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Date : 20210216


Dossier : IMM-4888-19

Référence : 2021 CF 152

Ottawa (Ontario), le 16 février 2021

En présence de l'honorable juge Shore

ENTRE :

PEFRO JERONIMO GALAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 21 juin 2019, par la Section de la protection des réfugiés (SPR) dans laquelle la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur, puisqu’il n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, art 96-97(1) [LIPR].

[2] Le demandeur est citoyen du Salvador et demande le statut de réfugié pour crainte de représailles pour refus de céder à l’extorsion par le groupe Mara MS 13. Le demandeur a quitté le pays en février 2018 pour les États-Unis et est arrivé au Canada le mois suivant.

[3] La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur au motif que la crainte alléguée n’était pas en raison d’un des cinq motifs énoncés dans la définition de réfugié et qu’il a manqué de crédibilité quant à savoir s’il s’agissait d’une personne à protéger, sous l’article 97(1) de la LIPR (voir à partir de la page 3 de la décision de la SPR). La Section d’appel des réfugiés a rejeté l’appel pour défaut de compétence.

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur la raisonnabilité des conclusions de la SPR, particulièrement eu égard à l’appréciation et à l’abstraction de la preuve. Une « décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]).

[5] À titre de remarque liminaire, le défendeur soumet que l’intitulé de cause devrait être Pedro Jeronimo Galan c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

[6] De surcroît, l’affidavit du demandeur contient des affirmations argumentatives, ce qui est contraire aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, art 81(1) et aux Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, art 12(1). En l’occurrence, les paragraphes 37 à 52 devraient être rayés.

[7] Alors qu’il est habituel de rayer des sections non conformes d’un affidavit, s’il en est dans l’intérêt de la justice (Canada (Bureau de régie interne) c Canada (Procureur général), 2017 CAF 43), la Cour a la discrétion de n’accorder aucune valeur à cette preuve (Abi-Mansour c Canada (Procureur général), 2015 CF 882).

[8] L’affidavit en l’espèce va en effet au-delà des faits et frôle l’argumentaire en s’étendant sur lesdites failles de la décision contestée devant cette Cour et en redéfinissant la preuve au dossier. La section identifiée reprend, en quelque sorte, le contenu des soumissions et n’est donc pas nécessaire. Pour ce, la Cour en fera abstraction.

[9] Le demandeur avance que la SPR a erré dans l’évaluation de son témoignage; n’a pas tenu compte de toute la preuve documentaire, particulièrement l’entrevue au point d’entrée; a rejeté arbitrairement les explications raisonnables pour des manquements à la preuve; a sondé un document officiel de manière préférentielle et subjective; et, n’a pas tenu compte des faits, découlant du témoignage, et du droit.

[10] De prime abord, les incohérences qui ont trait à des évènements majeurs pour expliquer la crainte prétendue peuvent miner de façon considérable la crédibilité et peuvent en soi suffire pour justifier le rejet d’une demande d’asile (Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 767 aux para 23-27).

[11] D’ailleurs, les déterminations de crédibilité peuvent affecter tous les éléments de preuve, incluant la preuve documentaire, menant au rejet d’une demande. Il ne suffit pas d’identifier des conclusions différentes selon la preuve afin d’intervenir; le fardeau requiert plutôt de démontrer que les déterminations sont abusives, arbitraires ou sans égard à la preuve (Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1139).

[12] En l’espèce, la SPR a repéré des contradictions importantes concernant l’occupation du demandeur durant l’automne 2017, à savoir s’il possédait un commerce, s’il était au chômage ou encore s’il était salarié. Il s’agit néanmoins du commerce à San Salvador qui est à la base de toute sa crainte alléguée, soit où et quand la Mara MS 13 aurait commencé à l’extorquer et, suite à la fermeture du commerce, il aurait reçu des menaces de mort l’ayant incité à quitter le pays.

[13] Dans son analyse, la SPR avait considéré et jugé non satisfaisante l’explication du demandeur quant à l’omission de mentionner son commerce dans son formulaire de fondement de demande d’asile au motif que c’est un commerce « informel ». Le formulaire indique plutôt qu’il est au chômage. De même, alors que le demandeur a indiqué au point d’entrée qu’il exploitait un commerce, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que ledit formulaire atteste de ce fait. La SPR a également reconnu d’autres contradictions à l’étude de la demande de visa canadien où le demandeur indique plutôt qu’il est salarié ailleurs.

[14] Compte tenu des contradictions soulevées, la SPR n’a pas donné de valeur probante aux reçus déposés en preuve qui, d’ailleurs, ne fournissent pas d’information sur le commerce ni sur le demandeur de sorte à corroborer l’exploitation d’un commerce lors de la période concernée.

[15] La SPR a, de surcroît, trouvé d’autres problèmes de crédibilité quant au délai de quitter son pays au motif qu’il relogeait ses parents ailleurs pour leur sécurité. D’une part, cette explication n’apparaissait pas au dossier et, d’autre part, selon la preuve, les parents et les sœurs du demandeur se trouvent toujours à San Salvador.

[16] Les conclusions de crédibilité sont raisonnables; elles sont significatives et appuyées par les motifs de la décision (voir les principes pertinents dans le cadre de l’analyse de la crédibilité dans Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 aux para 20-26). La SPR est également présumée avoir pris en compte l’ensemble du dossier de preuve (Basanti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1068 au para 24). En définitive, la Cour se voit demander de se livrer à un exercice de peser à nouveau la preuve, ce qu’elle ne peut faire en révision judiciaire (Vavilov, ci-dessus, au para 83).

[17] Pour les motifs ci-haut, la Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT au dossier IMM-4888-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier. Le nom du défendeur est amendé pour Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4888-19

 

INTITULÉ :

PEFRO JERONIMO GALAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À MONTRÉAL (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 février 2021

 

COMPARUTIONS :

Lucrèce M. Joseph

 

Pour le demandeur

 

André Capretti

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Lucrèce M. Joseph

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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