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Date : 20210129


Dossier : IMM‑385‑20

Référence : 2021 CF 103

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2021

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

JOSEPH OLUWAFEMI OLASINA

BISI TUNRAYO OLASINA

ADEMIDE OLASINA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision datée du 2 janvier 2020 par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a confirmé le rejet de la demande d’asile des demandeurs, parce qu’ils avaient une possibilité de refuge intérieur (une PRI) viable.

[2] Le demandeur principal et son épouse, qui sont citoyens du Nigéria, ainsi que leur fils mineur, qui est citoyen des États‑Unis, demandent l’asile, invoquant craindre une menace à leur vie ou un risque de subir un préjudice grave de la part de la famille musulmane de l’épouse, qui est opposée à leur mariage. Les demandeurs ont demandé l’asile au Canada en novembre 2017, après être passés par les États‑Unis en mars 2017.

[3] La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que les demandeurs n’étaient pas crédibles (références à ce sujet aux paragraphes 10 à 21 de sa décision) et qu’ils avaient une PRI viable à Port Harcourt. La SAR a confirmé la décision en se basant intégralement sur les éléments de preuve à propos de la PRI.

[4] Une PRI est un concept selon lequel une personne peut être un réfugié dans une partie d’un pays, mais pas dans une autre. Il incombe au demandeur d’asile d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il risque sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays qui offrirait une PRI ou que la situation dans cette partie du pays est telle qu’il lui serait objectivement déraisonnable d’y chercher refuge (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 aux pp 593, 597 (CAF)).

[5] Le présent contrôle judiciaire porte sur le caractère raisonnable de la décision de la SAR de restreindre ses motifs à la question de la PRI et sur son application de la norme juridique requise pour évaluer une PRI. Une décision raisonnable est intrinsèquement cohérente, rationnelle et justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65).

[6] Les demandeurs allèguent que la SAR n’a pas appliqué le bon critère dans le premier volet de l’analyse relative à la viabilité d’une PRI et qu’elle aurait dû prendre en compte leurs observations à propos de la crédibilité.

[7] La SAR a, en l’espèce, correctement énoncé l’analyse relative à la PRI, renvoyant à la décision Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164, ainsi que le critère à deux volets. Elle a ensuite résumé qu’il incombait aux demandeurs de faire la preuve que la PRI n’était ni sécuritaire ni raisonnable.

[8] À l’égard du premier volet, la SAR a jugé que les demandeurs n’avaient pas fourni d’éléments de preuve établissant que les agents de persécution non étatiques avaient les ressources et la volonté de retrouver les demandeurs une fois que ces derniers seraient de retour dans le pays.

[9] Les demandeurs contestent la conclusion selon laquelle ils n’ont pas fourni d’éléments de preuve, soutenant au contraire en avoir fourni. C’est en raison de cet aspect qu’ils allèguent que la SAR a mal interprété et appliqué l’analyse relative à la PRI au titre de laquelle ils doivent établir, selon la prépondérance de la preuve, que la PRI n’est pas sécuritaire, et non qu’il n’existe aucune possibilité sérieuse que la PRI soit sécuritaire à la lumière de faits qui, eux, seraient établis par la prépondérance de la preuve.

[10] En toute déférence, ce point de vue circulaire équivaut à demander à la Cour d’intervenir par rapport à l’appréciation de la preuve, et non par rapport à la norme applicable pour le premier volet de l’analyse de la PRI. À ce sujet, les demandeurs énumèrent leurs éléments de preuve, sans toutefois prétendre que ceux‑ci contredisent les conclusions de la SAR. La SAR est présumée avoir examiné le dossier et n’était pas tenue de référer à tous les éléments de preuve de la demande d’asile (Basanti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1068 au para 24).

[11] Après examen de la décision, je conclus que la SAR a raisonnablement appliqué la norme requise. Son raisonnement à propos de la capacité des agents de persécution de retrouver les demandeurs est pertinent dans la mesure où celui‑ci se rapporte à la question de savoir si les demandeurs courent un risque sérieux d’être persécutés par de tels agents dans la partie du pays qui offrirait une PRI (voir par exemple Haastrup c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 141 au para 35).

[12] Enfin, la conclusion à propos de l’existence d’une PRI viable était déterminante pour la demande d’asile et l’examen fait par la SAR dans le contexte des questions à trancher ne constitue pas une erreur, du moment que l’analyse tient compte de la situation des demandeurs d’asile ainsi que des éléments de preuve (Dakpokpo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 580 au para 10).

[13] La SAR, en l’espèce, a effectué une analyse indépendante des éléments de preuve et de l’enregistrement de l’audience. Son évaluation de la PRI a pris en compte l’exposé circonstancié des demandeurs au sujet de la persécution, leur lien avec les agents de persécution et la capacité de ceux‑ci à retrouver les demandeurs, la situation personnelle de ces derniers et la documentation sur le pays.

[14] La Cour n’est pas convaincue que la demande de contrôle judiciaire en l’espèce justifie de déroger aux principes mentionnés dans l’arrêt Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, dans la mesure où il n’est pas justifié de renvoyer une affaire en vue d’une nouvelle décision si son issue restera la même.

[15] Pour les motifs qui précèdent, la décision de la SAR est raisonnable et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑385‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm‑385‑20

 

INTITULÉ :

JOSEPH OLUWAFEMI OLASINA et AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par VIDéOCONFéRENCE à MONTRÉAL (QUéBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 13 janvier 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

le 29 janvier 2021

 

COMPARUTIONS :

Annabel E. Busbridge

 

POUR LES DEMANDEURS

Evan Liosis

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand Deslauriers Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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