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Date : 19991201


Dossier : IMM-5765-99

Ottawa (Ontario), le 1er décembre 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SHARLOW


ENTRE :


ALAN JOSEPH GOODMAN


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur




ORDONNANCE ET MOTIFS DE L"ORDONNANCE


[1]      Le demandeur Alan Joseph Goodman fait l"objet d"une mesure d"expulsion depuis le 25 septembre 1997. On lui a permis de rester au Canada jusqu"à ce que sa demande de résidence permanente, parrainée par son épouse, soit tranchée. Cette demande était apparemment examinée par Mme P. Phinn, une agente d"immigration. L"extrait d"une lettre du 13 octobre 1998 envoyée par un autre agent d"immigration se lit comme suit :

     [TRADUCTION] Le renvoi prévu de M. Goodman vers les États-Unis le 22 octobre 1998 a été suspendu jusqu"à ce que Mme Phimm [sic] rende une décision relativement à la demande de parrainage.

[2]      Le mardi 24 novembre 1999, M. Goodman a reçu une lettre datée du 18 novembre 1999 qui lui ordonnait de se présenter le 2 décembre 1999 pour être expulsé. À cette date, il n"avait reçu aucun avis indiquant qu"une décision avait été rendue relativement à sa demande de résidence permanente.

[3]      L"avocat de M. Goodman n"a pas été en mesure de répondre avant le jeudi 26 novembre 1999, lorsqu"il a communiqué avec les agents d"immigration responsables pour leur rappeler la lettre du 13 octobre 1998. Dans une réponse reçue le même jour, on a dit à l"avocat de M. Goodman que ce dernier devait se présenter le 2 décembre 1999 pour être expulsé, comme il en avait déjà reçu l"ordre.

[4]      Le lundi 29 novembre 1999, la présente demande d"autorisation et de contrôle judiciaire a été instituée relativement à la décision de renvoi. La demande est fondée sur le motif qu"il ne doit pas être permis aux agents d"immigration d"agir de façon contraire à ce qui est indiqué dans la lettre du 13 octobre 1998. On a institué en même temps une demande de sursis de l"exécution de la mesure d"expulsion.

[5]      En réponse à la demande de sursis, l"avocate du ministre a déposé un affidavit auquel est joint une lettre, datée du 29 novembre 1999 et écrite par Mme Phinn, indiquant qu"à cette date, la décision de rejeter la demande de résidence permanente de M. Goodman avait été rendue. Il apparaît que la lettre a été envoyée par poste prioritaire à cette même date à M. Goodman et à son avocat.

[6]      Je déduis qu"il n"est pas possible que la lettre du 29 novembre 1999 ait été reçue par M. Goodman ou par son avocat avant au moins le 30 novembre 1999, soit le jour où la présente demande de sursis a été instituée et entendue. À l"audience, l"avocat de M. Goodman a dit qu"il n"avait pas vu la lettre du 29 novembre 1999 avant qu"une copie n"ait été déposée en réponse à la présente demande, ce que je considère être la vérité.

[7]      L"avocate du ministre a prétendu que la décision de renvoyer M. Goodman le 2 décembre 1999 n"était pas incompatible avec la lettre du 13 octobre 1998 parce que la date prévue pour son renvoi était ultérieure à la date de la décision rejetant sa demande de résidence permanente. Elle a dit que les agents du ministre n"avaient pas promis de suspendre la prise des dispositions de renvoi, mais seulement la date même du renvoi. Elle a prétendu que cela écartait le fondement de la présente demande de sursis et que celle-ci devait nécessairement être rejetée.

[8]      Les documents dont je suis saisi soulèvent la question du bien-fondé de la décision du 29 novembre 1999. Ces documents ne me permettent pas de déterminer si la décision est correcte en droit, si elle est raisonnable ou si elle est fondée à tort sur le fait que la décision de renvoi a été prise avant le 29 novembre 1999.

[9]      Vu ces circonstances inhabituelles, j"estime que je dois examiner le critère en trois parties applicable à un sursis en raison des questions soulevées dans la présente demande d"autorisation et de contrôle judiciaire ainsi que les questions qui auraient pu être soulevées relativement à la décision défavorable énoncée dans la lettre du 29 novembre 1999 si M. Goodman l"avait connue.

[10]      Le manque de contenu du dossier relatif à la décision énoncée dans la lettre du 29 novembre 1999, joint au contenu de la lettre du 13 octobre 1998, est suffisant pour satisfaire au critère très faible de l"existence d"une question discutable à trancher.

[11]      Je conclus que les documents déposés au nom de M. Goodman démontrent l"existence d"un préjudice irréparable si ce dernier est renvoyé du Canada et que la prépondérance des inconvénients le favorise. Son affidavit non contredit indique qu"il est le principal exploitant d"une petite entreprise qui fait vivre sa famille et qui emploie plusieurs personnes.

[12]      M. Goodman n"est pas considéré constituer un danger pour le public au Canada, et rien, dans les documents dont je dispose, n"indique qu"il a déjà participé à des activités criminelles au Canada. Il a été déclaré coupable d"une infraction aux États-Unis en 1984 et il a plaidé coupable relativement à certaines infractions aux Fidji en 1999, quoique la preuve indique l"existence d"importantes circonstances atténuantes. Rien n"indique l"existence d"un risque de préjudice pour le ministre ou pour le public en général si on permet à M. Goodman de rester au Canada jusqu"à ce que sa demande de contrôle judiciaire soit tranchée.

[13]      La demande de sursis de l"exécution de la mesure d"expulsion est accueillie, suivant les directives suivantes :

     (1)      Le sursis demeurera en vigueur jusqu"à ce qu"un jugement final soit rendu dans le dossier de la Cour no IMM-5765-99.
     (2)      Toute demande d"autorisation et de contrôle judiciaire de la décision énoncée dans la lettre du 29 novembre 1999 envoyée par P. Phinn doit être signifiée et déposée au plus tard le 7 janvier 2000. Dans ce cas, le sursis demeurera en vigueur jusqu"à ce qu"un jugement final soit rendu dans cette affaire.
     (3)      Si une demande d"autorisation est déposée relativement à la décision du 29 novembre 1999 et que le demandeur poursuit également sa demande dans le dossier de la Cour no IMM-5765-99 :
         a)      les deux demandes seront examinées conjointement;
         b)      les deux demandes feront l"objet d"un dossier conjoint du demandeur, d"un dossier conjoint du défendeur et, s"il y a lieu, d"une réplique conjointe;
         c)      les délais relatifs aux étapes à suivre pour les deux affaires seront les délais applicables à la décision du 29 novembre 1999;
         d)      le sursis demeurera en vigueur jusqu"à ce qu"un jugement final soit rendu relativement aux deux demandes.
     (4)      Les parties peuvent présenter à un juge toute demande de modification des présentes directives.

Les dépens

[14]      L"avocat de M. Goodman a prétendu qu"il s"agissait d"une affaire justifiant une ordonnance de dépens contre le ministre en vertu de la règle 22 en matière d"immigration. En vertu de cette règle, des dépens peuvent être accordés lorsqu"un demandeur subit des inconvénients et des frais inutiles en raison de la façon dont les agents du ministère l"ont traité et de la manière dont le litige est mené : Canada (Ministre de l"emploi et de l"Immigration) c. Ermeyev (1994), 83 F.T.R. 158 (1ère inst.).

[15]      À ce stade-ci, je ne suis pas en mesure de tirer une conclusion quant au caractère approprié des actes des agents du ministère. La question des dépens est déférée au juge qui prononcera le jugement final relativement à la présente affaire, à la demande portant sur la décision du 29 janvier 1999 ou aux deux, selon le cas.


                                 Karen R. Sharlow

                            

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.





COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-5765-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      ALAN JOSEPH GOODMAN C. MCI
LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 30 NOVEMBRE 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE SHARLOW

EN DATE DU :              1 ER DÉCEMBRE 1999

ONT COMPARU

M. OSBORNE BARNWELL                  POUR LE DEMANDEUR
MME MARISSA BIELSKI                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

FERGUSON, BARNWELL                      POUR LE DEMANDEUR

TORONTO

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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