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     Date : 19990928

     Dossier : IMM-2343-98



Entre :



     YONGQI ZENG,

     demandeur,


     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE




LE JUGE BLAIS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas Nora Egan, du Consulat général canadien à Buffalo (N.Y.) qui a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur dans une lettre datée du 8 mai 1998.

LES FAITS

[2]      En décembre 1991, le demandeur est entré aux États-Unis et y a résidé sans statut. Deux mois après son arrivée, il s'est trouvé un emploi de chef. Trois ans plus tard, il a quitté le restaurant pour devenir chef principal dans un autre restaurant.

[3]      Il a demandé la résidence permanente au Canada comme " chef principal ". Dans une lettre datée du 2 février 1998, son avocat a reconnu que le demandeur ne respectait pas les critères de sélection, mais il a demandé à l'agente des visas d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration .

LA DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS

[4]      L'agente des visas a évalué la demande et a accepté la formation et l'expérience du demandeur pour la profession de chef principal. Toutefois, elle a déterminé que le demandeur n'avait pas obtenu suffisamment de points pour immigrer au Canada. Il n'a obtenu que 52 points d'appréciation.

[5]      L'agente des visas a ensuite examiné si elle devait exercer favorablement son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration. Elle a finalement décidé qu'il n'y avait pas de motif pouvant justifier qu'elle agisse ainsi. Aucun point d'appréciation n'avait été accordé au titre de la personnalité, et l'agente des visas a conclu que même avec le maximum de 10 points prévus sous ce facteur, le demandeur n'aurait toujours pas réuni le minimum de points requis. L'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente du demandeur dans une lettre datée du 8 mai 1998.

                                 Points d'appréciation

                             Points attribués      Maximum

Âge                                  10          10

Facteur professionnel                      10          10

Études et formation                          7          18

Expérience                              4          8

Emploi réservé                          0          10

Facteur démographique                      8          8

Études                              13          16

Connaissances du français/de l'anglais              0          15

Prime accordée aux parents aidés                  0          5

Total                                  52


LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[6]      Le demandeur prétend que l'agente des visas a sous-évalué le facteur Études et formation, par conséquent son expérience. Il soutient qu'il aurait dû obtenir 15 points à ce chapitre.

[7]      Le demandeur fait également valoir que l'agente des visas a fait obstacle à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en prétextant faire un examen fondé sur le paragraphe 11(3). Le demandeur insiste sur le fait que l'agente des visas ne lui a pas donné les motifs pour lesquels elle a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 11(3) et, plus particulièrement, pourquoi elle n'a pas tenu compte du succès qu'il avait obtenu en s'établissant temporairement aux États-Unis comme chef.

[8]      Le demandeur prétend que l'agente des visas aurait dû appliquer une norme raisonnable dans l'évaluation de sa demande. Il prétend finalement que les dépens devraient lui être adjugés compte tenu du refus superficiel qu'elle lui a opposé au regard de la preuve démontrant qu'il avait réussi à s'établir et particulièrement parce que la décision est à première vue inappropriée.

LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[9]      Le défendeur soutient que la demande n'est pas appuyée par un affidavit approprié.

[10]      Il prétend que le demandeur n'a pas démontré que l'agente des visas a commis une erreur susceptible de contrôle. Le demandeur n'a pas convaincu l'agente des visas qu'il était admissible au Canada.

[11]      Le défendeur fait valoir que l'agente des visas a correctement évalué la profession à laquelle le demandeur aspire au Canada et qu'elle a aussi exercé comme il convient son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 11(3).

[12]      Finalement, le défendeur prétend que, d'après les Règles de la Cour fédérale, 1998, il n'est pas obligé de fournir un affidavit, que c'est au demandeur qu'il incombe de faire la preuve de la raison pour laquelle la Cour devrait intervenir et que les deux parties peuvent soumettre la preuve qu'elles souhaitent présenter. L'avocat du défendeur soutient que les notes au STIDI ont à bon droit été communiquées à la Cour et qu'elles devraient être considérées dans la procédure de contrôle de la décision de l'agente des visas.

ANALYSE

[13]      La Cour doit répondre à une question préliminaire. La demande du demandeur est-elle appuyée par des affidavits appropriés ? Aux termes de la Règle 306, dans les 30 jours suivant la délivrance de l'avis de demande, le demandeur dépose et signifie les affidavits et les pièces documentaires qu'il entend utiliser à l'appui de la demande. Dans la décision Brychka c. Canada (P.G.) (1998) 141 F.T.R. 258, la Cour a statué qu'elle ne pouvait examiner que la preuve dont était saisi le décideur administratif et aucune nouvelle preuve.

[14]      Dans l'arrêt Nelson c. Commissaire du Service correctionnel (Canada) (1996), 206 N.R. 180, la Cour d'appel fédérale a statué que des personnes autres que le demandeur peuvent déposer un affidavit dont elles sont l'auteur à l'appui d'une demande de contrôle judiciaire. Les affidavits doivent porter sur des questions qui relèvent de la connaissance personnelle de l'auteur.

[15]      Dans la décision Mui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. nE 378, le juge Reed a conclu de la manière suivante :

     Quant à l'affidavit de Priscilla Lee, des parties de cet affidavit ne sont pas pertinentes, il vaudrait mieux qu'une partie de l'affidavit provienne directement et M. Mui puisqu'il en avait personnellement connaissance, et l'affidavit contient bien des ouï-dire. Toutefois, je ne le considère pas comme ayant été radié du dossier. Je ne vais pas non plus le parcourir pour relever les paragraphes qui devraient être radiés et ceux qui doivent rester. Je note seulement que, dans la mesure où je me suis appuyée sur cet affidavit (presque pas du tout), j'ai gardé à l'esprit et appliqué les règles de preuve pertinentes.

[16]      L'affidavit produit par Mme Priscilla Lee en l'espèce renferme en majorité des renseignements qui n'étaient pas pertinents à la cause à l'exception de deux paragraphes sur 26. Par conséquent, je doute que cet affidavit soit utile. Il est plutôt faible. Je ne rejetterai pas la demande parce que l'affidavit est faible, mais je ne peux lui donner plus d'importance.

[17]      La Cour examinera maintenant si l'agente des visas a commis une erreur de droit dans son évaluation du demandeur.

[18]      L'agente des visas a suivi la liste générale des professions qui indique que sept points sont attribués à la profession de chef au chapitre des études et de la formation. Il n'y a pas de raison de conclure à une sous-évaluation.

[19]      La Cour doit maintenant se demander si l'agente des visas a fait obstacle à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 11(3).

11(3) A visa officer may

a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or

b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10, if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada, and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.

11(3) L'agent des visas peut

a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou

b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10, s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

[20]      En l'espèce, non seulement l'agente des visas a-t-elle pensé que le nombre de points d'appréciation attribués reflétait bien les chances du demandeur de réussir son établissement au Canada, mais elle en a été convaincue. Selon le libellé du paragraphe 11(3), cela constitue une raison suffisante pour refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire aux termes du paragraphe 11(3).

[21]      En vertu de l'article 11.1, l'agente des visas n'était pas tenue de convoquer le demandeur à l'entrevue et la suggestion faite par l'avocat du demandeur selon lequel l'agente des visas aurait dû fournir les raisons pour lesquelles elle n'a pas tenu compte du fait que le demandeur avait bien réussi à s'établir comme chef aux États-Unis doit être rejetée ; l'agente des visas n'avait aucune obligation aux termes de la règle applicable pour évaluer ces éléments en vertu du paragraphe 11(3).


11.1 For the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants will be able to become successfully established in Canada, a visa officer is not required to conduct an interview unless, based on a review of the visa application and the documents submitted in support thereof,

a) the immigrant is an immigrant described in paragraph 8(1)a) and is awarded, for the factors set out in column I of items 1 to 8 of Schedule I, including, where required by these Regulations, at least one unit of assessment for each of the factors set out in column I item 3 and 4 of that Schedule,

i) at least 60 units of assessment, where the immigrant is not an assisted relative.

11.1 Afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas n'est pas obligé de tenir une entrevue, sauf si l'immigrant, d'après l'étude de sa demande de visa et des documents à l'appui :

a) soit est visé à l'alinéa 8(1)a) et se voit accorder au moins le nombre suivant de points d'appréciation pour les facteurs mentionnés à la colonne I des articles 1 à 8 de l'annexe I, y compris, dans les cas où le présent règlement l'exige, au moins un point d'appréciation pour chacun des facteurs mentionnés à la colonne I des articles 3 et 4 de cette annexe :

(i) 60 points d'appréciation, dans le cas d'un immigrant qui n'est pas un parent aidé.

[22]      Dans la décision Shum c. M.C.I., [1995] A.C.F. nE 1108, le juge McKeown dit ceci :

     [TRADUCTION]
     Je ne trouve nulle part au paragraphe 11(3) d'obligation de tenir une entrevue avant de pouvoir exercer son pouvoir discrétionnaire.

[23]      Dans la décision Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. nE 528, le juge Evans a déclaré ceci :

     À mon avis, le fait que le demandeur soit financièrement autonome aux États-Unis en pratiquant la profession à laquelle il aspire au Canada est un facteur pertinent dont l'agent des visas devait tenir compte pour déterminer si la capacité d'un demandeur de réussir son installation au Canada est adéquatement reflétée dans le nombre de points d'appréciation qu'il a reçu sur la base des facteurs prévus à l'Annexe I.
     Ce n'est toutefois pas à la Cour de juger si l'agent des visas a accordé un poids suffisant à cet aspect. L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire est confié à l'agent des visas qui doit en décider au vu de tout le dossier, y compris le plus ou moins grand nombre de points d'appréciation qui font défaut au demandeur. C'est seulement si l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive, arbitraire ou déraisonnable que la Cour doit intervenir.

[24]      Dans la décision Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. nE 286, le juge Richard a conclu sur ces mots :

     Bien que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) soit de portée générale, il ne s'agit pas d'un pouvoir illimité permettant à l'agent des visas de rejeter ou d'accueillir, à sa guise, une demande de résidence permanente. Ce pouvoir doit être exercé de bonne foi et conformément à l'objectif pour lequel il a été conféré. Par ailleurs, la personne qui l'exerce ne peut se fonder sur des considérations non pertinentes ni omettre de tenir compte de considérations pertinentes.

[25]      Il n'y a pas de preuve que l'agente des visas a utilisé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi ou de façon arbitraire. Elle a évalué les chances que le demandeur avait de réussir son établissement au Canada et elle en est venue à la conclusion qu'elle ne pouvait pas exercer son pouvoir discrétionnaire. La Cour ne devrait pas intervenir.

[26]      Concernant la norme de contrôle, à mon avis, il n'était pas déraisonnable pour l'agente des visas de conclure comme elle l'a fait.

[27]      Pour ce qui a trait aux dépens, j'ai reçu les observations des deux parties, mais je ne suis pas convaincu d'avoir à adjuger les dépens en l'espèce. L'avocat du demandeur n'a pas réussi à prouver que l'agente des visas avait fait preuve de mauvaise foi dans sa décision, et les raisons spéciales invoquées par le demandeur ne sont pas fondées.

[28]      À mon avis, le demandeur n'a pas réussi à convaincre la Cour que celle-ci devrait intervenir. Je ne suis pas convaincu que l'agente des visas a commis une erreur susceptible de contrôle.

CONCLUSION

[29]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[30]      Les parties n'ont pas proposé de question grave à l'audience. Le demandeur disposait de sept jours à la suite de l'audience, soit jusqu'au 15 septembre 1999, pour proposer une ou plusieurs questions graves de portée générale à certifier, et l'avocat du défendeur disposait également de sept jours à compter de la réception de cette ou de ces questions graves suggérées par le demandeur pour répondre.

[31]      L'avocat du demandeur a décidé de présenter 10 questions après l'expiration du délai prescrit. L'avocat du défendeur a fait valoir que les questions suggérées n'avaient pas été déposées dans les délais prescrits par la Cour et qu'elles devraient donc être rejetées.

[32]      Étant donné que le demandeur n'a pas respecté le délai prescrit, aucune question ne sera certifiée.

                         Pierre Blais

                         Juge


OTTAWA (ONTARIO)

le 28 septembre 1999


Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



NE DU GREFFE :              IMM-2343-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Yongqi Zeng c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 8 septembre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE BLAIS

DATE :                  le 28 septembre 1999



ONT COMPARU :

Timothy E. Leahy                      POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                      POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thimothy E. Leahy                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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