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                                                                                                                                 Date : 20000824

                                                                                                                    Dossier : IMM-3779-99

Ottawa (Ontario), le 24 août 2000

En présence de monsieur le juge Pinard

Entre :

                                                         SHILA BRATA BARUA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a statué, en date du 14 juillet 1999, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration est rejetée.

          « Yvon Pinard »          

JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                                                                                                 Date : 20000824

                                                                                                                    Dossier : IMM-3779-99

Entre :

                                                         SHILA BRATA BARUA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué, en date du 14 juillet 1999, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]         Le demandeur, un citoyen du Bangladesh, affirme avoir une crainte bien fondée d'être persécuté en raison de sa religion (bouddhisme) et de son appartenance à un groupe social particulier (une minorité religieuse).


[3]         La Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible. Ses doutes sont fondés sur l'omission du demandeur de mentionner dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'il avait tenté d'obtenir l'aide de la police après l'enlèvement du mois de mai 1994 et l'attaque du mois de février 1996. De plus, le demandeur a écrit dans son FRP qu'il n'avait pas de passeport à son nom, mais la preuve révèle qu'il avait en sa possession un passeport valide délivré en décembre 1995 par les autorités du Bangladesh aux États-Unis. Selon le tribunal, le demandeur n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi il était venu au Canada en se servant d'un faux passeport alors qu'il avait réussi à obtenir un visa des États-Unis avec son passeport valide.

[4]         La Commission n'a pas cru non plus que le demandeur avait une crainte subjective d'être persécuté. Elle a relevé que le demandeur se trouvait à New York entre le mois d'octobre 1995 et le mois de janvier 1996. À ce moment, il est retourné volontairement au Bangladesh même s'il avait perdu sa part d'une société et si ses enfants avaient été enlevés.

[5]         De plus, pendant qu'il se trouvait à New York, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada pour lui et son épouse. La Commission a exprimé des doutes relativement à certains aspects de ces demandes; plus particulièrement, la date de naissance de la fille du demandeur n'a pas été inscrite correctement, la demande de l'épouse incluait son numéro de passeport même si elle ne se trouvait pas aux États-Unis et l'adresse permanente inscrite dans son FRP était différente de celle de son épouse et de celle figurant dans son passeport.


[6]         La Commission a aussi tenu compte du fait que la deuxième fois où le demandeur est venu en Amérique du Nord, il est demeuré aux États-Unis quelques jours. Bien qu'il ait une belle-soeur qui réside aux États-Unis, il n'a pas revendiqué le statut de réfugié.

[7]         De plus, la Commission a statué que, même si elle croyait le demandeur, celui-ci n'avait pas démontré qu'il ne pouvait se réclamer de la protection de l'État. La Commission a donné plusieurs exemples :

-            En ce qui concerne l'enlèvement du mois de mai 1994, la police n'a tout simplement pas réussi à trouver les auteurs de l'enlèvement.

­                      Lorsque le demandeur a été forcé de signer le document par lequel il renonçait à sa part de la société, il a choisi de ne pas demander l'aide de l'État. Selon le demandeur, s'adresser aux tribunaux lui aurait coûté très cher. De plus, le maire lui a dit que rien ne pouvait être fait parce qu'il avait signé le document, mais le demandeur n'a pas été en mesure de le produire.

-            L'affaire relative à l'incident du mois de février 1996 n'a pas été menée à terme parce qu'il n'y avait aucun témoin.

-            La preuve documentaire révèle que l'État lutte contre les extrémistes. Le tribunal a souligné la signature de l'accord de paix de Chittagong Hills Tracts.


[9]         Enfin, la Commission a conclu que le témoin, M. Subodh Bikash, n'a pas été en mesure de corroborer le témoignage du demandeur parce qu'il ne se trouvait pas avec le demandeur au Bangladesh au moment des événements décrits.

                                                             * * * * * * * * * * * *

[10]       Il est bien établi que la crédibilité relève entièrement de la compétence de la Commission en sa qualité de juge des faits. La Commission est un tribunal spécialisé qui a le droit d'inférer que le demandeur n'est pas digne de foi en raison d'éléments non plausibles dans sa preuve, dans la mesure où cette inférence n'est pas déraisonnable et où ses motifs sont énoncés en des termes « clairs et non équivoques » (voir Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199, à la p. 201 (C.A.F.)). Compte tenu de la preuve, je conclus que le demandeur n'a pas établi que la Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). En effet, la conclusion de la Commission concernant le manque de crédibilité s'appuyait sur les incohérences et les éléments non plausibles relevés entre son témoignage de vive voix et son FRP, ainsi qu'entre son témoignage et la preuve documentaire. À mon avis, les conclusions de la Commission sur ce point étaient raisonnables et ne justifient pas l'intervention de la Cour.


[11]       En ce qui concerne les arguments invoqués par le demandeur qui sont liés à l'omission alléguée de la Commission de tenir compte de la preuve documentaire à l'appui de sa revendication, il faut rappeler au demandeur que la Commission est présumée avoir tenu compte de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés, à moins qu'il soit démontré que ce n'est pas le cas (voir Florea c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (11 juin 1993), A-1307-91 (C.A.F.)). Règle générale, le fait qu'une preuve documentaire n'est pas mentionnée dans ses motifs n'invalide pas la décision de la Commission (voir Hassan c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1992), 147 N.R. 317, à la p. 318 (C.A.F.)). Il me semble que le demandeur en l'espèce demande à la Cour de substituer sa propre appréciation de la preuve à la décision de la Commission. Toutefois, ce n'est pas là le rôle qui appartient à la Cour dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire (voir Tawfik c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 137 F.T.R. 43, à la p. 46). Je ne suis pas persuadé que la Commission a omis de prendre en compte la preuve qui lui a été présentée ni que son appréciation de la preuve documentaire était déraisonnable. Je suis d'avis qu'il était raisonnable de la part de la Commission de tirer les conclusions auxquelles elle est parvenue concernant la position du gouvernement du Bangladesh à l'égard du Hindu Buddhist Christian Unity Council et la possibilité pour le demandeur de se réclamer de la protection de l'État.


[12]       Quant à l'argument additionnel soulevé par le demandeur, concernant la Charte canadienne des droits et libertés et les obligations internationales, je le juge prématuré, étant donné que la décision de la Commission se limitait à la conclusion qu'il n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Par ailleurs, la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'était pas crédible laisse croire qu'il ne serait pas persécuté s'il retournait au Bangladesh. Par conséquent, le Canada ne manquerait pas à ses obligations internationales en matière de droits de la personne si le demandeur était expulsé.

[13]       Enfin, la prétention du demandeur qu'un membre de la Commission, Mme Robic, a fait preuve de partialité, étant donné son [Traduction] « préjugé extrême » et son [Traduction ] « cynisme » , est totalement dénuée de fondement. Je n'ai trouvé aucun élément de preuve sérieux établissant qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur de façon réaliste et pratique conclurait que Mme Robic a rendu une décision inéquitable ( voir Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie,_[1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394).

[14]       Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                     « Yvon Pinard »                      

   JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

24 août 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                 IMM-3779-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             SHILA BRATA BARUA

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                6 JUILLET 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :                                   24 AOÛT 2000

ONT COMPARU :

Me STEWART ISTVANFFY                                     POUR LE DEMANDEUR

Me DANIEL LATULIPPE                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me STEWART ISTVANFFY                                     POUR LE DEMANDEUR

Me MORRIS ROSENBERG                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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