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Date : 20210520


Dossier : T‑376‑21

Référence : 2021 CF 471

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 mai 2021

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

MCCLINTOCK’S SKI SCHOOL & PRO SHOP INC.

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La présente demande de contrôle judiciaire vise les décisions prises par une agente du Programme de protection de la navigation de Transports Canada au titre de la Loi sur les eaux navigables canadiennes, LRC 1985, c N‑22 [LENC]. McClintock’s Ski School & Pro Shop Inc. [l’école de ski ou la demanderesse] conteste le pouvoir de l’agente d’exiger la présentation de demandes visant l’approbation de ses trois parcours de ski nautique, ainsi que son refus de deux de ces trois demandes. La demande est introduite au titre de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7.

Contexte

[2] La demanderesse allègue que le premier parcours de ski nautique sur le Puslinch Lake, un parcours de slalom, a été mis en place par des propriétaires riverains du nord du lac autour de 1950 [parcours nord]. Un deuxième parcours du même type a été mis en place par des propriétaires riverains du côté sud du lac autour de 1952 [parcours sud]. Le Puslinch Lake Water Ski Club [PLWSC], établi en 1962, a mis en place la même année un troisième parcours de slalom sur le côté ouest du lac [parcours ouest].

[3] McClintock’s Ski School & Pro Shop Inc., qui est en activité depuis 1978, est la successeure de la Cam‑Ann Water Ski School (1958‑1978) et du PLWSC (1950‑1958). L’école de ski est une entreprise familiale dont Jaime et Jason McClintock sont les propriétaires et opérateurs. Cette école utilise les trois parcours de ski nautique dans le cadre de ses opérations commerciales; le parcours nord comprend également un parcours de saut en parallèle.

[4] La demanderesse explique que le parcours nord comprend une série de 26 bouées, chacune fixée à deux parpaings reposant sur le fond du lac, et un système central de câbles de fixation installés sous la vase, pour les parcours de slalom et de saut. Il y a aussi des bouées de chronométrage à chaque extrémité du parcours de slalom; le parcours de saut comprend huit autres bouées et la rampe. Le parcours sud est aménagé de la même manière, mais ne comprend ni rampe de saut ni système de câbles. La demanderesse affirme que les parpaings du parcours sud n’ont pas été changés depuis 1962 et que les parpaings et le système de câbles du parcours nord ne l’ont pas été depuis 1972.

[5] D’après la demanderesse, la saison de l’école de ski va de mai à octobre; l’école est ouverte tous les jours entre 9 h et 17 h les fins de semaine et entre 9 h et 18 h les jours de semaine. Cette école organise de nombreux événements de ski nautique nationaux et internationaux et entraîne de nombreux champions du monde, champions panaméricains et olympiens.

[6] À la fin juillet et au début d’août 2020, Transports Canada a reçu trois plaintes concernant les parcours de ski nautique de la demanderesse et a ouvert un dossier. Le 14 août 2020, l’agente a informé l’école de ski par courriel que le Programme de protection de la navigation [PPN] était responsable de l’administration de la LENC, laquelle interdit la construction ou la mise en place d’« ouvrages » dans, sur, sous ou à travers une voie navigable en contravention des exigences de la Loi. L’agente précisait qu’il avait été porté à l’attention du PPN que de multiples parcours de slalom sur le Puslinch Lake pouvaient avoir été mis en place depuis l’entrée en vigueur de la LENC le 28 août 2019, que ces parcours étaient considérés comme des « ouvrages » au sens de la LENC et que, à ce titre, leur construction, mise en place, modification, reconstruction, enlèvement ou déclassement devaient faire l’objet d’un examen et d’une approbation. Sans l’informer des plaintes, l’agente a enjoint à la demanderesse de soumettre une demande de manière à ce que les ouvrages puissent être rendus conformes.

[7] La demanderesse a soumis des demandes d’approbation à l’égard de chacun des trois parcours de ski nautique le 6 septembre 2020. Entre cette date et le 29 octobre 2020, elle a communiqué à diverses reprises avec l’agente et fourni les renseignements supplémentaires requis.

[8] Le 29 octobre 2020, l’école de ski a publié, dans le cadre du processus d’approbation et conformément aux exigences de la LENC, un avis d’un jour à l’égard de chacune des trois demandes d’approbation [avis]. Cet avis informait le public des demandes visant l’approbation des ouvrages décrits, à savoir les parcours de ski nautique, et précisait que des commentaires écrits concernant l’effet des ouvrages sur la navigation maritime pouvaient être soumis pour examen s’ils étaient reçus au plus tard 30 jours après la publication de l’avis.

[9] De nombreux commentaires ont été reçus, dont la plupart étaient anonymes et opposés à l’octroi des approbations.

[10] Dans un courriel daté du 2 décembre 2020, l’agente a informé la demanderesse qu’un certain nombre de commentaires concernant la navigation avaient été reçus, surtout à l’égard des parcours nord et sud, ajoutant qu’il existait une possibilité que ces parcours, tels qu’ils étaient alors situés, ne soient pas approuvés.

[11] Lors d’un appel téléphonique du 27 janvier 2021 et dans un courriel daté du lendemain, l’agente a informé la demanderesse que Transports Canada délivrerait l’approbation pour le parcours ouest, mais que les demandes relatives aux parcours nord et sud seraient refusées. Dans le même courriel, elle explique les motifs du refus. Dans un courriel de réponse envoyé le lendemain, la demanderesse a fait part de son désaccord avec la position préliminaire de Transports Canada, déclarant qu’elle estimait avoir le droit à une possibilité raisonnable de fournir des renseignements et de répondre aux questions soulevées avant qu’une décision aussi importante ayant un impact sur la vie et le gagne‑pain d’un grand nombre de personnes ne soit rendue.

[12] Dans un courriel daté du 29 janvier 2021, l’agente a informé la demanderesse que les refus seraient probablement communiqués au début de la semaine suivante et que la demanderesse [traduction] « aura la possibilité, pour répondre aux questions que nous avons soulevées, de soumettre une nouvelle demande d’approbation à l’égard d’un nouvel emplacement sur le lac ».

[13] L’agente a officiellement rejeté les demandes relatives aux parcours nord et sud dans des lettres datées du 1er février 2021.

Décisions sous contrôle

[14] Dans les lettres de décision en question, l’agente déclare que les demandes d’approbation ont été évaluées à l’aune des facteurs énoncés au paragraphe 7(7) de la LENC et qu’il a été décidé que l’approbation ne pouvait être délivrée attendu que le degré d’entrave à la navigation avait été jugé inacceptable. Cette décision était fondée sur les caractéristiques du Puslinch Lake, la sécurité de la navigation sur le lac, l’incidence des ouvrages sur la navigation, et les commentaires publics ayant été reçus.

[15] S’agissant du parcours nord, la lettre de décision pertinente indique ce qui suit :

[TRADUCTION]

Ce parcours est situé dans le principal couloir navigable de la partie nord du lac. Compte tenu de la forte concentration de trafic, d’activités et d’ouvrages (embarcations, nageurs, quais, parcours de slalom et rampe de saut, hydravions) dans cette partie du lac, cette zone est extrêmement encombrée et présente un problème de sécurité publique pour les usagers de la voie navigable. La proximité de ce parcours de slalom avec le rivage ne laisse pas de dégagement horizontal suffisant pour naviguer en toute sécurité ou pratiquer d’autres activités nautiques dans cette partie du lac. La fréquence élevée d’utilisation de ce parcours ne permet pas aux embarcations, à propulsion mécanique ou humaine, de naviguer en toute sécurité vers ou depuis la rive ou d’utiliser le moindrement cette partie de la voie navigable. Ce parcours comprend également une rampe de saut, dont la présence affecte la circulation environnante, car il est plus probable qu’un skieur en tombe, ce qui peut obliger les embarcations à faire demi‑tour et à naviguer hors des paramètres établis par les bouées du parcours, voire à se rapprocher de la côte. La présence de ce parcours de slalom a des répercussions cumulatives sur les propriétaires riverains, les ouvrages adjacents et les autres embarcations, qui ne peuvent être atténuées.

[16] La lettre de décision concernant le parcours sud indique ce qui suit :

[TRADUCTION]

Ce parcours est situé dans le seul passage navigable de la partie sud du lac. Il bloque actuellement le passage sûr. La restriction du dégagement horizontal est trop importante pour que les autres embarcations puissent passer en toute sécurité. La présence de ce parcours de slalom a des répercussions cumulatives sur les propriétaires riverains, les ouvrages adjacents et les autres embarcations, qui ne peuvent être atténuées.

[17] Les deux lettres précisent que l’ouvrage ne peut être approuvé à son emplacement actuel et qu’il doit être enlevé au plus tard le 31 mai 2021. Le PPN était disposé à examiner une nouvelle demande au cas où la demanderesse souhaiterait proposer un nouvel emplacement.

Législation

[18] Les dispositions les plus pertinentes de la LENC figurent en annexe A des présents motifs.

Questions à trancher

[19] À mon avis, les questions à trancher peuvent être formulées comme suit :

Questions préliminaires :

  1. Le défendeur est‑il tenu de produire certains éléments de preuve au moyen d’un affidavit?

  2. La demanderesse devrait‑elle se voir accorder l’autorisation de déposer des affidavits complémentaires (requête fondée sur l’article 312 des Règles)?

Questions de fond :

  1. Quelles sont les normes de contrôle applicables?

  2. Le PPN était‑il autorisé à exiger la présentation des demandes d’approbation?

  3. La demanderesse a‑t‑elle été privée d’équité procédurale dans le cadre du processus d’approbation?

  4. Le refus des demandes d’approbation était‑il raisonnable?

Question préliminaire 1 : Le défendeur est‑il tenu de produire la preuve du dossier certifié du tribunal (DCT) au moyen d’un affidavit?

[20] La demanderesse fait valoir que l’agente ne peut invoquer ses notes ou le DCT pour en attester la véracité et qu’elle doit présenter tout élément sur lequel elle entend s’appuyer au moyen d’un affidavit. Elle cite à l’appui de cet argument les décisions Tajgardoon c Canada (2000), [2001] 1 CF 591 (CF 1re inst.); Chou c Canada (2000), 190 FTR 78 (CF 1re inst.), conf. par 2001 CAF 299; et Wang c Canada, [1991] 2 CF 165 (CF 1re inst.).

[21] La demanderesse laisse entendre aussi que le DCT est lacunaire en ce qu’il a été expurgé sans justification et qu’il semble y manquer des documents, y compris des communications internes du PPN. Elle affirme que le DCT a été [traduction] « apprêté » par l’agente qui l’a [traduction] « épuré dans un souci d’utilité plutôt que de pertinence », en contravention de la présomption selon laquelle tout le dossier doit être produit (citant Nguesso c Canada, 2015 CF 102 aux para 87‑89, 93). Toujours d’après la demanderesse, le DCT contient du [traduction] « ouï‑dire contesté » qui n’est ni nécessaire ni digne de foi et il serait manifestement injuste que l’agente puisse produire le dossier qu’elle a apprêté au lieu d’une preuve par affidavit, tout en se soustrayant au contre‑interrogatoire.

[22] Inversement, le défendeur fait valoir qu’une partie défenderesse n’est pas tenue de soumettre une preuve par affidavit et que l’alinéa 310(2)c.1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], lui permet d’inclure dans son dossier tout document ou élément matériel certifié et transmis en application de l’article 318 des Règles, sans qu’un affidavit ne soit nécessaire. Il invoque la décision Hinton c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 7, à l’appui de cette position et ajoute que la demanderesse n’a fourni aucune preuve étayant son accusation voulant que le DCT ait été apprêté. Aussi, s’agissant de l’idée de la demanderesse selon laquelle le contenu du DCT ne peut être invoqué, le défendeur affirme que la question dont notre Cour est saisie est de savoir si les décisions de l’agente étaient raisonnables et équitables sur le plan procédural, compte tenu du droit et du dossier dont elle disposait.

Analyse

[23] À mon avis, les observations de la demanderesse selon lesquelles l’agente doit soumettre au moyen d’un affidavit le contenu du dossier dont elle disposait lorsqu’elle a rendu ses décisions sont infondées.

[24] L’article 310 des Règles énonce les exigences touchant au contenu du dossier du défendeur, dans lequel doivent notamment figurer les affidavits et pièces documentaires à l’appui de sa position (al 310(2)b)). Et comme le faisait remarquer le défendeur, son dossier doit, aux termes de l’alinéa 310(2)c.1), inclure tout document ou élément matériel certifié par un office fédéral et transmis en application de l’article 318 des Règles qu’il entend utiliser à l’audition de la demande et qui n’est pas contenu dans le dossier du demandeur.

[25] Selon le paragraphe 317(1) des Règles, toute partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés. En l’espèce, la demanderesse n’a pas demandé le DCT. C’est plutôt le défendeur qui a fait la demande le 10 mars 2021. L’agente a certifié, suivant les articles 317 et 318 des Règles, que le dossier joint (annexes A et B) contenait des copies authentiques de tous les documents dont le défendeur avait la possession et qui étaient pertinents au regard des décisions rendues le 1er février 2021 de refuser les demandes d’approbation des parcours nord et sud. Le 6 avril 2021, le défendeur a fourni les annexes A et B du DCT à la Cour et à la demanderesse. Le 8 avril suivant, son avocate a informé par courriel l’avocat de la demanderesse avoir remarqué en examinant le DCT que la correspondance reçue par l’agente, mais non prise en compte par cette dernière pour rendre sa décision, ne figurait pas dans le DCT parce qu’elle avait été jugée dépourvue de pertinence au regard de l’affaire à trancher. L’avocate a toutefois demandé à ce que la correspondance soit compilée et fournie à la demanderesse. Le 12 avril 2021, l’agente a fourni l’annexe C du DCT, dont le contenu est décrit comme des [traduction] « commentaires publics datés entre le 8 novembre 2020 et le 14 janvier 2021, reçus et examinés par Transports Canada, mais omis par erreur du DCT daté du 1er avril 2021 ».

[26] Ainsi, l’agente devait fournir une copie certifiée conforme de tous les documents et éléments matériels, pertinents au regard des demandes, qui se trouvaient en sa possession lorsqu’elle a rendu ses décisions. La pertinence renvoie aux motifs invoqués en faveur du contrôle dans l’avis de demande (Canada (Commission des droits de la personne) c Pathak, [1995] 2 CF 455 (CAF) autorisation d’appel à la CSC refusée (1995), 198 NR 237n (CSC); Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 au para 109). Elle n’était pas obligée de fournir le moindre document ou élément matériel par voie d’affidavit. Par ailleurs, le défendeur n’est nullement tenu de soumettre une telle preuve. Comme l’a estimé la Cour dans la décision Tajgardoon, le défendeur doit uniquement déposer les affidavits qu’il entend invoquer. S’il n’y en a pas, il n’est pas nécessaire d’en déposer. Par ailleurs, le dossier produit au moyen du DCT n’atteste pas la véracité de son contenu, mais il est admissible pour établir les motifs de la décision (Tajgardoon, aux para 10‑12; Chou, aux para 13, 16). Nous ne sommes pas non plus en présence d’un cas où le défendeur entend invoquer les notes ou le mémoire préparé par une agente pour attester les faits auxquels ces documents se réfèrent – c’est‑à‑dire pour prouver la véracité de leur contenu, auquel cas ils devraient être adoptés à titre de preuve de l’agente présentée au moyen d’un affidavit (voir Jahazi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 242).

[27] Je noterais aussi que les trois décisions invoquées par la demanderesse ont toutes été rendues dans le contexte de l’immigration. La jurisprudence établit clairement que les notes de l’agent consignées dans le Système mondial de gestion des cas ou SMGC (le successeur du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration ou STIDI, cité dans la décision Tajgardoon) font partie des motifs de la décision rendue à l’égard d’une demande d’immigration (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 44).

[28] En bref, je ne souscris pas à la position de la demanderesse selon laquelle l’agente devrait être tenue d’attester la véracité du contenu du DCT au moyen d’un affidavit. Elle ne pourrait pas non plus le faire à l’égard d’une grande partie des documents en cause, comme les plaintes reçues en réponse à l’avis. Le DCT représente les documents et éléments matériels pertinents dont était saisie la décideure lorsqu’elle a rendu les décisions et les motifs y afférents. Même si la demanderesse est libre de signaler certains aspects du dossier dont elle estime qu’ils n’étayent pas le caractère raisonnable des décisions ou confirment son allégation de manquement à l’équité procédurale, elle ne peut pas forcer l’agente ou le défendeur à déposer des éléments de preuve au moyen d’un affidavit. L’article 310 des Règles autorise le défendeur à inclure des documents et éléments matériels du DCT dans son dossier de demande, sans avoir à les joindre à un affidavit (Premières Nations de Cold Lake c Noel, 2018 CAF 72 au para 26).

[29] S’agissant de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle le DCT est lacunaire parce qu’il a été expurgé sans justification, cet argument semble être lié au fait que l’agente a caviardé le nom de ceux qui ont déposé les plaintes à l’origine de l’enquête et répondu à l’avis, dont un grand nombre ont demandé à rester anonymes en alléguant une crainte de représailles. La demanderesse n’explique pas comment le fait de connaître l’identité de ces individus ferait avancer son dossier, mais laisse entendre que les plaintes auraient pu toutes provenir d’une seule personne. Comme les préoccupations et les plaintes réelles figurent dans le DCT, je ne vois pas en quoi ces caviardages sont préjudiciables à la demanderesse et par ailleurs, son assertion quant à leur auteur commun est conjecturale. De toute façon, la demanderesse n’a pas introduit de requête pour forcer le défendeur à produire les identités caviardées ou d’autres documents et éléments matériels, comme les communications internes du PPN, dont elle prétend qu’ils pourraient être manquants au DCT.

Question préliminaire 2 : La demanderesse devrait‑elle se voir accorder l’autorisation de déposer des affidavits complémentaires?

[30] Le 21 avril 2021, la demanderesse a déposé une requête sollicitant l’autorisation de déposer deux affidavits complémentaires : un affidavit en réponse de Jaime‑Lyn McClintock, établi sous serment le 14 avril 2021 [affidavit McClintock no 3] et un affidavit de Rosalie Fischetti, assistante juridique chez Fernandes Hearn s.r.l., le cabinet d’avocats qui la représente, établi sous serment le 21 avril 2021 [affidavit Fischetti].

[31] Aucune pièce n’est jointe à l’affidavit McClintock no 3. Ce document, qui a pour objet déclaré de répondre aux documents et éléments matériels figurant dans le DCT, affirme que les plaintes ayant amené le PPN à exiger que l’école de ski soumette des demandes en vue de l’approbation des trois parcours de ski nautique ne lui ont pas été divulguées. Il répond à certains renseignements contenus dans les commentaires publics reçus par le PPN en réponse à l’avis, et dont Mme McClintock affirme qu’ils sont faux. Il conteste aussi les hypothèses utilisées par l’agente pour calculer la zone de sécurité requise pour le parcours nord ainsi que le défaut de cette dernière de lui avoir donné la possibilité de dissiper ses préoccupations avant de refuser les demandes.

[32] L’affidavit Fischetti fournit des renseignements contextuels concernant la demande et la production du DCT, les communications entre les avocats quant au calendrier de dépôt du DCT, le dépôt des affidavits, les contre‑interrogatoires, le dépôt avant l’audience des mémoires des faits et du droit, le dépôt de l’annexe C du DCT, l’intention de la demanderesse de signifier et de déposer un affidavit en réponse, l’objection du défendeur à cet égard et l’avis de la demanderesse indiquant qu’elle solliciterait l’autorisation de la Cour pour déposer l’affidavit en réponse. Les communications sont jointes en pièces à l’affidavit Fischetti.

[33] La demanderesse fait valoir que le dépôt d’affidavits complémentaires devrait être autorisé en vertu de l’article 312 des Règles lorsque la preuve est admissible et pertinente et que cette autorisation sert en outre l’intérêt de la justice. À cet égard, les facteurs que doit considérer la Cour au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire sont énoncés dans l’arrêt Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88 [Forest Ethics]. La demanderesse fait valoir qu’il est dans l’intérêt de la justice d’autoriser le dépôt des affidavits attendu qu’ils ne causeront aucun préjudice au défendeur, qu’ils aideront la Cour à trancher les questions liées à l’équité procédurale et au caractère raisonnable des refus et elle ajoute que la preuve ne lui était pas accessible avant la date à laquelle les affidavits devaient être soumis au titre de l’article 306 des Règles.

[34] La demanderesse soutient que l’affidavit McClintock no 3 appuie son allégation de non‑respect par la décideure de l’obligation d’équité procédurale puisqu’il établit que l’essentiel des plaintes déposées contre les demandes d’approbation ne lui a pas été communiqué; elle ajoute qu’elle aurait pu répondre si elle en avait eu la possibilité. L’affidavit établit également que les hypothèses de l’agente quant à la situation étaient fausses.

[35] L’affidavit Fischetti établit l’admission par l’avocate du défendeur du défaut de l’agente de prendre en compte les documents et éléments matériels figurant à l’annexe C du DCT qui lui avaient été soumis, y compris les commentaires favorables aux demandes qui réfutaient les préoccupations en matière de navigabilité. Pour la demanderesse, le fait qu’ils n’ont pas été pris en compte renvoie à la question de savoir si la procédure était équitable et les décisions raisonnables.

[36] La demanderesse fait valoir que la preuve contenue dans les affidavits complémentaires ne lui était pas accessible avant la date à laquelle elle devait déposer ses affidavits au titre de l’article 306 des Règles, dans les 30 jours suivant le 26 février 2021. L’affidavit McClintock no 3 répond aux renseignements contenus dans le DCT, qui a été fourni à la demanderesse le 2 avril 2021, tandis que l’affidavit Fischetti présente des éléments de preuve qui n’existaient pas lors du dépôt de ses affidavits initiaux. L’admission de ces affidavits ne causera pas non plus de préjudice grave ou substantiel au défendeur.

[37] Le défendeur n’a pas déposé de dossier de requête en réponse et ne s’oppose pas à la requête de la demanderesse en autorisation de déposer les affidavits en réponse.

Analyse

[38] L’article 312 des Règles autorise une partie à déposer des affidavits supplémentaires avec l’autorisation de la Cour. Dans l’arrêt Forest Ethics (aux para 4‑6; voir aussi Connolly c Canada (Procureur général), 2014 CAF 294 au para 6), la Cour d’appel fédérale énonce les exigences à remplir pour obtenir une autorisation au titre de cette disposition. Premièrement, le demandeur doit satisfaire à deux exigences préliminaires :

(1) La preuve doit être admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire. En règle générale, le dossier dont est saisie la cour de révision est habituellement composé des documents dont était saisi le décideur. Il y a cependant des exceptions à ce principe;

(2) L’élément de preuve doit être pertinent quant à une question que la cour de révision est appelée à trancher.

[39] Si ces deux exigences préliminaires sont remplies, le demandeur doit alors convaincre la Cour qu’elle devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et accorder l’autorisation. Trois questions ont été cernées pour aider la Cour à déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder l’autorisation au titre de l’article 312 des Règles :

a) Est‑ce que la partie avait accès aux éléments de preuve dont elle demande l’admission au moment où elle a déposé ses affidavits en application de l’article 306 ou 308 des Règles, selon le cas, ou aurait‑elle pu y avoir accès en faisant preuve de diligence raisonnable?

b) Est‑ce que la preuve sera utile à la Cour, en ce sens qu’elle est pertinente quant à la question à trancher et que sa valeur probante est suffisante pour influer sur l’issue de l’affaire?

c) Est‑ce que l’admission des éléments de preuve entraînera un préjudice important ou grave pour l’autre partie?

(voir aussi l’arrêt Tsleil‑Waututh Nation, aux para 10‑16).

[40] En règle générale, le dossier de preuve dont dispose la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire se limite à celui dont était saisi le décideur. La preuve qui n’a pas été présentée à ce dernier, et qui concerne le fond de l’affaire, n’est pas admissible, sous réserve de certaines exceptions limitées (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency, 2012 CAF 22; Bernard c Agence du revenu du Canada, 2015 CAF 263 au para 35).

[41] La première exception concerne le cas d’un affidavit qui fournit des renseignements généraux susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions pertinentes au regard du contrôle judiciaire; cependant, il faudra s’assurer que l’affidavit ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve concernant le fond de la question déjà tranchée par le décideur administratif. La deuxième exception vise la preuve qui porte à l’attention de la cour de révision des vices de procédure non décelables dans le dossier de preuve du décideur administratif, et permet ainsi à la Cour de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale. La troisième exception porte sur la preuve qui fait ressortir l’absence totale d’éléments dont disposait le décideur administratif lorsqu’il a tiré une conclusion particulière.

[42] Je suis convaincue que, dans les circonstances, l’affidavit McClintock no 3 et l’affidavit Fischetti sont pertinents au regard des questions d’équité procédurale et du caractère raisonnable soulevées par la demanderesse dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Par ailleurs, je suis convaincue que la preuve n’aurait pas pu être soumise avant la date à laquelle la demanderesse était tenue de présenter les affidavits au titre de l’article 306 des Règles. L’affidavit McClintock no 3 répond aux documents et éléments matériels du DCT qui n’ont été fournis à la demanderesse qu’après le dépôt de ses affidavits initiaux. L’affidavit Fischetti fournit principalement des renseignements contextuels quant à la chronologie des événements, en particulier la date à laquelle le DCT et l’annexe C y afférente ont été fournis à la demanderesse, ainsi que des éléments de preuve expliquant pourquoi cette annexe a été soumise, lesquels n’étaient pas accessibles lors du dépôt des affidavits initiaux. Le défendeur n’affirme pas que le dépôt des affidavits lui sera préjudiciable, et la preuve qu’ils contiennent aidera la Cour à trancher les questions touchant à l’équité procédurale et au caractère raisonnable des refus. Par conséquent, il est dans l’intérêt de la justice d’accorder l’autorisation de déposer les affidavits.

Norme de contrôle

Position de la demanderesse

[43] La demanderesse fait valoir que la norme de contrôle présumée s’appliquer est celle du caractère raisonnable, et cite à cet égard l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.

[44] S’agissant de l’équité procédurale, elle soutient que les préoccupations de cet ordre [traduction] « se recoupent désormais considérablement avec le contrôle selon la norme du caractère raisonnable requis par l’arrêt Vavilov en ce qui concerne le processus en cause ».

[45] La demanderesse soutient que la question de savoir si l’agente pouvait, au titre d’un pouvoir prévu par la loi, l’obliger à présenter des demandes d’approbation au titre de l’article 10 devrait être soumise à la norme de la décision correcte attendu que l’article 10 de la LENC énonce la procédure d’approbation d’ouvrages nouveaux ou à venir. En l’absence d’une intention législative claire, cette disposition ne peut s’appliquer de manière rétroactive à un projet qui remonte aux années 1950. La présomption d’application de la norme du caractère raisonnable est réfutée lorsque la règle de droit l’exige, comme c’est le cas pour cette question.

Position du défendeur

[46] S’appuyant sur l’arrêt Vavilov, le défendeur fait valoir que la norme du caractère raisonnable est présumée s’appliquer à toutes les décisions administratives, à moins que l’intention du législateur ou que la règle de droit n’exige le contraire. En l’espèce, la présomption n’est pas réfutée. Le défendeur soutient semble‑t‑il que la norme du caractère raisonnable s’applique aux questions d’équité procédurale, puisqu’il affirme ce qui suit : [traduction] « S’agissant de l’équité procédurale, la question que pose la norme du caractère raisonnable est de savoir si la procédure était équitable compte tenu de l’ensemble des circonstances et en parlant d’équité, la question est de savoir si la demanderesse connaissait les arguments qu’elle devait réfuter et si elle a eu la possibilité de répondre ».

Analyse

[47] Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a établi que la norme du caractère raisonnable est présumée s’appliquer dès qu’une cour de justice contrôle une décision administrative (Vavilov, aux para 16, 23, 25). Cette présomption peut être réfutée dans deux cas. Dans le premier, le législateur prescrit la norme de contrôle ou prévoit dans la loi un mécanisme d’appel, signalant ainsi qu’il souhaite imposer des normes applicables en appel (Vavilov, aux para 17, 33). Dans le second cas, la règle de droit exige l’application de la norme de la décision correcte à l’égard de certaines catégories de questions, à savoir les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, aux para 17, 53). Les questions de fond soulevées par la demanderesse ne relèvent d’aucune de ces catégories.

[48] La cour de révision qui applique la norme du caractère raisonnable doit « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, aux para 15, 99). Lorsque la décision repose sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qu’elle est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti, elle est raisonnable et la cour de révision doit faire preuve de déférence à son endroit (Vavilov, au para 85).

[49] Je note aussi que lorsqu’elle a évoqué les modalités du contrôle suivant la norme de la décision raisonnable mené par une cour de révision (Vavilov, aux para 73‑142), la Cour suprême a examiné les principes d’interprétation des lois comme un élément de l’analyse selon cette norme, estimant que les questions de cet ordre ne reçoivent pas un traitement exceptionnel et qu’elles peuvent, comme toute autre question de droit, être évaluées selon la norme de la décision raisonnable (Vavilov, au para 115). L’observation de la demanderesse concernant l’application rétroactive de la LENC intéresse des principes d’interprétation législative, qui doivent également être évalués selon la norme de la décision raisonnable. Cela ne soulève pas de questions de règle de droit qui, comme le précise l’arrêt Vavilov, appellent l’application de la norme de la décision correcte. Et de toute façon, pour les motifs énoncés ci‑après, le contexte factuel de la présente affaire n’appuie pas une application rétrospective de la LENC.

[50] Les questions d’équité procédurale sont soumises à la norme de la décision correcte (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43; et Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79).

[51] Et comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Oleynik c Canada (Procureur général), 2020 CAF 5, au para 39, en citant sa décision dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au para 54, le contrôle judiciaire applicable aux questions d’équité procédurale est « particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte ». Aucune déférence n’est témoignée au décideur d’instance inférieure à l’égard de ces questions (Del Vecchio c Canada (Procureur général), 2018 CAF 168 au para 4).

Question 1 : Le PPN était‑il autorisé à exiger la présentation des demandes d’approbation?

Position de la demanderesse

[52] La demanderesse fait valoir qu’aucun pouvoir d’origine législative n’autorisait l’agente à lui ordonner de présenter les demandes au titre de l’article 10 de la LENC. Ses parcours de ski nautique ont été construits avant l’entrée en vigueur de cette loi et n’ont pas été modifiés depuis. La LENC n’a pas d’effet rétroactif ou rétrospectif et l’application du processus d’approbation prévu au paragraphe 10(1) vise les ouvrages futurs; elle ne peut pas servir à régulariser ou à « aligner » un projet des années 1950. Le PPN aurait pu mener une enquête au titre de l’article 13 de la LENC lorsqu’il a reçu les plaintes à l’origine de l’enquête, mais a exigé au lieu de cela la conformité à l’article 10 qui renvoie au processus d’approbation des ouvrages nouveaux, de modification ou de déclassement d’ouvrages, et non à des ouvrages existants.

Position du défendeur

[53] Le défendeur fait valoir que l’instruction donnée à la demanderesse de solliciter l’approbation des ouvrages en cause devait permettre à l’agente de déterminer si les approbations étaient justifiées au titre du paragraphe 7(13) de la LENC, et non de l’article 10 comme elle le prétend.

[54] Le défendeur soutient que la demanderesse était tenue de se conformer à l’article 10 avant de « mettre en place » ses ouvrages dans le lac. Le fait qu’elle n’a jamais demandé ou obtenu d’approbation pour les parcours de ski nautique n’enlève rien à son obligation de se conformer à la LENC ni ne l’amoindrit. Et comme les ouvrages ont été mis en place sans veiller au respect de l’article 10, l’agente s’est demandé s’il était justifié dans les circonstances d’approuver leur mise en place après le fait, au titre du paragraphe 7(13) [motifs écrits, aux para 26‑28].

Analyse

[55] Dans son courriel initial adressé à la demanderesse, l’agente déclarait que le PPN était responsable de l’administration de la LENC, laquelle interdit la construction ou la mise en place d’« ouvrages » dans, sur, sous ou à travers une voie navigable en contravention des exigences de la LENC. Elle ajoute qu’il a été porté à l’attention du PPN que de multiples parcours de slalom pourraient avoir été « mis en place » depuis l’entrée en vigueur de la LENC le 28 août 2019 et que les parcours sont considérés comme des ouvrages au sens de la LENC dont la construction, la mise en place, la modification, la reconstruction, l’enlèvement ou le déclassement doivent faire l’objet d’un examen et d’une approbation. L’agente a enjoint à la demanderesse de présenter une demande d’approbation de manière à ce que les ouvrages puissent être rendus conformes.

[56] Le terme « ouvrage » est défini à l’article 2 de la LENC comme comprenant « les constructions, dispositifs ou autres choses d’origine humaine, qu’ils soient temporaires ou permanents ». Par ailleurs, l’article 3 prévoit qu’il est interdit de construire, de mettre en place, de modifier, de reconstruire, d’enlever ou de déclasser un ouvrage dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables ou au‑dessus de celles‑ci, sauf si cela est fait en conformité avec la loi.

[57] Il convient de noter que la demanderesse a décrit en ces termes le parcours nord dans la demande qu’elle a présentée :

[TRADUCTION]

Le parcours comprend un total de 26 bouées, auquel s’ajoutent les huit bouées supplémentaires du parcours de saut. Le parcours nord, d’une longueur de 400 m et d’une largeur de 40 m, s’étend d’ouest en est, parallèlement au rivage. L’extrémité du parcours se trouve à 50 m du rivage. Chaque bouée est maintenue en place et attachée à un flotteur sous‑marin à l’aide d’un sandow, qui est lui‑même fixé à un bloc de béton de mâchefer à l’aide d’une corde marine.

[58] Des descriptions semblables figurent dans les autres demandes.

[59] Après que les demandes ont été soumises, l’agente a réclamé à la demanderesse des renseignements supplémentaires au sujet des bouées. La demanderesse a expliqué que dans les parcours nord et ouest, des câbles sont installés le long de la ligne médiane des guides bateaux (bouées du milieu) et reposent dans la vase. Les bouées du parcours sud sont ancrées individuellement. Toutes les bouées indiquant un virage sur les parcours sont ancrées individuellement. D’après le schéma du système de bouées qui a été présenté, chaque bouée est ancrée par deux parpaings à environ deux mètres de la surface. La ligne d’ancrage est composée d’un mètre de corde attachée aux parpaings, d’une bouée sous‑marine, d’un sandow d’un mètre et de la bouée de surface.

[60] Lorsque la demanderesse a reçu pour instruction de soumettre des demandes pour ses parcours de ski nautique, aucune distinction n’a été faite entre les composantes permanentes des parcours sur le lit du lac et les composantes au‑dessus du lit. Cependant, la demanderesse ne conteste pas le fait que les bouées sont retirées à la fin de chaque saison de ski nautique puis réinstallées au début de la saison suivante. Il ressort aussi clairement du dossier que l’agente savait que les bouées sont [traduction] « mises en place » chaque printemps. Par exemple, dans son courriel du 2 décembre 2020 informant la demanderesse qu’elle espérait rendre ses décisions avant l’été suivant, l’agente déclare : [traduction] « [M]ais je vous rappelle que les parcours (ou plutôt les bouées et la rampe de saut) ne peuvent pas être réinstallés avant que les approbations requises ne soient reçues »; puis dans son courriel du 28 janvier 2021 informant la demanderesse que les demandes d’approbation pour les parcours nord et sud seraient refusées, l’agente déclare : [traduction] « Les demandes relatives aux parcours nord et sud ayant été refusées, vous allez devoir les enlever. Les ancrages en béton peuvent être laissés en place, mais toutes les installations situées au‑dessus du lit de la voie navigable doivent être enlevées ».

[61] Les bouées indicatrices et la rampe auraient été dernièrement installées au printemps 2020. L’agente a enjoint à la demanderesse de soumettre des demandes d’approbation en août suivant. Suivant une simple lecture de la définition du terme « ouvrages », les composantes au‑dessus de la surface des parcours – les bouées et la rampe de saut – tomberaient sous le coup de « constructions, dispositifs ou autres choses d’origine humaine, qu’ils soient temporaires ou permanents ».

[62] L’agente n’a pas précisé sur quelle disposition de la LENC elle s’appuyait pour enjoindre à la demanderesse de soumettre des demandes visant l’approbation des parcours.

[63] Selon le paragraphe 10(1), le propriétaire qui se propose de construire, de mettre en place, de modifier, de reconstruire, d’enlever ou de déclasser un ouvrage dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables autres que celles mentionnées à l’annexe (ce qui inclurait le Lake Puslinch) doit prendre l’une des deux mesures énoncées si l’ouvrage, ou sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, etc. est susceptible de gêner la navigation. La première de ces mesures consiste à présenter une demande d’approbation (al 10(1)a)). La demanderesse fait valoir que le paragraphe 10(1) est inapplicable attendu qu’il vise des projets d’ouvrages et que les parcours étaient déjà en place. Je note toutefois que le paragraphe 10(2) prévoit que toute demande faite en application de l’alinéa 10(1)a) est réputée être une demande présentée en vertu du paragraphe 5(1). Le paragraphe 7(1) prévoit que s’il est d’avis que l’ouvrage faisant l’objet de la demande d’approbation présentée en vertu du paragraphe 5(1), ou sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, son enlèvement ou son déclassement est susceptible de gêner la navigation, le ministre en informe par écrit le propriétaire et ce dernier ne peut alors aller de l’avant que si le ministre délivre une approbation relativement à l’ouvrage. Cependant, selon le paragraphe 7(13) de la LENC, le ministre peut, s’il estime que les circonstances le justifient, approuver la mise en place d’un ouvrage après le début des travaux en cause ou une fois ceux‑ci achevés.

[64] En août 2020, les bouées avaient déjà été mises en place pour la saison sans qu’une approbation préalable n’ait été obtenue. L’agente pouvait donc, selon la disposition déterminative du paragraphe 10(2) ainsi que des paragraphes 5(1) et 7(13), enjoindre à la demanderesse de solliciter l’approbation après la mise en place et de décider si les approbations devaient être accordées ou refusées. Par conséquent, l’agente a fait sa demande après l’entrée en vigueur de la loi. Aucune question ne se pose quant à l’application rétrospective de la LENC. Je note que, dans ses décisions, l’agente n’a pas exigé le retrait des ancres des bouées en parpaing, vraisemblablement parce qu’elles n’étaient pas présumées gêner la navigation et qu’elles ne tombaient donc pas sous le coup des approbations au titre de la LENC.

Question 2 : La demanderesse a‑t‑elle été privée d’équité procédurale dans le cadre du processus d’approbation?

Position de la demanderesse

[65] La demanderesse fait valoir qu’elle n’a pas bénéficié de la possibilité ou de moyens procéduraux de présenter des observations concernant une [traduction] « enquête cachée » attendu qu’elle n’a pu ni examiner les plaintes à l’origine de l’enquête ou les commentaires reçus en réponse à l’avis ni y répondre. Et lorsqu’elle a été informée que les approbations seraient probablement refusées, elle n’a pas eu la possibilité de présenter ses arguments et de les soumettre à un examen exhaustif et équitable. La seule option dont elle disposait était de soumettre une nouvelle demande. Par ailleurs, le fait que l’agente s’est excessivement appuyée sur les commentaires reçus en réponse à l’avis et qu’elle n’a pas considéré les commentaires favorables ni mené sa propre enquête atteste un aveuglement volontaire, une injustice et une certaine partialité.

Position du défendeur

[66] Le défendeur fait valoir que l’agente a expliqué les renseignements requis aux fins des demandes, a apporté son aide à la demanderesse tout au long du processus et lui a permis de corriger ou de compléter les renseignements qu’elle avait fournis. La correspondance entre la demanderesse et l’agente ainsi que l’examen détaillé par cette dernière des données et des renseignements figurant dans le DCT attestent que le processus était transparent, exhaustif et équitable. Le dossier a également été examiné par une collègue et les stratégies d’atténuation proposées par l’examinatrice ont été discutées avec la demanderesse.

[67] Par ailleurs, rien dans la LENC n’oblige l’agente à transmettre les commentaires publics à la demanderesse ou à la laisser y répondre. La demanderesse ne cite pas non plus de précédent confirmant qu’elle aurait dû avoir la possibilité de présenter des observations supplémentaires lorsque l’agente a déterminé que les parcours gênaient la navigation à un degré inacceptable. Aussi, elle ne donne aucune indication quant aux arguments qu’elle aurait fait valoir et qu’elle n’a pas pu présenter durant le processus de demande. Le défendeur soutient qu’il n’était pas inopportun de ne pas la laisser présenter des observations supplémentaires une fois qu’une décision avait été rendue. À ce moment‑là, elle pouvait déposer une nouvelle demande d’approbation relativement à un nouvel emplacement proposé et c’est ce qu’elle a fait.

[68] Le défendeur soutient qu’il a en fin de compte été déterminé, en se basant sur les mesures transmises par la demanderesse et à l’aide de l’équation mathématique fournie dans les Lignes directrices pour l’évaluation des répercussions sur la navigation, que le dégagement horizontal était insuffisant pour assurer la sécurité de la navigation dans les parcours sud et nord.

[69] Le défendeur fait valoir qu’un grand nombre des commentaires formulés dans les observations publiques concernaient des questions ne relevant pas de la compétence de Transports Canada et ils n’ont donc pas été pris en compte.

Analyse

[70] Il ressort des documents contenus dans le DCT que la demande par laquelle le PPN a enjoint à la demanderesse de soumettre des demandes d’approbation était fondée sur trois plaintes transmises par courriel. Le premier courriel, datant du 28 juillet 2020, comprend des photographies aériennes du Puslinch Lake annotées par le plaignant pour y indiquer divers éléments, notamment les parcours de ski nautique, ainsi qu’une énumération de ses préoccupations. L’agente note que le plaignant tenait à rester anonyme, et son nom est caviardé du DCT. Une deuxième plainte a été soumise le 4 août 2020 en faisant référence à la première. Une carte censée représenter les parcours était jointe à une troisième plainte, reçue le 31 juillet 2020 et alléguant des obstructions à la navigation, en particulier les parcours de ski nautique et les rampes de saut. Ce plaignant demandait à ce que sa plainte demeure confidentielle, alléguant que [traduction] « ceux qui ont mis en place les parcours de ski nautique se sont livrés à plusieurs reprises et sur une longue période à des actes d’intimidation illicites à l’encontre d’autres usagers du lac, notamment en violant régulièrement les lois sur la sécurité nautique, en proférant des menaces de violence physique et en commettant des actes de violence physique ».

[71] Le défendeur ne conteste pas que la demanderesse n’a pas été informée de ces plaintes ni que ce sont lesdites plaintes qui ont amené l’agente à lui enjoindre de soumettre des demandes en vue de l’approbation des parcours.

[72] Lorsqu’elle a fourni des renseignements à l’appui de la demande, la demanderesse ignorait donc totalement que des préoccupations précises et réelles avaient été portées à l’attention du PPN et que la demande de l’agente ne visait pas simplement à obtenir les approbations dans le souci de préserver l’ordre public.

[73] L’avis requis a été affiché le 29 octobre 2020 dans le cadre du processus d’approbation. Les commentaires publics à l’égard de la demande d’approbation devaient être reçus au plus tard 30 jours après. L’annexe A du DCT contient les plaintes reçues du 1er au 29 novembre 2020 pour le parcours nord et l’annexe B, les plaintes reçues du 2 au 27 novembre 2020 pour le parcours sud.

[74] Un grand nombre de ces plaintes contiennent des renseignements qui ne sont pas directement pertinents au regard de la question que l’agente devait examiner. Par exemple, les auteurs des lettres se plaignent des faits suivants : les opérateurs de l’école de ski monopolisent le lac sur lequel ils règnent en maîtres, ils se comportent comme si le lac leur appartenait et ne respectent pas les autres usagers; les bateaux de l’école de ski naviguent agressivement et de manière intimidante pour les autres usagers du lac – les opérateurs crient aux gens de s’écarter du chemin, foncent sur les autres usagers et ne leur laissent pas suffisamment de temps pour traverser le parcours en toute sécurité, ils submergent délibérément les pédalos et les autres usagers, naviguent dangereusement, et n’utilisent pas de signaux avertisseurs, etc.; l’école de ski dérange la faune, fonce notamment sur des cygnes et d’autres oiseaux, et s’est procuré un permis pour tuer les cygnes jugés gênants pour les skieurs; les activités de l’école de ski ont une incidence sur la qualité de l’eau du lac; ces activités sont bruyantes et dérangent les autres propriétaires; l’école de ski ne contribue pas de manière proportionnelle aux efforts déployés pour préserver la santé du lac, etc.

[75] S’ils sont avérés, ces commentaires pourraient très bien établir que l’école de ski n’entretient pas des rapports de bon voisinage, ou pourraient suffire à fonder d’autres types de plaintes; cependant, cela n’est pas pertinent au regard de la question que l’agente devait trancher de savoir si les parcours de ski nautique compromettaient la sécurité de la navigation.

[76] Les lettres soulèvent aussi des questions directement liées à la sécurité de la navigation, par exemple : la distance entre les parcours et la rive et la capacité de les contourner en toute sécurité; le lien entre l’utilisation des parcours avec d’autres usagers du lac et la sécurité de ces usagers, comme les nageurs, les pagayeurs‑planchistes, les kayakistes, les canoteurs et autres; la petite taille du lac et l’incidence des parcours sur la sécurité de la navigation dans cet espace limité compte tenu de la multiplicité des usagers du lac, les obstructions naturelles et les zones peu profondes; le fait que les parcours et la rampe ne sont pas rendus visibles aux fins de la navigation nocturne, etc. Certains des commentaires publics étaient très détaillés et comprenaient des photographies aériennes avec des annotations et des mesures insérées par leurs auteurs.

[77] L’agente a appris aussi en lisant les commentaires publics que ceux qui s’opposaient aux approbations demandaient presque uniformément à demeurer anonymes en raison d’une prétendue crainte de représailles de l’école de ski. Par ailleurs, et plus important encore, que certains résidents se servaient de l’exigence de l’avis comme d’une plateforme pour tenter de fermer l’école de ski. Un courriel provenant de Lake Residents closeskischool@gmail.com, mentionne un courriel précédent encourageant les résidents du lac à faire connaître leurs opinions à Transports Canada et déclare de qui suit : [traduction] « Il est bien évident que de nombreuses personnes ont eu des expériences négatives ou dangereuses avec l’école de ski et aimeraient la voir disparaître, mais cela ne se produira pas tant que vous n’enverrez pas de lettres ou de courriels faisant état de vos préoccupations et de vos expériences [au PPN] ». Une réponse au même courriel indique que l’expéditeur soutient à 100 % l’idée d’une fermeture de l’école de ski parce qu’elle est bruyante et que ses employés sont brusques et indélicats.

[78] Jaime McClintock a également mis en garde l’agente contre cette campagne, lui transmettant un message du 18 novembre 2020 de Lake Residents closeskischool@gmail.com. Ce courriel, qui mentionne que l’école de ski a dû demander des permis pour poursuivre ses activités l’été suivant, demande instamment aux résidents du lac de faire connaître leurs opinions et fournit une « lettre formatée » pouvant être soumise à cet égard de manière anonyme; le courriel laissait entendre que tous les adultes de chaque foyer devaient envoyer leur opposition.

[79] L’annexe A du DCT comprend un tableau matriciel de tous les commentaires d’opposition concernant le parcours nord. D’après les renseignements fournis dans le DCT et provenant du champ [traduction] « Évaluation interne de l’incidence sur la navigation » de la base de données Navlnfo, le parcours [traduction] « semble être situé sur la seule voie navigable sûre au nord du lac », et les commentaires publics ont confirmé qu’il bloque la navigation, rendue extrêmement difficile par son utilisation fréquente. Du fait de l’emplacement du parcours, les riverains qui possèdent des quais parallèles à celui‑ci ne peuvent pas quitter leur quai en toute sécurité et se diriger directement vers le plan d’eau. Pour s’engager dans le plan d’eau, les embarcations doivent naviguer très près du rivage, ce qui est dangereux en raison du grand nombre d’activités nautiques (natation, ski, embarcations à rames).

[80] Il ressort du résumé de l’examen final de la navigation issu du champ [traduction] « Examen interne achevé » de la base de données Navlnfo, figurant en annexe A, que les conclusions de l’agente reposent presque exclusivement sur les commentaires publics. Toujours d’après le résumé, ces commentaires ont amené le PPN à calculer le dégagement horizontal entre les bouées et le rivage pour étayer ses décisions, et le PPN a reçu une photographie (provenant de l’une des observations publiques s’opposant à l’approbation des parcours) sur laquelle figure une série de bouées non mentionnées dans la demande. Le PPN affirme qu’il s’est servi de cette série de bouées (à 40 mètres du rivage) dans ses calculs, d’après lesquels le dégagement horizontal disponible est de 29 m alors qu’un espace de 39,5 m est nécessaire pour assurer la sécurité de la circulation à double sens et permettre l’utilisation du parcours. Le résumé jugeait pertinent de noter que plusieurs lettres de soutien avaient été reçues à l’égard des trois demandes de la part de résidents locaux et de Water Ski Wakeboard Ontario, ajoutant toutefois [traduction] « qu’aucune des lettres ne contestait/contredisait les préoccupations soulevées à l’égard de la navigation ».

[81] Bien entendu, aucune des personnes favorables aux approbations ne connaissait le contenu des observations soumises par les opposants. Il était donc peu probable qu’elles contestent les préoccupations précises en matière de navigation contenues dans ces observations. Et en fait, certaines des lettres de soutien (subséquemment fournies en annexe C) abordent des sujets liés à navigation. L’une indique que les parcours sont situés dans un endroit idéal et qu’ils ne posent aucun problème de sécurité ou de navigation et que les skieurs nautiques ont tendance à rester proches des parcours de slalom et à laisser le reste du lac aux autres. Par ailleurs, que l’usage du lac par des propriétaires non riverains avait considérablement augmenté cet été en raison de la pandémie au point de rendre la situation ingérable et possiblement dangereuse. La rampe privée de mise à l’eau avait ainsi dû être fermée au public, ce qui avait permis d’améliorer la circulation des bateaux et l’usage du lac. D’autres lettres mentionnent également ce point. Certaines indiquent l’emplacement des parcours et précisent qu’ils sont sûrs, qu’ils soient en usage ou pas, et évoquent l’emplacement général des parcours et la possibilité de les contourner en toute sécurité.

[82] Le défendeur soutient toutefois que, en fin de compte, l’analyse de l’agente se résume à son calcul du dégagement horizontal. L’agente s’est servie d’une formule figurant dans l’« Élaboration d’un document d’orientation sur l’enveloppe de navigation sécuritaire » [Guide de TC] de Transports Canada pour calculer un dégagement horizontal de 21,5 mètres nécessaires de chaque côté du parcours nord. Elle a ajouté 30 mètres à cette zone de sécurité obligatoire en indiquant s’être basée sur un document d’orientation de l’International Waterski and Wakeboard Federation, concluant ainsi qu’une zone de sécurité de 51,5 mètres était requise de chaque côté du parcours nord. Le dossier n’indique pas clairement comment ce chiffre a été concilié avec la zone de sécurité requise de 39,5 mètres précédemment déterminée par l’agente.

[83] Le DCT contient également un document intitulé « How to Lay Out a Slalom Course » [Comment aménager un parcours de slalom]. À part de dire que [traduction] « le texte et les dessins sont de Bruce Kistler », les auteurs du document ne sont pas identifiés à première vue. Sur une page distincte du DCT, nous pouvons lire : « Source : International Waterski & Wakeboard Federation (wsf.com) ». Bien qu’il ne s’agisse pas du bon site Web, comme l’a indiqué l’avocat de la demanderesse, le document est répertorié et hyperlié sur le site Web de l’International Waterski & Wakeboard Federation, sous l’onglet « Other Waterski Information » [Autres renseignements sur le ski nautique] [Document Kistler].

[84] Avant de rendre ses décisions, l’agente n’a pas informé la demanderesse que le Guide de TC ou qu’une zone de sécurité supplémentaire basée sur l’ouvrage « How to Lay Out a Slalom Course » était utilisé pour calculer une zone de sécurité horizontale. Dans un courriel du 1er février 2021 envoyé après que l’agente l’eut informée que ses demandes relatives aux parcours nord et sud avaient été refusées, la demanderesse s’interrogeait, aux fins de la recherche de nouveaux emplacements et de la présentation de demandes afférentes, sur les calculs ou exigences légales ayant été utilisés pour déterminer la navigabilité. Dans un courriel envoyé en réponse le 3 février 2021, l’agente déclarait qu’il devait y avoir au moins 51,5 mètres d’eau navigable claire depuis les extrémités extérieures du parcours de slalom (bouées ou rampes de saut) des deux côtés du parcours, sans préciser la source de ce calcul.

[85] Cela est particulièrement pertinent au regard du commentaire dans les notes de l’agente portant que malgré la réception d’une lettre de soutien de Water Ski Wakeboard Ontario, ni cette lettre ni aucun des commentaires favorables [traduction] « ne contestait/contredisait les préoccupations soulevées à l’égard de la navigation ». L’agente a également reçu une lettre datée du 25 novembre 2020 de Ski nautique et planche Canada, qui se présente comme l’organe dirigeant des sports aquatiques tractés. Cette lettre indique qu’il n’existe que peu de parcours de slalom reconnus au Canada pour les entraînements et les compétitions de haut niveau, que l’école de ski offre l’un de ces sites et qu’il s’agit aussi de l’une des meilleures écoles de ski au Canada. La lettre se termine en invitant le PPN à contacter directement son auteur en cas de questions ou si des renseignements supplémentaires étaient requis à l’appui de la demande. Comme ni la demanderesse ni Ski nautique et planche Canada n’ont été informées que le dégagement horizontal était calculé suivant le Guide de TC et plus important encore, qu’une zone de sécurité nautique supplémentaire était ajoutée à ce chiffre sur la base du document Kistler, l’on ne pouvait s’attendre de manière réaliste à ce que l’un d’eux contredise les préoccupations liées à la navigation et corrigées par ce calcul ou le calcul lui‑même.

[86] En l’espèce, les commentaires publics défavorables reçus par l’agente étaient certainement plus nombreux que les commentaires positifs. Mais l’agente était au fait de la campagne visant la fermeture de l’école de ski. Malgré cela, ses résumés indiquent qu’elle s’est considérablement appuyée sur les commentaires négatifs, notamment les photographies annotées et les mesures qu’elles indiquaient, pour tirer ses conclusions. L’agente n’a pas visité elle‑même le Puslinch Lake. La « Directive sur la reprise partielle des inspections sur le terrain pendant la pandémie Covid‑19 » de TC/du PPN est incluse dans le DCT. Ce document indique, dans la section réservée au contexte, que seuls les déplacements d’urgence sont approuvés depuis le début de la pandémie. Cependant, la directive autorise les déplacements dûment approuvés.

[87] À mon avis, si l’agente n’a pas pu se rendre elle‑même sur le lac pour effectuer son évaluation, elle aurait dû, dans l’intérêt de la justice, faire part de ses préoccupations à la demanderesse et lui donner la possibilité de les dissiper, plutôt que de s’appuyer, de manière presque exclusive semble‑t‑il, sur les commentaires d’opposition, étayant ensuite sa conclusion fondée sur ces commentaires et formulée en se servant du Guide de TC et élargissant la zone de sécurité de 30 mètres sur la base d’un document non divulgué, le document Kistler.

[88] Le défendeur fait valoir que le PPN n’est pas tenu, au titre de la LENC, d’informer les demandeurs des plaintes à l’origine d’une enquête ou de préoccupations soulevées dans les commentaires publics ni de leur donner la possibilité de répondre. Ceci est vrai, mais ne supplante pas les obligations de l’agente au titre de l’équité procédurale. De même, le défendeur affirme que l’agente n’était pas tenue, aux termes du paragraphe 7(13), de permettre à la demanderesse de présenter des demandes d’approbation des parcours après leur mise en place, mais qu’elle aurait pu tout simplement ordonner qu’ils soient enlevés au titre du paragraphe 13(1). En présumant que les exigences de cette disposition ont été remplies, j’ai du mal à imaginer que l’agente puisse tout simplement exiger l’enlèvement des parcours sans accorder à la demanderesse une certaine forme d’équité procédurale.

[89] Par ailleurs, le défendeur invoque l’article 10 de la LENC pour étayer le pouvoir de l’agente d’exiger la présentation de demandes d’approbation. Comme je l’ai déjà indiqué, l’agente était autorisée, selon la disposition déterminative du paragraphe 10(2) et des paragraphes 5(1) et 7(13), d’enjoindre à la demanderesse de solliciter l’approbation après la mise en place et de décider si les approbations devaient être accordées ou refusées. Selon le paragraphe 7(1), s’il est d’avis que l’ouvrage faisant l’objet de la demande d’approbation présentée en vertu du paragraphe 5(1) est susceptible de gêner la navigation, le ministre « en informe par écrit le propriétaire » et ce dernier ne peut alors aller de l’avant que si le ministre délivre une approbation relativement à l’ouvrage. Cela suggère un certain degré d’équité procédurale. Cependant, en l’espèce, l’agente n’a pas informé la demanderesse qu’elle craignait que les parcours puissent gêner la navigation. Elle lui a plutôt indiqué qu’elle n’avait pas sollicité d’approbations, mais qu’elle devait le faire pour que les ouvrages soient rendus conformes.

[90] Il convient également de noter qu’une autre collègue de l’agente a effectué un examen le 25 janvier 2021 – quoique le dossier ne précise pas exactement les éléments qui lui ont été fournis lorsqu’elle a été sollicitée. Cette collègue affirme dans le cadre de son évaluation que les plaintes des usagers de la voie navigable soulèvent toutes des préoccupations qui doivent être abordées. L’examinatrice déclare qu’avant d’approuver ou de refuser quoi que ce soit, elle fournirait à l’auteur de la proposition (l’école de ski) un résumé des préoccupations (en s’assurant que la source des déclarations ne puisse pas être identifiée) et lui donnerait la possibilité d’y répondre. Cela amènerait idéalement l’école de ski à choisir de nouveaux emplacements de parcours susceptibles de dissiper les préoccupations, et (ou) à inviter les intervenants à un processus collaboratif pour parvenir à un plan d’usage commun. Toujours d’après sa collègue examinatrice, l’agente, en donnant à l’auteur de la proposition la possibilité de résoudre le problème se montrerait ainsi équitable et minutieuse dans sa démarche, ce qui serait important en cas de litige. Pour ce qui est du parcours ouest, l’examinatrice a fait savoir que du point de vue strict de la navigation, la surface d’eau libre était amplement suffisante pour permettre l’usage commun de cette zone. Les usagers n’avaient pas besoin de naviguer dans le périmètre du parcours pour le contourner. Le parcours nord présentait les problèmes les plus graves en termes de sécurité et l’examinatrice a déclaré qu’elle préférerait qu’il soit repositionné plus loin de la rive. Le parcours sud gênait le plus la navigation, mais il était peut‑être possible d’atténuer les effets, ce qui pouvait par contre en limiter l’utilisation. La collègue examinatrice affirmait en fin de compte qu’elle appuyait l’évaluation de l’agente à ce jour, mais elle lui suggérait de faire part de ses conclusions à l’école de ski pour tenter de trouver une solution avant de rendre une décision finale; si aucune solution n’était proposée, l’agente serait alors très bien placée pour délivrer les refus sur la base de la procédure suivie.

[91] L’agente n’a pas suivi cette suggestion. Au lieu de cela, elle a indiqué dans son courriel du 28 janvier 2021 que les approbations pour les parcours nord et sud seraient refusées en exposant les motifs de sa décision.

[92] La demanderesse a déclaré en réponse qu’elle estimait avoir droit à une opportunité raisonnable de fournir des renseignements et de répondre aux questions soulevées avant que l’agente ne rende formellement ses décisions. Je note que dans un courriel daté du 9 décembre 2020, la demanderesse avait déjà expliqué par écrit à l’agente l’incidence financière qu’aurait sur ses activités et sur les étudiants de ski la fermeture d’au moins un parcours. Dans un courriel du 29 janvier 2021, l’agente déclarait que la demanderesse aurait la possibilité de répondre aux questions soulevées par le PPN en présentant de nouvelles demandes d’approbation de nouveaux emplacements sur le lac, sans toutefois divulguer le fondement des préoccupations soulevées ou la manière dont la distance du dégagement horizontal avait été calculée.

[93] À mon avis, dans les circonstances particulières de la présente affaire, l’agente devait faire preuve d’équité procédurale envers la demanderesse. Elle rendait une décision administrative qui affectait « [s]es droits, [s]es privilèges ou [s]es biens » (Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643, à la p. 653; Baker, au para 20). L’agente savait aussi que les activités de l’école de ski dépendaient de l’utilisation des parcours de ski nautique. Quant au contenu de l’obligation d’équité procédurale, la « notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas » (Knight c Indian Head School Division No 19, [1990] 1 RCS 653, à la p. 682; Baker, au para 21). En l’espèce, compte tenu des circonstances et des facteurs de l’arrêt Baker, je conclus que la demanderesse devait, au titre de l’obligation d’équité, être avisée des préoccupations soulevées par les plaintes à l’origine de l’enquête et du contenu général des réponses défavorables à l’avis, et avoir aussi la possibilité de répondre aux commentaires avant que l’agente ne rende une décision finale. Elle avait également le droit de savoir comment la zone de sécurité horizontale avait été calculée. Je note que contrairement à ce que fait valoir le défendeur dans ses observations écrites, le DCT indique que la demanderesse n’a pas été informée, avant que les lettres de décision formelles n’aient été envoyées, qu’une distance de 51,5 mètres d’eau claire navigable était nécessaire. Les lettres de décision sont datées du 1er février 2021 et le courriel de l’agente répondant à la question de l’école de ski quant à la zone de sécurité horizontale remonte au 3 février suivant. L’agente n’a pas divulgué, même à ce moment‑là, qu’en plus du calcul inspiré du Guide de TC, elle s’était appuyée sur le document Kistler. Je n’ai rien trouvé non plus dans le DCT qui appuie l’observation du défendeur selon laquelle l’agente a discuté avec la demanderesse des stratégies d’atténuation proposées par sa collègue examinatrice avant de rendre ses décisions.

[94] Quant à la centaine d’affidavits pratiquement identiques soumis par la demanderesse après que les décisions eurent été rendues – ils n’avaient pas été présentés à la décideure lorsqu’elle a rendu sa décision. Ils sont ainsi inadmissibles dans la mesure où ils portent sur le fond de la question dont était saisie l’agente. Cependant, dans le contexte de l’équité procédurale, ils ont de l’importance. Ces affidavits indiquent tous que leurs auteurs sont favorables à l’usage continu des parcours, que les parcours ne compromettent pas la navigabilité du lac, que la zone du parcours nord n’est pas congestionnée, que ce parcours ne bloque ni ne gêne la navigation, et qu’il peut être contourné en toute sécurité lorsqu’il est en usage; que le parcours sud ne bloque ni n’entrave les passages sûrs et qu’il permet un dégagement horizontal suffisant pour assurer la sécurité de la navigation et d’autres activités aquatiques; les auteurs précisent que les parcours ne soulèvent pour eux aucune préoccupation en matière de navigation. Ainsi, si l’agente l’avait avisée de la substance des préoccupations soulevées par les opposants aux approbations, la demanderesse aurait pu présenter en réponse des renseignements que l’agente aurait pu considérer et pondérer dans son évaluation.

[95] En somme, il ne ressort guère du dossier que l’agente s’est rendue elle‑même sur le Puslinch Lake; elle s’est surtout appuyée sur les commentaires des opposants à l’école de ski pour rendre sa décision. Elle savait que l’exigence de l’avis servait de plateforme pour tenter de fermer l’école de ski. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, l’agente aurait dû, comme le lui a suggéré sa collègue, faire part de ses préoccupations à l’école de ski et lui donner la possibilité de répondre.

Question 3 : Le refus des demandes d’approbation était‑il raisonnable?

[96] Comme j’ai conclu que l’agente a contrevenu à l’obligation d’équité procédurale, il n’est pas nécessaire que je me penche sur le caractère raisonnable de ses décisions (Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643, à la p. 661), notamment sur son examen des documents fournis en annexe C du DCT.

Dépens

[97] Lorsqu’elles ont comparu devant moi, les parties ont indiqué qu’elles n’avaient pas discuté du montant des dépens (voir l’Avis aux parties et à la Communauté juridique, les dépens dans la Cour fédérale du 30 novembre 2010), mais qu’elles allaient se consulter et informer la Cour de l’issue de leurs discussions. Dans une lettre ultérieure datée du 11 mai 2021, elles affirment qu’elles n’ont pas réussi à s’entendre sur la question, mais qu’elles sont disposées à soumettre des mémoires de frais ou à présenter des observations concernant les dépens.

[98] Compte tenu du pouvoir discrétionnaire de la Cour à l’égard des dépens prévu à l’article 400 des Règles, j’ai conclu que la demanderesse se verra adjuger ses dépens suivant l’échelon inférieur de la colonne III du tarif B.


JUGEMENT dans le dossier T‑376‑21

LA COUR STATUE que :

  1. Il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire. Les décisions du 1er février 2021 refusant les demandes d’approbation pour les parcours nord et sud sont annulées et les affaires sont renvoyées à un autre agent du Programme de protection de la navigation pour qu’il rende une nouvelle décision de manière accélérée, en tenant compte des présents motifs et du fait que la saison de ski nautique de 2021 s’ouvrira à la fin de ce mois;

  2. La demanderesse se voit adjuger ses dépens suivant l’échelon inférieur de la colonne III du tarif B.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


Annexe A

Loi sur les eaux navigables canadiennes, LRC 1985, c N‑22

Définitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

ouvrage Sont compris parmi les ouvrages :

a) les constructions, dispositifs ou autres choses d’origine humaine, qu’ils soient temporaires ou permanents, notamment ceux servant à réparer ou à entretenir un autre ouvrage;

b) les déversements de remblais dans des eaux navigables ou les excavations ou dragages de matériaux tirés du lit d’eaux navigables. (work)

[…]

Ouvrages

3 Sauf si cela est fait en conformité avec la présente loi, il est interdit de construire, de mettre en place, de modifier, de reconstruire, d’enlever ou de déclasser un ouvrage dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables ou au‑dessus de celles‑ci.

Demande d’approbation

5 (1) Le propriétaire qui se propose de construire, de mettre en place, de modifier, de reconstruire, d’enlever ou de déclasser un des ouvrages ci‑après présente une demande d’approbation au ministre, selon les modalités précisées par celui‑ci, notamment quant aux renseignements à y joindre, si l’ouvrage, ou sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, son enlèvement ou son déclassement, est susceptible de gêner la navigation :

a) un ouvrage majeur dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables ou au‑dessus de celles‑ci;

b) un ouvrage, autre qu’un ouvrage mineur, dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables mentionnées à l’annexe ou au‑dessus de celles‑ci.

Ouvrages connexes

(2) Le ministre peut considérer comme un seul ouvrage des ouvrages qui, selon lui, ont un lien entre eux.

Renseignements supplémentaires

(3) Pour décider si l’ouvrage, ou sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, son enlèvement ou son déclassement, est susceptible de gêner la navigation, le ministre peut exiger que le propriétaire lui fournisse tout renseignement supplémentaire qu’il estime indiqué.

Navigation non gênée

6 S’il est d’avis que l’ouvrage faisant l’objet de la demande d’approbation présentée en vertu du paragraphe 5(1), ou sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, son enlèvement ou son déclassement, ne gênerait pas la navigation, notamment en changeant les niveaux d’eau ou les débits d’eau des eaux navigables, le ministre en informe par écrit le propriétaire et aucune approbation n’est requise aux termes du paragraphe 7(6) relativement à cet ouvrage, ou à sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, son enlèvement ou son déclassement.

Navigation gênée

7 (1) S’il est d’avis que l’ouvrage faisant l’objet de la demande d’approbation présentée en vertu du paragraphe 5(1), ou sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, son enlèvement ou son déclassement, est susceptible de gêner la navigation, notamment en changeant les niveaux d’eau ou les débits d’eau des eaux navigables, le ministre en informe par écrit le propriétaire et ce dernier ne peut construire, mettre en place, modifier, reconstruire, enlever ou déclasser l’ouvrage que si le ministre délivre une approbation relativement à l’ouvrage.

Renseignement

(2) Le propriétaire dépose tout renseignement que le ministre précise, à tout lieu que celui‑ci détermine.

Avis

(3) Le propriétaire publie un avis contenant les renseignements que le ministre précise de la manière que celui‑ci détermine.

Période de commentaires

(4) Cet avis invite les intéressés à présenter par écrit au ministre, dans les trente jours suivant sa publication ou dans tout autre délai fixé par ce dernier, leurs commentaires à l’égard de la proposition du propriétaire.

Exemption

(5) Le ministre peut soustraire à l’application des paragraphes (2) ou (3), selon le cas, le propriétaire, s’il est convaincu que ce dernier a déjà déposé suffisamment de renseignements à un lieu déterminé par lui ou a déjà publié un avis suffisant.

Approbation

(6) S’il l’estime indiqué dans les circonstances, le ministre peut délivrer une approbation relativement à l’ouvrage, y compris son emplacement et ses plans.

Examen : facteurs

(7) Pour décider s’il délivre l’approbation, le ministre tient compte des renseignements et des facteurs suivants :

a) les caractéristiques des eaux navigables en cause;

b) la sécurité de la navigation dans ces eaux;

c) la navigation actuelle ou anticipée dans ces eaux;

d) l’effet de l’ouvrage sur la navigation notamment du fait de sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, son enlèvement, son déclassement, sa réparation, son entretien, son exploitation ou son utilisation;

e) l’effet de l’ouvrage, combiné à d’autres ouvrages, sur la navigation, si des renseignements relatifs à cet effet cumulatif lui ont été communiqués ou s’il a de tels renseignements en sa possession;

f) les connaissances autochtones qui lui ont été communiquées;

g) les commentaires reçus des intéressés pendant la période visée au paragraphe (4);

h) es antécédents du propriétaire en matière d’observation de la présente loi;

i) tout autre renseignement ou facteur que le ministre estime pertinent.

Renseignements supplémentaires

(8) Pour décider s’il délivre l’approbation, le ministre peut exiger que le propriétaire lui fournisse tout renseignement supplémentaire qu’il estime indiqué.

Conditions

(9) Le ministre peut assortir son approbation des conditions qu’il estime indiquées, notamment exiger :

a) le maintien du niveau d’eau ou du débit d’eau nécessaire à la navigation dans des eaux navigables;

b) la fourniture de sûretés, sous forme de lettre de crédit, de cautionnement ou d’assurance, ou sous toute autre forme jugée satisfaisante par lui.

Effet de l’approbation

(10) L’approbation d’un ouvrage délivrée en vertu du présent article remplace toutes les approbations délivrées antérieurement relativement au même ouvrage.

Zone adjacente

(11) Le ministre peut, dans son approbation, désigner une zone adjacente à l’ouvrage qui est nécessaire à la sécurité des personnes et de la navigation. Pour toute fin liée à l’approbation, la zone adjacente est assimilée à l’ouvrage.

Respect des exigences

(12) Le propriétaire est tenu de se conformer à l’approbation et d’entretenir, d’exploiter et d’utiliser l’ouvrage conformément aux exigences prévues sous le régime de la présente loi.

Approbation après le début des travaux

(13) Le ministre peut, s’il estime que les circonstances le justifient, approuver la construction, la mise en place, la modification, la reconstruction, l’enlèvement ou le déclassement de l’ouvrage après le début des travaux en cause ou une fois ceux‑ci achevés.

[…]

Demande ou avis

10 (1) Le propriétaire qui se propose de construire, de mettre en place, de modifier, de reconstruire, d’enlever ou de déclasser un ouvrage, autre qu’un ouvrage majeur ou mineur, dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables autres que celles mentionnées à l’annexe ou au‑dessus de celles‑ci est tenu, si l’ouvrage, ou sa construction, sa mise en place, sa modification, sa reconstruction, son enlèvement ou son déclassement, est susceptible de gêner la navigation :

a) soit de présenter une demande d’approbation au ministre selon les modalités précisées par celui‑ci, notamment quant aux renseignements à y joindre;

b) soit de déposer tout renseignement que le ministre précise, à tout lieu que celui‑ci détermine, et de publier un avis contenant les renseignements que le ministre précise de la manière que celui‑ci détermine.

Présomption

(2) La demande d’approbation présentée en vertu de l’alinéa (1)a) est réputée être une demande d’approbation présentée en vertu du paragraphe 5(1) et, si une approbation qui fait l’objet de celle‑ci est délivrée en vertu du paragraphe 7(6), l’ouvrage visé par cette approbation est réputé être un ouvrage construit ou mis en place dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables mentionnées à l’annexe ou au‑dessus de celles‑ci.

Période de commentaires

(3) L’avis visé à l’alinéa (1)b) invite les intéressés à présenter par écrit au propriétaire, dans les trente jours suivant sa publication ou dans tout autre délai fixé par règlement, leurs commentaires, en ce qui a trait à la navigation, à l’égard de la proposition.

Application

11 (1) Le présent article s’applique à tout ouvrage dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables ou au‑dessus de celles‑ci qui n’est pas construit, mis en place, modifié, reconstruit, enlevé, déclassé, réparé, entretenu, exploité ou utilisé conformément aux exigences prévues sous le régime de la présente loi.

Pouvoirs du ministre

(2) Le ministre peut :

a) ordonner au propriétaire de l’ouvrage de le réparer, de le modifier ou de l’enlever;

b) au cours de la construction, de la mise en place, de la modification, de la réparation, de la reconstruction, de l’enlèvement ou du déclassement de l’ouvrage, ordonner à quiconque de l’enlever, de le modifier ou de faire toute autre chose à l’égard de l’ouvrage, notamment de prendre les mesures nécessaires à la sécurité de la navigation;

c) lorsque la personne n’obtempère pas à un ordre donné sous le régime des alinéas a) ou b), faire faire toute chose à l’égard de l’ouvrage, notamment enlever ou détruire l’ouvrage ou aliéner — notamment par vente ou don — les matériaux qui le composent;

d) ordonner à quiconque d’arrêter la construction, la mise en place, la modification, la réparation, la reconstruction, l’enlèvement ou le déclassement d’un ouvrage.

[…]

Réparation, modification ou enlèvement

13 (1) Le ministre peut ordonner au propriétaire d’un ouvrage dans, sur, sous ou à travers des eaux navigables ou au‑dessus de celles‑ci de le réparer, de le modifier ou de l’enlever s’il estime, selon le cas, que :

a) depuis sa construction ou sa mise en place, l’ouvrage gêne de façon plus importante la navigation;

b) l’ouvrage présente ou risque de présenter un danger grave et imminent à la navigation;

c) la modification, la réparation ou l’enlèvement de l’ouvrage est dans l’intérêt public.

Ouvrages

(2) Le ministre peut ordonner au propriétaire de faire toute autre chose à l’égard de l’ouvrage, s’il est convaincu que les circonstances l’exigent.

Non‑respect

(3) Lorsque le propriétaire n’obtempère pas à un ordre donné au titre des paragraphes (1) ou (2), le ministre peut faire toute chose à l’égard de l’ouvrage qu’il estime indiquée.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑376‑21

 

INTITULÉ :

MCCLINTOCK’S SKI SCHOOL & PRO SHOP INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE SUR Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 5 mai 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA juge STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

le 20 mai 2021

 

COMPARUTIONS :

Alan S. Cofman

Andrea Fernandes

 

pour la demanderesse

 

Kathryn Hucal

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fernandes Hearn, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour la demanderesse

 

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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