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     Date : Date : 19981105

     Dossier : T-715-98

OTTAWA (Ontario), le 5 novembre 1998

En présence de Monsieur le juge Rouleau

     INSTANCE relative à la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET à l'appel contre la décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET au

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     appelant,

     - et -

     SHIH-CHUAN SEAMAN HUNG,

     intimé

     JUGEMENT

     La Cour déboute le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de son appel.

     Signé : P. Rouleau

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : Date : 19981105

     Dossier : T-715-98

     INSTANCE relative à la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET à l'appel contre la décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET au

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     appelant,

     - et -

     SHIH-CHUAN SEAMAN HUNG,

     intimé

     MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge ROULEAU

[1]      Il y a en l'espèce appel formé contre la décision en date du 20 mars 1998 par laquelle un juge de la citoyenneté a attribué à l'intimé la citoyenneté canadienne. Il a été jugé que M. Hung remplissait la condition de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, aux termes duquel quiconque demande la citoyenneté canadienne doit avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans au cours des quatre années qui précèdent la date de la demande. Le juge de la citoyenneté a conclu que l'intimé avait été physiquement présent au Canada 521 jours, donc 574 jours de moins que les 1 095 jours de résidence requis, mais qu'il avait établi un pied-à-terre au Canada, et que ses absences étaient temporaires et nécessaires pour la mise sur pied de son agence de voyages.

[2]      Le ministre a interjeté appel de cette décision le 15 avril 1998, par ce motif que l'intimé n'avait pas accumulé au moins trois années de résidence au Canada.

[3]      Tout appel formé en Cour fédérale sous le régime du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté et avant l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998) donne lieu à un procès de novo. Il est donc permis de prendre en considération toutes les preuves produites, y compris les preuves testimoniales; v. Canada (M.C.I.) c. Chan (1998), A.C.J. no 742, décision du juge Rothstein.

[4]      L'intimé est né le 21 août 1952 à Taiwan, en République de Chine. Admis au Canada le 14 août 1993 comme résident permanent au titre de la catégorie des gens d'affaires, il a demandé la citoyenneté canadienne le 5 mai 1997.

[5]      Il a ouvert une entreprise en 1993, mais celle-ci a sombré et il y a perdu de l'argent. En août 1994, il a constitué à Richmond une société sous le régime des lois de la Colombie-Britannique, Natural Travel Service, pour encourager les Asiens à visiter le Canada et en faire ses clients. L'entreprise a perdu beaucoup d'argent durant les trois premières années, c'est pourquoi il a dû passer du temps sur le terrain pour la promouvoir. Il a persisté et l'entreprise a dégagé un bénéfice pour 1997. Par suite, ses absences du Canada sont devenues plus courtes. Depuis février 1997, il n'a été à Taiwan pour affaires que trois fois. Chacune de ses absences durait à peu près une semaine.

[6]      En février 1997, il a été élu au conseil d'administration de la Canadian Inbound Tourism Association for Asia Pacific. En mars 1998, il s'est assuré un partenaire en voyages organisés à Calgary. Il représente maintenant les Lignes aériennes Canadien International à Taiwan pour recruter les étudiants et élèves qui veulent venir au Canada apprendre l'anglais comme langue seconde. Il a travaillé plusieurs années à établir son entreprise à Richmond et a réussi à faire venir un certain nombre de touristes et de visiteurs asiens au Canada.

[7]      L'intimé a acheté une maison à Vancouver. Il a une compte en banque actif ainsi que des placements REÉR. Il a aussi payé l'impôt sur le revenu et est titulaire du permis de conduire et de la carte d'assurance-maladie provinciaux. Sa famille immédiate vit à Vancouver, où son fils a fait ses études à l'école secondaire puis à l'université.

[8]      Dans Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, le juge en chef Thurlow a posé pour principe que la présence physique à plein temps au Canada n'est pas une condition de résidence essentielle, et qu'une personne établie au Canada ne cesse pas d'être résidente lorsqu'elle s'absente temporairement, que ce soit pour les affaires, pour les vacances ou pour les études. Dans Re Koo (1992), [1993] 1 C.F. 286, en page 293 (C.F. 1re inst.), Mme le juge Reed a dégagé de la jurisprudence en la matière les différentes formules qui permettent de juger si l'appelant réside au Canada malgré les absences temporaires :

     La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant " vit régulièrement, normalement ou habituellement ". Le critère peut être tourné différemment : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence?         

[9]      La condition de la vie centrée au Canada est davantage que le fait d'y avoir un domicile où l'on a juste l'intention de revenir. Ainsi que l'a fait observer le juge Noël dans Re Lai (1994), 85 F.T.R. 62, en pages 63 et 64 (C.F. 1re inst.) :

     Dans les cas où l'absence physique se produit pendant la période prévue par la loi, il faut, pour faire la preuve de la résidence continue, présenter des éléments de preuve démontrant le caractère temporaire de l'absence, une intention claire de revenir au Canada et l'existence de liens factuels suffisants avec le Canada pour affirmer que l'on résidait en fait au Canada durant la période en cause" Lorsqu'un homme d'affaires choisit le Canada comme lieu de résidence en y fixant son foyer conjugal et sa famille, il lui est loisible de se déplacer, dans des limites raisonnables, pour gagner sa vie.         

[10]      En l'espèce, l'intimé avait aliéné son entreprise avant d'immigrer, au titre du programme d'immigration des gens d'affaires, au Canada où il a ouvert une agence de voyages. Il s'était heurté à de nombreuses difficultés qui l'ont obligé à faire de nombreux déplacements pour promouvoir son entreprise. Celle-ci est devenue rentable et il est maintenant en mesure de passer plus de temps au Canada. Je ne doute pas qu'il ait maintenu des liens avec le Canada et que ses absences fussent temporaires et indépendantes de sa volonté.

[11]      L'intimé a fait la preuve qu'il vit habituellement au Canada et qu'il entend garder la résidence canadienne. Par ces motifs, l'appel est rejeté.

     Signé : P. Rouleau

     ________________________________

     Juge

OTTAWA (Ontario),

le 5 novembre 1998

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              T-715-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Instance relative à l'appel contre la décision d'un juge de la citoyenneté
                     Et au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et Shih-Chuan Seaman Hung

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :      22 octobre 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU

LE :                      5 novembre 1998

ONT COMPARU :

Mme Brenda Carbonell              pour l'appelant

M. Shih-Chuan Seaman Hung          pour son propre compte

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg              pour l'appelant

Sous-procureur général du Canada

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