Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210526


Dossier : IMM‑4025‑20

Référence : 2021 CF 492

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2021

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

JOE OSAH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience, le 12 mai 2021)

I. Aperçu

[1] Dans le présent dossier, l’usage du prénom du demandeur n’est pas approprié parce qu’il constitue une atteinte à la dignité.

[2] Les causes ne doivent pas être examinées de façon désinvolte, condescendante et déplacée dans les décisions. On peut penser à l’exemple de l’achat de cigarettes qui figure dans la décision du tribunal d’instance inférieure.

[3] De plus, concernant l’essence même du dossier et plus particulièrement l’analyse de la cause, il ne sied pas à un tribunal de s’écarter de son rôle de décideur puisqu’il se doit de reconnaître et de comprendre adéquatement le cadre dans lequel s’articule l’ensemble de la preuve au dossier. Ce rôle de décideur n’a aucunement été respecté en l’espèce, ce qui rend la décision déraisonnable. En effet, eu égard à la preuve au dossier, la décision n’est pas correctement fondée sur la législation telle qu’interprétée par la jurisprudence.

II. Discussion

[4] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 6 août 2020 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé le rejet de la demande d’asile du demandeur au motif qu’il existait pour lui une possibilité de refuge intérieur [la PRI] viable.

[5] Le demandeur est un citoyen nigérian qui a présenté une demande d’asile, invoquant craindre une menace à sa vie ou un risque de subir un préjudice grave aux mains de la confrérie Eiye. Il a demandé l’asile au Canada en novembre 2017, après être passé par les États‑Unis en janvier 2017.

[6] La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté cette demande puisque le demandeur disposait d’une PRI viable à Abuja. La SAR a confirmé cette décision.

[7] Le présent contrôle judiciaire porte sur l’examen indépendant de la SAR, sur son mépris ou son interprétation erronée de la preuve objective et sur son défaut de traiter le dossier de bonne foi. Sauf en ce qui concerne ce dernier élément, la norme de contrôle applicable par la Cour est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 para 23, 77 [Vavilov]).

[8] Le demandeur prétend que la SAR n’a pas effectué un examen indépendant et qu’elle n’a pas examiné le cartable national de documentation. De plus, la SAR n’aurait pas rempli ses fonctions avec impartialité et équité.

[9] L’appel devant la SAR est un « véritable appel fondé sur les faits, ce qui suppose un examen complet des questions de fait, de droit et mixtes (de fait et de droit) soulevées dans le cadre de l’appel, de manière à corriger toute erreur commise par la SPR, et que la SAR doit évaluer elle‑même la preuve de manière indépendante » (Kayitankore c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1030 au para 20, citant Ajaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 928 au para 28).

[10] En l’espèce, la SAR s’est contentée de traiter de façon brève, linéaire et non conventionnelle les arguments soulevés en appel, d’exprimer par la suite son désaccord quant à ces derniers et de procéder à une analyse fondée sur les motifs du tribunal d’instance inférieure. Même si la SAR a précisé avoir appliqué la norme de la décision correcte pour confirmer la décision de la SPR sur l’existence d’une PRI viable, elle n’a pas défini le processus nécessaire exigé par la jurisprudence à cet égard (voir Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CAF); Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164).

[11] Le décideur doit procéder à l’analyse compte tenu des dispositions législatives applicables et de la jurisprudence, sinon la cour de révision sera incapable de comprendre la raison d’être de la décision ou l’analyse réalisée (Vavilov, précité, aux para 102‑104).

III. Conclusion

[12] Le problème soulevé se manifeste dans l’ensemble des motifs et détermine le sort de l’affaire. La Cour comprend qu’une question, comme l’existence d’une PRI, peut décider du sort d’une demande, mais l’issue de la décision doit être justifiée par des motifs valables. Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision n’est pas justifiée, transparente et intelligible. Elle doit être annulée et renvoyée à la SAR pour nouvel examen. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4025‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à la Section d’appel des réfugiés pour qu’un tribunal différemment constitué procède à un nouvel examen.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4025‑20

 

INTITULÉ :

JOE OSAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 mAI 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 MAI 2021

 

COMPARUTIONS :

Rachel Bourbeau

Felipe Morales

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Suzanne Trudel

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocats SEMPERLEX, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.