Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050401

Dossier : IMM-7277-04

Référence : 2005 CF 435

Ottawa (Ontario), le 1er avril 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                   STEVEN ANTHONY ROMANS

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une affaire triste et complexe - manifestement, elle a mis à l'épreuve l'aptitude du système d'immigration à s'occuper de personnes atteintes d'une incapacité mentale grave.

[2]                Steven Anthony Romans souffre de schizophrénie paranoïde chronique, et il est convenu qu'il constitue un danger pour la sécurité publique. De 1999 à 2004, M. Romans a été sous la garde de l'Immigration. En août 2004, la détention de M. Romans semblant devoir se prolonger encore pour une période indéterminée, la Section de l'Immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a ordonné sa mise en liberté.


[3]                Compte tenu de l'état mental de M. Romans, le tribunal a refusé de rattacher des conditions à sa mise en liberté.

[4]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée par le ministre, visant cette décision. Le ministre prétend que le tribunal a commis une erreur en omettant de fournir des raisons impérieuses pour mettre en cause les décisions rendues lors des précédents examens des motifs de détention, ainsi que pour conclure que la détention de M. Romans était devenue indéterminée. De plus, le ministre prétend que la décision du tribunal de ne pas rattacher de condition à la mise en liberté de M. Romans était abusive.

[5]                Pour les motifs exposés ci-après, je suis convaincue que le tribunal n'a pas commis d'erreur en décidant de libérer M. Romans de la garde de l'Immigration. Toutefois, compte tenu de la conclusion du tribunal que M. Romans constituait un danger pour la sécurité publique, la décision de ne pas rattacher de condition à sa mise en liberté était manifestement déraisonnable et ne saurait être confirmée.

Contexte

[6]                M. Romans est né en Jamaïque et est venu au Canada à un très jeune âge. Il n'a jamais acquis la citoyenneté canadienne.

[7]                À l'adolescence, les premiers symptômes de la schizophrénie de M. Romans se sont manifestés. Du fait de sa maladie mentale, ou du moins en partie, M. Romans a également ses premières difficultés avec le système judiciaire. Il compte présentement de nombreuses condamnations touchant une gamme variée d'infractions, y compris huit condamnations pour voies de fait simples, ainsi que des condamnations pour agression sexuelle et pour voies de fait causant des lésions corporelles. En plus de condamnations pour d'autres crimes tels que le trafic et la possession de cocaïne, la fraude et le vol, M. Romans a également été reconnu coupable à de nombreuses reprises de défaut de comparaître, de défaut de se conformer aux engagements et de défaut de respecter les conditions de sa probation.

[8]                En avril 1999, à la suite du règlement de certaines affaires criminelles, M. Romans a été mis sous la garde de l'Immigration. En juin de cette année, on a rendu une mesure d'expulsion à son endroit.

[9]                M. Romans a interjeté appel de la mesure d'expulsion auprès de la Section d'appel de l'immigration (SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié; cet appel a été rejeté. La Cour fédérale a imposé un sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion en attendant que l'affaire soit soumise à la Cour suprême du Canada qui, en fin de compte, a refusé à M. Romans l'autorisation d'interjeter appel.

[10]            M. Romans a alors demandé à la SAI de rouvrir son dossier, ce qui lui fut accordé. Le résultat de la nouvelle audience de la SAI n'a pas été favorable à M. Romans, encore une fois. En décembre 2003, le juge Russell de la présente Cour a annulé la décision de la SAI, ordonnant la tenue d'une nouvelle audience devant la SAI. Cette audience a eu lieu en janvier de la présente année, et la SAI a réservé sa décision.

[11]            En plus de son appel en suspens devant la SAI, M. Romans attend la réponse à sa demande de dispense ministérielle fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Il a également présenté une demande au Comité des droits de l'homme des Nations Unies. Même si le Comité des droits de l'homme a manifesté son intérêt à l'égard de la cause de M. Romans, avant de décider s'il désire intervenir dans l'affaire, il attendra que M. Romans ait épuisé tous les recours à sa disposition au Canada.

[12]            Pendant tout ce temps où M. Romans explorait ces voies de recours, il est demeuré sous la garde de l'Immigration. Initialement, il était détenu à la Prison Don, puis on l'a transféré au Centre de détention de la communauté urbaine de Toronto-Ouest. Par la suite, on l'a transféré au Centre de santé mentale de Penetanguishene, où il se trouve encore aujourd'hui.


[13]            Conformément aux exigences des textes législatifs, on procédait régulièrement à des examens des motifs de la détention de M. Romans. Jusqu'à ce que soit rendue la décision mise en cause en l'espèce, ces examens ont eu pour résultat le maintien de la détention de M. Romans, pour le motif qu'il constituait un danger pour la sécurité publique ou qu'il se soustrairait vraisemblablement à son renvoi.

[14]            La détention de M. Romans a de nouveau fait l'objet d'un examen le 22 juillet 2004. C'est la décision rendue au terme de cet examen qui est visée par la présente demande.

La décision du tribunal

[15]            Dans une décision volumineuse, le tribunal a passé en revue l'historique procédural de l'affaire, de même que le dossier médical de M. Romans. Tout en notant que l'état de M. Romans s'était amélioré de temps à autre pendant sa période de détention, au moment de son audience son état s'était à nouveau détérioré et on l'avait jugé inapte à assister à l'audience. Toutefois, il était représenté à l'audience par un conseil, désigné pour lui servir de représentant aux fins des examens des motifs de détention conformément au paragraphe 167(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi).

[16]            À la lumière du dossier ainsi que de ses propres observations antérieures de M. Romans, la présidente de l'audience a conclu que ce dernier constituerait vraisemblablement un danger pour la sécurité publique. Elle a également conclu que, en raison de son état mental, on ne pouvait s'attendre à ce que M. Romans se conforme à des conditions de mise en liberté.

[17]            Tout en étant de manière générale opposé à la mise en liberté de M. Romans pour quelque motif que ce soit, le tribunal a observé que, au cours de ces longues procédures, le ministre a à l'occasion fait valoir que M. Romans pouvait être mis en liberté, pourvu que des solutions de rechange appropriées soient mises en place pour prendre soin de ce dernier.

[18]            À cet égard, la présidente de l'audience a signalé que, au début de 2003, on avait reçu de l'information selon laquelle M. Romans subirait un examen en vue de déterminer s'il fallait le détenir aux termes des dispositions de la Loi sur la santé mentale de l'Ontario. Toutefois, cette démarche semble avoir été abandonnée.

[19]            Après avoir examiné les dispositions législatives pertinentes, la présidente a signalé que le pouvoir de maintenir la détention de M. Romans existe uniquement aux fins d'assurer son renvoi du Canada. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés n'autorise pas la détention d'une personne en vue de permettre ou d'imposer un traitement médical.

[20]            Le tribunal a signalé qu'il y avait une mesure d'expulsion valide à l'encontre de M. Romans en vigueur depuis 1999, et que des dispositions avaient été prises à l'été de 2001 en vue de son renvoi. Toutefois, plus de trois ans plus tard, ce renvoi n'a toujours pas eu lieu.


[21]            Le tribunal a poursuivi en signalant que, à la lumière des procédures en suspens ayant trait à M. Romans, son renvoi était reporté à un avenir indéterminé. Compte tenu de cette situation, le tribunal a examiné si le maintien de la détention de M. Romans était conforme aux principes de justice fondamentale aux termes de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[22]            En se penchant sur cette question, le tribunal s'est reporté aux facteurs exposés dans la décision de la Cour fédérale Sahin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 214. Autrement dit, le tribunal a examiné les motifs de la détention de M. Romans, la durée de cette détention, les retards ou le manque de diligence imputables à M. Romans, ainsi que les solutions de rechange à la détention.

[23]            Tout en signalant que le fait que M. Romans demeurait un danger pour la sécurité publique militait fortement pour le maintien de sa détention, le tribunal a affirmé que même ce fait ne pouvait justifier ce maintien si la détention est de nature indéterminée, en contravention des principes de la Charte.

[24]            Le tribunal a conclu que, dans la présente affaire, la durée de la détention de M. Romans revêtait une importance particulière. Bien que M. Romans ait été détenu depuis plus de cinq ans, sa cause était loin d'être réglée. Il y avait encore au moins trois processus en suspens et le ministre s'était engagé à ne pas renvoyer M. Romans tant que le Comité des droits de l'homme des Nations Unies ne se sera pas penché sur le dossier. Dans de telles circonstances, le tribunal a conclu qu'il n'y avait tout simplement aucune façon de savoir quand - si jamais - M. Romans serait renvoyé du Canada.


[25]            Pour ce qui est des solutions de rechange à la détention, le tribunal a conclu que les dispositions de la Loi sur la santé mentale de l'Ontario constituaient l'unique solution de rechange réaliste au maintien de la détention de M. Romans aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[26]            Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le tribunal a conclu que la détention de M. Romans se poursuivait de manière indéterminée, ce qui contrevenait à la Charte. Par conséquent, il a ordonné la mise en liberté de M. Romans. Tel que signalé plus tôt dans la présente décision, étant donné l'état mental de M. Romans, le tribunal estimait qu'il ne se conformerait vraisemblablement pas à toute condition de mise en liberté et, par conséquent, n'a pas rattaché de conditions à sa mise en liberté.

Événements survenus après la décision

[27]            Les parties m'ont avisée que, en raison des sérieuses préoccupations liées à la sécurité du public découlant de la décision de mettre en liberté M. Romans, on a immédiatement amorcé des procédures aux termes de la Loi sur la santé mentale de l'Ontario. Dans les 48 heures qui ont suivi la décision du tribunal, la détention de M. Romans a été maintenue en vertu de cette loi. Il demeure encore au Centre de santé mentale de Penetanguishene, mais il y est maintenant un malade en placement non volontaire. Sa vie quotidienne n'a aucunement changé, malgré le changement de son statut.


[28]            Compte tenu de l'incapacité continue de M. Romans, par l'ordonnance du juge Phelan, la mère de M. Romans a été désignée à titre de tuteur à l'instance et un conseil le représentait à l'audition de la présente demande.

Dispositions législatives pertinentes

[29]            Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés :



55. (1) L'agent peut lancer un mandat pour l'arrestation et la détention du résident permanent ou de l'étranger dont il a des motifs raisonnables de croire qu'il est interdit de territoire et qu'il constitue un danger pour la sécurité publique ou se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi.

                                             

57. (1) La section contrôle les motifs justifiant le maintien en détention dans les quarante-huit heures suivant le début de celle-ci, ou dans les meilleurs délais par la suite.

(2) Par la suite, il y a un nouveau contrôle de ces motifs au moins une fois dans les sept jours suivant le premier contrôle, puis au moins tous les trente jours suivant le contrôle précédent.

(3) L'agent amène le résident permanent ou l'étranger

devant la section ou au lieu précisé par celle-ci.

58. (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l'étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

(a) le résident permanent ou l'étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

(b) le résident permanent ou l'étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l'étranger sur preuve qu'il fait l'objet d'un contrôle, d'une enquête ou d'une mesure de renvoi et soit qu'il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu'il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi.

(3) Lorsqu'elle ordonne la mise en liberté d'un résident permanent ou d'un étranger, la section peut imposer les conditions qu'elle estime nécessaires, notamment la remise d'une garantie d'exécution.            

55. (1) An officer may issue a warrant for the arrest and detention of a permanent resident or a foreign national who the officer has reasonable grounds to believe is inadmissible and is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada

57. (1) Within 48 hours after a permanent resident or a foreign national is taken into detention, or without delay afterward, the Immigration Division must review the reasons for the continued detention.

(2) At least once during the seven days following the review under subsection (1), and at least once during each 30-day period following each previous review, the Immigration Division must review the reasons for the continued detention.

(3) In a review under subsection (1) or (2), an officer shall bring the permanent resident or the foreign national before the Immigration Division or to a place specified by it.

58. (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

a) they are a danger to the public;

b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada .

(3) If the Immigration Division orders the release of a permanent resident or a foreign national, it may impose any conditions that it considers necessary, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions .


[30]            Les dispositions suivantes du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés sont également pertinentes :



244. Pour l'application de la section 6 de la partie 1 de la Loi, les critères prévus à la présente partie doivent être pris en compte lors de l'appréciation :

(a) du risque que l'intéressé se soustraie vraisemblablement au contrôle, à l'enquête, au renvoi ou à une procédure pouvant mener à la prise, par le ministre, d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi;

(b) du danger que constitue l'intéressé pour la sécurité publique;

(c) de la question de savoir si l'intéressé est un étranger dont l'identité n'a pas été prouvée.246. Pour l'application de l'alinéa 244b), les critères sont les suivants :

(a) le fait que l'intéressé constitue, de l'avis du ministre aux termes de l'alinéa 101(2)b), des sous-alinéas 113d)(I) ou (ii) ou des alinéas 115(2)a) ou b) de la Loi, un danger pour le public au Canada ou pour la sécurité du Canada;

(b) l'association à une organisation criminelle au sens du paragraphe 121(2) de la Loi;

(c) le fait de s'être livré au passage de clandestins ou le trafic de personnes;

(d) la déclaration de culpabilité au Canada, en vertu d'une loi fédérale, quant à l'une des infractions suivantes :

(i) infraction d'ordre sexuel,

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

(e) la déclaration de culpabilité au Canada quant à une infraction visée à l'une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances :

(i) section 5 (trafficking),

(ii) section 6 (importing and exporting), and

(iii) section 7 (production);

248. S'il est constaté qu'il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu'une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

                                               

(a) le motif de la détention;

(b) la durée de la détention;

(c) l'existence d'éléments permettant l'évaluation de la durée probable de la détention et, dans l'affirmative, cette période de temps;

(d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère ou de l'intéressé;

(e) l'existence de solutions de rechange à la détention.

244. For the purposes of Division 6 of Part 1 of the Act, the factors set out in this Part shall be taken into consideration when assessing whether a person

a) is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2) of the Act;

b) is a danger to the public; or

c) is a foreign national whose identity has not been established.

246. For the purposes of paragraph 244(b), the factors are the following :

a) the fact that the person constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada or a danger to the security of Canada under paragraph 101(2)(b), subparagraph 113(d)(I) or (ii) or paragraph 115(2)(a) or (b) of the Act;

b) association with a criminal organization within the meaning of subsection 121(2) of the Act;

c) engagement in people smuggling or trafficking in persons;

d) conviction in Canada under an Act of Parliament for

(i)a sexual offence, or

(ii) an offence involving violence or weapons;

e) conviction for an offence in Canada under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,

(i) article 5 (trafic),

(ii) article 6 (importation et exportation),

(iii) article 7 (production);

248. If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

a) the reason for detention;

b) the length of time in detention;

c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department or the person concerned; and

e) the existence of alternatives to detention .


Questions

[31]            Le ministre soulève trois questions dans le cadre de la présente demande. Les voici :

1.         Le tribunal a-t-il fourni des raisons impérieuses pour s'écarter des décisions rendues lors des précédents examens des motifs de détention?

2.         Le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant que la détention de M. Romans était devenue indéterminée?

3.         Le tribunal a-t-il commis une erreur en refusant de rattacher des conditions à la mise en liberté de M. Romans?

[32]            À titre de question préliminaire de droit, M. Romans a prétendu qu'il n'y avait pas lieu d'entendre la demande, puisqu'elle est maintenant théorique. Nous aborderons cette question en premier lieu.

L'application est-elle théorique?


[33]            M. Romans fait valoir que, étant donné qu'il est présentement détenu en vertu des dispositions de la Loi sur la santé mentale de l'Ontario, la présente demande est devenue théorique. D'après mon interprétation de son argument, même si le tribunal aurait dû rattacher des conditions à sa mise en liberté de façon à l'obliger à poursuivre son traitement au Centre de santé mentale de Penetanguishene, le fait est qu'il suit présentement un traitement dans cet établissement à titre de malade en placement non volontaire.

[34]            D'après M. Romans, la situation concrète est qu'il demeure en détention, bien que ce soit maintenant en vertu de la loi appropriée. Par conséquent, il n'y a tout simplement rien à gagner à renvoyer l'affaire au tribunal.

[35]            Dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, la Cour suprême du Canada a conclu que la doctrine du caractère théorique relève du principe général en vertu duquel un tribunal peut refuser de trancher une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Un appel est théorique lorsque la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige actuel qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Un litige actuel doit exister non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision.

[36]            Un tribunal peut également exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre l'affaire dans certaines circonstances, bien qu'il puisse s'agir d'une affaire théorique.

[37]            Je suis convaincue que la présente affaire n'est pas théorique. Il y a encore un litige concret entre les parties concernant le contrôle que peuvent exercer les autorités de l'Immigration sur M. Romans.


[38]            En le mettant en liberté sans condition, les autorités de l'Immigration n'exercent plus le moindre contrôle sur M. Romans. S'il avait été en mesure de comprendre les répercussions de la décision du tribunal, M. Romans aurait pu tout simplement quitter le Centre de santé mentale de Penetanguishene durant la période de 48 heures qu'il a fallu pour le détenir aux termes de la Loi sur la santé mentale.

[39]            Même s'il est maintenant en placement non volontaire, il n'y a aucune assurance que les autorités de l'Immigration seront avisées si jamais la détention de M. Romans aux termes de la Loi sur la santé mentale prend fin. Si on présume que M. Romans ne serait plus une menace pour lui-même ou pour la sécurité publique à ce moment-là, les autorités de l'Immigration auraient encore intérêt à ce qu'il se présente en vue de son renvoi.

Norme de contrôle

[40]            Il faut appliquer la norme de la décision correcte aux décisions de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ayant trait à des questions de droit; la norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique aux conclusions de fait (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Thanabalasingham, [2004] CAF 4).


[41]            Pour ce qui est des questions mixtes de fait et de droit, il faut déterminer s'il s'agit principalement d'une question de fait ou s'il est possible d'en extraire une pure question de droit. Lorsque la question repose largement sur une interprétation des faits en cause, il faudra lui appliquer la norme du caractère manifestement déraisonnable.

Le tribunal a-t-il fourni des raisons impérieuses pour s'écarter des décisions antérieures?

[42]            Tout en reconnaissant que le point principal de la présente demande a trait au fait que le tribunal n'a pas rattaché de condition à la mise en liberté de M. Romans, le ministre avance néanmoins que le tribunal a commis une erreur en omettant de fournir des « raisons impérieuses » d'aller à l'encontre des décisions rendues dans le cadre des précédents examens des motifs de détention, tel que l'exige la Cour d'appel fédérale dans la décision Thanabalasingham, précitée.

[43]            D'après le ministre, l'obligation de fournir des raisons impérieuses pour justifier une décision est d'autant plus grande lorsque, comme dans la présente affaire, il n'y avait pas de nouvelle preuve devant le tribunal sur laquelle ce dernier pouvait fonder sa décision.


Analyse

[44]            La décision Thanabalasingham est claire : à chaque examen des motifs de détention, la Section de l'immigration doit à nouveau décider si la personne détenue doit demeurer en détention. Bien que le tribunal ne soit pas lié par les décisions antérieures, si jamais un commissaire choisit d'aller à l'encontre de ces décisions, il doit fournir des raisons impérieuses pour justifier sa décision.

[45]            Comme l'a signalé la Cour d'appel dans l'affaire Thanabalasingham, un des meilleurs moyens pour un commissaire de fournir des raisons claires et impérieuses justifiant sa décision est d'expliquer expressément ce qui l'a mené à ce nouvel avis. Autrement dit, le commissaire devrait expliquer ce que les décisions antérieures affirmaient, puis exposer pourquoi il n'y souscrit pas.

[46]            À mon avis, pour ce qui est des raisons en l'espèce se rapportant à la décision de mettre en liberté M. Romans, les raisons respectent amplement la norme imposée par la Cour d'appel fédérale dans la décision Thanabalasingham. L'exposé de ces raisons est détaillé et soigné. La commissaire passe en revue l'historique de l'affaire de manière très détaillée, y compris le déroulement des précédents examens des motifs de détention. Par la suite, elle explique pourquoi, à son avis, le moment était venu d'agir dans le dossier de M. Romans.


[47]            Il est vrai qu'aucune nouvelle preuve n'a été présentée à la commissaire et que la situation de M. Romans n'avait pas changé. En fait, c'est justement le point essentiel de la décision : malgré que cinq années se soient écoulées, il n'y avait pas de fin prévisible aux procédures judiciaires visant M. Romans. De plus, bien que les parties aient indiqué au fil des ans qu'elles envisageaient des solutions de rechange aux termes de la Loi sur la santé mentale, rien ne semblait se concrétiser à cet égard.

[48]            Compte tenu des circonstances, je suis amplement convaincue que les raisons fournies par la présidente de l'audience pour aller à l'encontre des décisions antérieures sont suffisamment claires et impérieuses pour satisfaire à la norme de la décision Thanabalasingham.   

Le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant que la détention de M. Romans était devenue indéterminée?

[49]            Selon le ministre, la conclusion du tribunal que la détention de M. Romans était devenue indéterminée était abusive et arbitraire, et la présidente de l'audience a commis une erreur de droit en omettant d'appliquer les principes exposés dans la Loi et le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, ainsi que ceux énoncés par la jurisprudence.

Analyse


[50]            La question de la détention indéterminée a été examinée par le juge Rothstein, à la Cour fédérale à l'époque, dans la décision Sahin citée précédemment. Dans cette décision, le juge Rothstein a signalé que, étant donné que la détention en vertu des textes législatifs sur l'immigration est une mesure préventive à l'égard d'une personne qui peut constituer une menace pour la sécurité publique ou se soustraire au renvoi, elle ne peut pas durer indéfiniment.

[51]            Bien que les personnes sous la garde de l'Immigration aient droit à un examen des motifs de leur détention tous les trente jours et qu'elles puissent être détenues tant qu'une mesure de renvoi est en attente, néanmoins, lorsqu'il reste un certain nombre d'étapes à accomplir avant de mettre en oeuvre le processus de renvoi, et qu'on ne sait pas combien de temps il faudra pour mener à bien ces étapes, on peut raisonnablement qualifier, sur le plan pratique, une détention de longue durée d' « indéterminée » .

[52]            Le juge Rothstein a par la suite conclu que la détention indéterminée pendant une longue période peut, dans certains cas, constituer une privation de liberté qui n'est pas conforme aux principes de justice fondamentale, si bien qu'elle contrevient aux dispositions de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[53]            L'article 7 de la Charte est ainsi conçu :

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.


[54]            La justice fondamentale exige que l'on établisse un juste équilibre entre les intérêts de la personne qui affirme qu'on porte atteinte à sa liberté et la protection de la société. Pour qu'il soit plus facile d'évaluer si le maintien de la détention équivaut à une détention indéterminée, le juge Rothstein a proposé une liste non exhaustive de facteurs dont il faut tenir compte. Ces facteurs comprennent les motifs de la détention, la durée de la détention, les retards ou le manque de diligence de la part de l'une ou l'autre des parties, et l'existence de solutions de rechange à la détention.

[55]            Il convient de signaler que ces facteurs sont maintenant inscrits à l'article 248 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[56]            Le juge Rothstein a également signalé que lorsqu'un demandeur constitue un danger pour la sécurité publique, ou si l'on craint qu'il se soustraie au renvoi, l'argumentation en faveur du maintien de la détention sera plus convaincante. Toutefois, lorsqu'une personne est détenue depuis longtemps, et qu'on prévoit que la détention se poursuivra encore pendant une longue période, ou qu'on ne peut déterminer la longueur de la détention future, l'argumentation en faveur de la mise en liberté serait renforcée.

[57]            Signalons que la période de détention examinée dans l'affaire Sahin était de 14 mois, bien que les circonstances aient été assez différentes. Au moment où le tribunal a rendu sa décision en l'espèce, la détention de M. Romans durait depuis plus de cinq ans.


[58]            La question de savoir si, dans certaines circonstances, la détention d'une personne est devenue indéterminée est une question mixte de fait et de droit. En l'espèce, la réponse à cette question dépend dans une large mesure des faits inhabituels de l'affaire. Par conséquent, j'estime que la conclusion du tribunal sur ce point doit être contrôlée à la lumière de la norme de la décision manifestement déraisonnable. Toutefois, ma conclusion sur ce point n'a pas d'effet déterminant sur la question, car je suis convaincue que la conclusion du tribunal sur cette question tiendrait aussi si on lui appliquait la norme plus exigeante de la décision raisonnable.

[59]            Un examen de la décision du tribunal indique que la commissaire a correctement relevé les facteurs pertinents dont il fallait tenir compte pour déterminer si, dans le présent cas, la détention de M. Romans pouvait être qualifiée d' « indéterminée » .

[60]            La commissaire a ensuite apprécié soigneusement chacun de ces facteurs. Bien qu'elle ait semblé particulièrement consciente du danger pour la sécurité publique posé par M. Romans, elle a signalé que ce facteur ne pouvait justifier le maintien de sa détention si cette détention était de nature indéterminée, en contravention des principes de la Charte.

[61]            La commissaire a ensuite mis en balance le danger pour la sécurité publique posé par M. Romans et les quelque cinq années et demie passées en détention. Elle a aussi tenu compte du fait qu'il y avait au moins trois procédures judiciaires en cours, et le fait qu'il n'y avait pas de fin prévisible à ces procédures.

[62]            La commissaire a également tenu compte du fait qu'il y avait une solution de rechange au maintien de la détention par l'Immigration, aux termes des dispositions de la Loi sur la santé mentale de l'Ontario.

[63]            À la lumière de tous ces facteurs, la commissaire a conclu que le moment était venu de libérer M. Romans de la garde de l'Immigration. Il s'agit d'une conclusion que la commissaire pouvait tirer raisonnablement, et même si d'autres auraient peut-être apprécié les divers facteurs différemment, je ne vois aucun motif d'infirmer cet aspect de la décision de la commissaire.

[64]            Ainsi, il reste seulement la décision de ne pas rattacher de condition à la mise en liberté de M. Romans.

Le tribunal a-t-il commis une erreur en refusant de rattacher des conditions à la mise en liberté de M. Romans?

[65]            Par contraste avec la partie des motifs ayant trait à la décision de mettre en liberté M. Romans, qui est détaillée et soignée, les motifs fournis par la commissaire pour ne rattacher aucune condition à la mise en liberté sont brefs et même laconiques. Tout le raisonnement du tribunal sur ce point est exposé dans la déclaration suivante du tribunal : [traduction] « Compte tenu de son état mental, je ne lui impose aucune condition pour le moment » .


[66]            Toutefois, d'après un examen de la décision dans son ensemble, il semble que la commissaire a tiré cette conclusion du fait que, en raison de son état mental, on ne pouvait s'attendre à ce que M. Romans se conforme à quelque condition de mise en liberté que ce soit.

[67]            L'argumentation du ministre visait principalement cet élément de la décision du tribunal.

[68]            D'après le ministre, même si la commissaire était frustrée du fait que les responsables du dossier de M. Romans aient continuellement omis de prendre les mesures appropriées pour assurer sa détention aux termes de la Loi sur la santé mentale, il était tout simplement abusif et irresponsable de sa part d'ordonner la mise en liberté sans imposer de conditions visant à assurer la protection du public.

[69]            Par contraste, M. Romans fait valoir que même si le paragraphe 58(3) de la Loi autorise le tribunal à rattacher des conditions à la mise en liberté d'une personne, il n'est pas tenu de le faire. Tout en reconnaissant qu'il aurait été préférable que le tribunal contraigne M. Romans à continuer de suivre un traitement médical approprié à titre de condition de sa mise en liberté, il a néanmoins fait valoir que le tribunal n'a pas commis d'erreur en omettant de le faire.

[70]            Pour appuyer son observation, M. Romans prétend que le tribunal a clairement envisagé la possibilité de rattacher des conditions à sa mise en liberté, puis a décidé de ne pas en rattacher, fournissant des motifs clairs pour sa décision sur ce point.

[71]            D'après M. Romans, les efforts en vue d'assurer la garde de M. Romans aux termes de la loi provinciale sur la santé mentale n'avaient pas porté fruit, et il est raisonnable de conclure que la décision de la commissaire de mettre en liberté M. Romans sans lui imposer de condition visait à exercer des pressions sur les responsables provinciaux en matière de santé mentale afin que ces derniers prennent les mesures requises pour assurer la protection du public.

Analyse

[72]            La frustration évidente de la commissaire du fait que, quelque cinq années et demie après la mise sous garde de M. Romans, ce dernier n'était toujours pas pris en charge aux termes de la loi sur la santé mentale applicable est tout à fait compréhensible. Bien qu'on ait laissé entendre que M. Romans s'est retrouvé dans une zone grise entre le processus fédéral de l'immigration et le système provincial des soins de santé, comme le juge Russell lui-même l'a noté dans le cadre de l'audience visant à contrôler la décision de la SAI : « Les lois provinciales applicables auraient dû être utilisées depuis longtemps pour lui assurer [à M. Romans] le traitement dont il a besoin pour sa maladie et le maintenir sous garde dans une institution appropriée jusqu'à ce qu'il cesse d'être un danger pour lui-même et pour le public » .


[73]            Cela dit, le tribunal est tenu aux termes de la loi d'envisager des conditions de mise en liberté, particulièrement dans les causes comportant clairement un danger pour la sécurité publique. En décidant de ne pas rattacher de condition à la mise en liberté de M. Romans, la commissaire a tenu un raisonnement déraisonnable. C'est précisément à cause de l'état de santé mentale de M. Romans et du danger qu'il constitue pour la sécurité publique qu'il aurait fallu rattacher des conditions strictes à sa mise en liberté.

[74]            Le paragraphe 58(3) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés autorise le tribunal à imposer les conditions qu'il juge nécessaires lorsqu'il met une personne en liberté. Bien que le tribunal aurait clairement outrepassé sa compétence s'il avait ordonné que M. Romans soit détenu aux termes de la loi provinciale sur la santé mentale, il lui était tout à fait possible d'ordonner, à tout le moins, que la mise en liberté de M. Romans soit liée à la condition que son représentant désigné présente au tribunal une preuve satisfaisante qu'il recevait des soins médicaux appropriés à titre de malade en placement non volontaire dans un établissement sûr, de façon à protéger le public.

[75]            Compte tenu de la conclusion expresse que M. Romans demeure un danger pour la sécurité publique, le fait que le tribunal n'a pas imposé une telle condition était, à mon avis, manifestement déraisonnable. Par conséquent, cet élément de la décision du tribunal ne saurait être confirmé.


Conclusion

[76]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie pour ce qui est de l'omission du tribunal de rattacher des conditions à la mise en liberté de M. Romans. L'affaire est renvoyée à un autre commissaire de la Section de l'immigration, qui devra décider des conditions appropriées à rattacher à la mise en liberté de M. Romans.

[77]            Malgré les difficultés survenues dans la présente affaire, il semble que les parties ont tâché de travailler ensemble en vue de trouver le meilleur moyen de relever les défis associés à la cause de M. Romans. J'encourage les parties à poursuivre leurs consultations et, dans la mesure du possible, à consulter les professionnels de la santé qui s'occupent de M. Romans, de façon à aider le tribunal en indiquant des conditions que l'on pourrait rattacher à la mise en liberté de M. Romans.


Questions certifiées

[78]            Compte tenu du caractère unique des faits en cause, aucune des parties n'a présenté de question certifiée et aucune question de portée générale n'est en cause en l'espèce.

                                                              ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie, en partie, et la question des conditions à rattacher à la mise en liberté de M. Romans est renvoyée à un autre commissaire de la Section de l'immigration pour une nouvelle décision, conformément aux présents motifs;

2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

             « Anne L. Mactavish »                  

Juge                             

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                                           

                                                            COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                    IMM-7277-04

INTITULÉ :                                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                           

- et -

STEVEN ANTHONY ROMANS

LIEU DE L'AUDIENCE :             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :           LE 24 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                  LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS ET

DE L'ORDONNANCE :               LE 1ER AVRIL 2005

COMPARUTIONS

Jamie Todd                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Krassina Kostadinov                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada POUR LE DEMANDEUR

Lorne Waldman

Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.