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Date : 20010216

Dossier : IMM-1546-00

Référence neutre : 2001 CFPI 87

ENTRE :

TONY BATI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

            MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]    M. Tony Bati (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans sa décision datée du 29 février 2000, la Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]    Plus particulièrement, la Commission a conclu qu'il n'existait aucune chance raisonnable ou possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté en Indonésie pour l'un des motifs prévus dans la Convention. La Commission a également examiné la possibilité d'un refuge intérieur (PRI) pour le demandeur et a conclu qu'il peut trouver refuge sur l'Île de Bali.

LES FAITS

[3]    Le demandeur est un citoyen indonésien âgé de vingt-quatre ans qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada sur la base de sa religion et de son origine ethnique. Le demandeur est venu pour la première fois au Canada en 1993, à titre d'étudiant, et il détenait à ce moment un visa d'étudiant valide, lequel a été renouvelé, tel qu'exigé, jusqu'en 1996. Après l'expiration de son visa d'étudiant en 1996, le demandeur est resté au Canada sans statut.

[4]    En 1999, il a été arrêté aux termes d'un mandat en cours relativement à des accusations criminelles qui ont été abandonnées ultérieurement. Par suite de son arrestation en 1999, le demandeur s'est fait remarquer des autorités de l'Immigration canadienne. Il a subséquemment présenté une demande de statut de réfugié au sens de la Convention du fait de sa religion et de son origine ethnique.

[5]    Le demandeur est d'origine chinoise. Il est né et a été élevé en Indonésie, et il y a étudié jusqu'à son arrivée au Canada en 1993. Le demandeur s'est converti à la religion catholique alors qu'il était à l'école primaire.


[6]                Après son arrivée au Canada en 1993, le demandeur y est toujours resté à l'exception d'un séjour de quatre semaines en Indonésie en 1995. Il invoque deux incidents survenus pendant ce séjour qui lui font craindre de retourner dans son pays d'origine. Premièrement, il affirme que son père et lui ont été accostés alors qu'ils se rendaient à la ferme avicole appartenant au père. Leur voiture a été encerclée par dix ou douze hommes brandissant des couteaux, qui ont commencé à secouer la voiture tout en criant et en les traitant de [TRADUCTION] « chinois riches » . L'incident a pris fin avec l'intervention d'un des employés du père.

[7]                Deuxièmement, le demandeur a déclaré que lors d'une excursion en autobus où la plupart des passagers étaient chinois, des Indonésiens sont montés à bord en plein jour et ont volé les passagers chinois sans perturber les passagers indonésiens.

[8]                Le demandeur a déclaré que pendant la période d'agitation politique et d'émeutes survenue en Indonésie en 1998, sa famille a dû engager des gardes du corps afin de protéger la maison. Il a dit que sa famille est déménagée de Jakarta à Riau en juin 1999 et qu'elle est dans l'impossibilité de quitter l'Indonésie faute d'argent.


[9]                Le demandeur a déclaré avoir peur d'être emprisonné à son retour en Indonésie parce que son passeport et son visa canadien sont expirés. Il craint pour sa vie s'il est emprisonné. Il a peur de ne pas pouvoir retrouver sa famille s'il doit retourner en Indonésie. Il affirme avoir peur d'être l'objet de représailles sévères de la part des autorités indonésiennes si celles-ci apprennent qu'il a présenté une demande de statut de réfugié au Canada.

[10]            Le demandeur a tenté d'expliquer son retard à présenter une demande de statut de réfugié au Canada en faisant valoir qu'il a cherché de l'aide auprès d'un avocat, après l'expiration de son visa, mais qu'il était incapable d'en payer les frais et n'a donc pas continué sa démarche. Lorsqu'il a consulté le consulat indonésien à Toronto afin de savoir s'il pouvait rester au Canada sans visa valide, on l'a informé qu'il ne pouvait pas.

[11]            Au moment de la présentation de sa demande de statut de réfugié au Canada, le demandeur a invoqué comme seul motif celui de l'origine ethnique prévu à la Convention. Il a ajouté le motif de la religion lors de sa comparution devant la Commission.

QUESTIONS


[12]            Le demandeur soulève trois questions dans la présente demande de contrôle judiciaire. Premièrement, il soutient que la Commission a commis une erreur dans l'appréciation de sa crédibilité, en tirant des conclusions de fait à la suite d'une interprétation erronée de la preuve ou en l'absence de preuve. Deuxièmement, il allègue que la Commission a commis une erreur en concluant à la possibilité pour lui de profiter d'un refuge intérieur à Bali. Troisièmement, il affirme que la Commission a commis une erreur en omettant d'évaluer le bien-fondé de sa demande sur les motifs de race et de religion même si elle est arrivée à la conclusion raisonnable qu'il n'avait aucune crainte subjective de persécution.

[13]            La présente demande de contrôle judiciaire est fondée sur l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R. 1985, ch. I-2, qui permet à la Cour d'intervenir dans certaines situations spécifiées à cet article. L'article stipule ce qui suit:


82.1(1) La présentation d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale ne peut, pour ce qui est des décisions ou ordonnances rendues, des mesures prises ou de toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d'application -- règlements ou règles -- se faire qu'avec l'autorisation d'un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale. .

82.1 (1) An application for judicial review under the Federal Court Act with respect to any decision or order made, or any matter arising, under this Act or the rules or regulations thereunder may be commenced only with leave of a judge of the Federal Court -- Trial Division


                                                              

[14]            Le rôle de la Cour dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire est d'examiner la façon dont la Commission est arrivée à sa décision et non de substituer son opinion sur la valeur de la preuve soumise au tribunal. À cet égard, je m'en rapporte à Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 741 (1re inst.) et Pushpanathan c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 982.


[15]            En l'espèce, la Commission a eu l'occasion d'entendre la preuve présentée par le demandeur. Elle avait la responsabilité d'évaluer cette preuve et d'en déterminer la valeur. Tout au long de la procédure, il incombait au demandeur de démontrer qu'il répondait à la définition de réfugié au sens de la Convention pour obtenir son admission au Canada; voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689

[16]            Comme je l'ai dit précédemment, la Commission est arrivée à la conclusion que le demandeur n'a satisfait à aucun des critères requis pour établir son statut de réfugié au sens de la Convention. On doit en déduire que la Commission n'a retenu aucune des allégations du demandeur relativement au bien-fondé de sa crainte d'être persécuté pour des raisons d'origine ethnique ou de religion.

[17]            Dans ses motifs, la Commission a abordé ces deux moyens en particulier. Elle a examiné la preuve qui lui a été soumise et tiré ses conclusions. Ces conclusions, exposées ci-dessus, s'appuient sur la preuve présentée devant la Commission et rien ne justifie une intervention de la Cour.


[18]            Quant à la question de la PRI, elle a été spécifiquement soulevée lors de l'audition devant la Commission. Le demandeur a été interrogé sur la possibilité d'une résidence sûre à Bali. Il a démontré une faible connaissance de la vie sur cette île[1]. Il n'a pas admis, non plus qu'il n'a nié qu'il lui était possible de vivre en sécurité à Bali, mais cette possibilité a été discutée avec lui.

[19]            En plus du témoignage du demandeur, la Commission avait entre les mains certaines preuves documentaires concernant les conditions de vie à Bali. Peut-être les informations concernant les voyages d'agrément présentaient-elles peu d'intérêt, mais la Commission avait également en sa possession un avertissement consulaire émis par le gouvernement canadien. Il s'agit selon moi d'une preuve indépendante sur laquelle la Commission pouvait se fonder.

[20]            Même si la preuve présentée devant la Commission relativement au service aérien direct de Toronto vers Bali est douteuse, cela ne change en rien le résultat, à mon avis. La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, mais quoi qu'il en soit, elle a abordé la question de la PRI pour le demandeur. Elle a évoqué la proximité entre Bali et Jakarta, endroit où vivait « probablement » la famille du demandeur.                                                                                              


[21]            Conformément à la décision de la Cour d'appel fédérale dans Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration), [1992] 1 C.F. 706, l'existence d'une PRI n'est qu'un des éléments permettant de déterminer si le demandeur est un réfugié au sens de la Convention. Ce seul élément ne suffit pas à répondre à la question initiale qui est de savoir si l'intéressé a démontré qu'il était visé par la définition de réfugié au sens de la Convention.

[22]            En conclusion, après avoir examiné la preuve présentée devant le tribunal, je ne suis pas convaincu que les conclusions de la SSR sont manifestement déraisonnables. Il n'existe aucun fondement à l'intervention de la Cour.

ORDONNANCE

[23]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[24]            Les avocats ont convenu que la question présentée ne constitue pas une question de portée générale aux fins de certification.

                                                                                                         "E. Heneghan"                  

                                                                                                                  J.C.F.C.                       

Ottawa (Ontario)

Le 16 février 2001

Traduction certifiée conforme

Edith Malo, LL.B.



[1]Voir dossier du tribunal aux p. 511et 512.

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