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Date : 20050114

Dossier : T-1625-02

Référence : 2005 CF 38

ENTRE :

                                                            CHARLES PAQUEO

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                          L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                L'avis de demande déposé le 26 septembre 2002, qui donne lieu au présent contrôle judiciaire, est un long document à simple interligne, dont la lecture et la compréhension ne sont pas aisées. Cependant, le contrôle demandé semble concerner une ordonnance rendue le 22 mai 2002 par le directeur adjoint des Services fiscaux de Vancouver, Agence des douanes et du revenu du Canada, une ordonnance qui refusait au demandeur un quelconque redressement allant au-delà d'un compromis de 16 036 $, atteint à la faveur des dispositions en matière d'équité, compromis dont le solde de 12 036,40 $ semble à ce jour impayé.

[2]                À la suite d'un avis d'examen de l'état de l'instance daté du 5 mai 2003, madame la juge Tremblay-Lamer a décidé que cette affaire suivrait son cours en tant qu'instance à gestion spéciale, par ordonnance du 8 octobre 2003. Par suite de plusieurs retards et de l'inertie de M. Paqueo, j'ai ordonné le 20 octobre 2004 un examen intérimaire de l'état de l'instance afin que M. Paqueo puisse expliquer pourquoi cette instance ne devait pas être rejetée pour cause de retard. J'examinerai maintenant certains faits pertinents.

LES FAITS

[3]                Durant le déroulement de cette instance en tant qu'instance à gestion spéciale, M. Paqueo n'a pas déposé son dossier dans le délai et, durant une conférence de gestion de l'instance tenue le 12 mai 2004, il a été invité à présenter une requête en prorogation de délai, la requête devant être déposée au plus tard le 11 juin 2004.


[4]                Le 26 juillet 2004, un mois et demi après l'échéance de la signification et du dépôt de la requête en prorogation de délai, M. Paqueo écrivait à la Cour pour l'informer qu'il comptait présenter la requête en prorogation de délai, mais qu'il avait été malade. Malheureusement, cette lettre n'indiquait nulle part la date à laquelle M. Paqueo entendait présenter une requête en prorogation de délai. Aucune requête du genre n'ayant été déposée, j'ai ordonné le 20 octobre 2004, en application du paragraphe 385(2) des Règles, un examen intérimaire de l'état de l'instance. Le paragraphe 385(2) permet au juge responsable de la gestion de l'instance d'ordonner la tenue d'un examen de l'état de l'instance du même genre que ce que prévoit l'article 382. Un tel examen intérimaire, puisqu'il porte sur un aspect qui relève déjà de la gestion de l'instance, peut conduire soit au rejet de l'instance pour cause de retard, soit à son maintien en tant qu'instance à gestion spéciale si le juge responsable de la gestion de l'instance est convaincu (et c'est au demandeur qu'il appartient de le convaincre) que l'affaire devrait suivre son cours.

[5]                Je ferais observer qu'un examen de l'état de l'instance a lieu non pas nécessairement pour mettre un terme à une affaire, mais plutôt pour accélérer le déroulement d'une affaire, si cela est raisonnablement juste et possible eu égard à l'ensemble des circonstances. Cependant, avant de permettre à un demandeur d'exposer ses arguments et d'obtenir finalement une décision, je dois considérer le droit du défendeur de compter sur une audience sans délai excessif, afin qu'il soit en mesure de faire valoir ses arguments, puis, quelle que soit l'issue, de savoir à quoi s'en tenir et de se remettre à ses activités habituelles. Je ferais remarquer que c'est au demandeur qu'il incombe de faire avancer l'instance et de convaincre la Cour que l'instance devrait se poursuivre. Cela requiert, entre autres choses, une proposition concrète exposant les mesures que le demandeur envisage de prendre pour que l'affaire soit instruite.

[6]                L'avis d'examen intérimaire d'état de l'instance en date du 20 octobre 2004 disait que M. Paqueo avait jusqu'à la fermeture du greffe le 19 novembre 2004 pour signifier et déposer une explication indiquant les raisons pour lesquelles la présente instance ne devrait pas être rejetée pour cause de retard.


[7]                Le 19 novembre 2004, plutôt que de produire des conclusions en réponse à l'avis d'examen de l'état de l'instance, M. Paqueo a déposé au greffe une requête, appuyée par un affidavit et des observations écrites, en vue d'obtenir une prorogation du délai de production de sa réponse à l'avis d'examen. La requête n'a pas été validement signifiée à la défenderesse. Elle a donc simplement été reçue par le greffe. La conséquence de cette tentative avortée de dépôt d'une requête en prorogation de délai, tentative qui n'a pas été complétée par une signification valide à la défenderesse, a été une directive du 29 novembre 2004 prévoyant notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les documents de M. Paqueo, datés du 19 novembre 2004 et livrés à la Cour ce même jour, appelés avis de requête en prorogation de délai, avis auquel sont annexés un affidavit et des observations écrites, semblent être une réponse à l'avis d'examen intérimaire de l'état de l'instance signifié le 20 octobre 2004 conformément à l'article 385(2) des Règles. Cette réponse devait être donnée le 20 novembre 2004. Le greffe et l'avocat de la défenderesse ont pensé que les documents du 19 novembre 2004 constituaient une requête. Quoi qu'il en soit, à cause d'un problème de signification, la requête n'a pas été déposée par le greffe.

La situation actuelle n'est pas une situation qui permet une requête en prorogation de délai, bien qu'en théorie appel ait pu être interjeté contre l'ordonnance d'examen intérimaire de l'état de l'instance. C'est plutôt un examen auquel doit satisfaire M. Paqueo.

Les documents présentés par M. Paqueo comme requête sont hors de propos, car il ne peut être donné suite à un avis d'examen de l'état de l'instance au moyen d'une requête, mais plutôt au moyen d'observations écrites. Cependant, M. Paqueo semble être concerné par l'une des questions pertinentes dans un examen de l'état de l'instance, questions exposées dans la décision Baroud c. Canada (Procureur général) (1998) 160 F.T.R. 91 (C.F. 1re inst.), à la page 92, qui a été expliquée dans la décision Day c. Procureur général du Canada, 2004 CF 1103, décision qui a été communiquée aux parties. Les documents de M. Paqueo traitent du retard, mais ils ne proposent une solution que dans une mesure extrêmement restreinte. M. Paqueo dit plutôt simplement qu'il est disposé à aller de l'avant « dans le délai » avec sa demande.

                Les documents ne constituent pas une requête, et cela parce qu'ils n'ont pas été validement signifiés. Ils seront cependant acceptés par le greffe en tant que réponse du demandeur à l'avis d'examen de l'état de l'instance.

Le recours à un affidavit n'est pas habituellement une réponse satisfaisante à un avis d'examen de l'état de l'instance, mais, dans le cas présent, je ne considère pas la production d'un affidavit comme un vice de forme.


[8]                Bien qu'elle n'y fût pas tenue, la défenderesse a, dans le délai, répondu en déposant des observations écrites. Avant d'évaluer tout cela, j'examinerai certaines dispositions portant sur l'examen de l'état de l'instance.

DISPOSITIONS APPLICABLES

[9]                Si la Cour n'est pas persuadée (et c'est au demandeur qu'il appartient de la persuader) que, à la suite d'un examen intérimaire de l'état de l'instance, l'instance devrait suivre son cours, alors l'instance peut être rejetée pour cause de retard. Il s'agit là d'une décision discrétionnaire du juge chargé de la gestion de l'instance. La question a été étudiée par le juge Hugessen dans la décision Baroud c. Canada (Procureur général) (1998) 160 F.T.R. 91 (C.F. 1re inst.), à la page 92 :

[4]            En décidant de la façon dont elle doit exercer le large pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de la règle 382 à la fin d'un examen de l'état de l'instance, la Cour doit, à mon avis, se préoccuper principalement de deux questions :

                1)              Quelles sont les raisons pour lesquelles l'affaire n'a pas avancé plus vite et justifient-elles le retard qui a eu lieu?

                2)              Quelles mesures le demandeur propose-t-il maintenant pour faire avancer l'affaire?

[5]            Les deux questions sont clairement en corrélation en ce sens que s'il existe une excuse valable justifiant que l'affaire n'ait pas progressé plus rapidement, il n'est pas probable que la Cour soit très exigeante en requérant un plan d'action du demandeur. D'autre part, si aucune raison valable n'est invoquée pour justifier le retard, le demandeur devrait être disposé à démontrer qu'il reconnaît avoir envers la Cour l'obligation de faire avancer son action. De simples déclarations de bonne intention et du désir d'agir ne suffit clairement pas. De même, le fait que la défenderesse puisse avoir été négligente et ne s'être pas acquittée de ses obligations procédurales est, dans une grande mesure, sans rapport : la principale obligation de voir à ce que l'affaire se déroule normalement incombe au demandeur et, à un examen de l'état de l'instance, la Cour lui demandera des explications.


Je ferais ici observer que la directive du 29 novembre 2004 se référait non seulement à la décision Baroud, mais également au fait que M. Paqueo avait reçu, antérieurement, à titre de modèle, une copie de la décision Baroud et une copie de la décision Day c. Le Procureur général du Canada, 2004 CF 1103.

[10]            Revenons à la citation susmentionnée de la décision Baroud. Elle énonce plusieurs points importants, notamment les suivants : le demandeur a l'obligation de faire avancer l'instance; de simples déclarations de bonnes intentions et du désir d'agir ne suffisent pas; enfin la principale obligation de voir à ce que l'affaire se déroule normalement incombe au demandeur, en l'occurrence à M. Paqueo. Finalement, la Cour compte sur le demandeur pour qu'il lui explique les raisons du retard.

[11]            Dans la décision Precision Drilling International, B.V. c. BBC Japan, 2004 CF 701, la juge Snider a appliqué d'une manière plus libérale la décision Baroud :

12.           Compte tenu des répercussions profondes que comporte le rejet d'une action pour cause de retard, j'estime qu'il y a lieu de s'en tenir à l'intérêt supérieur de la justice en l'espèce et de ne pas accorder trop d'importance aux omissions ou vices de procédure mineurs. La principale question devrait être celle de savoir si les demanderesses reconnaissent l'obligation qui leur incombe de voir à ce que l'action se déroule normalement et à faire le nécessaire en ce sens. À mon avis, les questions posées dans l'arrêt Baroud visent simplement à répondre à ces préoccupations et ne doivent pas être appliquées de manière à occulter la question plus globale. Ainsi, selon ma vision de ces deux questions eu égard aux faits de l'espèce, je suis portée à adopter une approche libérale en ce qui concerne cette analyse.


[12]            Cette approche a pour effet de reconnaître la gravité d'un rejet pour cause de retard, elle considère l'intérêt de la justice et elle s'interroge sur la question de savoir si un demandeur reconnaît son obligation de faire avancer l'instance et s'il prend des mesures en ce sens. Dans la décision Precision Drilling, la juge Snider a accepté, comme raison d'une absence d'évolution de l'instance, les pourparlers en cours et l'espoir que l'affaire serait résolue sans qu'il faille recourir à un procès.

[13]            Intéressante également ici est la décision Fabrikant c. Canada, [1999] A.C.F. no 189 (QL), rendue le 11 février 1999 par le juge Lutfy (maintenant juge en chef de la Cour fédérale). Cette affaire portait sur un examen complexe de l'état de l'instance. La Cour avait, par des directives, informé bien à l'avance le demandeur sur les mesures qu'il devait prendre. Cette affaire n'est pas sans rappeler celle qui nous concerne ici. Il y a un autre point commun, à savoir l'état de santé du demandeur, entre l'affaire Fabrikant et la présente affaire. M. Fabrikant avait subi une crise cardiaque et n'avait pas été en mesure de consulter un avocat. Le juge Lutfy a estimé, compte tenu de l'assistance qui avait été offerte à M. Fabrikant, que ni son état de santé ni son incapacité de consulter un avocat ne constituaient une explication satisfaisante du retard : il a rejeté l'action pour cause de retard.

[14]            Un autre précédent intéressant est la décision Pascal c. Canada (PG) (2002), 228 F.T.R. 210 (C.F. 1re inst.). Le demandeur, M. Pascal, avait avancé comme excuse qu'il était souvent pris par des affaires personnelles et que son état d'esprit ne lui permettait pas de s'occuper de l'instance : le juge Pinard a jugé que des excuses aussi générales ne suffisaient pas à justifier le retard et il a donc rejeté l'action pour cause de retard.

[15]            Je devrais aussi mentionner l'arrêt Succession Manson c. Canada (MRN), [2003] 1 C.T.C. 13 (C.A.F.), dans lequel la Cour d'appel fédérale faisait observer, en rejetant l'appel du demandeur à la suite d'un rejet pour cause de retard, que l'inobservation de directives ou d'ordonnances de la Cour était un facteur non négligeable du rejet d'une action pour cause de retard. La Cour faisait observer ensuite que, si ceux qui avaient introduit l'instance s'étaient rapidement conformés aux ordonnances et directives, l'instance aurait été prête pour un procès des mois auparavant. Toutefois, en l'absence d'éléments pouvant justifier les manquements, la décision de la Section de première instance de rejeter pour cause de retard l'action de la succession Manson a été confirmée.

[16]            Le dernier précédent auquel je me référerai est l'arrêt Rogers (exploitant une entreprise sous la raison sociale Lairds Aircraft Support) c. Canada, 2001 CAF 382, 2001 A.C.F. no 1857. En première instance, le juge Pinard, qui réexaminait une ordonnance de rejet rendue à la suite d'un avis d'examen de l'état de l'instance, avait adopté et résumé les éléments figurant dans les conclusions de l'intimé, éléments qui sont des facteurs pertinents susceptibles d'être appliqués à toute partie qui a l'obligation de faire progresser une instance :


4.             ...

a)             l'appelant n'a pris aucune mesure réelle pour faire progresser l'instance, au-delà de vagues assurances selon lesquelles il commencerait de réunir des documents, de communiquer avec des témoins et de rédiger des propositions de compromis, sans que rien de tout cela ne se soit encore concrétisé;b)          l'appelant n'a proposé aucune mesure concrète pour faire avancer la procédure, se limitant à affirmer qu'il est disposé à aller de l'avant;

...

d)             la correspondance envoyée par l'appelant à l'intimée a été vague et brève, et « elle ne contribue pas à faire avancer la procédure » ;

e)              puisque l'appelant n'a avancé aucune présomption sérieuse pouvant justifier l'annulation du débouté et n'a proposé aucune mesure concrète pour faire avancer l'instance, on ne peut dire que l'appelant répond aux conditions de la règle 399 pour l'annulation du débouté.

Ici l'accent est mis sur le fait que l'appelant n'avait pris aucune mesure réelle pour faire progresser l'instance et la mener à son terme. Dans l'arrêt Rogers, la Cour d'appel a approuvé l'approche et l'analyse adoptées par le juge Pinard. Cet arrêt présente un point commun avec la présente instance, car M. Paqueo dit simplement qu'il est disposé à produire des réponses, à exposer les raisons pour lesquelles l'affaire ne devrait pas être rejetée pour cause de retard et à rechercher une solution rapide pour qu'il puisse ensuite reprendre ses activités normales, qui ont été perturbées par 14 années de harcèlement implacable de la part de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Aucune de ces affirmations ne débouche sur des mesures concrètes visant à faire progresser l'instance, mesures concrètes que le juge Pinard souhaitaient trouver dans l'affaire Rogers.

[17]            J'admets que M. Paqueo ne soit pas en mesure de s'offrir les services d'un avocat. Cette situation peut rendre un retard plus compréhensible, ainsi que le faisait observer la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Grenier c. Canada, [2001] N.R. Uned. 99, [2001] A.C.F. no 147 (QL). Toutefois, M. Paqueo ne s'est guère empressé de tirer parti des suggestions et documents présentés par la Cour.

[18]            Je résumerai maintenant les observations de M. Paqueo et de l'avocat de la Couronne, qui sont exposées dans leurs documents écrits.

POSITIONS DES PARTIES

[19]            Je commence par les documents de M. Paqueo, qui se composent de plusieurs moyens portant sur le retard, exposés dans la requête, ainsi que d'éléments exposés dans un affidavit et dans ses observations écrites, et le tout a été reçu par la Cour le 19 novembre 2004. Je ferais observer ici que seuls les événements qui se sont produits depuis le 19 août 2003, date de l'ordonnance rendue par la juge Tremblay-Lamer, présentent de l'intérêt : le retard antérieur, qui avait conduit à cet examen initial de l'état de l'instance, et qui révélait peut-être une structure de comportement, ne présente pas d'intérêt.

[20]            Les moyens exposés dans la requête, par laquelle M. Paqueo souhaitait obtenir plus de temps pour réagir à l'avis d'examen intérimaire de l'état de l'instance, sont les suivants :


[TRADUCTION]

1.              le demandeur a été gravement malade, par suite d'affections récurrentes aux reins, outre la probabilité d'une septième chirurgie d'extraction de calculs rénaux, avec complications additionnelles liées au diabète et à un taux élevé de cholestérol au cours des six derniers mois;

2.              le demandeur n'est pas représenté par un avocat;

3.              le demandeur avait l'intention d'engager des procédures à l'intérieur du délai;

4.              le demandeur a un argument défendable;

5.              il est dans l'intérêt de la justice naturelle que l'appel du demandeur soit entendu, étant donné que cette affaire est en attente d'une solution satisfaisante depuis 1991.

6.              Aucun préjudice n'est subi par la défenderesse.

Il faut considérer ici le fait que le demandeur est malade depuis au moins six mois et, sans doute jusqu'à un certain point, le fait qu'il n'a pas d'avocat. Le reste des éléments, eu égard à la décision Baroud (précitée) et à l'approche plus libérale adoptée dans la décision Precision Drilling (précitée), est largement hors de propos, car M. Paqueo, tout en ayant de bonnes intentions, ne propose rien qui puisse faire avancer jusqu'à son terme sa demande de contrôle judiciaire.

[21]            Dans son affidavit déposé sous serment le 19 novembre 2004, M. Paqueo se limite à rappeler qu'il est malade et qu'il n'est pas en mesure de s'offrir les services d'un avocat, en raison des frais, puis il expose les points suivants :

[TRADUCTION]

4.              En tant que demandeur, je suis disposé à aller de l'avant avec la demande dans le délai.

5.              Je suis disposé à répondre dans le délai à l'avis d'examen de l'état de l'instance dès qu'il m'aura été signifié.

6.             Je suis disposé à exposer les raisons pour lesquelles l'instance ne devrait pas être rejetée pour cause de retard en ce qui concerne l'ordonnance rendue par le protonotaire John Hargrave en date du 20 octobre 2004.

Ces affirmations sont « de simples déclarations de bonnes intentions et du désir de faire avancer l'affaire » . Le juge Hugessen, dans la décision Baroud, à la page 92, avait fait une mise en garde contre les simples déclarations de ce genre, qu'il estimait manifestement insuffisantes.


[22]            Les observations écrites présentées par M. Paqueo sont presque entièrement une répétition de la requête et de l'affidavit, mais M. Paqueo ajoute ce qui suit :

[TRADUCTION]

f.              Malgré ma santé chancelante, je suis tout à fait disposé à aller de l'avant avec cette affaire à l'intérieur du délai, puisque je me suis exécuté en produisant la demande, les affidavits justificatifs et les pièces documentaires du dossier.

C'est là une affirmation déroutante, parce que la raison de l'examen de l'état de l'instance est que M. Paqueo n'avait pas respecté les délais ni ne s'était exécuté en produisant les pièces justificatives nécessaires pour faire avancer cette instance.

[23]            Les documents écrits de M. Paqueo renferment la conclusion suivante :

[TRADUCTION]

2.             ARGUMENTATION :

1.             Le demandeur affirme respectueusement qu'il a été gravement malade, par suite d'affections récurrentes aux reins, outre la probabilité d'une septième chirurgie d'extraction de calculs rénaux, avec complications additionnelles liées au diabète et à un taux élevé de cholestérol au cours des six derniers mois, et c'est la raison pour laquelle il n'a pas été en mesure de m'occuper de cette affaire.

2.              Le demandeur s'est préparé pour cette affaire durant une longue période et il est inconcevable pour lui qu'elle ne suive pas son cours.

3.             Cette affaire s'est profondément répercutée sur le demandeur et sur sa famille. Elle a considérablement réduit sa capacité de trouver un meilleur emploi, ses perspectives de promotion, sa capacité de gain et son avenir tout entier.

4.             Le demandeur voudrait obtenir une solution rapide pour cette affaire, afin de pouvoir reprendre ses activités normales, qui ont été entravées ou qui se sont éternisées en raison du harcèlement implacable qu'exerce sur lui l'ADRC depuis 14 ans.


Je relève ici que M. Paqueo a des ennuis de santé qui remontent à au moins six mois, mais cette durée est bien inférieure au temps qui s'est écoulé depuis la première ordonnance de gestion de l'instance. Il dit qu'il est inconcevable que l'affaire ne suive pas son cours, et cela en raison des répercussions qu'elle a eues sur lui-même et sur sa famille, et il dit qu'il souhaite en arriver rapidement à une solution. Ce sont là des affirmations louables, mais, comme je l'ai indiqué, elles entrent dans la catégorie des simples déclarations de bonnes intentions et d'un désir d'aller de l'avant, déclarations qui manifestement sont insuffisantes. J'examinerai maintenant la position de la défenderesse, en résumant certains passages et en en citant d'autres.

[24]            Globalement, la défenderesse dit que l'instance introduite par M. Paqueo souffre de ses constants atermoiements, M. Paqueo ne montrant [traduction] « que l'engagement nécessaire de présenter des requêtes répétitives en prorogation de délai » . La défenderesse relève que la dernière mesure prise dans la présente instance a été le dépôt par le demandeur de son affidavit, le 6 décembre 2002, et donc, selon l'article 309 des Règles, le dossier de M. Paqueo devait être signifié et déposé au plus tard le 15 janvier 2003 : le dossier de M. Paqueo est maintenant en souffrance depuis environ deux ans. La défenderesse fait ensuite remarquer que le demandeur, bien qu'il ait été invité lors d'une conférence de gestion de l'instance datée du 12 mai 2004 à présenter une requête en prorogation du délai de dépôt de son dossier, a négligé de prendre cette mesure.

[25]            La défenderesse fait valoir qu'il appartient à M. Paqueo d'expliquer sa lenteur, puis elle fait observer que les ennuis de santé, invoqués comme raison de cette lenteur, n'ont jamais été catégorisés quant à leur nature et à leur degré, et que M. Paqueo n'a pas expliqué comment ses ennuis de santé ont pu le rendre impotent au point qu'il soit dans l'impossibilité de déposer son dossier, alors qu'il a été en mesure de préparer des requêtes en prorogation de délai lorsqu'il était obligé de le faire pour empêcher le rejet de son action. La défenderesse conclut que [traduction] « le demandeur semble avoir cherché uniquement à perpétuer son retard, non à faire progresser l'instance » . Selon la défenderesse, M. Paqueo n'a pas suffisamment expliqué le retard, car il semble assez gaillard pour produire des documents, notamment des requêtes en prorogation de délai, mais pas assez gaillard pour préparer et déposer son dossier.

[26]            Finalement, la défenderesse expose ce qui suit :

[traduction]

16.       En outre, le demandeur n'a proposé aucune mesure qui serait de nature à hâter le déroulement de cette affaire, comme il y est tenu.

17.       Amanda Day c. Le Procureur général du Canada, 2204 CF 1003.

18.       Le demandeur a simplement indiqué son intention d'aller de l'avant « dans le délai » .

19.       Cependant, « de simples déclarations de bonnes intentions sont manifestement insuffisantes » .

Baroud c. Canada (Procureur général), (1998) 160 F.T.R. 91, à la page 92


La défenderesse est d'avis que la demande de M. Paqueo devrait être rejetée pour cause de retard, parce que :

[traduction]

20.       Le demandeur a simplement donné d'aimables assurances, sans indiquer véritablement et concrètement que cette affaire suivra son cours avec célérité. Par conséquent, le demandeur n'a pas exposé les raisons pour lesquelles la présente instance ne devrait pas être rejetée pour cause de retard.

EXAMEN

[27]            Le demandeur a bénéficié d'occasions, de suggestions et de facilités durant le processus de gestion de l'instance. S'il y avait donné suite, même en partie seulement, il aurait pu faire avancer cette instance. J'ai ici à l'esprit, comme exemple précis, une lettre du 12 mai 2004 se rapportant à la gestion de l'instance et indiquant la nécessité d'une requête en vue d'obtenir une prorogation du délai de dépôt de son dossier. Cette lettre se référait à deux précédents, dont l'un était connu de M. Paqueo. Puis la lettre exposait, se référant à diverses règles, les mesures que M. Paqueo devait prendre pour accélérer le déroulement de l'affaire, et elle concluait par une mise en garde selon laquelle, si la demande d'audience prévue par l'article 314 des Règles n'était pas déposée rapidement, on procéderait alors sans doute à un autre examen de l'état de l'instance afin de savoir si cette demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée pour cause de retard.

[28]            Eu égard à tout ce qui précède, le demandeur n'a pas respecté les conditions énoncées dans la décision Baroud (précitée), ni même le critère modifié proposé par la juge Snider dans la décision Precision Drilling (précitée), et il n'a pas non plus franchi l'obstacle dont il est question dans la décision Fabrikant (précitée). Dans cette dernière décision, les sérieux ennuis de santé du demandeur, ni son incapacité de s'adresser à un avocat, n'avaient pas été acceptés comme des explications satisfaisantes excusant la lenteur du demandeur à faire progresser l'instance. Cependant, je sais également que, dans un examen de l'état de l'instance, les explications données doivent être examinées au cas par cas. En l'espèce, il est juste de dire que M. Paqueo semble avoir été apte à produire des documents sollicitant des prorogations de délai et renfermant diverses conclusions, mais inapte à accomplir les démarches effectives nécessaires à un déroulement expéditif de l'instance, ou à proposer les dates auxquelles telles démarches pourraient être accomplies.

[29]            Même si l'on adopte la manière très libérale exposée dans la décision Precision Drilling (précitée) pour l'interprétation de la décision Baroud (précitée), la justification donnée pour expliquer le long retard est très mince. M. Paqueo n'a reconnu que très faiblement son obligation de faire avancer le moindrement la procédure de contrôle judiciaire.

DISPOSITIF


[30]            Un examen de l'état de l'instance n'a pas pour objet de mettre fin à une instance, mais doit plutôt être considéré comme un moyen de faire avancer une requête ou une action, dans la mesure où, compte tenu de toutes les circonstances, cela est raisonnable, équitable et possible. Il importe d'ailleurs de donner à un demandeur l'occasion de faire valoir ses arguments devant le tribunal afin d'obtenir le redressement souhaité. Mais je dois mettre en équilibre cette raison d'aller de l'avant et le droit du défendeur d'espérer que l'audience ou le procès aura lieu sans délai excessif, de telle sorte que les parties puissent ensuite, comme on peut le lire dans la décision Sebastian c Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) (1996) 115 F.T.R. 268 (C.F. 1re inst.), à la page 274, retourner à leurs affaires dans un délai raisonnable :

[33]         La décision de rejeter une action pour défaut de poursuivre ne doit pas être prise à la légère. C'est une mesure très sévère qui prive une partie de l'occasion de se faire entendre. Toutefois, dans tout litige, le demandeur a des obligations et le défendeur a des droits. L'une des obligations du demandeur est de poursuivre son action à un rythme raisonnable; le défendeur a le droit de s'attendre à ce que l'action soit jugée sans retard excessif, pour ne pas subir de préjudice en devenant incapable de présenter sa meilleure défense et, qu'il gagne ou qu'il perde, pour dissiper toute incertitude et avoir la possibilité de retourner à ses affaires dans un délai raisonnable.

[31]            Les justifications avancées par M. Paqueo pour expliquer le retard, de même que ses supposées bonnes intentions de faire avancer l'instance, ne correspondent pas à une interprétation même libérale des exigences exposées dans la décision Baroud (précitée), ni ne persuadent aucunement la Cour que l'action devrait suivre son cours comme l'indique l'alinéa 382(2)a) des Règles. Cette demande de contrôle judiciaire est donc rejetée pour cause de retard.

                                                                                                                            « John A. Hargrave »                   

                                                                                                                                         Protonotaire                         

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 14 janvier 2005

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                REQUÊTE JUGÉE SUR PIÈCES, SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

DOSSIER :                                            T-1625-02

INTITULÉ :                                           Charles Paqueo c. L'Agence des douanes et du revenu du Canada

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                          LE 14 JANVIER 2005

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Charles Paqueo

Raj Grewal

LE DEMANDEUR, en son propre nom

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Charles Paqueo

Burnaby (Colombie-Britannique)

John H Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

EN SON PROPRE NOM

                                

POUR LA DÉFENDERESSE


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