Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

                                                                                                                                 Date : 20021030

 

                                                                                                                    Dossier : IMM‑5536‑01

 

                                                                                                 Référence neutre : 2002 CFPI 1124

 

 

Ottawa (Ontario), le mercredi 30 octobre 2002

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

 

                                                       EMAD DAWOOD YELDA

 

                                                                                                                                           demandeur

 

 

                                                                             et

 

 

                                                           LE MINISTRE DE LA

                                         CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

                                                                                                                                             défendeur

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé, en date du 1er novembre 2001, de reconnaître au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.

 

 


[2]               Le demandeur, un citoyen iraquien âgé de 29 ans, revendique le statut de réfugié en raison de sa religion, parce qu’il est chrétien, de son origine ethnique chaldéenne et de ses opinions politiques. La SSR a estimé qu’elle ne disposait pas d’éléments de preuve suffisamment crédibles ou dignes de foi pour conclure que la crainte de persécution du demandeur est fondée sur des motifs prévus dans la Convention. Le demandeur soutient que la SSR a commis une erreur de droit sur deux aspects : elle a  conclu premièrement que sa revendication n’a aucun lien avec les motifs énoncés dans la définition et, deuxièmement, qu’il n’avait pas de raison de craindre d’être persécuté.

 

[3]               Les questions soulevées par le demandeur exigent l’application de la définition de réfugié au sens de la Convention. Comme il s’agit d’une question de fait et de droit, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter ou celle de la décision pour laquelle la SSR avait « clairement tort », qui a été exposée dans Cihal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 577 (C.A.F.).

 

[4]               À l’audience, le demandeur, qui présentait lui‑même sa cause, s’est adressé à la Cour par l’intermédiaire d’un interprète. Il a cherché à faire la preuve de sa crainte de persécution. Cette preuve était identique à celle présentée devant la SSR. La Cour a expliqué au demandeur que son rôle consistait à vérifier si la SSR n’avait pas commis d’erreur dans sa décision et non à réentendre la preuve.

 


[5]               La SSR n’a pas fait erreur en concluant que la crainte du demandeur n’avait aucun lien avec  les motifs prévus dans la Convention. La preuve documentaire démontre que les chrétiens et les Chaldéens ne sont pas en proie à la persécution du gouvernement iraquien. Dans son témoignage, le demandeur a affirmé qu’il n’avait eu connaissance d’aucun incident de violence, de discrimination ou de harcèlement important envers les chrétiens et les Chaldéens en Iraq au cours des deux années précédentes. Il a également reconnu que le gouvernement iraquien laissait les chrétiens pratiquer leur religion librement.

 


[6]               Le demandeur a également affirmé craindre d’être persécuté du fait de ses opinions politiques. Bien qu’il ne soit membre d’aucun parti politique et qu’il ne s’intéresse pas à la politique, le demandeur déclare être recherché par la police secrète parce qu’un membre du parti communiste l’a dénoncé. L’absence d’appartenance au parti communiste ne fait pas obstacle à sa revendication. La jurisprudence en la matière indique que les opinions politiques imputées au revendicateur et pour lesquelles il craint d'être persécuté ne doivent pas nécessairement être conformes à ses convictions profondes (voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). Toutefois, la SSR n’a pas cru que le revendicateur est recherché par la police secrète, compte tenu des incohérences relevées dans la preuve qu’il a présentée. La SSR, de par ses connaissances spécialisées et l’accès direct à la preuve testimoniale, est la mieux placée pour apprécier la crédibilité des demandeurs. Par conséquent, la norme de contrôle applicable aux conclusions de crédibilité tirées par la SSR est la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir Aguebor c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). La Cour estime que la décision de la SSR était raisonnable et que cette dernière n’a pas fait d’erreur en concluant que le demandeur n’avait pas de raison de craindre d’être persécuté du fait de ses opinions politiques.

 

[7]               La Cour est d’avis que la SSR a pris une décision raisonnable en concluant que le revendicateur avait été victime d’extorsion parce que sa famille était bien nantie. Il est établi dans la jurisprudence que les victimes d’extorsion ne répondent pas au critère énoncé dans l’arrêt Ward précité pour être considérés comme un « groupe social » au sens de la Convention. Pour une revue de la jurisprudence, voir la décision du juge Reed dans Valderrama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 153 F.T.R. 135 (1re inst.). La SSR n’a pas mal interprété la définition de réfugié au sens de la Convention en concluant que le demandeur ne répondait pas aux paramètres de cette définition.

 

[8]               La SSR a tiré une conclusion raisonnable lorsqu’elle a affirmé que le demandeur ne craignait pas avec raison d’être persécuté. La revendication de crainte fondée d’un demandeur doit être évaluée tant subjectivement qu’objectivement (voir Rajudeen c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1984), 55 N.R. 129 (C.A.F.)). La Cour est d’avis qu’il était loisible à la SSR de conclure que le demandeur n’avait pas de raison de craindre d’être persécuté, tant sur le plan subjectif que sur le plan objectif. Il existe un fondement probatoire suffisant pour soutenir la décision de la SSR. Comme la SSR l’a d’ailleurs fait remarquer, le demandeur est resté en Iraq pendant cinq ans après le début du prétendu harcèlement. Il a de plus reconnu qu’il était libre de pratiquer sa religion et qu’il n’était pas persécuté par le gouvernement iraquien du fait de sa religion ou de son origine ethnique. Finalement, la SSR n’a pas cru qu’il était recherché par la police secrète.


 

[9]               Le demandeur a prié la Cour de considérer la certification de la question grave de portée générale que voici :

 

La Section du statut de réfugié a‑t‑elle commis une erreur en ne prenant pas en considération le contexte plus général dans lequel l’extorsion a eu lieu?

Cette extorsion dont est à l’origine un membre des forces de sûreté, lesquelles constituent le prolongement du gouvernement, a été motivée par des raisons politiques et religieuses.

 

Le défendeur s’oppose à la certification parce que le critère correspondant n’est pas satisfait. Il soutient premièrement que la question proposée ne serait déterminante d’aucun appel et deuxièmement que, comme elle est propre aux faits de la présente affaire, il ne s’agit pas d’une question de portée générale. La Cour est d’avis que cette question se rapporte à une conclusion de fait particulière à la présente affaire et qu’elle ne constitue pas une question grave de portée générale susceptible d’être certifiée en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l’immigration.     

 

 


                                                                ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES :

 

Pour les motifs précédents, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée pour appel.

 

 

 

 

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »           

                                                                                                                                                     Juge                      

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                             IMM‑5536‑01

 

INTITULÉ :                                            EMAD DAWOOD YELDA

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                    LE MARDI 22 OCTOBRE 2002  

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                            MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                           LE MERCREDI 30 OCTOBRE 2002

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Emad Dawood Yelda et                       Pour le demandeur

M. Abbas Dhaidan (interprète)

 

Mme Pamala Larmondim                            Pour le défendeur

 

                                                                                                                                                           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Emad Dawood Yelda                          Pour le demandeur

82 John Lindsay Court

Downsview (Ontario)

M3L 2K1

 

 

Morris Rosenberg                                     Pour le défendeur

Sous‑procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.