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     Date: 20000606

     Dossier: IMM-2717-99

ENTRE :


SUDHAKARA REDDY NAREDDI


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas Gisèle Gaudet, du Haut-commissariat du Canada à New Delhi, a refusé, le 20 mars 1999, la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada.

LES FAITS

[2]      Le demandeur est citoyen indien. Il a présenté une demande à titre d'ingénieur minier (CCDP 2153-110, CNP 2143.0), de technologue en génie minier (CCDP 2165-150, CNP 2212.1) et sous la catégorie « Entrepreneurs et contremaîtres en mécanique » (CNP 7216.0).

LA DÉCISION

[3]      L'agente des visas a apprécié le demandeur à titre d'ingénieur minier (CCDP 2153-110), profession pour laquelle ce dernier a obtenu les points d'appréciation suivants :

     Âge      10
     Facteur professionnel      05

     EF      18

     Expérience      04

     ER      00

     Facteur démographique      08

     Études      15

     Anglais      06

     Français      00

     Personnalité      02

     Total      68


[4]      La demande a en outre été examinée en vertu de la Classification nationale des professions (la CNP), mais le demandeur n'avait pas non plus les compétences voulues à l'égard de cette profession en vertu des critères d'appréciation révisés.

LA POSITION DU DEMANDEUR

[5]      Le demandeur soutient que l'agente des visas a omis de l'apprécier à l'égard de toutes les professions envisagées. Il a demandé à être apprécié à titre d'ingénieur minier, de technologue en génie minier et sous la catégorie des « Entrepreneurs et contremaîtres en mécanique » . Dans la lettre de refus, il est uniquement mentionné que le demandeur a été apprécié à titre d'ingénieur minier. Dans la section relative à la sélection administrative du CAIPS, il est mentionné que le demandeur a uniquement été apprécié à titre d'ingénieur minier.

[6]      Selon les notes prises à l'entrevue, le demandeur a également été apprécié à titre de technologue en génie minier en vertu de la CCDP et de la CNP.

[7]      Le demandeur soutient que l'agente des visas a omis de l'apprécier en vertu de la définition figurant dans la CNP sous la rubrique : Ingénieur minier (CNP 2143), et sous la rubrique : « Entrepreneurs et contremaîtres en mécanique » (CNP 7216).

[8]      Le demandeur soutient que l'agente des visas a omis de s'assurer du nombre de tâches dont il pouvait être tenu compte à l'égard de la profession envisagée d'ingénieur minier (CNP 2143).

[9]      Le demandeur affirme que le défendeur a admis qu'il exerçait un grand nombre des [TRADUCTION] « principales fonctions » afférentes à la profession envisagée et que l'agente ne lui avait néanmoins pas attribué de points pour l'expérience dans ladite profession.

[10]      Le demandeur affirme en outre que l'agente a violé les règles d'équité et de justice naturelle en réduisant le nombre de points qui lui ont été attribués pour le facteur « Anglais » , sans déterminer ses capacités linguistiques.

LA POSITION DU DÉFENDEUR

[11]      Le défendeur soutient que l'agente des visas a effectué certaines corrections dans sa lettre de refus :

     [TRADUCTION]
     La profession mentionnée dans la lettre de refus devrait être celle de « technologue en génie minier » (CCDP 2165-150 et CNP 2212.11) plutôt que celle d' « ingénieur minier » (CCDP 2153-110).
     Le nombre de points attribués à l'égard du facteur professionnel devrait être de « 1 » plutôt que de « 5 » .
     Le nombre de points attribués pour le facteur EF devrait être de « 15 » plutôt que de « 18 » .
     Le nombre de points attribués pour le facteur « Expérience » devrait être de « 6 » plutôt que de « 4 » .
     Le nombre total de points attribués devrait être de « 63 » plutôt que de « 68 » .

[12]      Le défendeur soutient qu'après avoir examiné la question de la profession envisagée avec le demandeur et après avoir passé en revue ses qualités et son expérience professionnelle avec lui, le demandeur a déclaré que la profession envisagée devait être simplement celle de technologue en génie minier.
[13]      Au cours du contre-interrogatoire, l'agente des visas a déclaré que le demandeur avait accepté d'être apprécié à titre de technologue en génie minier. Dans son affidavit, le demandeur ne nie pas la chose.
[14]      Le défendeur soutient que le demandeur n'a pas réussi à établir que l'agente des visas ne s'était pas assurée que les tâches dont il s'acquittait dans l'exercice de son emploi pouvaient être [TRADUCTION] « attribuées » à une autre profession.
[15]      Le défendeur déclare que l'agente des visas a conclu qu'aucune des tâches qu'il assumait ne satisfaisait à la description de travail donnée à l'égard des autres professions que le demandeur ou son avocat avaient mentionnées avant l'entrevue.
[16]      Quant à la question de l'appréciation linguistique, le défendeur déclare que même si le demandeur était capable de lire et d'écrire couramment l'anglais, ce dernier ne devrait obtenir que deux points additionnels, soit 65 points en tout, de sorte qu'il lui manque encore cinq points pour obtenir le minimum requis de 70 points. Le défendeur affirme que cette erreur a peu d'importance.
ANALYSE
[17]      Le fait que la lettre de refus comporte de nombreuses erreurs me préoccupe. La profession mentionnée n'était pas celle qui a donné lieu à une appréciation. Le nombre total de points attribués le 8 février 1999 était de 61. Selon la lettre de refus datée du 20 mars 1999, 68 points avaient été attribués en tout. Au cours du contre-interrogatoire qui a eu lieu le 12 juillet 1999, l'agente des visas a expliqué que le nombre total devait en fait être de 63. En outre, il n'est pas fait mention du nombre total de 63 points dans les notes figurant dans le CAIPS.
[18]      Selon le dossier du tribunal (pages 15 à 18), les appréciations ont été effectuées pour deux professions en vertu de la CCDP et de la CNP. En ce qui concerne la profession de technologue en génie minier (CCDP 2165-150), le demandeur a initialement obtenu 71 points en tout, le total calculé à côté étant de 64, ce qui a par la suite été corrigé à la main pour indiquer un total de 61 points. En vertu de la CNP, le demandeur a obtenu 71 points à l'égard de la même profession, puis 58 points, la version corrigée à la main indiquant 59 points. L'appréciation de la profession d'ingénieur minier (CCDP 2153-110), figure à la page 15, mais le nombre total de points n'est pas indiqué. Une erreur technique semble avoir été commise. En vertu de la CNP, le demandeur a obtenu 71 points, puis 70 points, pour cette profession. Aucune correction n'a été effectuée à la main.
[19]      Le demandeur affirme avoir demandé à être apprécié à l'égard de trois professions différentes, mais n'avoir été apprécié qu'à l'égard d'une seule profession. L'agente des visas affirme de son côté que le demandeur a accepté que la profession envisagée examinée soit celle de technologue en génie minier.
[20]      Selon le CAIPS, le demandeur possède les compétences voulues à titre d'ingénieur minier, et il a fait l'objet d'une sélection administrative à l'égard de cette profession.
[21]      Toutefois, l'agente des visas a par la suite inscrit dans le CAIPS que le demandeur serait apprécié à titre de technologue en génie minier compte tenu de l'expérience mentionnée dans la description de travail.
[22]      Au cours du contre-interrogatoire, l'agente des visas a expliqué ce qui suit, à la page 33 du dossier du demandeur (ligne 17) :
     [TRADUCTION]
     À l'entrevue, nous avons passé en revue ses qualités et son expérience professionnelle et nous avons tous les deux convenu qu'il devrait être apprécié à titre de technologue en génie minier.

[23]      Et, à la page 34 (ligne 8) :

     [TRADUCTION]
     J'en ai parlé au demandeur et il a reconnu qu'il devait être apprécié à titre de technologue en génie minier.

[24]      Dans les notes du CAIPS, il n'est pas fait mention du fait que le demandeur a accepté d'être apprécié uniquement à l'égard de cette catégorie, alors que, dans sa demande, le demandeur avait fait savoir qu'il voulait être apprécié à titre d'ingénieur minier et sous la catégorie : « Entrepreneurs et contremaîtres en mécanique » .

[25]      En outre, l'agente des visas a déclaré au cours du contre-interrogatoire qu'elle n'avait pas apprécié le demandeur à titre d'ingénieur minier parce qu'elle ne croyait pas que les fonctions qu'il exerçait correspondaient à celles qui étaient mentionnées dans la CNP.

[26]      Lorsqu'on lui a demandé d'indiquer dans le dossier ce qui montrait qu'elle avait apprécié le demandeur sous la catégorie : « Entrepreneurs et contremaîtres en mécanique » , l'agente n'a pas pu le faire.

[27]      Dans l'arrêt Gaffney c. Canada (MEI) (1991), 121 N.R. 256, la Cour d'appel fédérale a statué ce qui suit :

     [...] notre Cour a statué que l'agent des visas a l'obligation d'apprécier le requérant en fonction de la profession pour laquelle il (ou son conjoint) prétend posséder les qualités requises et qu'il est prêt à exercer au Canada. Cette obligation s'étend selon moi à chacune des professions en question.

[28]      Dans la décision Hajariwala c. Canada (MEI), [1989] 2 C.F. 79, le juge en chef adjoint Jerome a statué ce qui suit :

     Le Règlement permet au requérant d'être évalué dans « une profession » . Les facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I exigent que l'expérience du requérant soit évaluée à l'égard de la profession qu'il entend exercer. Il n'y a aucune raison pour laquelle l'expérience effectivement acquise à l'égard des diverses responsabilités d'une profession et le temps effectivement passé à s'acquitter de telles responsabilités ne pourraient être divisés de façon à accorder des points d'appréciation au titre de l'expérience dans les professions projetées.

[29]      Dans la décision Li c. Canada (MEI) (1990), 31 F.T.R. 290, le juge en chef adjoint Jerome a réitéré ce qui suit :

     [...] il incombe clairement à l'agent des visas de tenir compte, dans son appréciation, des diverses professions dont témoigne l'expérience professionnelle du requérant si celui-ci demande à pouvoir bénéficier d'une pareille appréciation en le précisant dans sa demande. Si l'expérience professionnelle du requérant semble correspondre à la profession en cause, l'agent des visas doit apprécier le requérant dans le cadre de cette catégorie professionnelle, quelles que soient les autres professions que l'agent ait jugé bon de retenir.
     [...]
         Le dossier doit également indiquer les motifs appuyant l'attribution par l'agent des visas d'une appréciation particulière au titre de l'expérience à l'égard d'une profession comprise ou les motifs appuyant le refus de ce faire.
     Ayant décidé, à tort, qu'une telle appréciation n'était pas nécessaire, l'agent des visas a, en l'espèce, manqué à l'équité.

[30]      Le demandeur était représenté lorsqu'il a envoyé sa demande en vue d'être apprécié à l'égard des trois professions en question. L'agente des visas était tenue d'apprécier le demandeur à l'égard de ces professions. Si l'agente croyait que l'expérience du demandeur ne correspondait pas aux définitions figurant dans la CNP ou dans la CCDP, l'appréciation devrait indiquer le nombre de points attribués et le demandeur ferait l'objet d'un refus, conformément à la loi et aux règlements. À mon avis, l'agente a commis une erreur en omettant d'apprécier le demandeur à l'égard des professions envisagées.

[31]      Quant à la question de l'appréciation des capacités linguistiques, voici ce que le juge Reed a dit dans la décision Chatrova c. Canada (MCI), (1996) 111 F.T.R. 308 :

     Voyons maintenant l'évaluation de sa capacité à écrire en anglais. C'est cet aspect de l'évaluation que je trouve le plus ennuyeux. L'agent des visas a supposé que la capacité de la requérante à cet égard devait être comparable à sa capacité de parler la langue. Elle avait affirmé lire, écrire et parler couramment l'anglais. L'agent des visas a accepté son auto-évaluation du point de vue de la lecture et lui a accordé trois crédits. Il lui a accordé deux crédits pour ses compétences orales après avoir décidé, d'après sa conversation avec elle, qu'elle parlait bien l'anglais, mais pas couramment. Mais il est parti du principe que son aptitude à écrire était comparable à son aptitude à parler et non pas à son aptitude à lire. On ne lui a pas fait subir de test pas plus qu'on ne lui a demandé de prouver sa capacité. En l'espèce, il s'agit d'une erreur importante.

[32]      L'agente des visas doit apprécier les capacités du demandeur avant de lui attribuer des points. Son omission de le faire constitue une erreur de droit.

[33]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente des visas est annulée et la demande de résidence permanente est renvoyée pour réexamen par un agent des visas différent.



                                 Pierre Blais

                             ___________________________

                                 Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 6 juin 2000.


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-2717-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SUDHAKARA REDDY NAREDDI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

    

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 31 MAI 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge Blais en date du 6 juin 2000


ONT COMPARU :

Max Chaudhary          pour le demandeur

Greg George          pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chaudhary, cabinet d'avocats          pour le demandeur

North York (Ontario)

Morris Rosenberg          pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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