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Date : 20210513


Dossier : T‑600‑20

Référence : 2021 CF 443

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 mai 2021

En présence de monsieur le juge Manson

Dossier : T‑600‑20

ENTRE :

SCOTT MCGILLIVRAY

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire portant sur la décision rendue le 3 mars 2020 par une arbitre disciplinaire [la décision de l’arbitre disciplinaire] nommée pour instruire un appel visé aux articles 45.11 et 45.16 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R‑10 [la Loi sur la GRC]. L’arbitre disciplinaire a rejeté l’appel interjeté par le demandeur contre la décision où l’autorité disciplinaire [la décision de l’autorité disciplinaire] avait conclu que le demandeur n’avait pas exécuté un ordre légitime, soit de présenter une demande de congé.

II. Contexte

[2] Le demandeur, le caporal Scott McGillivray, est devenu membre de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] en 2009. C’est un policier d’expérience. Avant de se joindre à la GRC en tant que membre régulier, il a fait partie pendant quelque temps, en 1993, du programme de développement des jeunes des Premières Nations de la GRC, puis il a travaillé au sein d’un service de police municipal. En 2014, il détenait le grade de caporal à la GRC.

[3] À partir de 2014, le demandeur a dû composer avec plusieurs problèmes personnels et professionnels, notamment en lien avec l’état de santé de ses parents et des difficultés dans son travail au détachement de la GRC à Burnaby. Cette situation l’a amené à consulter des professionnels de la santé pour recevoir des soins, dont un psychiatre.

[4] Compte tenu de ces problèmes, le demandeur a changé plusieurs fois de détachement. Il a été affecté à Burnaby en mai 2016, mais il lui a été interdit par la suite de travailler à ce détachement, avec l’approbation des Services de santé de la GRC. En décembre 2016, il a été autorisé à reprendre pleinement ses fonctions, mais il ne pouvait toujours pas travailler au détachement de Burnaby.

[5] Le demandeur a sollicité sa mutation pour raisons humanitaires à la région de l’Okanagan, en Colombie‑Britannique, à cause de la santé déclinante de son père. Il a été affecté au détachement de Surrey en attendant cette mutation et la vente de sa maison. La mutation du demandeur à Kelowna pour raisons humanitaires a été approuvée en février 2017, et cette mutation est devenue permanente le 30 juin 2017.

[6] Le demandeur ne s’est pas présenté au travail au détachement de Surrey, mais il a participé à une formation et a comparu devant un tribunal en mars 2017. Le demandeur croyait qu’il était en congé de maladie à ce moment‑là.

[7] Entre février et juillet 2017, le demandeur a échangé plusieurs communications pertinentes avec la GRC au sujet de son retour au travail et de son droit à des congés. Voici un bref aperçu de la teneur de ces communications :

  1. Le 23 février 2017, la sergente d’état‑major Marina Wilks a rappelé par courriel au demandeur qu’il n’était plus considéré en congé de maladie de longue durée;

  2. Le 7 mars 2017, la caporale Tracy Dubnyk et le sergent d’état‑major Curtis Burks ont discuté avec le demandeur de son absence du détachement de Surrey, ce qui a été clarifié ultérieurement par la sergente d’état‑major Wilks. Ils ont également informé le demandeur de son droit à des congés pour raisons humanitaires;

  3. La sergente d’état‑major Wilks a rencontré le demandeur le ou vers le 21 mars 2017 et l’a avisé qu’il devait justifier ses heures de congé au détachement de Burnaby;

  4. Le 3 mai 2017, l’inspectrice Janice Mann a enjoint au demandeur de communiquer avec la caporale Dubnyk pour comptabiliser les congés qui lui restaient, y compris ses congés pour raisons humanitaires et ses congés annuels.

[8] Le 18 juillet 2017, le demandeur a reçu une lettre [l’« ordre »] du surintendant principal Stephan Drolet, officier responsable du détachement de Burnaby, qui était libellée en partie ainsi :

[traduction]

Du 27 février 2017 au 30 juin 2017, vous avez droit à 312 heures de congé, tel que mentionné plus haut. Durant cette période, compte tenu d’une semaine de travail de 40 heures, vous avez été rémunéré pour 688 heures, à l’exclusion des jours fériés. Vous avez été avisé à maintes reprises que toute absence en dehors des heures auxquelles vous avez droit exigeait une autorisation. À ce jour, vous n’avez pas présenté de demande de congé pour raisons humanitaires ou de congé annuel, même si vous avez accès aux systèmes de la GRC comme l’application TEAM ou le SIGRH. D’après nos calculs, vous êtes tenu de présenter une demande pour faire approuver 376 heures de congés annuels, plus votre congé pour raisons humanitaires. Veuillez vous occuper de cette question d’ici le 1er septembre 2017.

[En caractères gras dans l’original.]

[9] Le 29 août 2017, le psychiatre du demandeur a envoyé aux Services de santé de la GRC une lettre où il précisait que le demandeur, depuis le 15 février 2017, [traduction] « n’est plus apte à exercer quelque fonction que ce soit, de nature administrative ou opérationnelle ». En outre, le demandeur a envoyé un courriel [la réponse] au surintendant principal Drolet le 31 août 2017 et y déclarait ce qui suit :

[traduction]

En ce qui concerne votre lettre au sujet des heures non travaillées, il semble effectivement y avoir une certaine confusion. J’ai communiqué mes médecins, qui m’ont confirmé avoir communiqué avec les Services de santé afin de clarifier la question. Je continuerai le suivi avec eux pour m’assurer que tout est corrigé.

[10] L’inspectrice Mann et le demandeur ont continué à s’échanger des messages au sujet de la question des congés. L’inspectrice a accepté de retarder la déduction des heures de la banque de congés du demandeur pendant que les Services de santé de la GRC continuaient de discuter du dossier avec le psychiatre du demandeur. Le 12 octobre 2017, l’inspectrice Mann a écrit ce qui suit :

[traduction]

J’espère que ce que vos médecins fourniront aux Services de santé ce dont ils ont besoin afin de confirmer votre congé de maladie pour la période en question. Entre‑temps, je vais demander à Ottawa de différer toute mesure jusqu’à ce que les Services de santé me donnent des nouvelles.

[11] En fin de compte, 376 heures ont été soustraites de la banque de congés annuels du demandeur en août 2018. Le demandeur a déposé un grief contre cette déduction, et aucune décision n’a encore été rendue à ce sujet.

[12] Le 4 mai 2018, le demandeur a été avisé de la tenue d’une rencontre disciplinaire portant sur deux allégations de contraventions au Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada, qui fait partie du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014‑281 [le code de déontologie de la GRC] (l’avis de la rencontre disciplinaire a été daté du 4 mars 2018 par erreur). Selon la première allégation, le demandeur a omis de se présenter au détachement de Surrey, ce qui est contraire à l’article 4.1 du code de déontologie de la GRC. Selon la deuxième allégation, le demandeur a refusé d’exécuter un ordre ou une directive légitimes d’un membre d’un grade supérieur, en contravention de l’article 3.3 du code de déontologie de la GRC.

[13] L’autorité disciplinaire a conclu, dans sa décision datée du 5 juin 2018, que seule la deuxième contravention avait été établie :

[traduction]

Dans sa lettre, le surintendant principal Drolet a précisé clairement qu’il s’attendait à ce que vous présentiez des demandes de congé pour vos absences sans autorisation médicale, c’est‑à‑dire en tout 376 heures, au plus tard le 1er septembre 2017. S’il est vrai que vous avez accusé réception du courriel en question et que vous avez répondu au surintendant principal Drolet avant la date limite, soit le 1er septembre 2017, c’était pour contester l’ordre, étant donné votre état de santé. L’ordre/la directive étaient légitimes, avaient été donnés par écrit et émanaient d’un membre de grade supérieur, et vous avez omis de l’exécuter. Vous laissez entendre que ce congé de maladie était autorisé, ce qui n’est pas attesté par l’information reçue des Services de santé de la GRC. L’agent des Services de santé n’avait pas autorisé de congé de maladie entre le 25 février 2017 et le 30 juin 2017, soit la période pendant laquelle vous auriez dû vous présenter au détachement de Surrey.

[14] Une réprimande écrite a été imposée en guise de mesure disciplinaire. Afin de déterminer quelle était la sanction appropriée, l’autorité disciplinaire a tenu compte de facteurs aggravants et atténuants ainsi que de la perception du public et de l’incidence sur l’organisation. Parmi les facteurs aggravants figuraient les suivants : le refus d’assumer sa responsabilité, l’absence de remords, le refus en apparence méprisant et délibéré d’exécuter l’ordre d’un officier supérieur et la norme élevée imposée au demandeur en ce qui concerne le respect d’une directive donnée par un officier d’un grade supérieur au sien.

[15] Le 23 juin 2018, le demandeur a interjeté appel de la décision de l’autorité disciplinaire, décision que l’arbitre disciplinaire a confirmée le 3 mars 2020.

[16] Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de l’arbitre disciplinaire et enjoignant que soit accueilli son appel relatif à cette décision. Subsidiairement, il demande que l’appel soit renvoyé à un arbitre disciplinaire différent, ou encore à la même arbitre, pour réexamen.

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[17] L’arbitre disciplinaire a confirmé la décision de l’autorité disciplinaire et rejeté l’appel. Elle a récapitulé les faits et la procédure tout en précisant que les membres de la GRC ont volontairement accepté de se conformer à une norme de conduite plus élevée que celle du citoyen ordinaire. Toutefois, cette norme n’appelle pas à la perfection. L’arbitre disciplinaire a ensuite décrit les obligations qui lui sont imposées au paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014‑289 [les Consignes du commissaire] et abordé la question de la norme de contrôle en appel dans les affaires administratives qu’elle est tenue d’appliquer à la décision de l’autorité disciplinaire.

[18] L’arbitre disciplinaire s’est exprimée comme suit aux paragraphes 36 et 37 :

[traduction]

[36] Je suis d’avis que le raisonnement de l’appelant [le demandeur] est sans fondement et repose sur des hypothèses. Premièrement, la lettre de trois pages du surintendant principal Drolet constituait une directive officielle enjoignant au demandeur d’agir avant une certaine date. L’auteur était un membre qui détenait un grade supérieur à celui de l’appelant. Comme le surintendant principal Drolet possédait le pouvoir d’agir, en l’absence de toute preuve contraire présentée par l’appelant, la directive est présumée légitime. Bien que la lettre ne contienne pas les mots « ordre » ou « directive », il était clair que l’appelant était obligé d’agir et qu’on ne lui demandait pas d’agir, de sorte qu’il n’avait pas le choix. L’omission de l’appelant de répondre adéquatement à la directive, indépendamment des mesures prises ultérieurement par l’inspectrice Mann, constitue le fondement (c'est‑à‑dire l’élément constitutif) de l’allégation d’avoir refusé d’exécuter un ordre ou une directive légitimes. Le courriel envoyé à la dernière minute par l’appelant, le 31 août 2017, en réponse à la lettre, visait de par sa teneur à contourner la question et dénotait clairement que l’appelant n’avait l’intention de respecter ni la lettre ni l’esprit de la directive. La seule « demande » optionnelle que j’ai relevée se trouve à la dernière phrase, où il est énoncé que l’appelant, s’il avait des questions, pouvait communiquer avec le sous‑officier responsable des services aux membres du détachement de Burnaby.

[37] Par conséquent, je conclus que la lettre du 18 juillet 2017 du surintendant principal Drolet constituait une directive légitime donnée par un officier d’un grade supérieur à celui de l’appelant et que ce dernier a refusé d’exécuter à la date indiquée.

[En caractères gras dans original.]

IV. Les questions en litige

[19] La question à trancher en l’espèce est celle à savoir si la décision de l’arbitre disciplinaire était raisonnable.

V. La norme de contrôle

[20] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable dans la présente affaire est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]).

VI. Les dispositions pertinentes

[21] Les dispositions pertinentes comprennent les suivantes :

Paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire :

Décision du commissaire

33 (1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

Decision of Commissioner

33 (1) The Commissioner, when rendering a decision as to the disposition of the appeal, must consider whether the decision that is the subject of the appeal contravenes the principles of procedural fairness, is based on an error of law or is clearly unreasonable.

Article 3.3 du Code de conduite de la GRC :

3.3 Les membres donnent et exécutent des ordres et des directives légitimes.

3.3 Members give and carry out lawful orders and direction.

VII. Analyse

A. L’examen selon la norme de la décision raisonnable

[22] Le défendeur soutient qu’une directive claire est donnée dans l’ordre : présenter une demande de congé. Les motifs que l’arbitre disciplinaire énonce dans la décision où elle confirme la décision de l’autorité disciplinaire et juge que le demandeur a omis de répondre adéquatement à l’ordre étaient raisonnables. Selon le défendeur, le demandeur semble avancer dans son argument principal que le fait d’avoir exprimé son désaccord envers l’ordre constituait une exécution suffisante de l’ordre. Le défendeur plaide que cette position contredit une obligation centrale imposée aux membres de la GRC, soit de respecter la chaîne de commandement.

[23] Le demandeur soutient que l’arbitre disciplinaire a conclu de façon déraisonnable qu’il avait désobéi à l’ordre : 1) le libellé de l’ordre n’a pas été dûment pris en compte, puisque le demandeur s’est bien occupé de la question concernant la banque de congés quand il a répondu à l’inspectrice Mann; 2) le dialogue subséquent avec l’inspectrice Mann a été jugé non pertinent, ce qui était aussi déraisonnable; 3) l’arbitre disciplinaire a considéré de façon déraisonnable l’élément d’intention. Le demandeur affirme en outre que l’arbitre disciplinaire a critiqué de façon déraisonnable sa réponse, en déclarant qu’elle avait été présentée à la dernière minute.

[24] La décision de l’arbitre disciplinaire, dans l’ensemble, doit être transparente, intelligible et justifiée (Vavilov au para 81). La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85).

B. La norme de contrôle appliquée par l’arbitre disciplinaire

[25] À titre préliminaire, les parties conviennent que l’arbitre disciplinaire devait entre autres trancher la question de savoir si la décision de l’autorité disciplinaire était « manifestement déraisonnable » au sens du paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire :

Décision du commissaire

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

Decision of Commissioner

33(1) The Commissioner, when rendering a decision as to the disposition of the appeal, must consider whether the decision that is the subject of the appeal contravenes the principles of procedural fairness, is based on an error of law or is clearly unreasonable.

[26] L’arbitre disciplinaire a conclu, avec raison, que les termes « manifestement déraisonnable » signifiaient aussi « clairement déraisonnable ». Cette interprétation a été confirmée par la Cour d’appel fédérale, après que les parties en l’espèce eurent déposé leurs observations écrites, dans Smith c Canada (Procureur général), 2021 CAF 73 au para 56 [Smith] (voir aussi Kalkat c Canada (Procureur général), 2017 CF 794 au para 62).

[27] Cela ne change rien à la tâche qui m’incombe en l’espèce, puisque je dois appliquer la norme de la décision raisonnable pour évaluer la décision de l’arbitre disciplinaire (Smith au para 27). Comme le soutient le défendeur, la question à trancher dans le cadre du contrôle judiciaire consiste à savoir si la décision de l’arbitre disciplinaire était raisonnable, à la lumière du dossier et des arguments qui lui ont été présentés et au regard de la norme du caractère manifestement déraisonnable qui devait éclairer son examen de la décision de l’autorité disciplinaire.

C. Le caractère raisonnable de la décision de l’arbitre disciplinaire

[28] Les éléments soulevés par le demandeur ne rendent pas la décision de l’arbitre disciplinaire déraisonnable en l’espèce. Si elle suivait les arguments du demandeur, la Cour en viendrait à réinterpréter le sens de l’ordre en mettant l’accent sur des termes précis et en soupesant à nouveau la preuve qui a été présentée à l’arbitre disciplinaire. La justification, la transparence ou l’intelligibilité de la décision de l’arbitre disciplinaire ne sont pas attaquables sur ce fondement.

[29] Le demandeur ne conteste pas le pouvoir du surintendant principal Drolet de donner l’ordre ni la légitimité de l’ordre en soi. L’arbitre disciplinaire a souligné que [traduction] « selon les termes de leur engagement, les membres de la GRC ont volontairement accepté de se conformer à une norme de conduite plus élevée que celle du citoyen ordinaire » (The Queen and Archer v White, [1956] SCR 154 à la p 158). L’article 3.3 du code de déontologie de la GRC énonce que « les membres donnent et exécutent des ordres et des directives légitimes ».

[30] Le demandeur s’appuie sur des termes spécifiques, soit [traduction] vous occuper [de cette question], quand il soutient que l’ordre ne l’obligeait pas vraiment à présenter une demande de congé avant la date en question. Il prétend s’être occupé de l’ordre en envoyant sa réponse par courriel au surintendant principal Drolet, le 31 août 2017, et en y précisant qu’il poursuivrait ses démarches relativement aux congés. L’arbitre disciplinaire est parvenue à une décision raisonnable lorsqu’elle a conclu que l’ordre énonçait une obligation de demander des congés annuels et des congés pour raisons humanitaires. Cette interprétation concorde avec une lecture intégrale de l’ordre pris dans son contexte :

[traduction]

D’après nos calculs, vous êtes tenu de présenter une demande pour faire approuver 376 heures de congés annuels plus votre congé pour raisons humanitaires. Veuillez vous occuper de cette question d’ici le 1er septembre 2017.

[En caractères gras dans l’original.]

[31] Le demandeur soutient également que l’arbitre disciplinaire a commis une erreur en concluant que les actes ultérieurs de l’inspectrice Mann n’étaient pas pertinents. Il est d’avis que l’insubordination nécessite une intention de ne pas respecter ou de contester l’autorité du gestionnaire, ce qui n’était pas son cas. Le demandeur a effectué un suivi et répondu promptement à la correspondance de l’inspectrice Mann, ce qui dénote une volonté d’accepter l’autorité de la GRC.

[32] Je n’irai pas jusqu’à dire que les règles de droit relatives à l’insubordination s’appliquent en l’espèce. Le demandeur voudrait que la Cour s’appuie sur des décisions arbitrales en droit du travail et sur des sources secondaires qui porteraient à croire qu’il était déraisonnable pour l’arbitre disciplinaire de tenir compte de l’intention du demandeur.

[33] L’ordre dont il est question ici n’invitait pas le demandeur à prendre des mesures subséquentes. Dans ce contexte, puisque les membres de la GRC sont soumis à une norme de conduite plus élevée et que l’article 3.3 du Code de déontologie de la GRC précise que les membres doivent exécuter les ordres légitimes, il n’est pas approprié en l’espèce de conclure qu’un ordre clair constitue une invitation à discuter. La décision de l’arbitre disciplinaire n’est pas déraisonnable à cet égard.

[34] Ceci étant dit, je ne souscris pas à la façon dont l’arbitre disciplinaire décrit la réponse du demandeur. Elle a jugé que ce dernier avait refusé d’exécuter un ordre ou une directive légitimes parce qu’il n’y avait pas [traduction] « répondu adéquatement ». Lorsqu’elle évalue le caractère adéquat de la réponse du demandeur, l’arbitre disciplinaire souligne que le courriel du 31 août 2017 du demandeur à l’inspectrice Mann a été envoyé à la dernière minute, qu’il visait à contourner la question et dénotait que le demandeur n’avait l’intention de respecter ni la lettre ni l’esprit de la directive.

[35] Cette évaluation n’est pas corroborée par les faits. Le demandeur a répondu avant la date butoir du 1er septembre 2017. Il a signalé son intention de dissiper la confusion relative à son droit à des congés et a exposé une démarche en vue de régler l’affaire. Notamment, le demandeur a répondu à l’inspectrice Mann d’une manière que cette dernière a jugée adéquate, puisqu’elle a informé le demandeur qu’elle retarderait la prise de toute mesure ultérieure. Ces faits ne soutiennent pas la conclusion suivant laquelle le demandeur n’avait pas l’intention d’exécuter l’ordre ou qu’il opposait de la résistance.

[36] Néanmoins, malgré la sympathie que j’éprouve en raison des circonstances atténuantes de la situation du demandeur et bien que je rejette la critique formulée par l’arbitre quant à la réponse du demandeur, ces faits ne rendent pas la décision de l’arbitre disciplinaire déraisonnable.

[37] Dans le contexte en l’espèce, il n’était pas déraisonnable pour l’arbitre disciplinaire de conclure que le demandeur n’avait pas exécuté l’ordre avant la date du 1er septembre 2017.

VIII. Conclusion

[38] La décision de l’arbitre disciplinaire est raisonnable. La demande est rejetée.

IX. Dépens

[39] Des dépens de 2 500 $ sont adjugés en faveur du défendeur.


JUGEMENT dans le dossier T‑600‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée;

  2. Des dépens de 2 500 $ sont adjugés en faveur du défendeur.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑600‑20

 

INTITULÉ :

SCOTT MCGILLIVRAY c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 MAI 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 MAI 2021

 

COMPARUTIONS :

Christopher Rootham

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Robert Gibson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan O’Brien Payne LLP

Barristers and Solicitors

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Le procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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