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Date : 19980826


T-2000-97

E n t r e :

     FOURNIER PHARMA INC.

     et

     FOURNIER INDUSTRIE ET SANTÉ S.A.,

     demanderesses,

     et

     WARNER LAMBERT CANADA INC.

     et

     WARNER LAMBERT EXPORT LIMITED,

     défenderesses.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU


[1]      Il s'agit d'une requête présentée par les défenderesses en vertu de l'alinéa 221(1)b) des Règles de la Cour fédérale (1998) (le Règles) en vue d'obtenir une ordonnance radiant les paragraphes 42, 43, 44 et 45 de la déclaration modifiée de nouveau des demanderesses (les paragraphes contestés) au motif qu'ils ne sont pas pertinents à la présente action.


[2]      L'action des demanderesses est une action en contrefaçon et en radiation d'une marque de commerce au motif que l'emploi par les défenderesses de la marque de commerce déposée LIPITOR au Canada en liaison avec un produit pharmaceutique connu sous le nom de atorvastatine, crée de la confusion avec les marques de commerce déposées LIPIDIL et LIPIDIL MICRO au Canada, qui se rapportent à des formulations d'un produit pharmaceutique connu sous le nom de fénofibrate. L'atorvastatine et la fénofibrate sont utilisées pour traiter les troubles de cholestérol sanguin.


Les paragraphes contestés


[3]      Aux paragraphes contestés 42 à 44, les demanderesses soutiennent essentiellement que le produit pharmaceutique atorvastatine des défenderesses ne se retrouve que dans deux des pays où le LIPIDIL est utilisé, à savoir le Canada et l'Allemagne. Les demanderesses affirment en outre qu'à l'exception de l'Allemagne, les défenderesses n'utilisent pas leur marque de commerce LIPITOR en liaison avec leur produit pharmaceutique atorvastatine comme elles le font ailleurs, évitant ainsi délibérément tout risque de confusion entre les marques LIPIDIL et LIPITOR.


[4]      Voici le texte des paragraphes contestés, selon la traduction fournie par les défenderesses :

                 [TRADUCTION]                 
                 42.      La statine des défenderesses ne se retrouve que dans deux des pays où le LIPIDIL est utilisé, à savoir le Canada et l'Allemagne;                 
                 43.      Les défenderesses utilisent la marque LIPITOR pour commercialiser leur statine dans des pays où leur produit a été lancé, à l'exception de l'Allemagne, où le produit est vendu sous le marque SORTIS;                 
                 44.      Les défenderesses ont par conséquent adopté la ligne de conduite exceptionnelle consistant à commercialiser leur produit statine en liaison avec une marque autre que LIPITOR dans le seul autre pays où la marque aurait pu créer de la confusion avec la marque LIPIDIL;                 
                 45.      Les défenderesses étaient donc parfaitement conscientes des risques de confusion qui existaient entre les marques LIPIDIL et LIPITOR en Allemagne, ce qui explique pourquoi elles ont décidé de commercialiser leur statine en liaison avec la marque SORTIS en Allemagne; [...]                 

[5]      Dans leur défense modifiée, les défenderesses répondent comme suit aux paragraphes contestés :

                 [TRADUCTION]                 
                 31.      Les défenderesses ne sont pas au courant de l'allégation contenue au paragraphe 42 de la déclaration, et nient les allégations contenues au paragraphes 43, 44 et 45. Le choix de marques de commerce que les défenderesses ont fait en Allemagne ou dans tout autre pays n'est pas pertinent à la présente action. À titre subsidiaire, si le choix de marques de commerce que les défenderesses ont fait dans d'autres pays que le Canada est pertinent à la présente action, ce qu'elles nient, les défenderesses affirment que l'atorvastatine est vendue sous la marque de commerce SORTIS en Allemagne et dans plusieurs autres pays pour des raisons de mise en marché qui n'ont rien à voir avec les marques de commerce LIPIDIL et LIPIDIL MICRO. Qui plus est, les marques de commerce LIPIDIL et LIPITOR coexistent présentement dans les registres de marques de commerce de nombreux pays, et aucune des demanderesses ne s'est jamais opposée à l'enregistrement de la marque de commerce LIPITOR.                 

[6]      Je tiens à ce moment-ci à souligner que je suis d'accord avec les défenderesses pour dire qu'en plaidant expressément le manque de pertinence des paragraphes contestés, elles ont conservé leur droit de déposer la présente requête, bien que cette dernière eusse pu être présentée plus tôt. Je ne suis toutefois pas disposé à statuer sur la requête dont je suis présentement saisi en partant du principe qu'elle a été déposée tardivement.

Les règles de droit en matière de radiation

[7]      La possibilité de demander la radiation d'un acte de procédure en tout ou en partie dans le cadre d'une action est maintenant prévue à l'article 221 des Règles, qui est la contrepartie de l'article 419 des Règles de la Cour fédérale. Par conséquent, la jurisprudence qui a été élaborée au sujet de l'article 419 vaut pour l'article 221 des nouvelles Règles.

[8]      En conséquence, aux termes de l'alinéa 221(1)b), les paragraphes contestés doivent être tellement intolérables et abusifs qu'ils doivent être radiés en tout ou en partie. Ainsi que le juge Teitelbaum l'a déclaré dans le jugement Copperhead Brewing Co. Ltd. c. John Labatt Ltd. et al., (1995), 61 C.P.R. (3d) 317, à la page 322 :

                 [...] il est constant dans la jurisprudence que, aux termes des alinéas (1)b) à f) de la règle 419, il doit être prouvé que l'allégation est si clairement non essentielle, futile, gênante ou abusive qu'elle est manifestement désespérée et vaine (Burnaby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Berglund Industrial Supply Co. Ltd. (1982), 64 C.P.R. (2d) 206 (C.F. 1re inst.), et que la Cour ne radiera pas de simples déclarations faites en trop lorsqu'il n'en résulte aucun préjudice (Pater International Automotive Franchising Inc. c. Mister Mechanic Inc. (1989), 28 C.P.R. (3d) 308, 27 C.I.P.R. 112, [1990] 1 F.C. 237 (C.F. 1re inst.)). Comme la Cour n'est pas entièrement convaincue que les défenderesses subiront un préjudice si le paragraphe 9 n'est pas radié, elle permettra que le paragraphe 9 et l'annexe " A " demeurent dans la déclaration modifiée.                 

Analyse

[9]      J'abonde dans le sens de l'avocat des défenderesses lorsqu'il affirme que la compétence de notre Cour pour instruire les demandes fondées sur la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), doit être examinée en tenant compte du fait que la Loi ne s'applique qu'au Canada et que, par conséquent, les éléments de preuve relatifs à la confusion ou à la dépréciation de l'achalandage à l'étranger ne constituent pas des éléments de preuve permettant d'établir la confusion ou la dépréciation de l'achalandage au Canada (voir le jugement Coca-Cola Ltd. c. Pardhan, (1997), 77 C.P.R. (3d) 501, à la page 511).

[10]      Toutefois, ainsi qu'il a été jugé dans le jugement Kellogg Co. et al. c. Imperial Oil Ltd., (1996), 67 C.P.R. (3d) 426, à la page 441, les éléments de preuve portant sur l'emploi de marques de commerce dans un pays étranger, que la confusion soit ou non alléguée, peuvent être pertinents lorsqu'il s'agit de trancher la question du risque de confusion entre les marques en question au Canada.

[11]      En l'espèce, il ne s'agit pas de l'emploi de marques semblables à l'étranger. Néanmoins, compte tenu de la conception libérale suggérée dans le jugement Kellogg, j'oserais affirmer que l'emploi par les défenderesses d'une marque de commerce différente en Allemagne devrait, à cette étape-ci de l'instance, être considéré comme une circonstance accessoire qui pourrait présenter une certaine valeur pour le juge du procès.

[12]      Force m'est donc de conclure que je ne suis pas convaincu que les paragraphes contestés sont dénués de pertinence au point d'être manifestement désespérés et vains et qu'ils doivent être retranchés dans le cadre d'une requête en radiation. Les paragraphes en question pourront donc demeurer dans la déclaration modifiée de nouveau des demanderesses.

[13]      Finalement, je suis d'accord avec l'avocat des défenderesses pour dire que le paragraphe contesté 45 renferme une conclusion de fait et de droit préjudiciable au sujet des mobiles qui ont poussé les défenderesses à recourir en Allemagne à une marque de commerce différente de celle qu'elles ont retenue au Canada. Toutefois, eu égard aux circonstances de l'espèce, il ne s'agit pas d'une raison suffisante pour radier ce paragraphe. Comme chacun sait, cette conclusion, et le poids qu'elle doit se voir accorder, est une question qui relève de la Cour. À cette étape-ci, le paragraphe 45 contesté demeure une allégation dont les demanderesses devront faire la preuve stricte.

[14]      La présente requête doit donc être rejetée. Les dépens suivront le sort du principal.

Richard Morneau

     Protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

Le 26 août 1998

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :

INTITULÉ DE LA CAUSE :

T-2000-97

FOURNIER PHARMA INC.

et

FOURNIER INDUSTRIE ET SANTÉ S.A.

     demanderesses

et

WARNER LAMBERT CANADA INC.

et

WARNER LAMBERT EXPORT LIMITED

     défenderesses

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :                  10 août 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

                                 EN DATE DU 26 août 1998

ONT COMPARU :

Me Luise Bauer                           pour les demanderesses

Me Michael E. Charles                      pour les défenderesses

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Lette & Associés                          pour les demanderesses

Me Luise Bauer

Montréal (Québec)

Bereskin & Parr                          pour les défenderesses

Me Michael E. Charles

Toronto (Ontario)




Date : 19980826


T-2000-97

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 26 AOÛT 1998

EN PRÉSENCE DU PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

E n t r e :

     FOURNIER PHARMA INC.

     et

     FOURNIER INDUSTRIE ET SANTÉ S.A.,

     demanderesses,

     et

     WARNER LAMBERT CANADA INC.

     et

     WARNER LAMBERT EXPORT LIMITED,

     défenderesses.

     ORDONNANCE

     La requête est rejetée. Les dépens suivront le sort du principal.

Richard Morneau

     Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     T-2000-97

                             E n t r e :
                             FOURNIER PHARMA INC.
             et
                             FOURNIER INDUSTRIE ET SANTÉ S.A.,

     demanderesses,

             et
                             WARNER LAMBERT CANADA INC.
             et
                             WARNER LAMBERT EXPORT LIMITED,

     défenderesses.

                            
                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE
                            
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