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Date : 20040130

Dossier : IMM-474-04

Référence : 2004 CF 170

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MICHAEL L. PHELAN

ENTRE :

                                                SINNATHAMPY SIVANANTHAN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]                Il s'agit d'une demande visant l'obtention :


(a)         de l'autorisation de demander une ordonnance provisoire d'interdiction ou un sursis provisoire du renvoi du demandeur du Canada, fixé au 5 février 2004, en vertu d'une mesure de renvoi devenue exécutoire à une date inconnue du demandeur, empêchant le défendeur et Citoyenneté et Immigration Canada de renvoyer le demandeur du Canada jusqu'à ce que la Cour statue sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire dans l'affaire IMM-474-04, délivrée, signifiée et déposée le 20 janvier 2004;

(b)         si l'autorisation est accordée, d'une ordonnance provisoire d'interdiction ou d'un sursis provisoire du renvoi du demandeur, comme indiqué ci-dessus, en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale.

[2]                Le défendeur a demandé que l'intitulé soit modifié de façon que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration soit remplacé par le Solliciteur général du Canada par suite des changements survenus dans la structure du gouvernement du Canada.

Les faits

[3]                Les faits de la présente affaire sont quelque peu inhabituels, ce que l'on ne peut cependant imputer au défendeur. Le rôle de la Cour en l'espèce n'est toutefois pas de trouver un responsable, mais d'examiner les faits qui se sont finalement fait jour.

[4]                Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka âgé de 45 ans. Il est marié avec Mallika Sivanantham et le couple a deux enfants âgés de 20 et de 13 ans.


[5]                L'épouse et les enfants du demandeur sont arrivés au Canada en juin 1993 et ont revendiqué le statut de réfugié. Ce statut leur a été reconnu en septembre 1993.

[6]                En octobre 1993, l'épouse du demandeur a présenté une demande d'établissement, dans laquelle elle a inscrit le demandeur à titre de parent étant demeuré à l'étranger (au Sri Lanka).

[7]                Le traitement de la demande de l'épouse ayant pris beaucoup de temps, le demandeur est arrivé au Canada en 1997 pour y revendiquer le statut de réfugié alors qu'aucune décision n'avait encore été rendue relativement à cette demande.

[8]                Le cas du demandeur a été étudié au Haut-commissariat du Canada à Colombo. Se trouvant au Canada, le demandeur n'a pas reçu de lettre fixant une entrevue au Sri Lanka et, par conséquent, ne s'est pas présenté à la date prévue. Sa revendication du statut de réfugié a été rejetée.

[9]                En 1999, le demandeur a présenté une demande à titre de DNRSRC; cette demande a ensuite été convertie en un examen des risques avant renvoi (ERAR). Il a aussi déposé une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en juillet 2003.

[10]            Les choses ont commencé à mal tourner en octobre 2001, lorsque l'épouse du demandeur, à qui on demandait de mettre à jour un formulaire de résidence permanente, a omis d'y inscrire le nom de son mari.

[11]            Pour aggraver la situation, l'épouse du demandeur a ajouté le nom de celui-ci en mettant à jour des formulaires en 2003, mais elle a coché la case « Non » en réponse à la question de savoir si son mari était inclus dans la demande. La même case « Non » a été cochée dans le cas de sa fille, laquelle avait pourtant été incluse dans toutes les demandes précédentes.

[12]            Le 5 janvier 2004, le demandeur a appris qu'une décision défavorable avait été rendue relativement à son ERAR et que son renvoi était fixé au 5 février 2004.

[13]            L'avocat du demandeur a alors demandé un report du renvoi, ce qui a été refusé par Bob Hickson (M. Hickson) au motif qu'il était indiqué dans la demande d'établissement de l'épouse qu'elle n'incluait pas le demandeur.

[14]            L'avocat du demandeur a immédiatement déposé une autre demande d'établissement à jour incluant le demandeur et sa fille et a demandé à M. Hickson de reconsidérer sa décision concernant le report.

[15]            L'avocat a appris que M. Hickson était absent. Comme la date du renvoi approchait rapidement, il a demandé qu'un autre agent examine la demande de report.

[16]            Le 26 janvier 2004, Kateja Nikitin (Mme Nikitin) a refusé d'accorder le report. La lettre qui a été envoyée au demandeur ne permet pas de connaître les motifs de cette décision, mais, dans une note versée au dossier interne, Mme Nikitin indique que le report a été refusé parce que le demandeur [traduction] « ne sera pas autorisé à s'établir avec sa famille dans un proche avenir » ([traduction] « délai d'établissement » ).

Décision

[17]            Il ressort clairement de la preuve que les deux premières demandes d'établissement qui ont été mises à jour ne traduisaient pas les véritables intentions du demandeur et, ce qui est plus important, celles de son épouse.

[18]            Étant donné que les erreurs ont été corrigées seulement après le premier refus de M. Hickson de reporter le renvoi, cette décision, qui était raisonnable dans les circonstances, ne peut être contestée.


[19]            La deuxième décision - celle rendue par Mme Nikitin - a été prise dans une situation d'urgence et sur la foi d'un dossier qui était loin d'être clair. Aucune critique de Mme Nikitin ne devrait être tirée de cette décision, si ce n'est en ce qui concerne la pratique suffisamment courante du défendeur de ne pas divulguer la véritable raison d'un report jusqu'à ce que la Cour soit saisie de l'affaire.

[20]            Cela étant dit, la question de savoir si le [traduction] « délai d'établissement » est pertinent dans un cas où le répondant d'une personne qui demande le droit d'établissement est également un réfugié vivant au Canada est une question sérieuse.

[21]            L'affidavit d'une avocate spécialiste de l'immigration bien connue, Barbara Jackman, a été présenté à la Cour. Dans cet affidavit, Mme Jackman décrit la pratique suivie par les agents d'immigration et émet un avis sur la justification juridique et politique de cette pratique. Cet élément de preuve n'était pas particulièrement utile et son admissibilité est hautement discutable. Je n'en tire donc rien.

[22]            Les parties n'ont pas attiré l'attention de la Cour sur des décisions judiciaires où la question avait été examinée dans ce contexte. J'estime qu'une question sérieuse a été soulevée.

[23]            Le préjudice qui découlerait d'un renvoi est différent des conséquences naturelles d'une expulsion. L'épouse du demandeur ne pourrait pas rendre visite à son mari ou revenir au Canada à cause de son statut. Des difficultés économiques particulières pourraient aussi être causées.

[24]            Il y a d'autres éléments de preuve qui établissent l'existence d'un préjudice qui, dans l'ensemble, est irréparable. Je rappelle que, en dépit des nombreuses décisions selon lesquelles une expulsion entraîne inévitablement des conséquences économiques défavorables, la Cour d'appel fédérale a dit, dans Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F) - un arrêt très souvent cité pour le critère à trois volets applicable aux demandes de sursis en matière d'immigration qui y est énoncé - que, compte tenu des faits de cette affaire, lorsqu'une entreprise familiale est susceptible de faire faillite et que la famille immédiate ainsi que d'autres personnes dépendent de cette entreprise, au moins une partie de ce préjudice éventuel est irréparable.

[25]            Par conséquent, compte tenu de l'ensemble des faits, je conclus que le demandeur a démontré l'existence d'un préjudice irréparable.

[26]            Je conclus également que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration est remplacé par le Solliciteur général du Canada comme défendeur dans l'intitulé de la cause.


2.          Il est sursis au renvoi du demandeur fixé au 5 février 2004 pendant un an à compter de cette date ou jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de résidence permanente de Mallika Sivanantham, selon la première des deux éventualités, ou jusqu'à la date fixée par la Cour.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »           

    Juge

Ottawa (Ontario)

Le 30 janvier 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                            IMM-474-04

INTITULÉ :                                                            SINNATHAMPY SIVANANTHAN

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE LUNDI 26 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                           LE VENDREDI 30 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

D. Clifford Luyt                                                         POUR LE DEMANDEUR

Matina Karvellas                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates                                             POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg, c.r.                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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