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Date : 20050818

Dossier : IMM-7029-04

Référence : 2005 CF 1112

Ottawa (Ontario), le 18 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

MARIA RITA TEIXEIRA RAMADA

demanderesse

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]         Mme Maria Rita Teixeira Ramada devait être renvoyée du Canada vers le Portugal au mois

d'août 2004. Elle a demandé à une agente d'exécution de surseoir à son renvoi en attendant l'instruction de sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. L'agente a refusé. Cependant, la Cour a ordonné de surseoir au renvoi de Mme Ramada pour lui permettre de demander le contrôle judiciaire de la décision de l'agente.

[2]         Mme Ramada soutient que l'agente ne s'est pas acquittée de son obligation de tenir compte


des circonstances impérieuses de sa situation personnelle et qu'elle a commis une erreur de fait grave. Elle demande que son dossier soit examiné par un autre agent. Bien que Mme Ramada ait soulevé plusieurs arguments en vue de faire annuler la décision de l'agente, l'un d'entre eux en particulier m'a convaincu et il est donc inutile que j'examine les autres. En conséquence, j'accueillerai la demande de contrôle judiciaire.

I. Question en litige

L'agente a-t-elle omis de prendre en considération un élément de preuve ou a-t-elle commis des erreurs de fait graves en refusant de surseoir au renvoi de Mme Ramada du Canada?

II. Analyse

[3]        Les agents d'exécution disposent d'un pouvoir discrétionnaire limité pour surseoir au

renvoi d'une personne faisant l'objet d'une ordonnance d'expulsion du Canada. De manière générale, les agents ont l'obligation de renvoyer ces personnes dès que les circonstances le permettent (paragraphe 48(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27; reproduit en annexe). Cependant, aux termes de cette obligation, les agents peuvent prendre en considération les motifs valables de retarder le renvoi, le cas échéant. Les motifs valables peuvent être liés à la capacité de voyager de la personne (maladie ou absence de documents de voyage appropriés), à la nécessité de satisfaire à d'autres engagements (obligations scolaires ou familiales) ou à des circonstances personnelles impérieuses (raisons d'ordre humanitaire). (Voir : Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2000] A.C.F. n ° 936 (1re inst.) (QL), Wang c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2001] 3 C.F. 682 (1re inst.) (QL), Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2003] A.C.F. n ° 805

(1re inst.) (QL); Padda c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2003]


A.C.F. n ° 1353 (C.F.) (QL)). Il est clair, toutefois, que le simple fait qu'une personne ait déposé une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire n'est pas suffisant pour justifier le sursis au renvoi. Par contre, l'agent doit examiner si des circonstances personnelles impératives, surtout lorsqu'elles concernent un enfant, justifient le sursis.

[4]        En l'espèce, Mlle Ramada a demandé à l'agente de surseoir à son expulsion pour les motifs

suivants :

·                       le renvoi immédiat ne serait pas dans l'intérêt de son plus jeune enfant, qui souffre de crises fébriles;

·                       Mme Ramada souffre d'un diabète de type 2 et son renvoi pourrait nuire au bon contrôle de sa glycémie;

·                       une dépression nerveuse a été diagnostiquée chez Mme Ramada; son renvoi risquerait d'aggraver son état mental.

[5]         Le travail de l'agente mérite dtre souligné; en effet, elle a prêté une oreille attentive aux

arguments de Mme Ramada et a tenu compte de la preuve au dossier. Elle a rédigé des notes

détaillées pour expliquer sa décision de ne pas surseoir au renvoi de Mme Ramada du Canada. Elle

s'est donnée la peine d'obtenir un avis médical sur la capacité de voyager de Mme Ramada. Elle a

tenu compte, du moins de manière générale, de l'intérêt supérieur des deux enfants de Mme Ramada

nés au Canada.


[6]         Toutefois, la preuve au dossier indique que Ruthe, alors âgée de trois ans, souffrait de graves

crises fébriles inexpliquées. Elle était traitée à l'Hôpital pour enfants de Toronto. On ne savait pas de manière sûre si elle pouvait obtenir un traitement approprié au Portugal. Pourtant, l'agente n'a pas tenu compte de la situation de Ruthe. À titre de citoyenne canadienne, Ruthe avait le droit de demeurer au Canada et de bénéficier de son assurance-santé. Elle n'avait pas les mêmes perspectives ni les mêmes avantages au Portugal. L'agente savait que les enfants de Mme Ramada étaient autorisés à rester au Canada, mais elle n'a pas tenu compte des répercussions d'un éventuel départ du Canada sur Ruthe. En effet, en tant que mère seul soutien de famille, Mme Ramada avait naturellement l'intention de rentrer au Portugal avec ses enfants.

[7]         Jprouve quelques réticences à accueillir cette demande de contrôle judiciaire, soucieux de

ne pas imposer aux agents d'exécution l'obligation de procéder à une analyse approfondie des circonstances personnelles des personnes visées par une mesure de renvoi. Évidemment, les agents ne sont pas en mesure dvaluer tous les éléments de preuve qui pourraient être pertinents à une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Leur rôle est important mais relativement limité. À mon avis, l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire ne devrait être mis en question par la Cour que dans les cas où ils ont omis de tenir compte d'un facteur important ou commis une erreur grave dans lvaluation de la situation de la personne visée par une mesure de renvoi.

[8]         Dans les circonstances, j'accueillerai la demande de contrôle judiciaire. Les parties n'ont

proposé aucune question de portée générale aux fins de la certification; aucune question ne sera donc certifiée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.       La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.       Aucune question de portée générale n'est certifiée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


Annexe

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Enforceable removal order

48. (2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Mesure de renvoi

48. (2) L'étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-7029-04

INTITULÉ:                                         MARIA RITA TEIXEIRA RAMADA

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA       

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 8 AOÛT 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                      LE 18 AOÛT 2005                

COMPARUTIONS:

Brena Parnes                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Neeta Logsetty                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman et associés                                    POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)                                           

John H. Sims, c.r.                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada            

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