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     Date : 19990708

     IMM-3203-98

E n t r e :

     CISLYN BERNICE KERR ROCHESTER,

     demanderesse,

     et



     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE EVANS

[1]      En juillet 1996, Evette Sherene Mitchell, une citoyenne de la Jamaïque, a présenté au haut-commissariat du Canada à Kingston une demande de visa en vue d'obtenir l'autorisation d'entrer au Canada à titre de membre de la catégorie de la famille, en l'occurrence comme fille à charge de Cislyn Bernice Kerr Rochester, la demanderesse à l'instance. Mme Mitchell est née en février 1976 et était donc âgée de 20 ans lorsqu'elle a présenté sa demande de visa.

[2]      Dans une lettre datée de décembre 1996, l'agent des visas a rejeté la demande en question au motif qu'elle n'était pas convaincue que Mme Mitchell répondait à la définition légale de l'expression " fille à charge " que l'on trouve au sous-alinéa 2(1)b) (i) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172. L'agent des visas a en effet estimé que, depuis l'âge de 19 ans, Mme Mitchell n'était pas une étudiante à temps plein qui " a été inscrite et a suivi sans interruption [...] des cours de formation générale, théorique ou professionnelle [dans] une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement ".

[3]      Mme Rochester a, en sa qualité de répondante de Mme Mitchell, interjeté appel de cette décision devant la Section d'appel de l'immigration au motif que l'agent des visas avait commis une erreur en concluant qu'une partie de la formation ou des études que Mme Mitchell avait reçues ne satisfaisait pas aux critères susmentionnés de la loi. En juin 1998, la Section d'appel a rejeté l'appel parce que le président n'était pas convaincu que la preuve établissait, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Mitchell s'était inscrite à un cours admissible à un établissement d'enseignement comme étudiante à temps plein pendant la période en cause.

[4]      Mme Mitchell a atteint l'âge de 19 ans en février 1995. Il lui fallait donc démontrer qu'à compter de cette date et jusqu'à la date du prononcé de la décision de la Section d'appel, en juin 1998, elle était inscrite et avait suivi sans interruption un cours de formation théorique ou professionnelle dans un établissement d'enseignement. Le paragraphe 2(7) a toutefois pour effet d'assouplir quelque peu cette exigence en prévoyant que la personne qui interrompt ses études pour une période totale d'au plus un an n'est pas considérée comme ayant interrompu ses études.

[5]      En l'espèce, il y a deux périodes au sujet desquelles l'agent des visas et la Section d'appel n'étaient pas convaincus que Mme Mitchell était inscrite à un cours au sens du sous-alinéa 2(1)b)(i), à savoir la période d'août 1995 à février 1996 et celle de septembre 1996 à août 1997. Comme aucune de ces périodes ne dépasse douze mois, si je suis convaincu que la Section d'appel a commis une erreur donnant ouverture à un contrôle judiciaire en ce qui concerne l'une ou l'autre période, sa décision doit nécessairement être annulée. J'examinerai chacune de ces décisions à tour de rôle.

1. La période d'août 1995 à février 1996

[6]      Suivant la preuve soumise à l'agent des visas, au cours de la période en cause, Mme Mitchell suivait des cours de 15 h à 18 h du lundi au jeudi à l'école d'agriculture Elim, un établissement d'enseignement. De plus, cinq jours par semaine, entre 8 h et 15 h, Mme Mitchell suivait des cours de couture chez Mme Dixon en compagnie de jusqu'à quatre autres personnes. Il semble que ces cours étaient donnés en collaboration avec l'école d'agriculture Elim et qu'ils étaient organisés par le ministère du Développement des compétences professionnelles.

[7]      Dans ses notes SITCI, l'agent des visas souligne que peu de renseignements ont été communiqués au sujet de ces catégories. Ainsi, aucun élément de preuve n'a été déposé au sujet d'un programme d'études, d'un apprentissage structuré, de fiches de rendement ou de certificats de fins d'études. Mme Mitchell a informé l'agent des visas qu'elle payait elle-même le tissu dont elle se servait et qu'elle vendait les vêtements finis qu'elle fabriquait. Elle avait appris à enfiler la machine, à coudre des boutons et à faire des cols et des ourlets.

[8]      L'agent des visas a conclu que ce cours de couture ne satisfaisait pas aux exigences du sous-alinéa 2(1)b)(i), parce qu'il s'agissait plus d'une activité commerciale que d'un cours de formation et que le domicile de Mme Dixon n'était pas un " établissement d'enseignement ".

[9]      Dans les motifs de sa décision, le président de la Section d'appel a résumé l'essentiel des éléments de preuve portés à la connaissance de l'agent des visas et a conclu que :

     [TRADUCTION]
     [...] considérés dans leur ensemble, ces éléments de preuve ne sont pas suffisants pour démontrer selon la prépondérance des probabilités qu'Evette [Mitchell] a suivi un cours au sens du Règlement. En d'autres termes, on ne nous a pas démontré selon la prépondérance des probabilités qu'Evette était inscrite comme étudiante à temps plein ou que le cours en question était un cours théorique ou professionnel donné dans un établissement d'enseignement tel qu'une université ou un collège.

[10]      L'avocat de Mme Mitchell a reconnu que, compte tenu des éléments de preuve soumis à la Section d'appel, il était loisible au président d'en arriver à la conclusion qu'au cours de la période en question, Mme Mitchell n'était pas inscrite à un cours qui satisfaisait aux exigences du sous-alinéa 2(1)b)(i). Sa participation aux cours donnés l'après-midi à l'école d'agriculture Elim ne faisait pas d'elle une étudiante à temps plein et, vu l'ensemble de la preuve, les cours de couture pouvaient être considérés davantage comme une activité commerciale que comme un cours de formation. En outre, même s'il s'agissait d'une formation, celle-ci n'était pas donnée dans un établissement d'enseignement.

[11]      L'avocat se plaint plutôt du fait que les motifs du président sont insuffisants. En particulier, il affirme qu'on ne sait pas avec certitude si le président a conclu que les cours de couture ne satisfaisaient pas aux exigences parce qu'ils constituaient un travail et non une formation ou parce qu'ils n'étaient pas donnés dans un établissement d'enseignement. Le président n'a pas précisé pourquoi la présence de Mme Mitchell au domicile de Mme Dixon et les cours donnés l'après-midi ne satisfaisaient pas aux critères prévus par la loi.

[12]      À mon avis, l'avocat demande à la Section d'appel de répondre à une norme trop élevée dans les motifs de ses décisions. Les motifs doivent être lus comme un tout et à la lumière des éléments portés à la connaissance du président, notamment les notes SCITC de l'agent des visas. La loi n'oblige nullement la Section d'appel à exposer en long et en large et en termes explicites le raisonnement l'ayant conduit à sa décision.

[13]      Il me semble donc évident, à la lumière surtout des mots soulignés dans les motifs de la décision de la Section d'appel que j'ai reproduits au paragraphe 9, que le président a accepté tant les éléments de preuve portés à la connaissance de l'agent des visas que les conclusions de celui-ci. Autrement dit, faute de plus amples précisions, les cours de couture ne répondent pas aux exigences prévues au sous-alinéa 2(1)b)(i) parce qu'ils n'étaient pas donnés dans un établissement d'enseignement. Il n'y a rien dans le dossier qui m'a été soumis qui permette de penser que l'avocat qui représentait Mme Mitchell devant la Section d'appel a prétendu que le domicile de Mme Dixon était un établissement d'enseignement et que le président aurait dû tenir compte de cet argument dans les motifs de sa décision.

[14]      Compte tenu de cette conclusion, il n'était pas non plus nécessaire pour le président d'examiner l'autre motif sur lequel reposait la décision de l'agent des visas, en l'occurrence le fait que les cours étaient davantage une activité professionnelle qu'une formation.

[15]      Je suis donc convaincu que les éléments dont disposait le président étaient suffisants en droit pour justifier la conclusion tirée au sujet des cours de couture, et que les motifs exposés étaient suffisants en droit pour justifier le fondement rationnel de la décision.

[16]      En conséquence, au cours de la période allant d'août 1995 à février 1996, Mme Mitchell ne répondait pas aux exigences du sous-alinéa 2(1)b)(i) parce que le seul cours admissible auquel elle était inscrite était un cours à temps partiel.

2. La période de septembre 1996 à août 1997

[17]      Suivant la preuve produite devant la Section d'appel, au cours de cette période, Mme Mitchell suivait un cours commercial de deux ans en tant qu'étudiante inscrite aux cours du soir dans une école secondaire. Mme Rochester affirme que sa fille suivait chaque jour des cours de 18 h à 21 h. Faute de plus amples précisions, le président a conclu que la participation à ce cours ne faisait pas de Mme Mitchell une étudiante à temps plein et qu'elle ne satisfaisait donc pas aux exigences du sous-alinéa 2(1)b)(i).

[18]      L'objection qu'a soulevée l'avocat à ce sujet était le fait que le président avait également fait remarquer que Mme Mitchell n'avait pas mentionné sa participation à ce cours dans sa demande de visa ou dans son entrevue avec l'agent des visas. Le président a semblé inférer de ces omissions que le cours ne satisfaisait donc pas aux exigences du Règlement.

[19]      S'il y avait eu le moindre élément de preuve tendant à démontrer que les cours du soir constituaient un programme d'études à temps plein, le président aurait peut-être commis une erreur de droit en concluant le contraire du simple fait que Mme Mitchell n'en avait pas fait mention plus tôt. Or, les éléments de preuve soumis à la Section d'appel s'accordent entièrement avec la conclusion que les cours du soir étaient effectivement des cours à temps partiel.

[20]      En conséquence, le président n'a commis aucune erreur de droit en semblant conclure à la non-conformité du cours au Règlement en raison du défaut de Mme Mitchell de mentionner plus tôt le fait qu'elle y était inscrite.

[21]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     " John M. Evans "

                                             J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

Le 8 juillet 1999.


Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier


No DU GREFFE :              IMM-3203-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      CISLYN BERNICE KERR ROCHESTER,

     demanderesse,

                     et
                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

DATE DE L'AUDIENCE :      LE MERCREDI 7 JUILLET 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Evans le jeudi 8 juillet 1999


ONT COMPARU :              M e Arthur Weinreb
                         pour la demanderesse
                     M e Ian Hicks
                         pour le défendeur
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :     
                     M e Arthur Weinreb
                     Avocat et procureur
                     44, avenue Woodrow
                     Toronto (Ontario) M4C 5S2
                         pour le demandeur
                     M e Morris Rosenberg
                     Sous-procureur général du Canada
                         pour le défendeur
                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19990708


     IMM-3203-98


                     E n t r e :

                     CISLYN BERNICE KERR ROCHESTER,

     demanderesse,


                     et
                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.






                    
                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE
                    

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