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Date : 20000619


Dossier : T-194-95


ENTRE :


SAFI SYED et FAZAL SYED, faisant affaires sous le nom

d'AMIR ENTERPRISES INTERNATIONAL,


demandeurs,


et




LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL DU CANADA,


défendeur.




MOTIFS DU JUGEMENT


LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

[1]          Il s'agit d'un appel que les demandeurs ont interjeté conformément à l'article 135 de la Loi sur les douanes1 ( « la Loi » ) à l'égard d'une décision en date du 30 décembre 1994 par laquelle le ministre a confirmé, en se fondant sur l'article 131 de la Loi, la validité de la saisie et de la confiscation de certains bijoux importés par les demandeurs au Canada le 1er novembre 1993. La remise des bijoux est assujettie à la condition qu'a fixée le défendeur, soit le paiement d'un montant de 13 493,60 $, qui comprend une amende correspondant au triple du revenu dont le paiement aurait été éludé.

[2]          Les demandeurs veulent obtenir un jugement déclaratoire portant que les marchandises saisies ont été déclarées en bonne et due forme et qu'elles n'étaient pas assujetties à la saisie et à la confiscation. Ils demandent également le retour des marchandises saisies sur paiement des droits exigibles. Le défendeur soutient que la saisie et la confiscation étaient justifiées, parce que les demandeurs n'ont pas déclaré les bijoux à leur arrivée à l'aéroport de Vancouver conformément à l'article 12 de la Loi, dont le paragraphe 12(1) est ainsi libellé :

12. (1) Subject to this section, all goods that are imported shall, except in such circumstances and subject to such conditions as may be prescribed, be reported at the nearest customs office designated for that purpose that is open for business.

    

12. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, ainsi que des circonstances et des conditions prévues par règlement, toutes les marchandises importées doivent être déclarées au bureau de douane le plus proche, doté des

attributions prévues à cet effet, qui soit ouvert.

[3]          Au cours de l'instruction, qui a duré trois jours, cinq témoins ont été entendus : les deux demandeurs, soit Safi Syed et son épouse Fazal Syed, ainsi que trois agents des douanes, Richard Backs, John Ashikian et Margaret Heather Smith.
[4]          Étant donné que la crédibilité des témoins était apparemment en litige, une ordonnance d'exclusion de témoins a été rendue au début de l'audience. Les événements survenus avant que les demandeurs quittent l'Inde et arrivent à l'aéroport de Vancouver le 1er novembre 1993 n'étaient pas contestés. Cependant, la version que les demandeurs ont présentée au sujet des événements survenus à l'aéroport de Vancouver le 1er novembre 1993 a été contredite par les témoins du défendeur à plusieurs égards.
Les faits à l'origine du litige
[5]          M. Syed est un homme d'affaires qui demeure dans la ville de Richmond, en Colombie-Britannique. Il est né à Bangalore, en Inde, et a immigré au Canada en 1972. Il a épousé Fazal Syed en 1973 et a trois enfants, qui sont tous nés au Canada. Après avoir obtenu un diplôme en génie mécanique en Inde, M. Syed a exercé un emploi lucratif dans ce domaine pour divers employeurs de Toronto et de Montréal jusqu'à ce qu'il accepte, en 1984, un poste de consultant en gestion sur une base temporaire auprès de Douanes Canada. Par suite de cette acceptation, il a déménagé à Vancouver.
[6]          M. Syed était l'un des quatre consultants engagés pour observer l'exécution des tâches de bureau des agents des douanes et pour proposer des normes de temps afin d'améliorer l'efficacité du service. Son emploi temporaire a brusquement pris fin après neuf mois, en raison des mesures de réduction des effectifs prises dans le service. M. Syed a déposé une plainte en matière de droits de la personne contre son ex-employeur par suite de son congédiement, soutenant que cette mesure était fondée sur des motifs d'ordre racial. Un tribunal canadien des droits de la personne a finalement rejeté sa plainte.
[7]          Deux ou trois mois après avoir perdu son emploi, M. Syed a été engagé comme ingénieur industriel pour une société de construction aéronautique à Richmond. Il a travaillé pour l'entreprise pendant trois ans et demi et a à nouveau été congédié. M. Syed a alors décidé de se servir de son indemnité de départ d'environ 30 000 $ pour retourner en Inde avec sa famille et mettre sur pied une entreprise d'importation de bijoux et de vêtements.
[8]          Le déménagement s'est révélé difficile. Les enfants de M. Syed ont eu du mal à s'adapter à leur nouvelle école et au climat et ils étaient constamment malades. Moins de neuf mois plus tard, la famille a décidé de revenir en Colombie-Britannique.
[9]          À la fin de 1988 ou au début de 1989, les demandeurs ont décidé de se lancer en affaires sous le nom d'Amir Enterprises International, entreprise qui appartenait uniquement à Fazal Syed et qui s'occupait d'importer des bijoux et des vêtements afin de les vendre à des entreprises indiennes de la ville de Surrey et des environs.
[10]          Au début, les demandeurs importaient des marchandises au Canada deux ou trois fois l'an. À cette fin, ils devaient se rendre pour de courtes périodes à Singapour, en Thaïlande et en Inde pour conclure des ententes avec les fournisseurs. Avec le temps, l'entreprise est devenue florissante et le nombre de déplacements a plus que doublé.
[11]          Lorsque M. Syed revenait de ses voyages à l'étranger, il était habituellement envoyé de la ligne d'inspection primaire à une deuxième inspection en vue d'un examen plus fouillé. M. Syed estime que les renvois automatiques dont il a fait l'objet à ce deuxième examen constituaient une forme de harcèlement et étaient directement liés à la plainte en matière de droits de la personne qu'il avait déposée contre le service en 1985.
Événements ayant mené à la saisie et à la confiscation
[12]          Le 10 août 1993, les demandeurs ont importé certains bijoux de l'Inde au Canada et ont payé les droits s'y rapportant. Dans le cas de certains de ces bijoux, la grandeur ou le modèle ne convenait pas. Les demandeurs ont donc décidé de retourner en Inde le produit invendable.
[13]          Immédiatement avant leur départ pour l'Inde le 11 octobre 1993, les demandeurs se sont rendus au comptoir des Douanes de l'aéroport de Vancouver afin de remplir une formule intitulée Identification des marchandises exportées ou détruites ( « formule E-15 » ). Cette formule, sur laquelle les demandeurs ont énuméré les bijoux réexportés en Inde, a été examinée et signée par un inspecteur des douanes, qui a plus tard été identifié sous le nom de Richard Backs.
[14]          M. Syed a dit au cours de son témoignage qu'il avait demandé conseil à M. Backs pendant qu'il remplissait la formule E-15, ce qui a été corroboré par son épouse. Il a demandé à M. Backs ce que les demandeurs seraient tenus de faire s'ils échangeaient les bijoux retournés en Inde contre d'autres bijoux et qu'ils voulaient apporter les articles échangés au Canada. Selon M. Syed, M. Backs a répondu que, si les bijoux étaient retournés au fournisseur original, les demandeurs seraient tenus d'obtenir une lettre de reconnaissance en ce sens du fournisseur, après quoi ils pourraient demander un remboursement à leur retour au Canada. En revanche, s'ils voulaient retourner avec les bijoux obtenus en échange, les demandeurs seraient tenus de déclarer les marchandises à Douanes, auquel cas un rajustement et une « remise » seraient faits à l'aéroport.
[15]          Au cours de son témoignage, M. Backs n'a pas nié avoir donné un conseil aux demandeurs, même s'il n'avait lui-même aucun souvenir à ce sujet. Cependant, il a exprimé des doutes au sujet du fait qu'il aurait utilisé le mot « remise » , étant donné qu'il ne connaissait pas bien la procédure, qui relève habituellement d'autres employés travaillant au bureau de Douanes du centre-ville.
[16]          Le 20 octobre 1993, M. Syed a retourné les bijoux énumérés sur la formule E-15 à la bijouterie Ellore Jewellery Mart de Bangalore, en Inde. En échange des bijoux retournés (évalués à 11 273,60 $ U.S.), il a acheté d'autres bijoux pour un montant de 6 122,85 $ U.S. ( « bijoux de Bangalore » ) et accepté un crédit du fournisseur pour le solde. Le crédit a été reconnu dans une lettre du fournisseur ( « lettre de la bijouterie Ellore » ).
[17]          Au cours de leur vol de retour vers le Canada, les demandeurs ont fait un arrêt à Singapour et acheté d'autres bijoux à la bijouterie Little India Jewellery pour un montant d'environ 13 000 $ CAN ( « bijoux de Singapour » ).
Événements survenus le 1er novembre 1993
[18]          À leur arrivée à l'aéroport de Vancouver le 1er novembre 1993, les demandeurs se sont séparés au moment de se mettre en ligne pour l'inspection primaire au comptoir de Douanes et ont été traités par des agents des douanes différents.
[19]          M. Syed a expliqué au cours de son témoignage qu'il a remis une carte de déclaration douanière E-311 (que tous les voyageurs doivent remplir à l'avance) à l'agent des douanes affecté à l'inspection primaire, John Ashikian. M. Syed avait écrit sur la formule qu'il arrivait de l'Inde, du Singapour et de la Corée et qu'il avait des marchandises commerciales à déclarer (soit des vêtements d'une valeur de 401 $ et des bijoux d'une valeur de 13 363 $). Il a également écrit que la valeur totale de toutes les marchandises qui ont été « achetées, reçues ou acquises à l'étranger » et qu'il apportait au Canada s'établissait à 13 674 $.
[20]          M. Syed a fait valoir que les bijoux de Bangalore et ceux de Singapour se trouvaient dans son sac fourre-tout lorsqu'il s'est présenté à l'inspection primaire et qu'il avait en sa possession tous les documents concernant les bijoux afin de pouvoir les présenter sur demande. Lorsque M. Ashikian lui a demandé d'identifier les marchandises déclarées sur la carte, M. Syed a répondu qu'il s'agissait des bijoux achetés à Singapour et de quelques vêtements pour dames. M. Syed aurait remis à M. Ashikian la formule E-15 (remplie le 11 octobre 1993), la lettre de la bijouterie Ellore et la formule B-3 attestant le paiement des droits relatifs aux bijoux importés en août 1993.
[21]          M. Syed a expliqué qu'il croyait qu'il aurait droit à un crédit sous forme de remise, étant donné que les droits déjà payés à l'égard des bijoux qui avaient été réexportés étaient supérieurs à ceux qui étaient exigibles à l'égard des bijoux obtenus en échange. Cependant, il n'a pas eu l'occasion de demander la remise. M. Ashikian a simplement corrigé la carte E-311 afin d'y inscrire un montant de 100 $ au titre de l'exemption personnelle et a ensuite renvoyé M. Syed au deuxième examen.
[22]          M me Syed a confirmé que tous les bijoux se trouvaient dans le sac fourre-tout de son époux avant leur arrivée à l'aéroport de Vancouver. Étant donné que M. Syed avait marché plus vite, il s'était rendu à la ligne d'inspection primaire avant elle. Elle se rappelle avoir vu M. Syed sortir des documents aux comptoirs d'inspection primaire et secondaire. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu'elle ne pourrait identifier les documents, sauf la formule E-15, en raison de sa couleur verte.
[23]          Au cours de son témoignage, M. Ashikian a dit qu'il ne se rappelait pas que M. Syed lui ait présenté de documents autres que la formule E-311 et son passeport. Il avait pour habitude d'écrire la mention « inv. » sur la carte de déclaration lorsqu'un voyageur présentait un document désigné à titre de facture. Dans le cas qui nous occupe, aucune mention de cette nature ne figurait sur la carte de déclaration. Il se rappelait avoir déjà eu affaire à M. Syed lors de mesures d'exécution antérieures et savait donc qu'une vérification informatique ferait apparaître un voyant rouge dans son cas. Selon la procédure courante, un renvoi à un deuxième examen était donc automatique. De plus, les renvois étaient obligatoires dans tous les cas où des marchandises commerciales étaient déclarées. Il a donc inscrit sur la formule E-311 les numéros du code correspondant aux motifs du renvoi obligatoire et a enjoint à M. Syed de se rendre au comptoir d'inspection secondaire.
[24]          M. Syed a dit qu'au cours de la deuxième inspection, il a présenté sa formule E-311 et son passeport à l'agente des douanes Heather Smith. Il a également sorti de son sac vert les mêmes documents qu'il avait en mains à l'inspection primaire et les tenait dans sa main. Mme Smith a examiné les vêtements pour dames déclarés sur la formule. Une Déclaration en détail des marchandises occasionnelles (formule B-15) a été remplie et M. Syed a dû se rendre à un autre comptoir pour payer les droits et taxes.
[25]          M. Syed a ensuite remis une facture correspondant aux bijoux de Singapour et a montré les bijoux à Mme Smith. Une autre formule a été remplie et les bijoux ont été conservés dans un coffre-fort, comme le veut la pratique courante, jusqu'au dédouanement au bureau du fret aérien de Douanes.
[26]          Selon M. Syed, il a subséquemment présenté une facture relative à des échantillons de saphirs bleus évalués à 75 $ et achetés à Singapour. Mme Smith a demandé où se trouvaient les pierres. M. Syed a alors pris les pierres et les lui a remises. Mme Smith lui a demandé pourquoi les pierres n'avaient pas été déclarées. M. Syed a répondu qu'il les avait déclarées à M. Ashikian. Il a été étonné lorsqu'il a constaté qu'aucune mention ne figurait sur la formule E-311. Il s'est alors montré déconcerté et a dit à Mme Smith qu'elles étaient comprises dans son exemption personnelle de 100 $.
[27]          M. Syed a continué à dire qu'il avait montré les formules E-15 et B-3 ainsi que la lettre de la bijouterie Ellore à Mme Smith et qu'il avait demandé une remise. De l'avis de M. Syed, Mme Smith avait une attitude belliqueuse. Elle lui a demandé de lui montrer les bijoux et, lorsqu'il a obtempéré à sa demande, elle l'a accusé de contrebande. Après s'être fait lire la mise en garde, M. Syed a été détenu, parce qu'il était soupçonné d'avoir omis de déclarer des marchandises en bonne et due forme selon les exigences de la Loi sur les douanes. Les bijoux de Bangalore et les saphirs ont été saisis.
[28]          En contre-interrogatoire, M. Syed a reconnu qu'en qualité d'importateur, il était au courant de l'obligation de déclarer toutes les marchandises importées au Canada. Il a également admis qu'il savait que les renvois au deuxième examen étaient courants lorsque des marchandises commerciales étaient importées. Lorsqu'il a été interrogé au sujet de la discussion qu'il avait eue avec M. Backs, M. Syed a admis qu'il n'avait pas été avisé de ne pas déclarer de marchandises au moment de demander un remboursement. Il a répété qu'il a remis les documents pertinents à l'inspecteur chargé de l'examen primaire et s'attendait à ce qu'une demande de remise soit traitée. Lorsqu'il a été confronté à l'allégation de Mme Smith selon laquelle les bijoux de Bangalore se trouvaient dans l'un de ses grands sacs, il a répété qu'il les avait toujours transportés dans son sac fourre-tout.
[29]          Lors de la saisie, Mme Smith était inspecteure principale des douanes et comptait vingt ans d'expérience au service. Elle a mentionné que le rôle d'un inspecteur chargé du deuxième examen consiste à approfondir l'examen parfois sommaire que font les inspecteurs en poste au comptoir d'inspection primaire. Elle a expliqué que sa façon de procéder consistait à accueillir le passager et à demander à voir ses marchandises ou documents. Elle interrogeait ensuite le passager pour déterminer exactement ce qui était déclaré afin d'atteindre un point d'irrévocabilité. Une fois ce point atteint, le passager serait lié par sa déclaration. Mme Smith a précisé que cette étape est atteinte lors de l'inspection primaire.
[30]          Elle a ajouté que M. Syed s'est présenté au deuxième examen et que les seuls documents produits ont été sa carte de déclaration E-311 et son passeport. La carte indiquait que M. Syed déclarait des marchandises personnelles d'une valeur de 100 $ (correction apportée par M. Ashikian), des vêtements commerciaux d'une valeur de 401 $ et des bijoux commerciaux d'une valeur de 13 363 $. Selon Mme Smith, M. Syed a soutenu qu'il voyageait seul et que ses achats personnels se composaient de trois paires de lunettes et de quelques vêtements pour son épouse. C'est à ce moment qu'il a présenté les factures se rapportant aux bijoux de Singapour et aux vêtements commerciaux.
[31]          Après avoir examiné les vêtements commerciaux et les bijoux, Mme Smith a procédé à une vérification informatique de M. Syed et de l'entreprise de celui-ci. Cette inspection a révélé que deux mesures d'exécution avaient été prises contre M. Syed et son entreprise Amir Enterprises International au cours des dernières années.
[32]          Un examen des bagages de M. Syed a alors été entrepris. L'examen a d'abord porté sur le sac fourre-tout que M. Syed avait avec lui. Mme Smith a découvert un reçu d'un vendeur de Singapour, lequel reçu correspondait à 225 grammes de pierres taillées évaluées à 78,75 $ en dollars de Singapour. Elle a demandé à M. Syed où se trouvaient les pierres. Après avoir un peu hésité, il a désigné une autre valise de laquelle il a sorti un sac de pierres bleu foncé. Lorsqu'il s'est fait demander pourquoi il n'avait pas mentionné ces pierres dans sa déclaration, il a répondu qu'il s'agissait d'échantillons et qu'il ne croyait pas qu'il était tenu de déclarer les échantillons.
[33]          M me Smith a ensuite demandé à M. Syed s'il avait d'autres bijoux ou pierres dans ses sacs. Il a répondu par la négative. Mme Smith a continué à examiner le sac fourre-tout et a trouvé une photocopie de la formule B-3, la formule E-15 et la lettre de la bijouterie Ellore.
[34]          M. Syed a été interrogé au sujet de l'importance de la lettre de la bijouterie Ellore. Ignorant la question, il a mis la lettre de côté, saisi les formules B-3 et E-15 et demandé à Mme Smith de procéder immédiatement à une remise des droits et taxes déjà payés. Mme Smith a expliqué qu'aucun remboursement ne pouvait être obtenu à l'aérogare passagers; cependant, M. Syed a continué à demander la remise.
[35]          Après s'être fait poser d'autres questions par Mme Smith, M. Syed a reconnu qu'il avait d'autres bijoux dans ses bagages. Les bijoux de la bijouterie de Bangalore se trouvaient dans l'une de ses valises et ont été examinés. Ils avaient été emballés dans trois enveloppes de papier, après avoir été disposés dans des ouates de coton placées dans un sac en plastique.
[36]          Selon Mme Smith, M. Syed avait l'intention de réclamer un remboursement à l'égard des bijoux exportés énumérés sur la formule E-15 et de s'abstenir de déclarer les bijoux de Bangalore à moins d'être spécifiquement interrogé à ce sujet. M. Ashikian lui a confirmé que ces bijoux n'avaient pas été déclarés. Elle a conclu à l'existence d'éléments de preuve indiquant l'intention d'éluder le paiement des droits et taxes. En raison des antécédents de M. Syed en matière de paiement des droits de douane, une amende correspondant au triple du montant dont le paiement avait été éludé a été exigée.
[37]          En contre-interrogatoire, Mme Smith a reconnu que M. Syed avait du mal à s'exprimer en anglais; cependant, elle estimait que les services d'un interprète n'étaient pas nécessaires, parce que l'anglais de M. Syed était acceptable. Elle a admis qu'elle n'avait pas pris de notes au sujet de la grandeur et de la couleur des bagages de M. Syed. Toutefois, elle se rappelait que les bijoux avaient été trouvés dans un sac enregistré et non dans le sac fourre-tout. Elle a continué à dire que les événements résumés dans les notes qu'elle a préparées peu de temps après la saisie étaient exacts.
[38]          Les demandeurs ont interjeté appel de la saisie des bijoux le 9 novembre 1993. Après un long examen, le ministre a conclu, dans une lettre datée du 30 décembre 1994, qu'il y avait eu contravention à la Loi sur les douanes et la validité de la saisie a été confirmée.
Analyse
[39]          Dans l'affaire Mattu c. Canada2, le juge MacKay a énoncé la norme de preuve applicable dans un appel fondé sur l'article 135 de la Loi sur les douanes :
L'article 135 de la Loi sur les douanes n'énonce pas de façon détaillée les exigences applicables à l'appel qu'il prévoit à l'encontre de la décision du ministre ni ne précise la nature de celui-ci, et ces questions n'ont fait l'objet d'aucun débat en l'instance. Selon l'interprétation que j'en fais, cette disposition prévoit la tenue d'un procès de novo, au sens où la Cour n'est pas obligée de s'en tenir à l'examen de la preuve dont disposait le ministre. Par contre, tout comme dans le cas d'appel d'autres décisions administratives ou de décisions rendues par des organismes quasi-judiciaires créés législativement, la Cour n'interviendra pas à la légère et devra être convaincue que le ministre ou ses mandataires n'ont pas observé un principe de justice naturelle ou qu'ils ont outrepassé les pouvoirs que leur confère la loi ou, encore, que leur décision repose sur une erreur de droit ou sur une conclusion de fait arbitraire, entachée de mauvaise foi ou tirée sans égard à la preuve présentée pour modifier la décision.
[40]          Les demandeurs nient avoir fait de la contrebande ou tenté d'importer les bijoux de Bangalore en contrebande au Canada. Ils soutiennent que M. Syed a fait une déclaration conforme en présentant la formule E-15 et les pièces justificatives aux inspecteurs chargés des premier et deuxième examens à leur arrivée à l'aéroport de Vancouver. Subsidiairement, ils allèguent que les déclarations de M. Backs donnent lieu à une préclusion, parce qu'ils ont cru qu'ils respectaient les exigences se rapportant à la déclaration et aux droits de douane à payer en ce qui concerne les bijoux échangés.
[41]          La seule question à trancher est celle de savoir si M. Syed a déclaré les bijoux de Bangalore et les pierres taillées conformément aux exigences de la Loi ou, à tout le moins, s'il avait l'intention de déclarer les bijoux, mais qu'il s'est vu refuser la possibilité de le faire.
[42]          Les parties ont présenté des éléments de preuve contradictoires au sujet des propos échangés le 1er novembre 1993 entre M. Syed et les deux agents des douanes. Il est bien certain que le présent litige se résume à une question de crédibilité. Après avoir passé la preuve en revue, j'ai décidé de retenir le témoignage de M. Ashikian et de Mme Smith plutôt que celui des demandeurs.
[43]          En qualité d'importateur expérimenté, M. Syed savait qu'il devait, conformément aux exigences législatives, déclarer les marchandises importées au pays. Il a eu l'occasion pour la première fois de déclarer les bijoux de Bangalore au moment de remplir la formule E-311. Aucune explication satisfaisante n'a été donnée au sujet de la raison pour laquelle il n'a pas inscrit les bijoux échangés sur la formule, même s'il était tenu de le faire. Je ne crois pas que le conseil de M. Backs pouvait être interprété de façon à libérer les demandeurs de leur obligation de déclarer sans délai toutes les marchandises importées au Canada.
[44]          M. Syed a eu une autre occasion de déclarer les bijoux de Bangalore et les pierres taillées lorsqu'il a fait sa déclaration verbale à M. Ashikian. M. Syed a lui-même reconnu qu'il n'avait même pas mentionné les bijoux de Bangalore ou les pierres à ce moment. Il a plutôt décidé de conserver les documents, probablement pour demander une remise. Je n'accepte pas cet argument, car je crois que M. Ashikian aurait inscrit une mention au sujet des factures sur la formule E-311 si ces documents avaient été produits.
[45]          De plus, même si j'admettais que les documents ont été produits, aucun élément de la preuve n'indique que M. Syed a poursuivi la conversation avec M. Ashikian au sujet de la remise. Il semble s'être contenté de demeurer passif. L'absence d'initiative de M. Syed me laisse perplexe, compte tenu, surtout, des problèmes qu'il avait déjà eus avec le service.
[46]          M. Syed a répété qu'il a produit les mêmes documents lorsqu'il a été interrogé par Mme Smith et que les bijoux de Bangalore se trouvaient dans son sac fourre-tout. Cette affirmation a été carrément contredite par Mme Smith, qui a déclaré qu'elle avait trouvé les documents et les bijoux dissimulés dans les bagages de M. Syed. J'ai été impressionné par le souvenir que Mme Smith avait des événements. Je n'ai aucune raison de croire qu'elle a fabriqué son témoignage. Bien au contraire, elle m'a semblé honnête et directe. Je ne puis en dire autant dans le cas de M. Syed.
[47]          Ainsi, au cours de son témoignage, Mme Smith a mentionné que M. Syed avait déclaré qu'il voyageait seul. Il semble étrange qu'un homme et une femme mariés ayant longtemps voyagé ensemble ne s'accompagneraient pas pour faire une déclaration conjointe. L'explication que les demandeurs ont donnée au sujet du fait qu'ils n'étaient pas ensemble à l'inspection primaire a peu de valeur. J'en conclus que M. Syed avait l'intention de tromper Mme Smith sur ce point.
[48]          J'estime également que Mme Smith a inscrit correctement la date et l'heure dans ses notes, malgré une formule établie par ordinateur qui semble indiquer le contraire.
[49]          En ce qui concerne Fazal Syed, elle a semblé hésitante et mal à l'aise à la barre des témoins. Le souvenir qu'elle avait des événements était imprécis, sauf lorsqu'elle a corroboré le témoignage de son époux. C'est pourquoi j'ai accordé peu d'importance au témoignage qu'elle a présenté.
[50]          Les demandeurs n'ont pas établi par prépondérance de la preuve qu'ils ont déclaré ou avaient l'intention de déclarer les bijoux de Bangalore aux inspecteurs chargés du premier ou du deuxième examen. L'argument de la préclusion ne peut donc être retenu non plus. Après avoir entendu et observé les témoins, j'en arrive à la conclusion qu'il n'y a aucune raison d'intervenir dans la présente affaire. Par conséquent, je souscris à la décision du ministre et je confirme la validité de la saisie et de la confiscation.
[51]          L'appel est rejeté avec dépens en faveur du défendeur. Si les parties ne peuvent s'entendre au sujet du montant des dépens, les avocats déposeront, dans les dix jours de la date des présents motifs, des observations écrites dans un document d'au plus cinq pages et y joindront toute offre de règlement écrite.
     « Roger R. Lafrenière »
     Protonotaire
TORONTO (ONTARIO)
Le 19 juin 2000


Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.



     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    

     Avocats et procureurs inscrits au dossier


No DU GREFFE :                      T-194-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :              SAFI SYED et FAZAL SYED, faisant affaires sous le nom d'AMIR ENTERPRISES INTERNATIONAL

    

                             c.
                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL DU CANADA

AUDIENCE TENUE À VANCOUVER

(COLOMBIE-BRITANNIQUE)

MOTIFS DU JUGEMENT DU              PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

EN DATE DU                      LUNDI 19 JUIN 2000

AVOCATS ET PROCUREURS

INSCRITS AU DOSSIER :                  M e Jack D. Buchan

                             Cohen Buchan Edwards

                             Avocats

                             208-4940 No. 3 Road

                             Richmond (Colombie-Britannique)

                             V6X 3A5

                                 pour les demandeurs

                              M e Deborah L. Carlson

                             Swinton & Company

                             Avocats
                             1000-840 Howe Street
                             Vancouver (Colombie-Britannique)
                             V6Z 2M1

                                 Pour le défendeur

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 20000619

                        

         Dossier : T-194-95


                             Entre :

                             SAFI SYED et FAZAL SYED, faisant affaires sous le nom d'AMIR ENTERPRISES INTERNATIONAL,

     demandeurs,

                             et


                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL DU CANADA,

     défendeur.



                    

                            

        

                                 MOTIFS DU JUGEMENT

                            




Date : 20000619


Dossier : T-194-95

    

Toronto (Ontario), le lundi 19 juin 2000

EN PRÉSENCE DE : Roger R. Lafrenière, protonotaire



ENTRE :


SAFI SYED et FAZAL SYED, faisant affaires sous le nom

d'AMIR ENTERPRISES INTERNATIONAL,


demandeurs,

et


LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL DU CANADA,


défendeur.


    


JUGEMENT


L'appel est rejeté avec dépens en faveur du défendeur.


                             « Roger R. Lafrenière »

                                     Protonotaire


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

__________________

1 L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch.1.

2 (1991), 45 F.T.R. 190 (C.F. 1re inst.)

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