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Date : 20010131


Dossier : IMM-1074-00

    

Entre :

    

     M'HAMED CHERIF BOUHAIK

     Demandeur

     - et -

     LE MINISTRE DE LA

     CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur









     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE LEMIEUX :


A)      Introduction


[1]      Il s'agit d'une requête pour une ordonnance de mandamus déposée par le demandeur, un citoyen d'Algérie, afin de forcer le défendeur à prendre une décision sur sa demande du droit d'établissement faite le 13 juin 1995, en vertu de l'article 46.04 de la Loi sur l'immigration (la Loi), après sa reconnaissance comme réfugié.
[2]      L'alinéa 46.03(6) de la Loi prévoit que « l'agent d'immigration rend sa décision le plus tôt possible et en avise par écrit l'intéressé » .

B)      Les faits

[3]      Lorsque le demandeur est entré au Canada en janvier 1994 en possession d'un faux passeport français, il déclare être membre du Front Islamique du Salut (FIS) depuis 1989.
[4]      Le demandeur recherche, à cette époque, mais sans succès, son inadmissibilité au motif, selon le paragraphe 19(1)(f)(iii)(B) de la Loi, qu'il était membre d'une organisation qui se livre ou s'est livrée à des actes de terrorisme.
[5]      De plus, la Section du statut dans sa décision du 4 avril 1995 lui accordant sa réclamation comme réfugié, le considère à l'abri des exclusions prévues à l'article 1F(a) de la Convention.
[6]      Le dossier certifié révèle une préoccupation du défendeur sur l'identité réelle du demandeur; le défendeur veut aussi approfondir les éléments de sécurité liés à sa demande de résidence permanente. À cette fin, le demandeur a été convoqué deux fois (en juillet 1996 et en novembre 1999) par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).
[7]      Le dossier certifié indique que le défendeur exige en 1998 du demandeur des précisions sur son identité et que l'agent d'immigration responsable note, en juin 1999, que la dernière mise à jour par la SCRS datait de 1998 et que l'on prévoyait une décision dans six à douze mois, ce qui n'a pas été le cas. Le défendeur est toujours sans réponse de la SCRS et la Cour est sans explication des difficultés entourant l'enquête par celui-ci.

C)      La question en litige

[8]      La question en litige est à savoir si le délai encouru dans le traitement de la demande du demandeur à un droit d'établissement est déraisonnable dans les circonstances.

D)      Analyse

[9]      J'accepte les prétentions du défendeur que l'examen du dossier du demandeur est compliqué et qu'un élément de prudence est requis. Lorsqu'il est question de sécurité, la Cour ne doit pas émettre une ordonnance de mandamus qui aurait comme résultat une enquête avortée ou asphyxiée.
[10]      Cependant, considérant le dispositif législatif enjoignant le défendeur de prendre une décision le plus tôt possible, la Cour ne peut sanctionner un manque de diligence de la part du défendeur et laisser piétiner le dossier sans progrès tangible, ce que la preuve démontre en l'espèce. Dans un cas approprié, une ordonnance de mandamus est un remède ciblé afin d'assurer que l'autorité publique accomplisse son devoir, c'est-à-dire, en l'espèce, de prendre une décision le plus tôt possible.
[11]      Je fais les miens les propos du juge Strayer, alors juge en Première instance, dans Bhatnager c. Ministre de l'emploi et de l'immigration, [1985] 2 C.F. 315 à la page 317 :
         La décision que doit rendre un agent des visas en vertu de l'article 6 du Règlement relatif à la délivrance d'un visa d'immigrant à un membre parrainé de la catégorie de la famille est de nature administrative, et la Cour ne saurait ordonner ce que cette décision devrait être. Mais un bref de mandamus peut être délivré pour exiger qu'une décision soit rendue. Normalement, il en est ainsi lorsqu'il y a eu refus exprès de rendre une décision, mais ce peut être également le cas lorsqu'on tarde beaucoup à rendre une décision sans donner d'explication suffisante. J'estime que telle est la situation en l'espèce. Les intimés ont, dans la preuve soumise en leur nom, mentionné des problèmes d'ordre général qu'ils rencontrent dans le traitement de ces demandes, particulièrement à New Delhi, mais ils n'ont donné aucune explication précise des délais considérables survenus dans cette affaire. Je ne me permettrai pas de fixer un délai qui servirait de limite à ce qui est raisonnable. Mais je suis convaincu, compte tenu des renseignements limités dont je dispose, qu'un délai de quatre ans et demi à partir du moment de la présentation de la nouvelle demande est déraisonnable et qu'il équivaut, à première vue, à une absence de décision.


[12]      J'estime que les circonstances devant moi sont les mêmes que le juge Strayer avait devant lui dans Bhatnager.
[13]      L'ordonnance de mandamus rendue par le juge Strayer dans Bhatnager est souple et ne fixe aucune une date butoir en raison de la coopération d'autres personnes dont dépend le défendeur. Il s'exprime comme suit :
         Je décernerai donc une ordonnance de mandamus pour exiger qu'une décision soit rendue. Compte tenu du fait que certaines des mesures nécessaires qui restent à prendre peuvent nécessiter l'aide ou la coopération d'autres personnes, je n'exigerai pas que la décision soit finalisée avant le 31 décembre 1985, qui est la date limite sous réserve que les intimés puissent demander entre-temps une prorogation s'ils peuvent prouver que le respect de cette date limite est impossible pour des raisons indépendantes de leur volonté.


[14]      Je crois que cette flexibilité est nécessaire dans le cas en l'espèce, les deux parties soumettant qu'une décision doit être rendue à l'intérieur de six mois si une ordonnance de mandamus est émise.
[15]      Le demandeur voudrait ses dépens adjugés sur une base procureur-client. Cependant, l'article 22 des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d'immigration dispose que sauf sur ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, une demande introduite en application des présentes règles ne donne pas lieu à des dépens. Je ne vois dans le dossier aucune raison spéciale justifiant des dépens sur une base procureur-client.

Dispositif

[16]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie sans dépens. Le défendeur doit rendre une décision sur la demande du droit d'établissement du demandeur avant le 30 juin 2001 sauf si une prorogation est ordonnée par cette Cour sur requête du défendeur appuyée par affidavit justifiant la prorogation. Aucune question n'est certifiée.




    

    

     Juge

Ottawa (Ontario)

le 31 janvier 2001

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