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T-857-99

Entre :

MERCK FROSST CANADA & CO., et

MERCK & CO., INC.,

demanderesses,

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

défendeurs.

JE CERTIFIE PAR LES PRÉSENTES que la Cour (juge O'Keefe) a, le 29 juin 2000, ordonné ce qui suit à la fin des motifs de son ordonnance :

« La Cour statue : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La Cour statue en outre : l'intimé a droit à ses dépens taxés. »

EN FOI DE QUOI J'AI SIGNÉ à Ottawa, ce 30 juin 2000

____________________________

Robert Lemoine

Fonctionnaire du greffe

Traduction certifiée conforme

Daniel Dupras, LL.B.


Date : 20000629

Dossier : T-857-99

Ottawa (Ontario), le 29 juin 2000

PRÉSENT : LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

MERCK FROSST CANADA & CO., et

MERCK & CO., INC.,

demanderesses,

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉet

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

défendeurs.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

Énoncédes faits


[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Merck Frosst Canada & Co. et Merck & Co., Inc. (demanderesses) à lgard d'une décision rendue le 12 avril 1999 par la Division des présentations et des politiques d'information du défendeur, le ministre de la Santé (Ministre), en vertu du Programme des produits thérapeutiques.

[2]         Par sa décision du 12 avril 1999, le ministre a refuséd'ajouter à la liste de brevets, au registre qu'il tient en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), le brevet canadien n ° 1,340,331 (brevet '331) à lgard du médicament simvastatine, parce que [TRADUCTION] « le brevet ne comporte de revendications que pour les métabolites de la simvastatine et l'utilisation des métabolites de la simvastatine comme médicament. Ces revendications ne comportent pas de revendication pour le médicament ou son utilisation... Par conséquent, le brevet 1,340,331 ne sera pas ajouté au registre des brevets pour la simvastatine. »

[3]         Les demanderesses ont présenté une demander visant à obtenir :

(1)        Une ordonnance annulant la décision du ministre du 12 avril 1999, par laquelle il a refusé d'ajouter le brevet '331 au registre des brevets à lgard de la simvastatine.


(2)        Une ordonnance donnant instruction au ministre ou à son mandataire d'ajouter le brevet '331 au registre des brevets à lgard de la simvastatine.

(3)        Toute autre ordonnance que la Cour jugera appropriée.

(4)        Les dépens de la demande.

[4]         Merck Frosst Canada & Co. (Merck) a déposé une présentation de nouvelle drogue auprès du ministre le 14 juillet 1988, demandant l'autorisation de commercialiser la drogue ZOCOR au Canada au moyen du médicament simvastatine. Pour obtenir cette autorisation, Merck a déposé plusieurs documents, dont un rapport d'expert rédigé par le Dr Gerson, M. Alberts et le Dr Vickers portant sur la pharmacologie et la toxicologie de l'utilisation de la simvastatine. Les documents déposés comprenaient également une note de M. Schwartz au Dr. Stubbs qui résume les études établissant le profil des métabolites actifs de la simvastatine trouvés dans le plasma humain et celui du chien.


[5]         La demande d'avis de conformité comprenait également un rapport d'expert sur la pharmacologie et la toxicologie de la simvastatine. Ce rapport identifiait les principaux métabolites de la simvastatine. L'avis de conformité comprenait une monographie de produit des comprimés contenant de la simvastatine.

[6]         Merck a reçu le 29 avril 1990 un avis de conformité pour la commercialisation de la drogue ZOCOR utilisant le médicament simvastatine sous forme de lactone. Simvastatine fait également référence au nom conventionnel ou générique de cette lactone. L'avis de conformité autorisait Merck à commercialiser le ZOCOR en concentration de 5 mg, 10 mg, 20 mg et 40 mg de simvastatine respectivement. Le 21 juin 1999, Merck a reçu un avis de conformité pour commercialiser le ZOCOR en comprimés de 80 mg de simvastatine.

[7]         À la suite de l'adoption du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en mars 1993, les demanderesses ont inclus 2 brevets, les nos 1,199,322 et 1,161,380 (désigné sous le n ° 113,380) dans la liste du registre des brevets à lgard du médicament simvastatine.

[8]         Le 22 février 1999, le ministre a reçu de Merck une demande pour inclure le brevet '331 dans la liste de brevets figurant au registre à lgard de la simvastatine (Formulaire IV). Merck avait obtenu le brevet '331 le 26 janvier 1999.


[9]         Le brevet '331 est intitulé « Inhibiteurs de l'HMG-CoA réductase » . Les comprimés ZOCOR renferment la simvastatine sous forme de lactone à structure chimique particulière; cependant, le médicament sous cette forme est inactif contre l'HMG-CoA réductase, l'enzyme cible de la simvastatine comme agent hypocholestérolémique. Ce n'est qu'après ingestion de la simvastatine (comprimé ZOCOR) que le médicament est métabolisé dans le foie et qu'une nouvelle structure chimique se forme. C'est ce composé, appelé métabolite de la simvastatine, qui est revendiqué dans le brevet '331.

[10]       On parle généralement de la structure du métabolite comme étant la simvastatine à cycle ouvert, ce qui s'explique par la représentation visuelle des modifications dans la structure chimique lorsque la simvastatine passe à sa forme lactone. C'est le médicament sous la forme de cycle ouvert qui empêche la production de certaines enzymes et qui agit comme agent s'opposant à la formation de cholestérol.

[11]       La différence fondamentale entre la simvastatine et ses métabolites est que celle-ci porte un groupe méthyle en position 6. Les métabolites possèdent une structure différente en position 6. Ce sont ces métabolites qui exercent un effet thérapeutique par inhibition de l'HMG-CoA réductase, permettant ainsi de prévenir et de traiter l'hypercholestérolémie. Ces métabolites actifs ont également un effet thérapeutique dans la prévention et le traitement des coronaropathies.


[12]       Pour se conformer au Règlement sur les aliments et drogues, Merck a dû fournir de nombreux documents pour établir l'innocuité et l'utilité de l'agent thérapeutique simvastatine et de sa drogue proposée ZOCOR. Une partie de ces données comprenait une note décrivant l'identification et les effets des métabolites mentionnés ci-dessus sur le plasma humain et celui de chien. La note décrit l'hydroxyméthyl-simvastatine, le dihydroxyacide, la carboxysimvastatine et l'activité de ces composés contre l'HMG-CoA réductase - l'enzyme cible.

[13]       Le 26 janvier 1999, Merck a obtenu le brevet '331, qui comportait des revendications à la fois de produit et d'utilisation. Les revendications de produit comprenaient des revendications pour les nouveaux composés 6'-CH2OH-simvastatine (hydroxyméthyl-simvastatine), la 6'-COOH-simvastatine (carboxysimvastatine) et leurs dihydroxyacides à cycle ouvert. Les autres revendications portaient sur l'emploi de ces composés pour le traitement de diverses maladies et comme inhibiteurs de la HMG-CoA réductase.

[14]       Selon l'information fournie par Merck, la simvastatine pénètre dans l'organisme sous sa forme 6'-méthylique. La simvastatine est ensuite métabolisée chez l'homme en formant les composés actifs revendiqués dans le brevet '331. Les métabolites actifs sont utilisés par l'organisme comme agents thérapeutiques pour l'inhibition de l'HMG-CoA réductase.


[15]       La liste de brevets, le brevet '331 et la structure chimique de l'United States Pharmacopeia pour la simvastatine ont été examinés par un employé du Programme des produits thérapeutiques. Mme Bowes a décidé que le brevet '331 ntait pas admissible pour inscription au registre des brevets, vu que ce brevet ne comportait aucune revendication pour le médicament simvastatine comme tel, mais seulement pour ses métabolites. Le brevet '331 ne comportait donc pas de « revendication pour le médicament en soi » .

[16]       Merck a été informé de la décision et a déposé d'autres présentations. Toutefois, par lettre du 12 avril 1999, l'opposition initiale à l'inclusion du brevet '331 a été maintenue :

     

[TRADUCTION] Le brevet ne comprend pas de revendication pour le médicament en soi, à savoir la simvastatine, ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament. Comme vous l'avez indiquéà la page 2 de vos observations, le brevet ne contient que des revendications pour les métabolites de la simvastatine et l'utilisation des métabolites de la simvastatine comme médicament. Ces revendications ne comprennent pas une revendication pour le médicament simvastatine ou son utilisation. Par conséquent, la demande n'est pas conforme à l'alinéa 4(2)d) [sic] du Règlement.

[17]       Merck a déposé la présente demande le 14 mai 1999.


Question en litige

[18]       Le ministre était-il bien fondéde refuser d'ajouter le brevet '331 au registre des brevets à lgard de la simvastatine au motif que l'alinéa 4(2)b) du Règlement n'a pas étérespecté?

Droit applicable

[19]       L'article 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (Règlement) est ainsi conçu :


2. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

« revendication pour le médicament en soi » S'entend notamment d'une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparéou produit selon les modes du procédéde fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes.

« revendication pour l'utilisation du médicament » Revendication pour l'utilisation du médicament aux fins du diagnostic, du traitement, de l'atténuation ou de la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes.

« médicament » Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes.

2. In these Regulations,

"claim for the medicine itself" includes a claim in the patent for the medicine itself when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed or by their obvious chemical equivalents;

"claim for the use of the medicine" means a claim for the use of the medicine for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof;

"medicine" means a substance intended or capable of being used for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof;



[20]       L'article 4 du Règlement prévoit :


4. (1) La personne qui dépose ou a déposéune demande d'avis de conformitépour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).

(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants:

a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

4. (1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug.

(2) A patent list submitted in respect of a drug must

(a) indicate the dosage form, strength and route of administration of the drug;

(b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;


[21]       Le terme drogue n'est pas défini au Règlement mais à l'article 2 de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27 :



« drogue » Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir_:

a) au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l'être humain ou les animaux;

b) à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l'être humain ou les animaux;

c) à la désinfection des locaux oùdes aliments sont gardés.

"drug" includes any substance or mixture of substances manufactured, sold or represented for use in

(a) the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms, in human beings or animals,

(b) restoring, correcting or modifying organic functions in human beings or animals, or

(c) disinfection in premises in which food is manufactured, prepared or kept;



Analyse et décision

[22]       Après que les demanderesses eurent obtenu le brevet n ° 1,340,331 le 26 janvier 1999, elles ont fait une demande au ministre pour faire ajouter le brevet '331 à la liste de brevets. Le ministre a refuséau motif que le brevet '331 ne comportait pas « de revendication pour le médicament en soi ou de revendication pour l'utilisation du médicament » tel que requis par l'alinéa 4(2)b) du Règlement.

[23]       Dans leur lettre du 24 mars 1999 au ministre, les demanderesses précisent « qu'après ingestion par voie orale chez l'homme, la simvastatine est convertie en ses métabolites correspondants, incluant l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine, ainsi que leurs dihydroxyacides à cycle ouvert correspondants » . Ces métabolites abaissent le taux de cholestérol dans le sang.


[24]       Comme l'avis de conformité a été déposé pour le médicament simvastatine, le ministre considère qu'il n'y a dans le brevet '331 aucune revendication ni pour le médicament en soi, ni pour l'utilisation du médicament. Une étude du brevet '331 montre qu'aux fins de la présente demande, le brevet comporte des revendications pour de nouveaux composés exerçant une activité pharmacologique comme agents antihypercholestérolémiques, ces composés étant l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine ainsi que leurs dihydroxyacides correspondants à cycle ouvert.

[25]       L'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine sont des dérivés de la

simvastatine, qui diffèrent de la simvastatine par l'inclusion du groupe hydroxyméthyle ou carboxyle en position 6' du groupe polyhydronaphtyle. La simvastatine porte un groupe méthyle en position 6'.

[26]       L'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine ainsi que leurs dihydroxyacides correspondants à cycle ouvert se forment après ingestion par voie orale chez l'homme de la simvastatine, c.-à -d. après ingestion du comprimé ZOCOR. La simvastatine du comprimé est convertie en ses métabolites correspondants, incluant l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine ainsi que leurs dihydroxyacides correspondants à cycle ouvert.


[27]       Les demanderesses ont admis que l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine ont une structure chimique différente de celle de la simvastatine. L'interrogatoire principal de Michael Dobrinska, directeur général, Métabolisme des médicaments et pharmacologie clinique, chez les demanderesses, et d'un expert dans le domaine du métabolisme des drogues, comporte aux pages 123 et 124 ce qui suit :

[TRADUCTION]

Q.             Bien. Admettez-vous maintenant que deux médicaments différents ont nécessairement une structure chimique différente?

A.              Des médicaments différents ont une structure chimique différente? Oui, c'est une évidence. Autrement, il s'agirait de la même chose.

Q.             Je vous renvoie maintenant au paragraphe deux de votre affidavit. Dans ce paragraphe, il y a la structure chimique de la simvastatine, c'est bien ça, en premier...

A.              Oui.

Q.             Àla page suivante, page trois, il y a la structure chimique des deux autres; ceux dont il est question ici, soit la carboxysimvastatine et l'hydroxyméthylsimvastatine. Ces composés ont-ils la même structure chimique?

A.              Non, ils n'ont pas la même structure.

Q.             Pardon?

A.              Non.

Q.             Ils n'ont pas la même structure?

A.              Non, ils n'ont pas la même structure.

[28]       Les demanderesses soutiennent que l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine sont des médicaments qui ont des effets thérapeutiques et qui sont mentionnés dans la Présentation de drogue nouvelle (PDN) pour le ZOCOR à base du médicament simvastatine; ils sont donc couverts par l'avis de conformité déposé pour le ZOCOR. Ainsi, il y a, selon les demanderesses, une revendication pour l'utilisation du médicament en soi.


[29]       La preuve montre que l'avis de conformité a été émis pour le ZOCOR utilisant la simvastatine comme médicament et que deux documents accompagnant la PDN pour le ZOCOR portaient sur l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine.

[30]       Les demanderesses ont essentiellement soutenu devant moi que l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine sont des médicaments et que le brevet '331 les revendique comme médicaments. Par conséquent, comme il s'agit de composés de la simvastatine, ils devraient être ajoutés à la liste de brevets pour la simvastatine.

[31]       Les demanderesses ont admis que l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine sont des métabolites de la simvastatine. Il a été reconnu qu'après ingestion par voie orale chez l'homme, la simvastatine est convertie en ses métabolites correspondants (produits de dégradation de la drogue résultant du métabolisme dans le foie).


[32]       Cette Cour a traditionnellement adopté une approche plutôt étroite pour définir les termes « le médicament en soi » (voir l'arrêt Hoffman-LaRoche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), (1999) 86 C.P.R. (3d) 187 (C.A.F.)). Cette approche pourrait changer vu les remarques faites par le juge Rothstein dans l'affaire Apotex Inc. et Novopharm Limited c. Le ministre de la Santéet le Procureur général du Canada, non publiée, 16 décembre 1999, Dossier A-473-98 (voir les paragraphes 17 et 18).

[33]       La norme de contrôle qu'il faut appliquer à la décision du ministre d'ajouter des brevets au registre fait l'objet d'une analyse dans Apotex Inc. et Novopharm Limited c. Le ministre de la Santénationale et du Bien-Être social et le Procureur général du Canada, précitée, aux pages 7 et 8:

Il reste donc à savoir si le ministre exerçait illégalement son pouvoir discrétionnaire ou refusait illégalement d'exercer son pouvoir discrétionnaire en refusant d'ajouter un brevet au registre ou en supprimant un brevet du registre. Il serait possible de soutenir qu'un bref de mandamus, une injonction ou même un jugement déclaratoire pourraient être accordés en pareil cas. Dans l'arrêt Baker c. Canada (MCI) , (1999), 174 D.L.R. (4th) 193, paragraphe 53, le juge L'Heureux-Dubéfait remarquer que traditionnellement, les décisions discrétionnaires peuvent uniquement être examinées pour des motifs restreints, comme la mauvaise foi du décideur, l'exercice du pouvoir discrétionnaire à des fins illicites ou l'utilisation de considérations non pertinentes. Une doctrine générale concernant la décision déraisonnable avait également parfois étéappliquée aux décisions discrétionnaires. Le juge ajoute que les décisions discrétionnaires doivent être rendues dans les limites de la compétence conférée par la loi, mais qu'en examinant l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire et ltendue de la compétence des décideurs, les tribunaux feront preuve dnormément de retenue.

Nous ne sommes pas convaincus qu'il existe en l'espèce des motifs permettant à la Cour d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféréau ministre. Nous arrivons à cette conclusion pour deux motifs. Le premier est fondésur la preuve et le second sur le texte du Règlement.


[34]       J'examinerai maintenant le refus du ministre d'ajouter le brevet '331 au registre des brevets en y appliquant cette norme de contrôle. Le ministre était saisi d'une demande pour ajouter le brevet '331 qui est un brevet pour, entre autres, l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine qui sont eux-mêmes des médicaments. Le ministre est venu à la conclusion que l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine sont des composés chimiques différents de la simvastatine et que, par conséquent, une revendication pour ces composés n'est pas une revendication pour le médicament en soi (simvastatine) ou pour l'utilisation du médicament (simvastatine). Je suis d'opinion que la décision du ministre est correcte.

[35]             Ma conclusion s'appuie sur les motifs suivants :

1.          Le médicament dans la pilule de ZOCOR est la simvastatine.

2.          Le comprimé de ZOCOR ne contient pas d'hydroxyméthylsimvastatine ou de carboxysimvastatine puisque ces métabolites de la simvastatine sont dérivés de la simvastatine, que comprend le comprimé, par le foie, après ingestion du comprimé de ZOCOR.

3.          Si l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine sont des médicaments, ils ne sont pas le médicament simvastatine.


4.          Le brevet '331 ne contient aucune revendication pour le médicament simvastatine en soi ou pour l'utilisation du médicament simvastatine.

[36]       Le ministre ne peut ajouter un brevet à la liste de brevets, en application de l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), que s'il s'agit d'un brevet qui comprend une revendication « pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament » . L'alinéa 4(2)b) dans son entier est ainsi libellé :


4(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

. . .

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

4(2) A patent list submitted in respect of a drug must

. . .

(b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;



[37]       Je conclus qutant donné que l'hydroxyméthylsimvastatine et la carboxysimvastatine sont des composés chimiques différents et des médicaments qui ne se retrouvent pas dans le comprimé ZOCOR, le brevet '331 ne contient pas de revendication pour le médicament simvastatine en soi ou l'utilisation du médicament simvastatine. De ce fait, le brevet '331 ne peut être ajouté à la liste de brevets pour les comprimés de ZOCOR.

[38]             Je suis par conséquent d'avis que :

1.          Le ministre était bienfondé de refuser l'ajout du brevet '331 à la liste de brevets à lgard de la simvastatine au motif de non-respect de l'alinéa 4(2)b) du Règlement.

2.          Le ministre n'a pas refusé d'exercer sa compétence.

3.          Le ministre n'a pas commis d'erreur de droit ni n'a agi de façon contraire à la loi.

4.          Le ministre n'a pas rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments dont il disposait.

[39]             La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[40]       Le défendeur a droit à ses dépens taxés.

ORDONNANCCE

[41]             LA COUR STATUE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[42]             LA COUR STATUE EN OUTRE : le défendeur a droit à ses dépens taxés.

                                                                                  John A. O'Keefe             

                                                                                                   J.C.F.                     

Ottawa (Ontario)

29 juin 2000

Traduction certifiée conforme

Daniel Dupras, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20000629

Dossier : T-857-99

ENTRE :

MERCK FROSST CANADA & CO.,

et MERCK & CO.

Demanderesses

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-857-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :            MERCK FROSST CANADA & CO.,et

MERCK & CO., INC.

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                 HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE    : LE VENDREDI 15 MARS 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :LE JUGE O'KEEFE

DATE :                                               LE JEUDI 29 JUIN 2000

ONT COMPARU    :

Patrick Kierans

J. Nelson Landry                                   POUR LES DEMANDERESSES

Francisco Couto                                    POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)                                POUR LES DEMANDERESSES

Ministère de la Justice

Montréal (Québec)                                POUR LES DÉFENDEURS


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