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Date : 20210421


Dossier : IMM-2136-20

Référence : 2021 CF 350

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2021

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

BENI GILEZA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcé sur le banc à Ottawa (Ontario), le 21 avril 2021)

[1] Monsieur Gileza est citoyen de la République démocratique du Congo. Il est entré au Canada à l’âge de 9 ans et a obtenu le statut de résident permanent en 2007. En juillet 2015, il aurait incité certains de ses amis à cambrioler la maison de ses voisins, dans l’objectif de recueillir une partie de la vente des biens volés. En mai 2016, il a plaidé coupable à une accusation d’introduction par effraction dans un dessein criminel en lien avec ces événements. La Section de l’immigration [SI] l’a déclaré interdit de territoire pour grande criminalité en vertu de l’article 36(1)(a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et a prononcé à son encontre une mesure de renvoi.

[2] Monsieur Gileza a fait appel de cette décision à la Section d’appel de l’immigration [SAI], en faisant valoir des motifs d’ordre humanitaire. Après avoir appliqué les critères de l’arrêt Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] IABD no 4 (QL), la SAI a conclu que la gravité de l’infraction et le risque élevé de récidive de M. Gileza justifiaient le rejet de l’appel. Au chapitre de la réadaptation, la SAI a noté que M. Gileza a plaidé coupable à une panoplie d’infractions, avant et après l’émission de la mesure de renvoi, et que, questionné sur certaines de ces infractions, celui-ci ne nie pas les événements, mais ne fait part d’aucune réelle introspection. La SAI relève une tendance répétée à minimiser les incidents dans lesquels il est impliqué et à rejeter le blâme sur ses mauvaises fréquentations, sa consommation d’alcool ou le fait que les victimes de ses actes n’aient pas saisi son humour. La SAI note enfin que M. Gileza a fourni aux policiers de fausses identités à plusieurs reprises, même après avoir été averti des conséquences de ce geste.

[3] Monsieur Gileza sollicite aujourd’hui le contrôle judiciaire de cette décision.

[4] Il soutient tout d’abord que la SAI aurait erré dans son évaluation du degré de gravité de l’infraction qui lui est reprochée. À ce propos, la SAI s’est fondée sur une déclaration que M. Gileza a faite aux policiers peu après l’événement, selon laquelle il était l’instigateur du vol et qu’il devait recevoir une partie des profits. Elle a écarté le témoignage que M. Gileza a donné à l’audience, qui visait à minimiser son degré de responsabilité, jugeant celui-ci peu crédible. M. Gileza soutient que la SAI commet ainsi une erreur semblable à celles que notre Cour a relevées dans les affaires Rajagopal c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 523, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Hua, 2001 CFPI 722.

[5] À cet égard, je rappelle qu’il n’appartient pas à notre Cour de soupeser à nouveau les différents éléments de preuve présentés à la SAI. Ici, les motifs donnés par la SAI pour ne pas croire M. Gileza sont tout à fait raisonnables. En particulier, comme dans l’affaire Nashir c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 147, au paragraphe 29, la SAI n’était pas tenue d’accepter l’explication fournie par M. Gileza selon laquelle il aurait plaidé coupable à la suggestion de son procureur. À l’audience devant moi, M. Gileza a soutenu que l’avocat qui le représentait alors n’était peut-être pas au courant des conséquences d’un tel plaidoyer sur le statut de résident permanent. Cependant, il s’agit là de pure spéculation.

[6] Par ailleurs, dans l’affaire Pascal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 751, au paragraphe 29, mon collègue le juge Nicholas McHaffie a fait un examen exhaustif de la jurisprudence et a conclu qu’il n’y a aucune interdiction absolue de prendre en considération des informations figurant dans un rapport de police. La SAI n’a donc pas commis d’erreur en écartant le témoignage de M. Gileza au profit de sa déclaration contenue dans le rapport de police. Pour les mêmes raisons, la SAI n’a pas méconnu la présomption d’innocence en mentionnant une accusation qui n’a pas encore donné lieu à une déclaration de culpabilité. À cet égard, je souligne que M. Gileza a été déclaré coupable de la grande majorité des infractions dont la SAI fait état. À l’audience devant moi, il a été incapable de préciser quelles infractions n’avaient pas encore fait l’objet d’une déclaration de culpabilité au moment de l’audience devant la SAI.

[7] Monsieur Gileza soutient également qu’en raison de ses chances de réadaptation, même si celles-ci sont minces, la SAI aurait dû faire droit à l’appel ou, à tout le moins, surseoir au renvoi et imposer des conditions. Or, la pondération des facteurs de l’arrêt Ribic et le choix de la mesure appropriée relèvent de la SAI et non de notre Cour statuant en contrôle judiciaire. Eu égard aux faits mentionnés plus haut, j’estime que la SAI pouvait raisonnablement conclure que le casier judiciaire bien garni de M. Gileza est un facteur qui joue fortement contre lui et que rien n’obligeait la SAI à faire preuve de clémence.

[8] Enfin, je précise que je n’ai pas tenu compte d’une preuve additionnelle que le ministre a cherché à présenter au sujet d’infractions que M. Gileza aurait commises après le prononcé de la décision de la SAI. En contrôle judiciaire, une telle preuve est normalement irrecevable. La décision de la SAI est raisonnable même sans se fonder sur cette preuve.

[9] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2136-20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM‑2136-20

 

INTITULÉ :

BENI GILEZA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

par VIsioCONFéRENCE entre oTTAWA, oNTARIO et MONTréAL, québec

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 avril 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

DATE DES MOTIFS :

Le 21 avril 2021

COMPARUTIONS :

Dorin Cosescu

POUR LE DEMANDEUR

 

Daniel Latulippe

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dorin Cosescu

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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