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                                                                                                                               Date : 20050930

                                                                                                                    Dossier : IMM-1154-05

                                                                                                               Référence : 2005 CF 1329

ENTRE :

                                                        TOUCHAN SAID ELIAS

                                                                TOUCHAN ELY

                                                          ROBE MARIA QUEZIA

                                                                                                               Parties demanderesses

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI), rendue par Me Philippe Patry, le 14 février 2005, rejetant l'appel des demandeurs à l'encontre des mesures de renvoi émises contre eux le 15 octobre 2003.

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[2]         Said Elias Touchan, le demandeur principal, est néau Liban. Il a émigré au Brésil en 1978 où il a vécu pendant près de 20 ans, période durant laquelle il est devenu citoyen de ce pays et où il a rencontré son épouse, Maria Quezia Robe.

[3]         Au Brésil, le demandeur a oeuvré à titre d'entrepreneur, notamment dans le domaine de la restauration. Il est arrivé au Canada le 14 décembre 1998 accompagné de son épouse et de leur fils aîné, Ely, tous deux également demandeurs en l'instance.

[4]         Le 16 avril 2000, lpouse du demandeur a donné naissance au deuxième fils du couple, Patrick. Ce dernier, étant citoyen canadien, ne fait pas partie du présent litige.

[5]         Le demandeur avait obtenu son droit dtablissement au Canada à titre d'entrepreneur (profession envisagée : propriétaire de restaurant) suite à son acceptation des conditions prévues aux alinéas 23.1(1)a), b), c) et d) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement).

[6]         Le 15 octobre 2003, la Section d'immigration (la SI) a décidé que les demandeurs étaient des personnes visées par l'article 41 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, (la Loi) puisque le demandeur principal n'avait pas respecté les conditions imposées à titre d'entrepreneur lors de l'obtention de son droit dtablissement le 14 décembre 1998, soit les conditions énoncées aux alinéas 23.1(1)a), b), c) et d) du Règlement.

[7]         Les demandeurs ont interjeté appel en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi à l'encontre des mesures de renvoi prises contre eux par la SI le 15 octobre 2003.


[8]         Le 14 février 2005, la SAI a rejeté leur appel et, le 21 février 2005, les demandeurs ont déposé cette demande de contrôle judiciaire.

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[9]         La SAI a rejété l'appel des demandeurs pour les motifs suivants :

-           La SAI a pris en considération l'intérêt supérieur des enfants directement touchés par la décision, mais a determiné qu'il y avait des facteurs qui pesaient plus lourd dans la balance et qui l'incitaient à rejeter l'appel.

-           Le législateur a créé la catégorie d'entrepreneurs afin de favoriser le développement et la prospérité du Canada. Les autorités canadiennes ont octroyé le droit dtablissement aux demandeurs en tenant compte de l'expérience d'homme d'affaires du demandeur au Brésil, notamment dans le domaine de la restauration, et des sommes importantes d'argent qu'il avait alors en sa possession. Le demandeur disposait à son arrivée en 1998, d'un capital de plus de 120 000 $ et il ne s'est pas conformé aux conditions dtablissement auxquelles il stait engagé. Au cours des six années suivant son arrivée au Canada, le demandeur n'a investi que 10 000 $ dans une entreprise, dans un domaine autre que celui de la restauration et dont les activités n'ont duré que trois mois en 2001 et n'ont pas permis de créer un emploi pour un citoyen canadien ou pour un résident permanent. Le demandeur a plutôt choisi d'investir son capital dans l'achat de résidences familiales.

-           La SAI n'a pas jugé crédibles les intentions alléguées du demandeur d'investir plus tard dans un commerce de restauration, compte tenu de l'absence d'efforts sérieux de sa part au cours des six dernières années au Canada. Ce dernier n'a soumis aucune preuve, ni n'a présenté à la SAI aucun plan d'affaires concernant ltablissement ou l'achat d'un restaurant.

-           Aucun membre de la famille de lpouse du demandeur principal ne vit au Canada et son père et ses deux frères demeurent au Brésil. Celle-ci possède trois logements à revenu au Brésil.

-           L'ordonnance d'un sursis aurait pour effet de mettre en cause non seulement l'intégrité du programme conçu pour attirer des entrepreneurs, mais également l'intégrité de l'ensemble du système canadien d'immigration.

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[10]       Le demandeur principal soumet qu'il a fourni des explications plausibles et donné les raisons pour lesquelles il n'avait pu respecter les conditions imposées dans un délai de deux ans. La SAI ne les a tout simplement pas trouvées suffisantes.

[11]       Ce tribunal a pris en considération les témoignages rendus au cours des deux audiences devant lui ainsi que les documents déposés par les demandeurs concernant les deux enfants. Toutefois, la SAI a noté que les demandeurs n'avaient soumis aucune preuve concernant les effets que pourrait avoir le renvoi de l'enfant Ely au Brésil, et la possible migration de l'enfant Patrick dans ce pays.

[12]       L'enfant Patrick est citoyen canadien et de ce fait, il n'est pas sous le coup de la mesure de renvoi émise contre les demandeurs. La SAI n'a, à aucun moment, conclu que cet enfant citoyen canadien ne pouvait pas rester au Canada. La Cour d'appel fédérale a statué dans Langner c. Canada (M.E.I) (1995), 184 N.R. 230, que le gouvernement canadien n'a rien à voir avec la décision des parents d'emmener ou non leurs enfants avec eux. C'est une décision d'intérêt purement privé.

[13]       Les arguments des demandeurs, concernant les enfants, équivalent à dire que l'intérêt de ceux-ci doit prévaloir lors d'un appel en vertu des articles 63 et 67 de la Loi, i.e. que la présence d'enfants au Canada impliquerait automatiquement des motifs humanitaires justifiant la prise de mesures spéciales. Cette interprétation a déjà été écartée par la Cour d'appel fédérale dans Legault c. Canada (M.C.I.), [2002] 4 C.F. 358, qui énonce que ce n'est pas parce que l'intérêt de l'enfant voudra qu'un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n'a pas voulu que la présence d'enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d'un parent se trouvant illégalement au pays.


[14]       L'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, énonce que le décideur devrait considérer l'intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, mais cela ne veut pas dire que l'intérêt des enfants l'emportera toujours sur d'autres considérations. L'intérêt de l'enfant peut être subordonné à d'autres intérêts dans des contextes appropriés. L'intérêt supérieur de l'enfant constitue un élément important qui doit être pris en considération, mais il ne s'agit pas d'une condition essentielle à l'exercice de la justice. Le paragraphe 3(1) de la Convention relative aux droits de l'enfant la décrit comme « une » considération primordiale et non comme « la » considération primordiale (Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada, [2004] 1 R.C.S. 76).

[15]       En l'espèce, la SAI a soupesé l'intérêt supérieur des enfants directement touchés, ainsi que les autres facteurs allégués par les demandeurs au soutien de leur appel, mais compte tenu des autres circonstances de l'affaire, elle a conclu que la prise de mesures spéciales ntait pas justifiée. Au soutien de cette conclusion, la SAI a, comme on l'a vu plus haut, noté plusieurs éléments émanant de la preuve. Dans les circonstances, il n'appartient pas à cette Cour de substituer sa propre appréciation des faits à celle faite par le tribunal spécialisé que constitue la SAI dont les conclusions sont solidement supportées par la preuve au dossier.

[16]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 septembre 2005


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1154-05

INTITULÉ :                                                       TOUCHAN SAID ELIAS, TOUCHAN ELY, ROBE MARIA QUEZIA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 21 septembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 30 septembre 2005        

COMPARUTIONS :

Me Kathleen Gaudreau                                  POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Isabelle Brochu                                         POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kathleen Gaudreau                                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                           POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada


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