Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

        



Date : 20000824


Dossier : IMM-5070-99

Entre :


     ARIF MAJEED,

     Demandeur,


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE DENAULT


[1]      Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut du réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la "section du statut") signée le 5 octobre 1999, qui concluait au désistement de sa revendication en date du 24 septembre 1999, en vertu du paragraphe 69.1(6) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, c.I-2.

[2]      Il importe de relater les faits pertinents de cette affaire vu l'imbroglio procédural auquel ils ont donné lieu.

[3]      Le demandeur est arrivé au Canada le 13 mai 1999, a revendiqué le statut de réfugié à la frontière de Lacolle au Québec et s'est immédiatement dirigé vers Calgary en Alberta la même journée. Le 21 mai 1999, l'avocat du demandeur, Me Mangat, a informé le tribunal que son client était déménagé à Calgary et qu'il avait l'intention de demander le transfert de son dossier à cet endroit dès qu'il aurait déposé sa Fiche de Renseignements Personnel (FRP)1. Le 10 juin suivant, Me Mangat produisait la FRP du demandeur et demandait tel que prévu le transfert du dossier de son client2.

[4]      Le 11 juin 1999, la commissaire Ludmila Pergat rendait une décision négative3 refusant le transfert du dossier du demandeur de Montréal à Calgary. La commissaire a donné des motifs4 à l'appui de sa décision mais dans le document de transmission de cette décision par la Commission, ces motifs ne s'y trouvaient pas5. Croyant qu'aucun motif n'avait été fourni à l'appui de cette décision et qu'elle était inéquitable, le procureur du demandeur a énoncé dans une lettre datée du 22 juin 1999 les raisons justifiant un changement du lieu de l'audience, et requis une reconsidération de la décision6. Le 29 juin 1999, Mme Pergat maintenait son refus en raison du délai qu'occasionnerait le transfert7.

[5]      Le 16 juillet 1999, suite à un avis d'audition daté du 5 juillet 1999 invitant le demandeur à se présenter à une audition fixée au 22 juillet 1999, l'avocat du demandeur demandait à nouveau au tribunal le transfert du dossier de son client à Calgary pour cette date8. L'avocat justifiait sa demande d'ajournement au motif qu'il n'avait pas reçu l'avis d'audition daté du 5 juillet 1999 et que le court délai qui lui restait avant la tenue de l'audition ne lui permettait pas de se préparer adéquatement. Le 20 juillet 1999, Mme Pergat refusait encore une fois le transfert du dossier, sans toutefois se prononcer sur la demande d'ajournement9. Le jour de l'audition, l'avocat du demandeur et son client étaient absents.

[6]      Le 9 août 1999, le tribunal faisait parvenir au demandeur un avis de convocation, conformément au sous-alinéa 69.1(6)c) de la Loi10, à une audition fixée au 10 septembre 1999 pour déterminer s'il y avait désistement de sa revendication11. Le 19 août 1999, Me Mangat produisait des documents au soutien de la revendication de son client. Le 1er septembre 1999, Me Mangat demandait au tribunal un ajournement au motif que son client ne pouvait pas obtenir un billet d'avion pour Montréal12. Le 8 septembre 1999, un nouvel avis de convocation était envoyé au demandeur pour qu'il se présente à une audition fixée au 24 septembre 199913.

[7]      Le 24 septembre, le demandeur et son avocat étaient présents devant le tribunal pour expliquer les circonstances et les raisons pour lesquelles ils n'avaient pu assister à l'audition du 22 juillet 1999, se déclarant par ailleurs prêts à procéder. Malgré leurs explications, le tribunal a conclu que le demandeur s'était désisté de sa demande de revendication14,

[8]      Au motif de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur soutient d'abord que la section du statut a commis une erreur en entamant les procédures de désistement le 9 août 1999, alors que le 16 juillet 1999, Me Mangat avait fait par écrit une demande d'ajournement de l'audition prévue pour le 22 juillet suivant. Le demandeur soutient de plus que le tribunal a erré en concluant au désistement de sa revendication alors qu'il était présent avec son avocat, le 24 septembre 1999, et qu'ils étaient tous les deux prêts à procéder.

[9]      La Cour ne peut retenir le second argument invoqué par le demandeur, à savoir qu'il était prêt à procéder, dans la mesure où le tribunal se devait d'abord d'analyser les raisons de son absence à l'audition antérieure. En effet, j'ai déjà décidé, dans Ghassan c. M.E.I., IMM-2843-93, que ce n'est qu'après avoir permis au revendicateur d'exposer les raisons de son absence et conclu qu'elles étaient valables que la section du statut peut procéder à l'étude de sa demande.

[10]      Cependant, le premier argument soulevé par le demandeur justifie la Cour, à mon avis, d'accueillir cette demande de contrôle judiciaire. En effet, la demande d'ajournement présentée par l'avocat du demandeur le 16 juillet 1999 en vue de l'audition prévue pour le 22 juillet suivant méritait à tout le moins qu'on la considère. On l'a tout simplement ignorée. Le paragraphe 13(1)15 des Règles de la section du statut de réfugié précise pourtant qu'une demande de remise peut être faite avant le début de l'audience. Le paragraphe 13(4) énonce même les éléments que la section du statut peut prendre en considération pour déterminer s'il y a lieu d'y faire droit. En l'espèce, il y avait lieu de considérer à tout le moins les alinéas a), c), f), g), h) et i).

[11]      Un autre motif justifie, à mon avis, l'intervention de cette Cour. L'audience du 24 septembre 1999 visait à fournir au demandeur l'occasion d'expliquer pourquoi il avait fait défaut de procéder à l'audition de sa demande de revendication le 22 juillet 1999, et pourquoi la section du statut ne devait pas conclure au désistement de sa demande. À cette occasion, le demandeur a fourni trois (3) raisons16 qui, à son avis, justifiaient son absence à l'audition du 22 juillet 1999, et s'est déclaré prêt à procéder avec sa demande de revendication17. Contre toute attente, le tribunal n'a considéré aucune des raisons invoquées par le demandeur18 et n'a pas tenu compte du fait qu'il était prêt à procéder. Le tribunal s'est plutôt attardé à expliquer pourquoi les demandes de changements de lieu d'audience avaient été refusées19, alors même que l'agent chargé de la revendication avait, de façon fort diplomatique, exposé au tribunal l'irrégularité pouvant découler de la réception tardive de l'avis d'audition, et surtout de l'absence d'adjudication, par le tribunal, sur la demande d'ajournement.

[12]      Bref, la Cour estime que la section du statut a conclu au désistement par le demandeur de sa demande de revendication sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Cette décision était déraisonnable et doit être cassée.

[13]      En conséquence, il y a lieu de rendre l'ordonnance ci-après. Il n'y a pas matière, en l'espèce, à certifier une question sérieuse de portée générale.






     ORDONNANCE

     La décision rendue par la section du statut de réfugié le 24 septembre 1999 est annulée et le dossier est retourné à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'une nouvelle formation se prononce sur la demande d'ajournement et, le cas échéant, qu'elle décide s'il y a lieu, vu les motifs allégués par le demandeur pour ne pas avoir comparu le 22 juillet 1999, de conclure au désistement de sa demande de statut de réfugié.


                         __________________________________

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

le 24 août 2000

__________________

1      Dossier du tribunal (D.T.), p. 60.

2      D.T., p. 58.

3      D.T., p. 57.

4      "Conformément à la règle 12(3) de la Section du statut de réfugié, votre demande de changement de lieu est refusée. Le changement occasionnerait un retard à céduler l'audition, ce qui va à l'encontre du devoir de la Section du statut d'assurer le règlement des revendications de façon expéditive."

5      D.T., p. 56.

6      D.T., pp. 53-54.

7      D.T., p. 47 - La Commissaire mentionnait dans sa décision que l'audition de cette affaire avait déjà été cédulée alors qu'elle ne le fut que le 5 juillet `99 (D.T., p. 44)

8      D.T., p. 51.

9      D.T., p. 42.

10      69.1(6) - La section du statut peut, après avoir donné à l'intéressé la possibilité de se faire entendre, conclure au désistement dans les cas suivants:          . . .          c) elle estime qu'il y a défaut par ailleurs de sa part dans la poursuite de la revendication.

11      D.T., p. 40.

12      D.T., p. 37.

13      D.T., p. 35.

14      D.T., p. 1.

15      13.(1) Une partie peut présenter à la section du statut, conformément à l'article 27, une demande de remise de l'audience avant le début de l'audience.          . . .          (4) Pour déterminer si elle fera droit à une demande de remise de l'audience ou pour déterminer, conformément au paragraphe 69(6) de la Loi, si l'ajournement de l'audience causera ou non une entrave sérieuse à la procédure, la section du statut peut prendre en considération, le cas échéant:          a) les efforts déployés par les parties pour procéder avec célérité;          b) la nature et le complexité des questions qui se rapportent à la procédure;          c) la nature des éléments de preuve devant être présentés et le risque de causer une injustice à l'une ou l'autre des parties en procédant en l'absence de ces éléments de preuve;          d) les connaissances et l'expérience du conseil en ce qui concerne les procédures du même genre;          e) le délai déjà accordé aux parties pour la préparation de l'affaire;          f) les efforts déployés par les parties pour être présentes à l'audience;          g) les efforts déployés par les parties pour demander à la première occasion la remise ou l'ajournement de l'audience;          h) le nombre de remises ou d'ajournements antérieurs accordés, ainsi que les motifs les justifiant;          i) le fait que l'audience a été ou non fixée de façon péremptoire;          j) tout autre fait pertinent.

16      D.T., p. 432 - ". . . I did not receive letter . . . I did not have enough money . . . I was not able to get seat by plane . . ."

17      D.T., pp. 431 et 438.

18      Dans sa décision, la section du statut a écrit ceci: "You and your counsel appeared at that hearing but did not show reason why the Refugee Division should not declare the claim to have been abandoned." - D.T., p. 1.

19      D.T., pp. 446-448.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.