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     Date : 19990512

    

     Dossier : T-573-99

ENTRE :

     MELVIN ISNANA,

     demandeur,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

     REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES

     AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN et

     MARJORIE TAWIYAKA,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW

[1]      Le demandeur prétend être le chef de la nation de Standing Buffalo Dakota et demande une injonction interlocutoire pour empêcher la tenue de l'élection d'un chef qui est prévue pour le samedi 15 mai 1999.

[2]      J'ai conclu qu'aucune injonction ne devrait être décernée. L'élection devrait avoir lieu le 15 mai 1999, comme prévu.

[3]      Le résultat de cette élection déterminera qui est le chef à partir de cette date, à moins que le conseil sénatorial accueille un appel fondé sur la loi électorale de la nation de Standing Buffalo Dakota ou que la Cour statue, dans un litige ultérieur, que l'élection est invalide ou que son résultat ne devrait pas tenir.

[4]      L'avocat de M. Isnana a soulevé plusieurs arguments qui contestent la validité de la décision rendue le 31 mars 1999 de tenir une élection le 15 mai 1999. Des questions sont soulevées quant à savoir qui a convoqué la réunion, qui y a participé et qui y a voté. En ce qui concerne toutes ces questions de fait, il y a des éléments de preuve contradictoires dans des affidavits qui n'ont pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire. Les documents clés sont ambigus. Je n'ai pas suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi quant aux règles coutumières du Conseil. On n'a pas expliqué pourquoi la décision rendue le 31 mars 1999 n'a pas été contestée avant le dépôt de la présente requête le 10 mai 1999. Je ne peux pas conclure, au vu de la preuve dont je suis saisie, qu'il y a une erreur capitale dans la façon dont l'élection a été déclenchée.

[5]      Selon moi, le problème dans la direction de la nation de Standing Buffalo Dakota résulte de l'existence de divergences d'opinions, qui paraissent raisonnablement fondées, quant à savoir si M. Isnana est maintenant le chef.

[6]      La défenderesse Mme Tawiyaka, présidente du conseil sénatorial, croit qu'il n'est pas le chef, et elle a des raisons de le croire. D'autres membres du conseil sénatorial paraissent être d'accord. Le ministre est partie au dossier parce qu'il partage l'opinion de Mme Tawiyaka. Les six conseillers élus paraissent avoir des opinions contradictoires à ce sujet. M. Isnana croit être le chef et d'autres personnes le croient également; ceux-ci ont des raisons d'avoir une telle croyance.

[7]      Les documents qui m'ont été soumis établissent que M. Isnana a été élu en novembre 1998. Ceux-ci établissent également l'existence d'événements ultérieurs qui ont ou n'ont pas été susceptibles d'entraîner sa destitution comme chef. On a essayé d'interjeter appel de l'élection devant le conseil sénatorial; cette tentative a pu ou n'a pas pu être valide. Le conseil sénatorial a peut-être rendu des décisions contradictoires en décembre 1998, dont l'une ou les deux étaient peut-être invalides.

[8]      Dans les motifs du jugement rendu le 15 avril 1999 dans une autre requête interlocutoire présentée dans le cadre de la présente affaire, j'ai indiqué que je n'avais pas d'éléments de preuve suffisants pour décider si M. Isnana était le chef ou s'il ne l'était pas.

[9]      Ceux qui croient que M. Isnana est le chef ont manifestement considéré ma décision du 15 avril 1999 comme une confirmation qu'il est le chef. Ceux qui croient le contraire ont tenu ma décision pour une confirmation qu'il n'est pas le chef. Il faut répéter que je n'avais pas d'éléments de preuve suffisants, le 15 avril 1999, pour décider si M. Isnana était le chef à ce moment-là.

[10]      Ce qui est dommage c'est que je n'ai toujours pas assez d'éléments de preuve pour décider s'il est chef. Je suis saisie uniquement d'affidavits contradictoires qui n'ont pas été mis à l'épreuve au moyen d'un contre-interrogatoire et qui laissent de nombreuses questions de fait importantes non résolues. L'incertitude quant savoir si M. Isnana est le chef a entraîné des difficultés dans la direction de la nation de Standing Buffalo Dakota et celles-ci ne seront pas résolues si la tenue de l'élection est empêchée.

[11]      Une injonction interlocutoire vise à maintenir le statu quo jusqu'à ce qu'il y ait une décision définitive sur l'action introduite par le demandeur. Le point de départ habituel lorsqu'il s'agit d'examiner une demande d'injonction interlocutoire c'est le statu quo; or, je ne sais pas ce qu'il en est.

[12]      La jurisprudence sur les injonctions interlocutoires établissent trois facteurs devant être pris en considération. Ce sont les suivants : (1) y a-t-il une question sérieuse à juger? (2) le demandeur subira-t-il un préjudice irréparable si l'injonction n'est pas décernée? (3) la prépondérance des inconvénients favorise-t-elle la délivrance de l'injonction?

[13]      En premier lieu, pour ce qui est du troisième de ces facteurs, il me semble que, compte tenu de mes conclusions quant à la difficulté de déterminer le statu quo, la prépondérance des inconvénients favorise le rejet de la demande d'injonction. Cela suffirait pour trancher la présente demande contre M. Isnana, mais comme les autres questions litigieuses ont été débattues à fond, je ferai également des commentaires à leur sujet.

[14]      Quant aux réclamations contre Mme Tawiyaka, les interprétations contradictoires des événements survenus entre novembre dernier et le moment présent ouvrent toute grande la porte à des questions litigieuses qui pourraient faire l'objet de procédures judiciaires. Toutefois, selon l'avocat de Mme Tawikaka, M. Isnana ne peut plus demander le redressement recherché parce qu'il a utilisé la mauvaise procédure. Il soutient que M. Isnana aurait dû introduire une action en contrôle judiciaire dans laquelle il aurait contesté la décision du conseil sénatorial ou la décision du 31 mars 1999 de déclencher l'élection. Si cette prétention est exacte, M. Isnana n'est donc pas autorisé à demander réparation à Mme Tawiyaka dans la présente action.

[15]      L'avocat de M. Isnana affirme que, comme son client conteste les actions de Mme Tawiyaka, qui, selon ce qu'il allègue, ne sont pas autorisées ou illégales, les recours dont il dispose ne se limitent pas au contrôle judiciaire. Toutefois, la preuve indique que Mme Tawiyaka a, en tout temps, agi en sa qualité de présidente du conseil sénatorial et que les autres décisions constituant le fondement des réclamations de M. Isnana sont ou se veulent des actes du conseil sénatorial ou du Conseil. C'est vraiment le genre de décision qui devrait être traitée par voie de contrôle judiciaire. Si tel est le cas, il n'y a donc aucune question sérieuse à juger en ce qui concerne les réclamations contre Mme Tawiyaka.

[16]      Les réclamations de M. Isnana contre le ministre sont fondées sur la théorie suivant laquelle le ministre ou son personnel est à tort intervenu dans les affaires de la bande. Le fondement factuel de cette prétention se trouve dans de nombreuses lettres. L'une d'entre elles a fait l'objet de la requête précédente et j'ai reproché au ministre d'avoir écrit une lettre trompeuse sur son pouvoir quand il s'agit de déterminer quels sont les titulaires de charges électives. Cependant, aucune des autres lettres citées par l'avocat de M. Isnana ne peut être critiquée à cet égard. Tout au plus, on peut dire que le ministre n'a pas dûment informé l'ensemble de son personnel de l'évolution des événements à la nation de Standing Buffalo Dakota.

[17]      Comme pour la lettre qui a fait l'objet de la requête précédente, il y a amplement d'éléments de preuve selon lesquels le ministre a et a toujours eu connaissance des limites de ses pouvoirs relativement aux affaires de la nation de Standing Buffalo Dakota. Selon l'avocat de M. Isnana, il n'y a eu aucune discussion quant à une nouvelle élection avant la réception de la lettre et, s'il n'y avait pas eu cette lettre, M. Isnana aurait conservé sa fonction de chef. Je ne souscris pas à cette prétention. La divergence d'opinions quant au droit de M. Isnana d'exercer cette fonction repose sur de nombreux motifs. La lettre a peut-être conforté la détermination de Mme Tawiyaka et des autres personnes qui sont d'accord avec elle, mais l'opinion de Mme Tawiyaka doit encore être justifiée. Au vu des éléments de preuve dont je suis saisie, je ne saurais conclure qu'une cause d'action contre le ministre puisse se fonder sur la lettre.

[18]      Je ne peux croire non plus que M. Isnana subira un préjudice irréparable si l'élection est tenue. Il lui est toujours loisible de chercher à obtenir réparation au moyen d'une demande de contrôle judiciaire (s'il peut obtenir une autorisation de présenter une demande tardive) et de demander toute autre réparation à laquelle il croit avoir droit dans le cadre de la présente action.

[19]      La demande est rejetée. Le demandeur assumera les dépens de la présente requête.

     " Karen Sharlow "

                                         J.C.F.C

Toronto (Ontario)

Le 12 mai 1999

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :      T-573-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      MELVIN ISNANA,
             demandeur,
         - et -
         SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN et MARJORIE TAWIYAKA,
             défendeurs.
DATE DE L'AUDIENCE :      LE MERCREDI 12 MAI 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :      LE JUGE SHARLOW
DATE DES MOTIFS :      LE MERCREDI 12 MAI 1999
ONT COMPARU :      M. Tony Merchant
             pour le demandeur
         M. Dale Kohlenberg
             pour les défendeurs,
             Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien
         M. Terry Jordan
             pour la défenderesse,
             Marjorie Tawiyaka

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

         Merchant Law Group
         Avocats
         100-2401 Saskatchewan Drive
         Regina (Saskatchewan)
         S4P 4H8
             pour le demandeur
         Morris Rosenberg
         Sous-procureur général du Canada
             pour les défendeurs
             Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien
         Willows, Tulloch & Howe
         Avocats
         300-533 Victoria Avenue
         Regina (Saskatchewan)
         S4N 0P8
             pour la défenderesse,
             Marjorie Tawiyaka

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

    


Date : 19990512


Dossier : T-573-99

Entre :

MELVIN ISNANA,

     demandeur,

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN et MARJORIE TAWIYAKA,

     défendeurs.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

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