Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19980721

     Dossier : T-253-98

ENTRE

     EMILE MARGUERITA MARCUS MENNES,

     requérant,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     représentant le gouverneur en conseil de Sa Majesté

     en application du paragraphe 749(2) du Code criminel et de

     l'article 53 de la Loi sur la Cour suprême,

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE JOHN. A. HARGRAVE

[1]          Il a été demandé que j'examine le dossier de requête que M. Mennes désire déposer, tenant compte de la directive en date du 7 mai 1992 du juge en chef. Cette directive prévoit notamment que [TRADUCTION] "...tout document que M. Mennes présente aux fins de dépôt ne devrait pas être déposé sans l'avoir au préalable soumis à un protonotaire pour qu'il détermine s'il contient une question scandaleuse, insultante ou abusive qui ne devrait pas être admise à figurer dans un dossier judiciaire".

[2]          Une grande partie des documents que M. Mennes cherche à déposer est dénuée de pertinence. Toutefois, je suis tenu, non pas de me pencher sur la question de la pertinence à ce stade, mais seulement d'examiner si les documents sont scandaleux, insultants, ou abusifs, et c'est là la question pertinente.

[3]          Un acte de procédure ou un document scandaleux inclut ce qui dénigre la moralité d'une personne. Un document qui, sans motifs raisonnables, conteste la moralité de l'avocat de la Couronne est un document scandaleux : voir par exemple Steiner c. Canada (1997) 122 F.T.R. 187, à la page 191.

[4]          Le mot "insultant" devrait être entendu dans son sens ordinaire. De plus, qu'une chose est insultante est une question de fait : voir par exemple Brutus c. Cozens [1973] A.C. 854, décision de la Chambre des lords. Je ferais particulièrement état du jugement du lord Reed, à la page 862 :

         [TRADUCTION] On nous a cités un certain nombre de sens d'"insulte" dans les dictionnaires, savoir le traitement avec insolence ou mépris, indignité, dérision, déshonneur ou irrespect offensant. Beaucoup d'autres choses par ailleurs acceptables peuvent être dites ou faites de manière insultante. Il ne peut y avoir aucune définition. Mais un homme sensé ordinaire reconnaît une insulte lorsqu'il s'en aperçoit ou l'entend."

             (non souligné dans l'original)

[5]          Il existe diverses approches du sens d'abus que je pourrais adopter. Par exemple, ce mot est interchangeable avec les mots futile ou vexatoire : voir The Inherent Jurisdiction of the Court d'I.H. Jacobs, [1970] Current Legal Problems 21, à la page 41. Le mot peut être utilisé pour décrire une procédure qui opère une injustice. Il peut se rapporter à une invective incontrôlée qui n'apporte rien d'utile comme ce fut le cas dans Vojic c. ministre du Revenu national (1988) 18 F.T.R. 221, à la page 225. En dernier lieu, il peut s'agir d'un abus de procédures, et je citerais ici un passage extrait de l'affaire Adams c. Gendarmerie Royale du Canada (1995) 174 N.R. 314, décision du juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale, qui s'est exprimé en ces termes :

         "Le temps est révolu où les tribunaux pouvaient accorder aux plaignants le luxe de se tenir à leur service. Les tribunaux, qui sont des institutions publiques chargées du règlement des litiges, nécessitent une dépense considérable de fonds publics. La congestion des tribunaux et les retards qui s'ensuivent constituent un grave problème pour le public."

Le juge Hugessen a ajouté que les personnes qui engagent des procédures "... pour servir leurs propres fins pourront avoir à répondre de leur gaspillage et de leur abus d'une ressource publique" (p. 317 et 318).

[6]          Je garde à l'esprit ces définitions dans l'examen des documents que M. Mennes désire déposer : les documents correspondent à un certain nombre de définitions. Toutefois, je ne considère pas qu'il est de mon devoir de réviser les documents avec un crayon noir afin qu'ils puissent être déposés, ou de refuser complètement à M. Mennes l'accès à la cour. Dans leur forme actuelle, les documents ne doivent pas être déposés. M. Mennes peut les déposer, s'il le désire, en omettant certains passages. J'aborde maintenant les passages qui sont inacceptables et qui doivent être radiés de la documentation que M. mennes a présentée pour s'opposer à la requête, introduite par la Couronne, en annulation ou radiation de l'avis de requête introductive d'instance.

[7]          Les documents scandaleux doivent être retirés du dossier de requête de quarante pages du requérant daté du 25 juin 1998 :

     1.      Toute la partie 8 aux pp. 3 et 4;
     2.      La partie 14b figurant à la p. 5;
     3.      Toute la partie A, y compris la rubrique, à la p. 16;
     4.      Toute la partie 11, y compris la rubrique, aux p. 22 et 23;
     5.      Toute la partie 19, y compris la rubrique, à la p. 25;
     6.      Tous les mots figurant après la date 1998, dans la dernière ligne de la partie 33, à la page 31;
     7.      Le paragraphe b de la partie 34 à la p. 32;
     8.      Toutes les règles 46, 467 et 472 aux pp. 38 et 39.

[8]          Toutes les mentions de "counsel' Workun" doivent être supprimées puisqu'elles sont insultantes : il suffit que M. Mennes mentionne l'intimé, et non personnellement l'avocat.

[9]          Les parties suivantes de la documentation doivent également être supprimées avant que le dossier de requête de M. Mennes ne puisse être accepté par le greffe :

         1.      Tous les paragraphes 9 et 10 à la p. 4;
         2.      Toute la partie 7, y compris la rubrique, aux pp. 19 et 20;
         3.      Toute la partie 16, y compris la rubrique, à la p. 24;
         4.      Toute la partie 30, y compris la rubrique, à la p. 29;
         5.      Les parties des règles 2 et 65 mentionnées à la p. 35;
         6.      Les parties de la règle 364(2) mentionnées à la p. 36.

Ces parties sont radiées parce qu'elles vont au-delà de la non-pertinence. Il s'agit là d'un abus de procédure et du gaspillage du temps de la Cour et de l'argent du contribuable.

[10]          M. Mennes peut présenter de nouveau le dossier de requête, supprimant les documents que j'ai jugés inacceptables, dans un délai de trente jours. Au cas où les changements requis n'ont pas été faits dans les documents présentés de nouveau, le greffe retournera ceux-ci à M. Mennes, et soumettra la requête de la Couronne en annulation des procédures ou en radiation de l'avis de requête introductive d'instance à un juge ou à un protonotaire

pour qu'elle soit tranchée rapidement.

                                 (signé) John A. Hargrave

                                         Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

21 juillet 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      T-253-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Emile Marguerita Marcus Mennes

                             c.

                             Le procureur général du Canada

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le protonotaire John A. Hargrave

EN DATE DU                      21 juillet 1998

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Emile Marguerita Marcus Mennes      pour son propre compte
    Campbellford (Ontario)
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour l'intimé
            
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.