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Date : 20050210

Dossier : T-1007-02

Référence : 2005 CF 224

ENTRE :

                                                         417394 ALBERTA LTD.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                    H2O CO. BEVERAGES LTD.,

                       exerçant son activité commerciale sous la raison sociale H2O CO.

                                                  et H2O CO. WATER COMPANY

                                                                                                                                      défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SIMPSON

[1]                Dans la présente affaire, 417394 Alberta Ltd. (demanderesse) a demandé un jugement sommaire en se fondant sur la règle 213 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. L'action intentée par la demanderesse concerne la contrefaçon d'une marque de commerce et, dans ses exposés oraux, l'avocat de la demanderesse a indiqué qu'il se fonde principalement sur l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi). De façon subsidiaire, il se fonde sur l'article 20 de la Loi de même que sur l'article 6.


[2]                La demanderesse est une société de l'Alberta. Elle a entrepris ses activités commerciales liées à des fontaines réfrigérées au printemps de 1999 et a enregistré H2OCOOL au titre de la marque de commerce no LMC537,840 (la marque) le 28 novembre 2000. La demanderesse décrit la marque comme étant une suite de sept caractères qui combinent le symbole « H2O » , qui signifie eau, et l'adjectif « cool » de façon à former la marque qui, selon la demanderesse, possède un caractère distinctif inhérent et est unique sur le marché des fontaines réfrigérées.

[3]                De juillet 2001, moment où elle a entrepris ses activités, jusqu'à peu de temps après que la demanderesse eut présenté sa déclaration, H2O Co. Beverages Ltd. (défenderesse) exerçait son activité commerciale en Colombie-Britannique en associant les noms H2O Co. et H2O Co. Water Company (les noms) à ses fontaines réfrigérées.

[4]                Les parties font l'installation et l'entretien d'un produit relativement nouveau connu sous le nom de fontaine réfrigérée « au point d'utilisation » (la fontaine). Il s'agit d'un distributeur sur lequel repose une grosse bouteille d'eau inversée (la bouteille). Cependant, contrairement aux fontaines réfrigérées traditionnelles, on ne remplace pas les bouteilles. La fontaine filtre l'eau du réseau municipal d'approvisionnement en eau. L'eau purifiée est alors stockée dans la bouteille de sorte qu'elle peut être distribuée sur demande.

[5]                Aucune des deux parties n'a de comptoir public ou d'enseigne. Le siège social de la demanderesse est à Edmonton et la défenderesse exerce ses activités commerciales à Richmond et à Vancouver, en Colombie-Britannique (C.-B.). Les deux parties louent à bail des fontaines en vertu d'ententes à long terme qui prévoient également l'installation et l'entretien.

[6]                La marque est enregistrée pour les marchandises et les services suivants :

(i)          systèmes et distributeurs réfrigérés d'eau embouteillée et purification d'eau potable;

(ii)         installation et entretien des distributeurs réfrigérés d'eau embouteillée et des systèmes de purification de l'eau potable (les services).

[7]                La défenderesse a soutenu qu'il y a deux véritables questions litigieuses à trancher. Tout d'abord, elle a dit que la marque n'a pas un caractère distinctif inhérent et que la demanderesse n'a pas fourni suffisamment d'éléments de preuve pour étayer une conclusion d'acquisition de caractère distinctif. Ensuite, la défenderesse a dit qu'il y a une véritable question de droit à trancher pour savoir si l'aspect ou la « présentation » de la marque et des noms peut être examiné en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi lorsque l'action intentée concerne une contrefaçon.


[8]                La défenderesse a également dit que la requête de la demanderesse était rendue irrecevable par le retard immotivé parce que la demanderesse était au courant de l'utilisation par la défenderesse de H2O Co. un an avant de présenter sa déclaration. Finalement, la défenderesse a dit que l'action intentée par la demanderesse constitue un abus de procédure.

[9]                La défense au fond est datée du 14 août 2002 et ne vise pas la validité de la marque. L'avocat de la demanderesse a fait savoir à l'audience que, la veille, il avait reçu copie d'une défense modifiée qui, pour la première fois, alléguait l'invalidité pour le motif de perte du caractère distinctif. L'exposé des arguments de la défenderesse, dans le cas de la présente requête, mentionne le caractère distinctif comme véritable question litigieuse à trancher, mais n'allègue nulle part que la marque est invalide. Étant donné que le caractère distinctif est une question à prendre en considération au moment d'évaluer la probabilité de confusion, la mention du caractère distinctif, sans plus, ne laisse pas entendre qu'on attaque la validité. Par conséquent, j'en ai conclu que la demanderesse n'avait aucune raison de s'attendre, avant hier, à ce que la validité de la marque serait contestée en vertu de la présente requête.

[10]            La demanderesse a refusé de consentir à la modification de la défense et j'ai statué à l'audience que, parce que la question de la validité n'avait pas été soulevée de façon opportune, je n'en étais pas saisi. En conséquence, la présente requête a été plaidée en partant du principe que la marque est valide.


PRÉSENTATION

[11]            Les éléments de preuve indiquent que, sur les étiquettes apposées sur les bouteilles de la demanderesse et dans ses brochures ainsi que sur son site Web, la marque est présentée en deux mots détachés. H2O figure en petites lettres à l'intérieur d'un cercle et le mot COOL est accentué en ce sens qu'il est placé sur une ligne distincte et écrit en grosses lettres et en caractères gras.

[12]            Sur la bouteille de la défenderesse, on peut lire sur l'étiquette les mots H2O Co. en lettres ordinaires et WATER COMPANY en dessous en lettres beaucoup plus petites. On voit des sommets de montagne dans la partie supérieure de l'étiquette et le 2 de H2O est souligné deux fois. Cependant, les sommets de montagne et le soulignement ne se trouvent que sur les étiquettes. Dans les annonces de Pages jaunes de Vancouver, le nom H2O Co. figure en lettres ordinaires sans parure.

[13]            La demanderesse dit que lorsqu'on ne tient pas compte de la présentation et des mots « water company » , sa marque est pratiquement identique aux noms de la défenderesse, en particulier dans le contexte de marchandises et de services identiques. La demanderesse dit que le mot Co. dans les noms est correctement interprété comme une abréviation du mot Cool et cela est évident parce que la version plus longue du nom comprend à la fois Co. et le mot « company » . Cela rend l'abréviation Co. redondante à moins qu'elle signifie Cool. Essentiellement, la demanderesse dit que les noms de la défenderesse sont des abréviations de sa marque.


[14]            La demanderesse soutient également que les mots « water company » dans le nom de la défenderesse sont purement descriptifs et qu'on peut ne pas en tenir compte lorsque l'on compare les noms et la marque. À cet égard, la demanderesse s'appuie sur l'arrêt Cartier Inc. c. Cartier Optical Ltd. (1988), 20 C.P.R. (3d) 68 (CF 1re inst.), à la page 75. La demanderesse ajoute que dans le cadre d'une action en contrefaçon, il n'est pas pertinent de prendre en considération la présentation de la marque. Plus particulièrement, l'importance donnée au mot COOL dans la présentation visuelle de la marque et la présence des sommets de montagne ainsi que du soulignement dans les noms de la défenderesse n'ont pas d'importance. À cet égard, voir la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Mr. Submarine Limited c. Amandista Investments Limited (1988), 19 C.P.R. (3d) 3, à la page 11.

Les questions en litige

[15]            (i)          S'agit-il d'une affaire visée par l'article 19 ou par l'article 20 de la Loi?

(ii)         Si l'article 20 s'applique, est-ce que la marque et les noms sont similaires au point de prêter à confusion?

(iii)        Y-a-t-il une véritable question litigieuse à trancher?

(iv)        La présente requête devrait-elle être rejetée pour délai préjudiciable ou abus de procédure?

Question litigieuse I                Articles 19 et 20 de la Loi


[16]            L'article 19 est ainsi conçu :


19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.


L'article 20 dispose :


20. (1) Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d'une marque de commerce ne peut empêcher une personne_:

a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

b) d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque de commerce_:

(i) soit le nom géographique de son siège d'affaires,

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,

d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce.

(2) L'enregistrement d'une marque de commerce n'a pas pour effet d'empêcher une personne d'utiliser les indications mentionnées au paragraphe 11.18(3) en liaison avec un vin ou les indications mentionnées au paragraphe 11.18(4) en liaison avec un spiritueux.

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark or trade-name, but no registration of a trade-mark prevents a person from making

(a) any bona fide use of his personal name as a trade-name, or

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark,

(i) of the geographical name of his place of business, or

(ii) of any accurate description of the character or quality of his wares or services,

in such a manner as is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark.

(2) No registration of a trade-mark prevents a person from making any use of any of the indications mentioned in subsection 11.18(3) in association with a wine or any of the indications mentioned in subsection 11.18(4) in association with a spirit.


[17]            La demanderesse soutient qu'en vertu de l'article 19, il n'est pas nécessaire de démontrer que les noms sont susceptibles de créer de la confusion. Elle dit que si la défenderesse copie et utilise la marque enregistrée de la demanderesse ou une marque « virtuellement identique » , la demanderesse n'a qu'à démontrer une absence d'autorisation pour établir la contrefaçon.


[18]            Cette prétention ne m'a pas convaincue. À mon avis, à la suite du jugement Mr. Submarine, si l'article 19 entraîne une cause d'action en contrefaçon (que l'on laisse comme une question ouverte), c'est le cas uniquement si la marque, telle qu'elle est enregistrée, a été l'objet d'appropriation. Il ne peut y avoir une marque « virtuellement identique » en vertu de l'article 19. En l'occurrence, étant donné que les noms ne sont pas identiques à la marque, il s'agit d'une violation réputée, ce qui relève de l'article 20 de la Loi.

Question litigieuse II                         Est-ce que la marque et les noms sont similaires au point de prêter à confusion?

[19]            L'article 20 exige que la Cour examine s'il y a eu contrefaçon de la marque du fait de l'emploi par la défenderesse des noms. Ce sera le cas si les noms sont susceptibles de provoquer de la confusion avec la marque. La confusion est visée par le paragraphe 6(5) de la Loi, qui dispose :



(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and


(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[20]            Je vais aborder chaque sujet à tour de rôle.

Le caractère distinctif et la mesure [dans laquelle ils sont devenus] connus

[21]            Les éléments de preuve de M. Hinch, président de la demanderesse, sont présentés dans une déclaration sous serment faite le 9 décembre 2003. Il a déclaré qu'au Canada, la demanderesse avait loué à bail et vendu les fontaines suivantes :

(a)         Colombie-Britannique    332                   Locations à bail

43                   Ventes à un dépositaire

(b)         Alberta                          687                   Locations à bail

360                   Ventes à un dépositaire

(c)         Saskatchewan                           43                   Locations à bail

(d)         Manitoba                                   108                   Locations à bail

(e)         Ontario                          198                   Ventes à des dépositaires

[22]            Il n'existe aucun élément de preuve permettant de savoir si les dépositaires ont en réalité distribué les fontaines. En conséquence, si l'on ne tient pas compte de cet aspect, les éléments de preuve indiquent qu'à la fin de 2003, la demanderesse avait loué à bail 1 170 fontaines et que la marque figurait sur les étiquettes apposées sur les bouteilles.

[23]            La location à bail des fontaines ne donne pas lieu à une exposition en public de la marque. Les étiquettes sur les bouteilles et les cartes en forme de tente laissées sur les bouteilles de la demanderesse après l'installation ne sont pas affichées en public. Dans l'ensemble, elles ne sont vues que par les employés du preneur à bail.


[24]            L'utilisation en public de la marque est faite dans la brochure de la demanderesse. Cependant, on ne dispose d'aucun renseignement quant au nombre de brochures imprimées et distribuées au fil des années. On suppose que le public voit également la marque sur le site Web de la demanderesse et sur ses véhicules de service. Cependant, il n'existe aucun élément de preuve quant à la période depuis laquelle le site Web existe, ni le nombre de « visites » qu'il y a eues. En outre, la Cour ne dispose d'aucun renseignement quant au nombre de véhicules de service qui affichent la marque.

[25]            Ce dont on dispose, ce sont les sommes annuelles que la demanderesse consacre à la publicité imprimée. Toutefois, l'affidavit de M. Hinch ne décrit pas la nature de la publicité ni n'indique où elle est affichée. Voici les sommes dépensées :

1999                                                         5 168 $

2000                                                         6 246 $

2001                                                     20 733 $

2002                                                     18 412 $

2003                                                     25 551 $


[26]            L'avocat a reconnu que les seuls éléments de preuve admissibles quant à la confusion se trouvaient dans l'affidavit de M. Ron Chan souscrit le 13 février 2004 au nom de la défenderesse. M. Chan est le directeur de l'exploitation de Four Seasons Food Ltd. à Vancouver et, à mon avis, on peut le décrire comme un acheteur avisé. Dans son témoignage, il a dit que pendant sept ans, sa compagnie avait utilisé les services de consultation informatique de M. Richard Tse. M. Tse a recommandé la fontaine de la défenderesse. Par la suite, M. Chan a parlé au téléphone avec le vendeur de la défenderesse et a fait installer deux fontaines à son bureau. Selon l'affidavit de M. Chan, les contrats avec la défenderesse ont été signés en raison de son amitié personnelle et de ses relations d'affaires avec M. Tse.

[27]            M. Chan a été contre-interrogé à l'égard de son affidavit et a reconnu qu'à peu près à l'époque où M. Tse a recommandé la fontaine H2O Co. de la défenderesse, une personne parmi le personnel des ventes de la demanderesse a effectué une visite à l'improviste chez Four Seasons Food Ltd. M. Chan a pensé qu'il s'agissait d'une représentante de la défenderesse et a été par la suite surpris d'apprendre qu'il n'avait pas installé ses fontaines à son bureau. Cette réaction a été confirmée au moyen de sa lettre adressée à la demanderesse le 3 août 2002 dans laquelle il disait :

[traduction] J'aimerais vous remercier de votre visite et de tous les magnifiques produits liés aux fontaines d'eau de votre compagnie. Cependant, j'ai le regret de vous informer que notre compagnie a récemment mis en place un système semblable. Mais à ma grande surprise, je me suis rendu compte tout récemment que nous avons fait installer le produit d'une autre compagnie, pensant qu'il s'agissait de la vôtre. Il y a eu énormément de confusion lorsque le directeur de notre usine a essayé de voir le nom de votre compagnie pour l'installation de « vos » produits. Nous avons réussi à trouver une autre compagnie dans la même branche d'activités qui avait un nom semblable à la vôtre. Nous avons fait appel à H2O Co. au lieu de H2O Cool; nous pensions qu'il s'agissait de la même compagnie. En tant que compagnie, nous avions les meilleures intentions du monde d'utiliser vos produits. J'espère qu'à l'avenir cette confusion disparaîtra complètement.

[Non souligné dans l'original.]


[28]            Lors du contre-interrogatoire, M. Chan a également reconnu qu'il pensait que M. Tse avait recommandé la fontaine de la demanderesse et, lorsqu'il a examiné la bouteille, c'est l'inscription H2O sur l'étiquette qui a retenu son attention et il n'était plus certain de la personne de qui il la louait.

[29]            À mon avis, ni la marque de la demanderesse ni les noms de la défenderesse n'ont un caractère distinctif inhérent. Dans la conversation de tous les jours, H2O est devenu un synonyme de l'eau. En outre, l'inscription H2O est la caractéristique dominante à la fois dans la marque et les noms. Les autres mots sont relativement sans signification. Cette conclusion est corroborée par les éléments de preuve de M. Chan selon lesquels il n'avait remarqué que l'inscription H2O sur l'étiquette.

[30]            J'en suis venue à la conclusion que ni la marque ni les noms ne sont devenus connus depuis le peu de temps qu'ils sont en usage. Ni la marque ni les noms n'ont acquis un caractère distinctif. Les locations des fontaines des deux parties étaient très limitées et il n'y avait aucun élément de preuve à savoir si les fontaines vendues par la demanderesse aux dépositaires ont été vendues au public. Aucune des deux parties n'a un bureau où l'on pouvait voir une enseigne. La défenderesse n'a loué des fontaines qu'en Colombie-Britannique et, même si la demanderesse a loué et vendu des fontaines un peu partout au Canada, les volumes sont très petits. En outre, le budget de publicité de la demanderesse était modeste sur une base annuelle.

Période d'utilisation


[31]            La défenderesse a utilisé les noms pendant une année, de juillet 2001 à juillet 2002. La demanderesse a commencé à utiliser la marque au printemps de 1999 et a enregistré cette dernière en novembre 2000. Elle a mis fin à son utilisation de la marque, du moins en Colombie-Britannique, avant la publication des Superpages de Vancouver pour 2003-2004. La demanderesse figure dans la publication sous le nom de EAUCOOL PACIFIC. La demanderesse a enregistré cette marque le 5 février 2003.

Nature des marchandises ou services

[32]            Les fontaines étaient, à toute fin pratique, identiques. Cependant, la nature du commerce ne l'était pas. La demanderesse louait et vendait des fontaines de l'Ontario jusqu'à la côte Ouest. La défenderesse ne louait que des fontaines et ses activités commerciales se limitaient à la Colombie-Britannique. De plus, les activités de la défenderesse comprenaient des installations résidentielles tandis que la demanderesse se limitait elle-même à des comptes commerciaux. Le chevauchement semble être dans la location, l'installation et l'entretien de fontaine commerciales en Colombie-Britannique.

Nature du commerce

[33]            Le dossier comportait très peu d'éléments de preuve quant à la façon dont la demanderesse et la défenderesse commercialisaient leurs fontaines respectives. En Colombie-Britannique, la demanderesse avait un représentant des ventes qui faisait des visites impromptues et des suivis. La défenderesse semble avoir fait usage d'une annonce dans les Pages jaunes de Vancouver et aux services de M. Tse, en plus d'une circulaire envoyée par télécopieur dans la région de Vancouver. La défenderesse semble aussi s'être fiée à du télémarketing et à un site Web, mais aucun détail n'a été donné dans les éléments de preuve.


[34]            La défenderesse a laissé entendre que le service et l'entretien des fontaines constituaient une activité différente de la location et de l'installation et que si j'étais encline à accorder un jugement sommaire, il faudrait exclure l'entretien et le service. Cependant, étant donné que les éléments de preuve ont indiqué qu'un contrat couvrait la location, l'installation et le service, je n'ai pas accepté cette prétention.

[35]            M. Bailey a dit que l'installation par la demanderesse de 375 fontaines en Colombie-Britannique ne représentait qu'un tout petit nombre comparativement aux 90 000 clients en Colombie-Britannique qui sont desservis par Canadian Springs Water Company. La défenderesse a estimé qu'il y avait un potentiel de 300 000 clients commerciaux dans la province.

Degré de ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées

[36]            La demanderesse dit que lorsqu'on s'en sert dans la conversation de tous les jours, les noms et la marque ont le même son parce que l'on a tendance à laisser tomber ou à désaccentuer la dernière partie du mot cool. En revanche, la défenderesse dit que H2O rime avec Co. de façon à créer un nom distinctif ayant un son entièrement différent du mot COOL de la demanderesse.


[37]            À mon avis, lorsqu'on les prononce correctement, la marque et les noms n'ont pas du tout le même son. Je conviens que dans les noms, Co. rime avec 2O de façon à produire un son distinctif qui n'est pas du tout comme le son produit par le mot COOL. Cependant, cette constatation n'est pas déterminante parce j'en suis venue à la conclusion que H2O, dans sa totalité, constitue un son significatif. Pour ce qui est de l'apparence, l'expression H2O se démarque également, à mon avis, et prend l'ascendant sur les autres mots dans les noms et la marque. En conséquence, même si la marque et les noms ne présentent pas le même son lorsqu'on les prononce au complet, comme première impression, ils se ressemblent et présentent un son similaire. En raison de l'importance de H2O, j'en ai conclu que les noms et la marque sont similaires au point de prêter à confusion.

Question litigieuse III             Y a-t-il une véritable question litigieuse juridique à trancher?

[38]            Le libellé de la disposition introductive du paragraphe 6(5) exige que le tribunal tienne compte de toutes les circonstances de l'espèce. La défenderesse dit qu'une véritable question litigieuse à trancher découle de ce contexte. Tel qu'on l'a signalé plus tôt, la question est de savoir si la présentation de la marque et les noms devraient être pris en compte dans les affaires de contrefaçon.

[39]            Dans sa décision dans l'arrêt Mr. Submarine, précité, la Cour d'appel fédérale a indiqué que dans les cas de contrefaçon la présentation n'est pas pertinente. La Cour a dit ce qui suit :


À ce stade, le juge a considéré et semble avoir pris en considération le fait qu'il n'existait aucune ressemblance dans le style des caractères utilisés et la coloration des enseignes des parties, et que la présentation des deux marques qu'ont retrouve sur les affiches, les boites, etc. est très différente. À mon avis, il s'agirait de facteurs très pertinent si l'action était une action en passing off en common law. Ces facteurs ne sont pas pertinents dans une action en contrefaçon d'une marque de commerce enregistrée, et on n'aurait pas dû en tenir compte en déterminant si les marques de commerce et les noms commerciaux litigieux créent de la confusion avec la marque enregistrée de l'appelante.

Cette affaire se reportait à l'article 20 de la Loi et, pour cette raison, la Cour d'appel a tenu compte des dispositions du paragraphe 6(5) de la Loi.

[40]            Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.) est une affaire postérieure dans laquelle la Cour d'appel fédérale a tenu compte de la décision du registraire de rejeter une opposition à l'enregistrement d'une marque de commerce. L'opposition se fondait, en partie, sur le paragraphe 16(3) de la Loi qui dispose que certaines marques qui peuvent prêter à confusion ne peuvent pas être enregistrées. Aussi la Cour a-t-elle procédé à une analyse de la confusion en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi. Au cours de cette analyse, sans renvoyer à l'arrêt Mr. Submarine, la Cour a examiné minutieusement la présentation des marques en concurrence. Cette approche a ouvert la question de savoir si l'expression « autres circonstances de l'espèce » du paragraphe 6(5) inclut la présentation dans une affaire d'opposition et non pas de contrefaçon.

[41]            Tant dans Warner-Lambert Co. c. Concord Confections Inc. (2001) 11 C.P.R. (4th) 516 (CF 1re inst.), 2001 CFPI 139que dans Ten Ren Tea Co. c. Van Cheong Tea Inc. (2003), 27 C.P.R. (4th) 265 (CF 1re inst.), 2003 CF 819, le jugement sommaire a été refusé en partie en raison de l'incertitude quant à la pertinence de l'aspect d'une marque en cas d'allégation de contrefaçon. Cependant, dans les deux cas, il restait des questions de fait à trancher.


[42]            La défenderesse dit que, se fondant sur cette jurisprudence contradictoire, il existe une véritable question litigieuse à trancher et elle soutient que la question litigieuse est importante parce que les présentations de la marque et les noms H2O Co. sont très différents. Cependant, je n'ai pas trouvé cette prétention convaincante. Étant donné l'énorme impact de H2O, je suis d'avis que les différences au niveau de la présentation ne sont pas importantes. En conséquence, la jurisprudence contradictoire quant à la pertinence de la présentation n'est pas un obstacle au jugement sommaire dans la présente affaire.

Question litigieuse IV             Retard immotivé et abus de procédure

[43]            Les éléments de preuve présentés par la défenderesse montrent qu'en juillet 2001, son directeur général a communiqué avec M. Hinch, qui est à l'emploi de la demanderesse, pour lui demander si cette dernière pourrait fournir des bouteilles pour les fontaines de la défenderesse. Elle a fait savoir à M. Hinch que la défenderesse se lançait en affaires dans le domaine des fontaines au point d'utilisation et qu'il travaillait pour la H2O Co. Water Company. M. Hinch n'a pas mentionné la marque de la demanderesse et ne s'est pas opposé au nom de la défenderesse.


[44]            Six mois plus tard, en janvier 2000, M. Hinch a communiqué avec la défenderesse et lui a exprimé son inquiétude du fait que sa fontaine constituait une contrefaçon de son brevet. Au cours de cette conversation, il a également fait savoir que son produit était commercialisé sous le nom de H2OCOOL et a dit qu'il estimait que les clients éventuels commençaient à sentir une certaine confusion. Il était agité et il a dit que la défenderesse entendrait parler de lui à nouveau à ce sujet. Rien n'est survenu avant mai 2002, moment où la défenderesse a reçu des avocats de la demanderesse une lettre dans laquelle on lui demandait de cesser et de s'abstenir. Par la suite, la déclaration a été délivrée en juillet 2002.

[45]            La défenderesse dit que la demanderesse ne devrait pas être autorisée à présenter cette requête parce qu'elle connaissait le nom de la défenderesse depuis 10 mois avant d'intenter une action en justice. Cependant, à mon avis, la période pertinente est celle au cours de laquelle la demanderesse a jugé que les noms de la défenderesse posaient problème. La demanderesse n'a pas constaté de contrefaçon avant janvier 2004 et elle a donné suite dans les quatre mois. Il ne s'agit pas d'un retard qui laisse entendre qu'il y a eu acquiescement.

[46]            La défenderesse a également allégué, dans son exposé des arguments, que l'action intentée par la demanderesse constitue un abus de procédure. L'allégation se fonde sur le fait que la demanderesse n'a pas fait valoir ses droits de propriété industrielle et commerciale contre aucune des parties qui ont enregistré des marques qui sont similaires au point de prêter à confusion avec la marque. J'ai pris en compte les données fournies dans l'affidavit de Donna Barnes en date du 9 février 2004 et j'ai conclu qu'il n'existe aucun élément de preuve laissant entendre que l'action a été intentée par la demanderesse à des fins inavouées ou accessoires.


JUGEMENT SOMMAIRE

[47]            J'ai pris en compte les principes de droit relatifs aux requêtes en jugement sommaire. Les principes pertinents ont été décrits de façon détaillée dans deux récentes affaires et il n'est pas nécessaire de les répéter ici. À cet égard, voir Ten Ren Tea Co., précité, et Warner-Lambert Co., précité.

CONCLUSION

[48]            La demanderesse à droit à un jugement sommaire, les dépens devant être taxés conformément à la colonne III du tableau du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, modifié.

              « Sandra J. Simpson »         

JUGE

Ottawa (Ontario)

le 10 février 2005

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-1007-02

INTITULÉ :                                         417394 ALBERTA LTD. c.

H2O CO. BEVERAGES LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 14 septembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :             Le juge Simpson

DATE DES MOTIFS :                      Le 10 février 2005

COMPARUTIONS :

Tony Lambert                                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Scott Turner                                                                            POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson Lambert LLP

Edmonton (Alberta)                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Blake, Cassels & Graydon LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)                                     POUR LA DÉFENDERESSE


Date : 20050210

Dossier : T-1007-02

Ottawa (Ontario) le 10 février 2005

              EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SANDRA J. SIMPSON

ENTRE :

                                 417394 ALBERTA LTD.

                                                                                    demanderesse

                                                    ET

                            H2O CO. BEVERAGES LTD.,

exerçant son activité commerciale sous la raison sociale H2O CO.

                          et H2O CO. WATER COMPANY

                                                                                      défenderesse

                                           JUGEMENT

           Vu la requête en jugement sommaire de la demanderesse fondée sur la contrefaçon d'une marque de commerce.

          Après avoir examiné le dossier et entendu les arguments des avocats des deux parties à Edmonton le 14 septembre 2004.

          LA COUR ORDONNE que, pour les motifs exposés aujourd'hui,


          (i)          il est interdit par la présente à la défenderesse, que ce soit elle-même ou par l'entremise de ses préposés ou mandataires ou autrement, de               

                     (a)     vendre ou mettre en vente des distributeurs réfrigérés d'eau embouteillée et des systèmes de purification de l'eau potable

                     (b)    faire le service et l'entretien de tels distributeurs et de tels systèmes, sous les noms H2O CO. et H2O CO. WATER COMPANY (les noms);

         (ii)        la demanderesse a droit à la comptabilisation et au recouvrement des profits provenant de l'utilisation par la défenderesse des noms dans la location et le service de fontaine réfrigérée;

        (iii)      un renvoi aura lieu devant la personne nommée par le juge en chef de la Cour fédérale afin de déterminer le montant à payer à la demanderesse en vertu du paragraphe (ii) ci-dessus;

        (iv)        la demanderesse a droit aux dépens de la présente requête qui seront fixés sur la base des frais entre les parties.

               « Sandra J. Simpson »                                                                                                                             JUGE

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.

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