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Date : 20051031

Dossier : IMM-1652-05

Référence : 2005 CF 1474

OTTAWA (Ontario), ce 31ième jour d'octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

CHRISTELLE OTTO MBONGO ET AUTRE

Demandeurs

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire, introduite en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27(LIPR), porte sur une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 4 janvier 2005. Dans cette décision, la Commission a conclu que Mme Christelle Otto Mbongo (demanderesse) et son fils Rinaldo Otto Mbongo Atalay ne satisfaisaient pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 de la LIPR.

[2]                 Voici les faits allégués par la demanderesse, citoyenne de la république populaire du Congo, tels que décrits dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), son dossier de mémoire et par la Commission.

[3]                 La demanderesse est née le 19 janvier 1974, à Brazzaville dans la république populaire du Congo. Elle s'est mariée à Brazzaville le 10 octobre 1990, à Tolga Atalay, un citoyen de la République de Turquie. Ils ont eu un enfant nommé Ronaldo Otto Mbongo Atalay.

[4]                 La demanderesse travaille comme hôtesse au sol pour une petite compagnie aérienne nommée GOFAR. GOFAR participe occasionnellement, sous menaces et contraintes, au transport de rebelles militaires, d'armes et de munitions. Donc, les services de sécurité du Congo s'intéressaient à elle, à son mari, au copilote et au propriétaire de la petite ligne aérienne. Le propriétaire belge est retourné en Belgique.

[5]                 Le 8 juillet 2003, la demanderesse, son mari et le copilote sont arrêtés par le service de sécurité militaire et civile du Congo et interrogés au sujet de leur engagement auprès des groupes rebelles qui manoeuvrait contre le gouvernement. Vers quatre heures du matin, le service de sécurité rentre violemment dans la résidence de la demanderesse et de son mari. La demanderesse, son mari ainsi que le copilote sont transportés en direction de la forteresse présidentielle à Mpila et sont emprisonnés dans des cachots.

[6]                 La demanderesse et son mari sont accusés de collaboration avec l'ennemi pour déstabiliser et renverser le gouvernement. La demanderesse est relâchée le 19 juillet 2003, mais elle apprend que son mari et le copilote ont été tués le 18 juillet 2003. Suite à ce traumatisme, la santé de la demanderesse s'est détériorée. Craignant pour leurs vies, la demanderesse et son fils quittent le Congo le 22 août 2003 et arrivent à Montréal le 25 août 2003. Ils réclament le statut de réfugié le 27 août 2003.

[7]                 La Commission n'a pas reconnu l'identité de la demanderesse après l'analyse de ses documents d'identité. La Commission conclue qu'elle n'est pas un témoin crédible en citant plusieurs exemples. La Commission refuse donc le statut de réfugié à la demanderesse et à son fils.

[8]                 Les questions en litige sont les suivantes :

Est-il manifestement déraisonnable que la Commission ait refusé d'accepter l'identité de la demanderesse malgré la production d'une carte d'identité?

Est-il manifestement déraisonnable que la Commission ait conclu au manque de crédibilité de la demanderesse?

[9]                 Il est bien établi qu'en ce qui concerne des questions de faits, par exemple d'identité et de crédibilité, l'erreur de la Commission doit être une erreur manifestement déraisonnable afin que la Cour intervienne et accepte la révision judiciaire (voir: Augebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1993) F.C.J. No. 732.)

[10]            La demanderesse présente cinq soumissions, qui sont tous des erreurs de faits :

1.                   La Commission a erré en écrivant que les demandeurs sont citoyens de la République démocratique du Congo au lieu de la République populaire du Congo.

(Ceci, comme plaide le défendeur, est une erreur cléricale. Toutes les recherches ont bien été faites pour la République populaire du Congo.)

2.                   La Commission a erré en refusant d'admettre l'identité des demandeurs.

3.                   Le service de recherche de la Commission a erré lorsqu'il a effectué une recherche superficielle et a déterminé que la compagnie aérienne GOFAR n'existait pas. Ceci a induit la Commission en erreur, venant affecter négativement la crédibilité de la demanderesse.

4.                   La Commission a erré en déterminant que la demanderesse manque de crédibilité car elle connaît très peu du passé et des circonstances du décès de son mari.

5.                   La Commission n'a pas mis en doute la crédibilité des demandeurs lors de l'audience.

[11]            Le défendeur présente trois soumissions :

1.                   La Commission a commis une erreur cléricale à l'endroit du nom du pays de nationalité des demandeurs.

(J'accepte cet argument.)

2.                   Un manquement de preuve quant à l'identité de la demanderesse principale est suffisant pour disposer de la demande de contrôle judiciaire.

3.                   Possibilité pour le fils d'obtenir la nationalité turque.

(La mère est une citoyenne de la république populaire du Congo. Je ne vois pas comment l'obtention de la nationalité turque pour son fils nous aide à la résolution du problème.)

[12]            Je suis d'avis que les cinq soumissions de la demanderesse peuvent être classées sous erreurs de faits. En ce qui a trait aux erreurs de faits, le tribunal ne peut qu'intervenir si les erreurs de faits son manifestement déraisonnables.

[13]            La demanderesse allègue que la Commission a erré en refusant d'admettre l'identité des demandeurs. Je ne suis pas d'accord. Elle a seulement présenté des photocopies des originaux des actes de naissances des demandeurs. Aucun passeport, aucun billet d'avion, aucun dossier scolaire, aucun permis de conduire, aucun billet de paye; ce manque de documents ne facilite pas l'identification positive de la demanderesse et affecte négativement sa crédibilité. Elle a reçu quelques mois supplémentaires pour présenter d'autres pièces d'identité et ne l'a pas fait.

[14]            Dans Kazadi c. MCI, 2005 FC 292, un jugement de cette Cour du 24 février 2005, le juge de Montigny énonce au paragraphe 8 :

[8]         Il est bien établi que la personne qui revendique le statut de réfugié doit d'abord établir son identité. Il est en effet essentiel que le demandeur puisse démontrer qu'il est bien la personne qu'il prétend être avant que sa revendication puisse être considérée. Cette exigence découle d'ailleurs de la règle 7 des Règles de la section de la protection des réfugiés, laquelle stipule :

7. Document d'identité et autres éléments de la demande - Le demandeur d'asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S'il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s'en procurer.

7. Documents establishing identity and other elements of the claim - The claimant must provide acceptable documents establishing identity and other elements of the claim. A claimant who des not provide acceptable documents must explain why they were not provided and what steps were taken to obtain them.

[15]            Le juge de Montigny ajoute au paragraphe 10 de Kazadi, supra, que:

[10]        Puisque la question de savoir si le demandeur possède des documents permettant d'établir son identité est essentiellement une question de fait et de crédibilité, il va de soi que cette Cour n'interviendra que si la décision de la Commission est manifestement déraisonnable (Najam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] C.F. 425 (C.F.) (QL); Husein c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no. 726 (C.F.) (QL); Gasparyan c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 1103 (C.F.) (QL)).

[16]            En citant Elazi c. MCI (2000), 191 FTR 205 (C.F.), le défendeur remarque que les défaillances décelées quant à la preuve d'identité de la demanderesse principale suffisent en elles-mêmes à disposer du présent litige. Le juge Nadon constate dans Elazi, supra, au paragraphe 16 que :

[16]        Par conséquent, il ne peut faire de doute, à mon avis, que la conclusion de la Section du Statut concernant la preuve d'identité offerte par le demandeur, n'est nullement déraisonnable. Cette conclusion est, à mon avis, suffisante pour disposer de la demande de contrôle judiciaire. Non seulement la preuve offerte par le demandeur concernant son identité est insuffisante, cette preuve, à plusieurs égards, était telle que la crédibilité du demandeur était entachée.

[17]            Il m'apparaît opportun de faire une brève analyse de la crédibilité de la demanderesse.

[18]            En ce qui a trait à la question de crédibilité, la Commission donne de maints exemples qui minent la crédibilité de la demanderesse :

·         La production de très peu de documents d'identité

·         La production de faux documents

·         Aucune production de documents qui confirme que la demanderesse a travaillé pour GOFAR

·         Manquement de preuve quant à l'existence de la compagnie GOFAR

·         La demanderesse a eu un délai supplémentaire pour produire une preuve à l'appui de son identité et ne l'a pas fait

·         Le défaut de connaître le passé de son mari

·         Aucune preuve de la mort de son mari

·         Aucun document de voyage, utilisation de faux documents

[19]            La détermination de crédibilité découle d'une analyse spécialisée de faits et invite une révision judiciaire que si elle est manifestement déraisonnable, Valkova et Le ministre de la citoyenneté et de l'immigration, 2005 CF 1162, paragraphe 1.

[20]            La Commission rejette la demande d'asile en raison du manque de crédibilité de la demanderesse. Cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable après l'analyse de la preuve.

[21]            Dans Pissareva et Le ministre de la citoyenneté et de l'immigration, (2000) A.C.F. no 2001 (1ère instance), sous la section de Normes de contrôle, le juge Blanchard énonce que :

La norme de contrôle en ce qui a trait à l'appréciation des faits demeure la norme manifestement déraisonnable. De fait, de nombreuses décisions ont réaffirmé que les commissaires sont dans la meilleure position pour évaluer les témoignages.

[22]            Pissareva, supra, à la section de Norme de contrôle, cite le jugement de base de la Cour d'appel fédérale d'Augebor c. Canada, supra, quant à la discussion de crédibilité. Le juge Décary de la Cour d'appel fédérale énonce que:

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

[23]            Donc, puisque la détermination du manquement de crédibilité de la demanderesse n'est pas manifestement déraisonnable et par conséquent la Cour ne peut pas accepter la révision judiciaire.

[24]            En ce qui a trait à la question de la carte d'identité qui a été soumise en preuve par la demanderesse, la Commission a juridiction pour établir la force probante et la validité de ce document d'identité. Ensuite, en analysant l'ensemble de la preuve, la Commission doit déterminer si la demanderesse a prouvé son identité. Selon la Commission, la demanderesse ne l'a pas fait. Cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable et à l'abri de l'intervention de cette Cour.

[25]            Pour ces motifs, je dois répondre par la négative à la question en litige: la Commission n'a pas commis une erreur manifestement déraisonnable en refusant d'accorder le statut de réfugié à la demanderesse pour son manquement de crédibilité.

[26]            Aucune question n'a été soumise pour certification.

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Max M. Teitelbaum »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-1652-05

INTITULÉ :                                        Christelle Otto Mbongo Et Ronaldo Otto Mbongo Atalay c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :               6 octobre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE TEITELBAUM

DATE DES MOTIFS :                      31 octobre 2005

COMPARUTIONS:

Me Olivier Chi Nouako                                              POUR LES DEMANDEURS

Me Mario Blanchard                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Olivier Chi Nouako

Montréal, Québec                                                      POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                        POUR LE DÉFENDEUR

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