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Date : 19990910


Dossier : IMM-2013-98


ENTRE :



THANGAVELU SUPPIAH,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.



MOTIFS D"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision, rendue à l"audience le 19 février 1998 et étayée par des motifs écrits signés le 12 mars 1998, dans laquelle la Commission de l"immigration et du statut de réfugié a rejeté la revendication du statut de réfugié que le demandeur avait présentée.

LES FAITS

[2]      Le demandeur est un citoyen tamoul du Sri Lanka âgé de 42 ans. Il soutient avoir une crainte fondée d"être persécuté par les Tigres libérateurs de l"Eelam Tamoul (LTET), le gouvernement du Sri Lanka et ses agents, de même que les autorités policières et militaires de ce pays, en raison de sa race, ses opinions politiques, et son appartenance à un groupe social particulier.

LA DÉCISION FAISANT L"OBJET DU CONTRÔLE

[3]      La Commission a conclu que le demandeur n"était pas un témoin crédible. De plus, elle a conclu qu"une possibilité de refuge intérieur (PRI) s"offrait à lui à Colombo.

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

     a)      La décision de la Commission est-elle valide en droit compte tenu des exigences de l"alinéa 69.1(11)a ) de la Loi?
     b)      La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu"elle a conclu que l"extorsion ne constituait pas de la persécution?

     c)      La Commission a-t-elle fait preuve de zèle?

LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[4]      Le demandeur prétend que le tribunal a omis de tenir compte de la preuve plus récente concernant la situation qui règne au Bangladesh, en particulier celle qui concerne des Tamouls qui sont détenus et torturés à Colombo.

[5]      Le demandeur soutient que cette preuve établit qu"aucune possibilité de refuge intérieur (PRI) ne s"offre à lui.

[6]      Il fait valoir que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en tirant la conclusion à laquelle elle est parvenue.

[7]      Il avance également que la Commission a commis une erreur lorsqu"elle a conclu que la détention arbitraire n"avait rien de mal et que la corruption n"était pas de l"extorsion, et lorsqu"elle a omis d"examiner convenablement la question de savoir si l"extorsion constituait de la persécution.

[8]      Le demandeur soutient également que la Commission a fait preuve de zèle en examinant la preuve de façon trop minutieuse. Il fait valoir qu"aucune incohérence ne permettait de conclure qu"il n"était pas crédible.

LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[9]      Le défendeur soutient qu"en ce qui concerne la première question litigieuse, qui porte sur l"alinéa 69.1(11)a ) de la Loi, le demandeur a renvoyé à cette disposition de la Loi sur l"immigration telle qu"elle était libellée avant d"être modifiée en 1992, et que la Cour fédérale a déjà décidé que cette question ne se posait plus.

[10]      En ce qui concerne la question des conclusions en matière de crédibilité, l"avocat du défendeur soutient que le demandeur n"a contesté ces conclusions ni dans le dossier, ni dans les observations qui ont été faites pour son compte ce matin.

[11]      Le défendeur fait valoir qu"il était raisonnable, compte tenu de la preuve produite, de conclure que le demandeur n"était pas crédible.

[12]      Pour ce qui est de la troisième question, soit la possibilité d"un refuge intérieur, le défendeur soutient que le demandeur a vécu presque toute sa vie à Colombo et qu"il n"était pas visé par les autorités comme le sont, la plupart du temps, les jeunes Tamouls en provenance du Nord qui viennent d"arriver à Colombo et qui font l"objet de harcèlement.

L"ANALYSE

[13]      Comme l"a mentionné l"avocat du défendeur, l"alinéa 69.1(11)a ) a été modifié en 1992.

[14]      Je souscris entièrement à l"avis du juge Wetston qui dit, dans le jugement qu"il a rendu dans l"affaire Isiaku c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)1 :

... la Commission n'est plus tenue de transmettre des motifs écrits en même temps qu'elle prononce oralement des décisions. La Commission peut transmettre les motifs écrits après qu'une décision a été rendue, en les transmettant avec la notification écrite de la décision. Bien que la pratique de donner des motifs oraux puisse entraîner certaines difficultés quand des différences surviennent entre les motifs oraux et les motifs écrits, ces problèmes peuvent être abordés de façon ponctuelle, comme dans la décision : Vaszilyova, précitée.
Vaszilova c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (IMM-3321-93), 4 juillet 1994 (C.F. 1re inst.).

[15]      De plus, le juge Evans a dit :

En premier lieu, je partage l'analyse faite par le juge Wetston qui, dans Isiaku c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (C.F. 1re inst., IMM-1022-97, 18 juin 1998), a conclu que la section du statut satisfait à l'obligation de transmettre les motifs avec la notification de la décision, si les motifs transmis avec l'avis de décision comprennent le dispositif lui-même de la décision.
En second lieu, toute ambiguïté qui persisterait quant au sens de l'alinéa 69.1(11)a) est dissipée par le texte français qui prévoit simplement que " la transmission des motifs se fait avec sa notification ". Ce qui ne laisse aucun doute que les motifs doivent être transmis avec la notification de la décision, et n'exclut pas la possibilité que la décision ait été déjà rendue oralement2.

[16]      En ce qui concerne la question de savoir si l"extorsion constitue de la persécution, je suis d"avis que la Commission a convenablement traité de cette question, compte tenu de la situation particulière du demandeur. La Commission a également examiné la question du " motif " de l"extorsion, soit le fait de hâter la libération de ses compatriotes tamouls.

[17]      À mon avis, la Commission a fait une analyse convenable du premier volet du critère relatif à la PRI, c"est-à-dire de la question de savoir si le demandeur serait persécuté s"il retournait au Sri Lanka. La Commission a déterminé que le versement de pots-de-vin n"était pas une pratique répandue au point d"être systématique et que les personnes harcelées à des fins d"extorsion pouvaient chercher à obtenir certaines réparations.

[18]      Le défendeur a également renvoyé à la preuve établissant que le demandeur avait été libéré inconditionnellement après sa détention, et ce sans devoir verser des pots-de-vins.

[19]      Le demandeur a omis de convaincre la Cour que la façon dont la formation a examiné la preuve était erronée.

[20]      Le demandeur ne m"a pas convaincu que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle.

[21]      Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[22]      Aucune question grave ne sera certifiée.

                         Pierre Blais

                         juge



OTTAWA (ONTARIO)

Le 10 septembre 1999.




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :                  IMM-2013-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          THANGAVELU SUPPIAH


LIEU DE L"AUDIENCE :              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 12 AOÛT 1999

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE BLAIS

EN DATE DU :                  10 SEPTEMBRE 1999



ONT COMPARU :

SARAH PIVEN                  POUR LE DEMANDEUR

DANIEL LATULIPPE              POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SARAH PIVEN                  POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      150 F.T.R. 143, aux pages 146 et 147.

2      Abdul Hameed Mohamed Badurdeen c. M.C.I., 1999, IMM-1312-98.

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