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Date : 20210222

Dossier : T‑2425‑14

Référence : 2021 CF 169

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

JUVENAL DA SILVA CABRAL,

PEDRO MANUEL GOMES SILVA, ROBERT ZLOTSZ, ROBERO CARLOS OLIVEIRA SILVA, ROGERIO DE JESUS MARQUES FIGO, JOAO GOMES CARVALHO,

ANDRESZ TOMASZ MYRDA,

ANTONIO JOAQUIM OLIVEIRA MARTINS, CARLOS ALBERTO LIMA ARAUJO, FERNANDO MEDEIROS CORDEIRO, FILIPE JOSE LARANJEIRO HENRIQUES, ISAAC MANUEL LEITUGA PEREIRA,

JOSE FILIPE CUNHA CASANOVA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET SA MAJESTÉ LA REINE

défendeurs

MOTIFS DE LA TAXATION

GARNET MORGAN, officier taxateur

[1] Il s’agit d’une taxation des dépens effectuée conformément à une ordonnance de la Cour fédérale du 14 septembre 2016, dans laquelle la requête en jugement sommaire des défendeurs a été accueillie et l’action des demandeurs a été rejetée, avec dépens adjugés aux défendeurs.

[2] En plus de l’ordonnance de la Cour, les dépens seront taxés conformément à l’article 407 des Règles des Cours fédérales (les Règles), DORS/98‑106, dont voici le libellé :

407. Tarif B ‑ Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie‑partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

[3] Le 12 août 2019, les défendeurs ont déposé un mémoire de frais.

[4] Le 24 septembre 2019, les parties ont reçu une directive quant aux dates de dépôt des documents pour la taxation des dépens. Après le prononcé de cette directive, les défendeurs ont présenté une lettre datée du 7 octobre 2019 au greffe de la Cour, par laquelle ils demandaient que la taxation des dépens soit mise en suspens, puisque les parties tentaient de conclure un règlement quant à la question des dépens. Le 21 octobre 2019, une directive a été remise aux parties pour les informer que la taxation des dépens serait suspendue jusqu’à nouvel avis des parties.

[5] Le 23 janvier 2020, les défendeurs ont présenté au greffe de la Cour une lettre par laquelle ils l’informaient que les parties n’avaient pas été en mesure de régler la question des dépens et lui demandaient de reprendre la taxation des dépens. Le 24 janvier 2020, une directive a été remise aux parties à propos de la reprise de l’instance de taxation des dépens; cette directive précisait les dates de dépôt des documents. De plus, en raison de la pandémie de COVID‑19 et de la suspension des délais de dépôt des documents judiciaires au printemps 2020, le 19 juin 2020, la Cour fédérale a transmis aux parties une directive de suivi aux parties.

[6] Les documents suivants à propos des dépens ont été déposés par les parties en vue de la présente taxation des dépens : le 6 mars 2020, les défendeurs ont déposé des pièces justificatives des dépens, ainsi que des observations écrites et un affidavit de Mme Jillian Dale; le 17 août 2020, les demandeurs ont déposé des documents de réponse en ce qui a trait aux dépens, ainsi qu’un mémoire d’arguments et un affidavit de Barbora Lukacova; le 11 septembre 2020, les défendeurs ont déposé des observations en réplique.

I. Les questions préliminaires

[7] À titre préliminaire à la taxation des dépens, les parties ont soulevé certaines questions dans leurs mémoires de frais. Je les examinerai à ce titre.

A. La demande de taxation des dépens

[8] Dans le mémoire des arguments des demandeurs, ces derniers font valoir que les parties ont convenu du montant qui sera versé aux défendeurs au titre des dépens et que la seule question qui reste à trancher est le paiement de ces dépens. L’affidavit de Barbora Lukacova, souscrit le 13 août 2020, comporte la pièce A, soit la correspondance par courriel entre les parties. Cette pièce montre que les parties ont convenu d’un montant de règlement de 8 000,00 $. De plus, selon la correspondance par courriel, les défendeurs étaient en attente du paiement et les demandeurs ont fait savoir qu’il y avait un problème avec le compte en fiducie de leur ancien avocat (Richard Boraks); ce compte avait été bloqué par le Barreau de l’Ontario, ce qui empêchait le paiement.

[9] Les demandeurs ont fait valoir que les défenseurs [traduction] « font l’objet d’une préclusion fondée sur la conduite en ce qui a trait à l’évaluation du montant, et que la Cour n’a donc pas compétence pour instruire la demande de taxation des dépens ». Les demandeurs ont fait valoir que, si la Cour a compétence pour procéder à la taxation des dépens, elle ne peut pas accorder un montant total supérieur 8 000,00 $ pour les mémoires de frais que les défendeurs ont déposés à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale. Au paragraphe 8 du mémoire des arguments des demandeurs, il est proposé que, à titre de solution de rechange, la Cour rende une ordonnance destinée au Barreau de l’Ontario pour autoriser l’accès au compte en fiducie de l’ancien avocat, afin que les dépens soient payés aux défendeurs.

[10] La réplique des défendeurs confirme que les parties ont convenu d’un règlement en s’entendant pour que le mémoire de frais des défendeurs se chiffre à 8 000,00 $. Les défendeurs ont soutenu que la Cour a compétence pour taxer les dépens et en faire respecter l’adjudication. Ils ajoutent que les demandeurs [traduction] « ont eu de nombreuses occasions entre octobre 2019 et janvier 2020 de payer des dépens, mais qu’aucun paiement n’a été reçu ». En ce qui concerne les ordonnances provisoires du Tribunal du Barreau (TB), les défendeurs formulent les observations suivantes au paragraphe 11 de leurs observations en réplique :

[traduction]

Il semble que M. Boraks est en fait au courant des recours dont il disposait devant le TB. En effet, M. Galati, dans un message laissé sur la boîte vocale de Mme Marinos le 2 décembre 2019, l’avisait qu’ils reviendraient le 4 décembre 2019 pour régler les derniers détails de la supervision des comptes afin qu’il puisse accéder au compte en fiducie10. Il est difficile d’établir ce qui s’est passé le 4 décembre 2019, s’il s’est bien passé quelque chose. Quoi qu’il en soit, les demandeurs et M. Boraks auraient dû épuiser tous les mécanismes administratifs à leur disposition avant de demander l’intervention judiciaire de la Cour fédérale ou de la Cour d’appel fédérale.

[11] Les défendeurs ont fait valoir que le défaut des demandeurs d’effectuer le paiement en temps opportun a prolongé l’affaire. Ainsi, ils ont demandé à ce qu’il soit [traduction] « ordonné [aux demandeurs] d’effectuer un paiement de 16 029,91 $ ». Subsidiairement, les défendeurs ont fait valoir que, si la Cour décide que les demandeurs doivent payer 8 000,00 $, il faudrait qu’ils aient aussi l’obligation d’effectuer le paiement [traduction] « dans les 30 jours suivant l’ordonnance ».

[12] En plus d’avoir examiné les documents relatifs aux frais présentés par les parties, j’ai pris en considération les articles régissant les dépens de la partie 11 des Règles, notamment les articles 419 à 422, qui énoncent les exigences relatives aux offres de règlement en ce qui a trait aux dépens. Ces articles ne font référence qu’aux offres de règlement qui sont faites avant la décision définitive rendue dans une instance judiciaire. Au paragraphe 11 de la décision Assn. Olympique Canadienne c Olymel, Société en commandite, [2000] ACF nº 1725, la Cour a énoncé ce qui suit :

Ainsi que le juge Morden l’a souligné dans l’arrêt Data General, précité, l’offre de règlement a pour objet d’inciter les parties à mettre fin au litige en concluant une entente, ce qui est plus rapide et moins coûteux qu’un jugement rendu par le tribunal à l’issue du procès. Il a ajouté que l’incitation à transiger constitue un mécanisme qui permet au demandeur de faire une offre sérieuse au sujet de son estimation de la valeur de la demande, obligeant ainsi le défendeur à procéder dès le début à un examen attentif du fond de l’affaire.

[13] Au vu de l’explication donnée dans la décision citée ci‑dessus, les parties peuvent envisager de tenter de régler la question des dépens de façon informelle, après la décision définitive dans le cadre d’une instance. Cela dit, les Règles ne l’exigent pas expressément, comme elles n’exigent pas que les parties en cause acceptent toute offre de règlement des dépens. Pour la taxation des dépens en question, puisque les parties n’ont pas été en mesure de finaliser le règlement des dépens, il était loisible aux défendeurs de demander qu’un officier taxateur procède à une taxation des dépens conformément au paragraphe 406(1) des Règles.

[14] Après examen des documents relatifs aux dépens présentés par les parties, du dossier du tribunal, de la partie 11 des Règles et de la jurisprudence susmentionnée, j’ai conclu que les défendeurs ont présenté la demande de taxation des dépens conformément aux Règles. Ainsi, je procéderai à une telle taxation des dépens.

B. La situation financière des demandeurs

[15] Dans le mémoire des arguments des demandeurs, il est avancé qu’en raison d’un litige en cours avec le Barreau de l’Ontario, les finances de l’ancien avocat sont inaccessibles, ce qui empêche le paiement des défendeurs. Les demandeurs ont sollicité une ordonnance enjoignant au Barreau de l’Ontario de permettre à l’ancien avocat d’avoir accès à 8 000,00 $ pour payer les dépens qui reviennent aux défendeurs. Les défendeurs s’opposent à une telle demande. De plus, aux paragraphes 37 et 38 de leurs observations écrites, ils font valoir que les demandeurs disposent de ressources financières suffisantes pour payer les dépens aux défendeurs. Dans l’affaire Leuthold c Société Radio‑Canada, 2014 CAF 174 au para 12, la Cour s’exprime ainsi au sujet des dépens et de la situation financière d’une partie :

Mme Leuthold soutient, compte tenu de sa situation financière, qu’une ordonnance adjugeant des dépens de 80 000 $ est une mesure de nature punitive. Il est vrai qu’une partie dépourvue de ressources dont la demande est fondée ne devrait pas être empêchée de faire entendre sa demande en raison d’une ordonnance de cautionnement pour frais ou de provision pour frais : voir l’arrêt Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371, aux paragraphes 36 et suivants. Toutefois, lorsqu’une affaire a été instruite et que le jugement a été rendu, le manque de ressources nécessaires d’une partie n’est pas un facteur pertinent en matière de taxation des dépens. La personne ayant droit aux dépens a eu à engager des frais liés au procès et elle a le droit d’être indemnisée dans les limites prescrites par les Règles de la Cour. Il convient de distinguer les questions traitant du caractère exécutoire de celles se rapportant au droit aux dépens.

[16] De plus, au paragraphe 8 de la décision Latham c Canada 2007 CAF 179, l’officier taxateur s’exprime ainsi au sujet des difficultés financières :

L’existence d’appels en instance n’empêche pas les intimés de procéder à la taxation des dépens : voir la décision Culhane c. ATP Aero Training Products Inc., [2004] A.C.F. no 1810 (O.T.) au paragraphe 6. Dans la décision Clarke c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 814 (O.T.), le demandeur (un détenu), en alléguant que ses ressources limitées, combinées au montant possible des dépens taxables, nuiraient à sa réinsertion, a correctement reconnu, à mon avis, que ses moyens financiers et les chances que les dépens taxés soient payés ne sont pas des facteurs utiles à l’examen des questions lors de la taxation des dépens. Je ne peux donc pas m’immiscer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour en vertu du paragraphe 400(1) des Règles qui donne droit aux intimés de recouvrer en l’espèce les dépens taxables du demandeur appelant. Je ne crois pas que les difficultés financières sont visées par l’expression « toute autre question » de l’alinéa 400(3)o) des Règles, en tant que facteur pertinent et applicable dont un officier taxateur doit tenir compte, en vertu de l’article 409 des Règles, dans le but de réduire les dépens taxables découlant d’un litige. Les parties qui agissent pour leur propre compte et celles représentées par un avocat ont droit au même traitement en ce qui a trait aux dispositions sur les dépens découlant d’un litige : voir Scheuneman c. Canada (Développement des ressources humaines Canada), [2006] A.C.F. no 1278 (O.T.). En l’espèce, les tribunaux ont tiré leurs conclusions relatives au droit aux dépens et je n’ai pas la compétence pour intervenir.

[17] De plus, au paragraphe 7 de la décision Pelletier c Canada, 2006 CAF 418, la Cour d’appel fédérale mentionne ce qui suit au sujet de l’adjudication des dépens :

[…] Il peut tenir compte, en vertu de la Règle 409, « des facteurs visés au paragraphe 400(3) lors de la taxation des dépens ». Bref, la fonction de l’officier taxateur en est une, non pas d’adjudication, mais d’évaluation des dépens. Il ne lui appartient pas d’aller outre, ou à l’encontre de, l’adjudication déjà prononcée par le juge.

[18] Étant donné les décisions rendues dans les affaires Leuthold et Latham, je ne peux pas, en tant qu’officier taxateur, tenir compte de la situation financière d’une partie lorsque je procède à la taxation des dépens. Le litige financier en cours entre les demandeurs et le Barreau de l’Ontario n’est pas une question que je suis en mesure d’examiner en tant qu’officier taxateur. D’après l’arrêt Pelletier, mon rôle en tant qu’officier taxateur consiste uniquement à taxer les dépens. L’ordonnance et motifs de la Cour datés du 14 septembre 2016, que j’ai examinés, précisent que « [l’action] est rejetée et les dépens sont adjugés aux défendeurs ». Par conséquent, en vertu de l’ordonnance et motifs de la Cour datés du 14 septembre 2016, tous les dépens autorisés en l’espèce seront payés par les demandeurs aux défendeurs. Ainsi, du fait que je ne suis pas juge, je n’ai pas compétence pour examiner la demande des demandeurs visant le prononcé d’une ordonnance enjoignant au Barreau de l’Ontario de donner accès au compte en fiducie de l’ancien avocat afin que les dépens adjugés aux défendeurs soient payés.

C. Adjudication des dépens et des sommes globales

[19] Compte tenu de l’arrêt Pelletier (précité), dans lequel la Cour d’appel fédérale déclare que « la fonction de l’officier taxateur […] est […] [l]’évaluation des dépens », je ne peux pas non plus examiner la demande que les demandeurs m’ont présentée au paragraphe 9 de leur mémoire et par laquelle ils réclament qu’on leur accorde un montant de 1 000,00 $ dans le cadre de la taxation des dépens. De plus, je ne suis pas en mesure d’adjuger un montant non précisé aux défendeurs à titre de dépens supplémentaires dans le cadre de la taxation des dépens, comme le demandent les défendeurs aux paragraphes 7 et 12 de leurs observations en réplique.

[20] Au sujet de l’adjudication d’une somme globale de 8 000,00 $ pour les dépens des défendeurs, le paragraphe 400(4) des Règles énonce ce qui suit :

(4) Tarif B – La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

[21] Le paragraphe 400(4) des Règles précise que la Cour peut adjuger une somme globale. Même si les parties ont consenti officieusement à une somme globale de 8 000,00 $ pour les mémoires de dépens des défendeurs déposés auprès de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, il n’y a pas de consensus entre les parties au sujet du montant des dépens pour la présente taxation des dépens. Au paragraphe 12 de leurs observations en réplique, les défendeurs exposent la demande suivante :

[traduction]

Les défendeurs réitèrent leur demande d’ordonner aux demandeurs de payer 16 029,91 $ pour les dépens. Subsidiairement, les défendeurs demandent qu’il soit ordonné aux demandeurs de payer 8 000 $ pour les dépens, ainsi que les dépens afférents à la présente requête.

[22] En l’absence de consentement explicite des parties pour que les dépens des défendeurs soient taxés à 8 000,00 $ pour les deux mémoires de frais, je ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire d’accorder une telle adjudication des dépens. Les défendeurs, dans leurs documents relatifs aux dépens, ont demandé comme première option que leurs dépens soient taxés à 16 029,91 $. Par conséquent, je conclus qu’en tant qu’officier taxateur, je suis tenu de taxer la totalité des mémoires de frais des défendeurs déposés auprès de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, conformément au paragraphe 400(4) et à l’article 405 des Règles, selon lequel « [l]es dépens sont taxés par l’officier taxateur. »

II. Le mémoire de frais

[23] Après examen des documents relatifs aux dépens des demandeurs, je n’ai pas relevé d’observations portant précisément sur les réclamations des défendeurs quant aux services ou aux débours taxables qui figurent dans le mémoire de frais de ces derniers. L’absence d’observations précises de la part des demandeurs au sujet des réclamations des défendeurs en ce qui a trait aux dépens fait en sorte que le mémoire de frais ne se heurte essentiellement à aucune opposition. Au paragraphe 2 de la décision Dahl c Canada, 2007 CF 192, l’officier taxateur s’est exprimé ainsi :

Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’estàdire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. J’ai examiné chaque élément réclamé dans le mémoire de dépens, ainsi que les pièces justificatives, en fonction de ces paramètres. Certains éléments requièrent mon intervention, compte tenu des paramètres évoqués ci‑dessus et vu qu’il semble y avoir une opposition générale à ce mémoire de dépens.

[24] En plus de la décision Dahl, dans la décision Carlile c Canada, [1997] ACF no 885 au para 26, l’officier taxateur a donné les indications suivantes :

[…] Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés.

[25] Au vu des décisions Dahl et Carlile, et malgré l’absence d’observations précises des demandeurs contestant les services ou les débours individuels à taxer réclamés par les défendeurs dans le cadre de la présente taxation des dépens, à titre d’officier taxateur, j’ai l’obligation de m’assurer que les demandes acceptées ne soient pas « déraisonnables ou non nécessaires ». En plus des documents relatifs aux dépens des défendeurs, le dossier du tribunal, les Règles et toute jurisprudence pertinente seront utilisés pour taxer les dépens des défendeurs afin de s’assurer qu’ils étaient nécessaires et raisonnables.

A. Services à taxer

Article 2 – Préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés; article 5 – Préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant; article 7 – Communication de documents, y compris l’établissement de la liste, l’affidavit et leur examen; article 8 – Préparation d’un interrogatoire, y compris un interrogatoire préalable ou un interrogatoire relatif à un affidavit ou à l’appui d’une exécution forcée; article 9 – Présence aux interrogatoires, pour chaque heure; article 25 – Services rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs.

[26] En continuité avec le paragraphe précédent, j’ai examiné les documents relatifs aux dépens des défendeurs eu égard au dossier du tribunal, les Règles et toute la jurisprudence pertinente. J’ai conclu que les réclamations des défendeurs en ce qui a trait aux articles 2, 5 (pour ce qui est de la requête en jugement sommaire), 7, 8, 9 et 25 sont nécessaires et raisonnables. Plus précisément, les unités suivantes sont autorisées : 6 unités pour l’article 2; 6 unités pour l’article 5 pour la requête en jugement sommaire; 4 unités pour l’article 7; 12 unités pour l’article 8; 8 unités pour l’article 9 et 1 unité pour l’article 25.

[27] Les autres réclamations, celles relatives aux articles 5, 6 et 14, soulèvent certaines questions et seront donc examinées individuellement ci‑dessous.

Article 5 – Préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant; article 6 – Comparution lors d’une requête, pour chaque heure.

[28] En ce qui concerne les articles 5 et 6, le mémoire de frais des défendeurs comporte des réclamations à l’égard de deux requêtes pour lesquelles la Cour n’a pas adjugé de dépens. La première réclamation concerne la requête des défendeurs en radiation de la déclaration des demandeurs et la deuxième concerne leur requête en sursis au renvoi.

[29] L’ordonnance et les motifs de la Cour du 27 avril 2015 (requête en radiation de la déclaration des demandeurs) et l’ordonnance et les motifs de la Cour du 3 juillet 2015 (requête en sursis au renvoi) n’adjugent pas expressément les dépens pour ces requêtes. Au paragraphe 39 de la décision Tursunbayev c Canada, 2019 CF 457, la Cour déclare ce qui suit au sujet des requêtes et des dépens :

Comme le soulignent les défendeurs, à l’exception de l’ordonnance de la Cour du 24 novembre 2016 et de l’ordonnance relative aux dépens supplémentaires du 6 mars 2017, que les défendeurs ont exécutées, mes ordonnances dans cette instance ont établi expressément qu’aucuns dépens n’étaient accordés, ou n’ont simplement pas fait mention des dépens. Cela s’explique par le fait que, dans les cas dont je suis maintenant saisi, le demandeur n’a pas demandé de dépens (par écrit ou de vive voix), de sorte que les dépens ne sont pas une question que l’on m’a demandé d’aborder. D’après ce que je comprends de la jurisprudence de la Cour, je ne peux revenir sur mes ordonnances antérieures qui ne mentionnaient pas les dépens. Dans l’arrêt Sauve c Canada, 2015 CF 181, le juge Barnes a dit ce qui suit à ce sujet :

[5] Je suis aussi préoccupé par les dépens réclamés par les défendeurs en lien avec diverses requêtes qui ont été déposées par l’une ou l’autre partie depuis 2007.

[6] Presque toutes les requêtes présentées au début de la procédure ont été réglées par des ordonnances dans lesquelles il n’y a pas eu d’adjudication des dépens. La Cour n’a pas le pouvoir de revoir ces questions et d’adjuger des dépens alors qu’il n’y a pas eu d’adjudication à l’époque : voir Exeter c Canada, 2013 CAF 134, au paragraphe 14.

[30] De plus, au paragraphe 4 de la décision Canada c Uzoni, 2006 CAF 344, l’officier taxateur fait la déclaration suivante au sujet des requêtes et des dépens :

[traduction]

L’intimée a demandé 4 unités pour son article 4 (Préparation et dépôt d’une requête non contestée, y compris tous les documents, relative au dépôt tardif d’un avis de comparution). J’ai examiné l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale du 22 mars 2005, dans laquelle la Cour a accueilli la requête en prorogation du délai du défendeur pour qu’il puisse déposer son avis de comparution. Cela dit, cette ordonnance de la Cour d’appel fédérale ne faisait pas référence à la question des dépens associés à la requête du défendeur. Il est bien établi que les dépens relèvent de la discrétion de la Cour saisie de l’affaire et que, lorsqu’une ordonnance est muette au sujet des dépens, cela emporte qu’il n’y a pas d’exercice visible du pouvoir discrétionnaire de la Cour en vertu du paragraphe 400(1). On peut aussi se rapporter au passage suivant de l’ouvrage de Mark M. Orkin, c.r., The Law of Costs (le droit des dépens) (2e éd.), 2004, au paragraphe 105.7 :

[…] De même, si un jugement est accordé à une partie sans ordonnance adjugeant les dépens, aucune partie ne peut faire taxer les dépens; ainsi, lorsqu’une affaire est réglée sur présentation d’une requête ou au procès sans mention des dépens, c’est tout comme si le juge avait dit qu’il « estimait qu’il ne convenait pas d’adjuger les dépens ».

De façon similaire, je m’appuie sur la décision Kibale c Canada (Secrétaire d’État), [1991] ACF no 15, [1991] 2 CF D‑9, qui fait état du même sentiment :

Si une ordonnance ne fait pas mention des dépens, aucuns dépens ne sont adjugés.

[31] Après examen des observations des défendeurs au sujet des dépens, des décisions de la Cour du 27 avril 2015 et du 3 juillet 2015, des Règles et de la jurisprudence mentionnée ci‑dessus, j’ai conclu que je n’ai pas le pouvoir d’accueillir les réclamations au sujet des articles 5 et 6, qui portent sur la requête en radiation des défendeurs à l’égard de la déclaration des demandeurs et sur leur requête en sursis au renvoi. En effet, il n’y a pas de décision de la Cour portant précisément sur l’adjudication des dépens associés à ces requêtes. Ainsi, les réclamations des défendeurs quant aux articles 5 et 6 à l’égard de ces requêtes sont rejetées.

Article 14 – Honoraires d’avocat : a) pour le premier avocat, pour chaque heure de présence à la Cour; b) pour le second avocat, lorsque la Cour l’ordonne, 50 % du montant calculé selon l’alinéa a).

[32] En ce qui concerne l’article 14, les défendeurs ont réclamé des honoraires pour le premier et le deuxième avocat relativement à la requête en jugement sommaire qui a été instruite le 8 juin 2016. Comme il s’agit d’une requête, il aurait fallu présenter la réclamation au titre de l’article 6, qui porte sur les requêtes. L’article 14 porte sur d’autres types d’audiences, comme les procès et les audiences pour le contrôle judiciaire. Bien que les demandeurs ne mentionnent pas le bon article du tarif B des Règles, voici ce que la Cour d’appel fédérale a déclaré, dans l’arrêt Mitchell c Canada, 2003 CAF 386 au para 12, au sujet de l’application positive des dispositions relatives aux dépens :

Je conviens avec les appelants que, d’une manière générale, le libellé de l’article 27 ne restreint pas le pouvoir discrétionnaire conféré à l’officier taxateur. En revanche, comme c’est le cas pour d’autres articles des mémoires des dépens, ce pouvoir est entravé par l’existence de motifs relevant de la nécessité raisonnable et des limites afférentes à l’adjudication des dépens. Conformément à l’article 3 des Règles et à l’opinion que j’ai exprimée dans la décision Feherguard Products Ltd. c. Rocky’s of B.C. Leisure Ltd., [1994] A.C.F no 2012 (O.T.) paragraphe 10, selon laquelle « la meilleure manière de déterminer le montant des dépens consiste à adopter dans l’application des dispositions un point de vue positif et non étroit et négatif », l’exercice du pouvoir discrétionnaire devrait faire partie d’un processus raisonné qui permet de régler la question de la taxation de façon équitable pour les deux parties. L’article 27 intéresse les services professionnels qui sont rendus par des avocats et qui ne sont pas déjà prévus aux articles 1 à 26. Les termes « autres services » qui se trouvent dans cette disposition sont manifestement employés au pluriel. J’en déduis qu’ils permettent de taxer, au titre d’une seule réclamation fondée sur l’article 27, des services distincts qui ne sont pas déjà prévus par les articles 1 à 26, et non qu’ils restreignent le regroupement de plusieurs services. En d’autres termes, l’article 27 peut être invoqué plus d’une fois.

[33] J’ai conclu, en me fondant sur les orientations énoncées dans l’arrêt Mitchell, que « la meilleure manière de déterminer le montant des dépens » qui permettra d’« adopter dans l’application des dispositions un point de vue positif et non étroit et négatif » consiste à évaluer la réclamation des défendeurs présentée au titre de l’article 14 sous le régime de l’article 6. Il est à noter que les défendeurs ont demandé des honoraires pour second avocat au titre de l’alinéa 14b). Or, l’article 6 ne contient pas une disposition équivalente à cet alinéa. Après examen de l’ordonnance et les motifs de la Cour du 14 septembre 2016 et du dossier judiciaire, il ne semble pas y avoir de directive de la Cour permettant la taxation des dépens pour le second avocat au titre de l’alinéa 14b). Dans Coca‑Cola Ltd c Pardhan 2006 CF 45, l’officier taxateur a abordé cette question au paragraphe 20 :

[traduction]

À mon avis, la phrase clé dans l’alinéa 22b) du tarif B des Règles des Cours fédérales est « […] lorsque la Cour l’ordonne […] ». Après examen des documents au dossier de la Cour, j’ai conclu qu’il n’existe pas de telle directive. Ainsi, pour chacune des procédures d’appel, ce service ne peut pas être taxé.

[34] En l’absence d’une directive de la Cour permettant de présenter une réclamation valide au titre de l’alinéa 14b), les honoraires pour le second avocat des défendeurs, dont le montant est fixé à 980,00 $, doivent être refusés. Après examen des documents relatifs aux dépens des défendeurs et eu égard au dossier judiciaire et aux Règles, j’ai conclu que la réclamation des défendeurs présentée au titre de l’alinéa 14a) et examinée selon l’article 6, était nécessaire et raisonnable. J’accorde 21 unités pour l’article 6 relativement à la comparution du premier avocat à la requête en jugement sommaire instruite le 8 juin 2016.

[35] J’accorde 58 unités pour les services à taxer, ce qui donne un montant total de 8 120,00 $.

B. Les débours

[36] Les défendeurs ont réclamé 866,57 $ pour les photocopies et 608,02 $ pour la signification de documents. Après examen des documents relatifs aux dépens des défendeurs et eu égard au dossier judiciaire et aux Règles, j’ai conclu que les débours pour les photocopies étaient nécessaires et raisonnables. Ainsi, j’autorise les réclamations telles qu’elles ont été présentées.

[37] En ce qui concerne les réclamations des défendeurs ayant trait à la signification de documents, au vu de mon rejet des demandes pour les services à taxer prévus aux articles 5 et 6, qui portent sur la requête en radiation de la déclaration des demandeurs présentée par les défendeurs, je rejette également les demandes liées aux débours connexes, qui portent sur la signification des dossiers de requête des défendeurs en tant que partie requérante et en réplique. Les factures relatives à ces réclamations, dont le total s’élève à 200,08 $, se trouvent à la pièce J (no 631939 et no 635580) de l’affidavit de Jillian Dale, assermenté le 4 mars 2020. Les autres réclamations liées à la signification de documents se fondent sur les documents relatifs aux dépens des défendeurs et sur le dossier judiciaire. Ainsi, elles sont acceptées telles quelles. Par conséquent, après avoir soustrait le montant des réclamations rejetées (200,08 $) du montant général de 608,02 $, le montant que je juge nécessaire et raisonnable s’élève à 407,22 $.

[38] Au total, j’accorde le montant de 1 273,79 $ au titre des débours.

III. Conclusion

[39] Pour les motifs ci‑dessus, le mémoire de frais a été taxé et autorisé au montant total de 9 393,79 $. Un certificat de taxation sera émis pour la somme de 9 393,79 $, à payer par les demandeurs aux défendeurs.

« Garnet Morgan »

Officier taxateur

Toronto (Ontario)

Le 22 février 2021

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2425‑14

INTITULÉ :

JUVENAL DA SILVA CABRAL ET AUTRES c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET AUTRES

AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE LA TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

DATE DES MOTIFS :

Le 22 février 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Rocco Galati

POUR LES DEMANDEURS

Angela Marinos

Meva Motwani

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Rocco Galati

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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