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                                                                                                                      Date: 20010328

                                                                                                        Dossier : IMM-2201-00

                                                                                        Référence neutre: 2001 CFPI 255

ENTRE

                                                       BOLAJI OLOYEDE

                                                                                                                              demandeur

                                                                    - et -

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]         Le demandeur soumet au contrôle judiciaire de la Cour une décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), le 24 mars 2000, déterminant que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Il soulève les deux questions suivantes :

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la revendication du demandeur ne se rattachait à aucun motif prévu par la Convention?


2.          L'analyse de la Commission au sujet de la possibilité de refuge intérieure (PRI) est-elle abusive ou arbitraire?

Les faits

[2]         Le demandeur dit craindre avec raison d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social, en l'occurrence celui des enfants des membres de sectes qui refusent de suivre les traces de leur père et d'épouser sa religion.

[3]         Le demandeur soutient que sa vie sera menacée, au Nigeria, s'il ne suit pas les traces de son père en adhérant à la secte du Vampire. Il affirme en outre qu'il a été voué à la secte à l'âge de quatorze ans et qu'il a alors été marqué de trois incisions au bras et d'une au visage. Il ajoute que des membres de la secte qui étaient à sa recherche ont tiré sur sa mère, ont brûlé l'une des entreprises de son père et ont fait exploser l'une de ses voitures juste avant qu'il y prenne place. Il déclare que la secte pratique le sacrifice humain et qu'il lui faudrait sacrifier l'une de ses filles s'il en faisait partie. Il dit aussi qu'il est chrétien et qu'il ne pourrait pas, s'il adhérait au culte, vivre conformément à ses croyances religieuses.

[4]         Aux pages 4 et 5 de ses motifs, la Commission exprime l'opinion suivante :


Compte tenu de toute la preuve, le tribunal conclut que le revendicateur a été victime d'actes criminels et non de persécution au sens de la définition donnée dans la Convention. Il conclut qu'il n'existe aucun lien entre les allégations du revendicateur et la définition donnée par la Convention.

[5]         À la page 3, on peut également lire ce qui suit :

... les représailles de la secte du Vampire énumérées par le revendicateur sont des actes criminels. Le meurtre de sa mère par des bandits, qu'il soit ou non l'oeuvre de la secte du Vampire, constitue un acte criminel en vertu de n'importe quelle loi. Il en est de même de l'explosion de la voiture ou de l'incendie criminel de la entreprise. Le tribunal conclut donc que le revendicateur est victime d'un groupe se livrant à des actes criminels.

[6]         Ensuite, la Commission a examiné la prétention du demandeur voulant que les pratiques de la secte aillent à l'encontre de ses propres convictions religieuses, mais qu'il pourrait être forcé de s'y livrer s'il retournait au Nigeria car l'État ne le protégerait pas. Elle a cité l'arrêt Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Villa Franca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.) (p. 132 et 133) :

Le terrorisme au service d'une quelconque idéologie perverse est un fléau qui afflige aujourd'hui de nombreuses sociétés; ses victimes, bien qu'elles puissent grandement mériter notre sympathie, ne deviennent pas des réfugiés au sens de la Convention simplement parce que leurs gouvernements ont été incapables de supprimer ce mal. [...] Par contre, lorsqu'un État a le contrôle efficient de son territoire, qu'il possède des autorités militaires et civiles et une force policière établies, et qu'il fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens contre les activités terroristes, le seul fait qu'il n'y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes du terrorisme ne peuvent pas se réclamer de sa protection.


[7]         Il ressort de documents déposés devant la Commission que le gouvernement avait banni les sectes et qu'il arrêtait les gens soupçonnés d'en faire partie. La Commission a formulé une demande d'information (no NGA 31340.E) au sujet de l'appartenance à des sectes. La Direction des recherches de la Commission a fait état de l'information fournie par un professeur d'études religieuses qui avait effectué une recherche sur les sectes au Nigeria. Dans sa réponse, la Direction expose ce qui suit :

[TRADUCTION]

Selon le professeur d'études religieuses, il existe trois types de sectes : la secte de type « terroriste » qui se livre au vol, la secte de type « mafia » qui se spécialise dans le trafic de stupéfiants et la secte de type « parrain » qui pratique la fraude et l'extorsion.

Ces renseignements étayent la conclusion selon laquelle la violence subie par le demandeur se rattachait à des activités criminelles, non pas à de la persécution religieuse.

[8]         De plus, le demandeur n'a fourni aucun élément de preuve au sujet d'actes de persécution religieuse. Compte tenu de la preuve dont elle disposait, la Commission pouvait certainement conclure que le demandeur avait été victime d'actes criminels plutôt que d'actes de persécution religieuse découlant de son appartenance à un groupe social. Il était donc loisible à la Commission de tirer la conclusion qu'il n'existait aucun lien entre les allégations du demandeur et la définition énoncée à la Convention relativement à la persécution du fait de l'appartenance à un groupe social.


[9]         Malgré cette conclusion, la Commission s'est livrée à une analyse abusive de la possibilité de refuge intérieur, concluant que la preuve documentaire indiquant qu'il n'existait pas de cultes hors des frontières du Nigeria, les activités de la secte du Vampire ne s'étendaient pas sur tout le territoire du pays. La Commission n'a pas pris en considération la situation particulière du demandeur. Toutefois, compte tenu de sa conclusion que le demandeur n'avait pas établi de lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention, il n'était pas nécessaire que la Commission examine la question de la PRI.

                                                          ORDONNANCE

[10]       La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     « W.P. McKeown »      

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 28 mars 2001

Traduction certifiée conforme

                                    

Ghislaine Poitras, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                          IMM-2201-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         BOLAJI OLOYEDE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 20 mars 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE McKEOWN EN DATE DU 28 MARS 2001

ONT COMPARU :

M. Nainesh Kotak                                             pour le demandeur

Mme Ian Hicks                                                   pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Nainesh Kotak                                             pour le demandeur

Brampton (Ontario)

Morris Rosenberg                                              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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