, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et la décision de la Commission est confirmée.

[22]      L'avocat du demandeur a soumis une question aux fins de la certification. À mon avis, la question proposée n'est pas visée par l'article 83 de la Loi et je refuse de certifier une question.


                             « E. Heneghan »

                                     J.C.F.C.

Ottawa (Ontario),

le 2 novembre 2000

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-908-00

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Kabuiko Zobeto c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 26 octobre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Heneghan en date du 2 novembre 2000


ONT COMPARU :

D. Clifford Luyt              POUR LE DEMANDEUR
Ian Hicks              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt              POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1 Cette position a été confirmée par cette cour dans la décision Thambipillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-5279-98, 22 juillet 1999, où le juge McKeown a dit ce qui suit :          La Loi ne prévoit pas de délai précis à l'égard de la présentation d'une demande d'annulation et de réexamen et, par conséquent, la Commission a examiné la question relative au nouvel élément de preuve et la question du délai, comme il lui était loisible de le faire.

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