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Date : 20000413


Dossier : T-1567-98

ENTRE :

     LOUIS DESROCHERS

     Demandeur

     ET

     LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

     Défenderesse



     ORDONNANCE ET MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision de l"arbitre Marguerite-Marie Galipeau rendue le 16 janvier 1998 en vertu de laquelle, le grief du demandeur quant à sa réintégration au travail fut rejeté.

FAITS

[2]      Pour la période de août 1987, qui correspond au début de son emploi pour le Service correctionnel du Canada, jusqu"à la fin d"avril 1994, les faits sont rapportés et analysés par l"arbitre et je n"y reviens pas;

[3]      Je reviendrai en partie sur les faits, soit ceux postérieurs au 30 avril 1994.

[4]      Le 4 mai 1994, suite à une entrevue disciplinaire avec le demandeur et en raison de son problème d"assiduité au travail et de son dossier disciplinaire, le gérant d"unité, Noël St-Armand, recommande son renvoi.

[5]      Le 17 mai 1994, le directeur, Paul-André Beaudry, répète par écrit que les mesures de redressement prévues en 1993 sont maintenues pour un an.

[6]      Le 30 mai 1994, le directeur intérimaire, Richard Lamontagne, convoque le demandeur à son bureau. Le demandeur répond qu"il a des obligations familiales. Le 31 mai 1994, M. Lamontagne convoque le demandeur pour une rencontre le 3 juin 1994. Le demandeur ne se présente pas.

[7]      Le 2 juin 1994, il se déclare malade, mais ne contacte pas son surveillant correctionnel. Il se contente de s"adresser au fonctionnaire de poste.

[8]      Le 3 juin 1994, M. Lamontagne le convoque une troisième fois, cette fois, pour le 6 juin 1994. Le demandeur ne se présente pas au rendez-vous.

[9]      Le 7 juin 1994, M. Lamontagne le convoque une quatrième fois et ce, pour le 10 juin 1994. Le service de messagerie Purolator a tenté sans succès, à trois reprises, de remettre la lettre du 7 juin 1994 au demandeur.

[10]      Une cinquième convocation pour le 13 juin 1994, à 9h30, est signifiée par huissier pour le 13 juin 1994, à 10h55. Le directeur expliquait qu"on envisageait lui imposer une amende de $2, 000 et qu"il était désormais passible de congédiement.

[11]      Le même jour, soit le 13 juin 1994, il est convoqué au bureau du directeur pour une rencontre le 17 juin 1994. Il ne se présente pas, il prétend être malade. Dans sa lettre, il explique qu"il a fourni le 14 avril 1994, le formulaire relié à son absence au travail, les 12 et 13 avril 1994. Il explique qu"il n"a pas contacté son superviseur parce qu"il croyait que la mesure de redressement n"était plus en vigueur. Quant à la convocation du 31 mai 1994, il avait un rendez-vous, et il était malade le 3 juin 1994.

[12]      Le 17 mai 1994, le directeur, M. Beaudry, le licencie. Il lui souligne qu"il était absent sans autorisation depuis le 5 juin 1994 et que le 2 juin 1994, il s"est déclaré malade à un employé, alors qu"il devait avertir son surveillant. De plus, il a omis de fournir un certificat médical dans les soixante-douze heures, suivant le début de son absence.

DÉCISION DE L"ARBITRE

[13]      L"arbitre a conclu que l"employeur s"est déchargé du fardeau de la preuve en établissant sur une prépondérance de la preuve les faits reprochés. Elle a rejeté le témoignage du demandeur, doutant de sa crédibilité, et a adopté celui de ses surveillants.

[14]      L"arbitre a examiné la possibilité que le demandeur n"aurait pas reçu la note de service du 17 mai 1994 dans son casier, alors qu"il a reçu un chèque de paye le 19 mai 1994, dans ce même casier. Elle conclut cependant que ses surveillants avaient reconduit, de vive voix, les restrictions contenues dans les notes de service et que, par conséquent, le demandeur était averti.

[15]      Elle fait remarquer que le demandeur n"a toujours pas fourni de certificat médical pour expliquer ses absences. Elle conclut que son comportement, tant avant qu"après son licenciement, est incompatible avec ses prétentions qu"il était malade, à partir du 2 juin 1994.

[16]      Elle rejette les explications tardives du demandeur quant à sa non disponibilité pour rencontrer son employeur. Elle conclut que les omissions du demandeur constituaient de l"inconduite et méritaient d"être sanctionnées. Elle était d"avis que la relation entre l"employeur et le demandeur était irrémédiablement rompue et que toute possibilité de réhabilitation était illusoire.

[17]      L"arbitre note que le demandeur a reconnu son attitude négative, son problème d"absentéisme, son lourd dossier disciplinaire ainsi que l"échec des interventions de l"employeur. Elle déclare que ces aveux font preuve contre le demandeur et n"améliore pas ses chances de réintégration. Ce n"est qu"à la dernière heure des quinze jours d"audition que le demandeur est passé à l"aveu, fait-elle remarquer.

[18]      L"arbitre a rejeté le grief.



LES PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[19]      Le demandeur soumet que pour que la décision de l"arbitre soit valable, il doit y avoir preuve de la validité de la décision de l"employeur. Or, la décision de l"employeur n"est pas valable, car il n"y a pas de preuve recevable ou probante, que le demandeur ait reçu les directives de l"employeur en cas de maladie ou la convocation du 17 juin à une heure telle qu"il aurait pu y répondre.

[20]      Le demandeur soumet que les documents soumis pour faire la preuve du problème d"assiduité ont été modifiés la journée de l"audition et ne sont pas conformes aux originaux. Il n"y avait pas de preuve, à l"époque du congédiement, sur un problème d"absentéisme et l"employeur ne saurait justifier ses actes en créant à posteriori des documents.

[21]      Le demandeur fait valoir que l"arbitre en laissant l"employeur introduire en preuve des documents irrecevables et en basant sa décision sur ceux-ci, en est venue à une conclusion de faits, qui en l"absence de preuve recevable ou probante, est déraisonnable et contraire aux règles de la justice naturelle.

[22]      Le demandeur argumente que si l"arbitre était fondée de croire qu"il y a faute du demandeur suite aux aveux sur certains faits, il lui imposait de substituer une autre sanction au congédiement.

[23]      De plus, le demandeur argumente que puisque la décision de l"arbitre repose sur un incident culminant dont la preuve est titulaire de la crédibilité des témoins Francoeur et St-Armand, la preuve que le demandeur a été harcelé par ces témoins, était pertinente; en s"objectant à sa présentation, l"arbitre violait le droit à une audition pleine et entière du demandeur et ce faisant, rend une décision qui doit être révisée, car elle contrevient aux règles de la justice naturelle.

[24]      Le demandeur argumente qu"en refusant de suspendre l"audience pour lui permettre d"examiner les deux cent soixante-quinze et six cent quatre-vingt-sept pages qui venaient de lui être remises, l"arbitre a rendu une décision qui contrevient aux règles de la justice naturelle, en ne permettant pas l"exercice raisonnable du droit à interroger les témoins et à produire des documents dans une procédure disciplinaire.



LES PRÉTENTIONS DE LA DÉFENDERESSE

[25]      La défenderesse constate que la section intitulée "Exposé concis des faits", du dossier du demandeur, constitue en majorité des opinions émises par le demandeur et non des faits. La défenderesse demande à la Cour de ne pas en tenir compte et de se baser sur la preuve documentaire qui a été produite devant l"arbitre et sur la relation des faits que l"arbitre a faite dans sa décision.

[26]      De plus, les documents apparaissant au Volume I du dossier du demandeur n"ont jamais été produits devant l"arbitre et devraient, par conséquent, être écartés. Plus particulièrement, les pièces 1 (page 242), 2 (pages 303 à 326), 3 (pages 327 à 344), 4 (pages 345 à 356), 5 (pages 357 à 370), 6 (pages 371 à 376), 7 (pages 377, 379 à 385), 8 (pages 386 à 390, sauf 388), 9 (pages 391 à 393, 395 à 397 et 399), 10 (pages 400 à 406), 11 (pages 407 à 410), 12 (pages 411, 415, 418 et 419, 424 à 430, 431, 432, 434 à 444), 13 (pages 445 à 447), 14 (pages 448 à 471).

[27]      La défenderesse prétend que, lors du contre-interrogatoire du demandeur, ce dernier n"a pu identifier un quelconque document qui aurait été fabriqué ou falsifié par le procureur de l"employeur ou par quelqu"autre personne. En conséquence, le demandeur n"a jamais fait la preuve que la décision de l"arbitre avait été prise en raison d"une fraude ou de faux témoignages, contrairement à l"alinéa 18.1(4)e) de la Loi sur la Cour fédérale.

[28]      Quant aux modifications de certains documents, la défenderesse explique que le document amendé E-51A a été préparé pour le bénéfice de l"arbitre, afin de pouvoir situer les jours de repos du demandeur avec les absences du demandeur. L"original du document E-51 était un document faisant état des congés pris par le demandeur, durant l"année financière 1991-1992. Il indiquait quels jours le demandeur avait pris congé et avait fait des heures supplémentaires. Toutefois, le document n"indiquait pas de façon précise quand tombaient les jours de repos du demandeur.

[29]      La défenderesse rappelle que l"employeur avait le fardeau de démontrer le problème d"absentéisme, ce qu"elle a fait. Le demandeur n"a jamais contredit cette preuve. C"est parce qu"il était incapable de nier qu"il avait été très souvent absent la veille ou le lendemain d"un jour de repos, qu"il a invoqué l"argument que son employeur ne le savait pas, puisque le document E-51A n"existait pas.

[30]      Les mêmes arguments s"appliquent aux documents E-75 et E-76 qui sont des documents similaires mais qui concernent des périodes différentes, soit les années financières 1992-1993 et 1993-1994.

[31]      Quant au document E-44, le demandeur n"a fait aucune preuve que ce document a été modifié pour le bénéfice de l"arbitre.

[32]      En ce qui concerne l"approbation des congés (documents A-13 et A-8), les témoins Beaudry et Lévesque ont commis une erreur dans l"appréciation des faits quand ils ont affirmé que les demandes de congés n"étaient pas approuvées. Il ne s"agissait pas d"une tentative d"induire l"arbitre en erreur en lui soumettant deux faux documents. L"arbitre a apprécié les faits et a jugé que les témoins étaient de bonne foi et qu"il s"agit d"une erreur compréhensible, compte tenu de l"ampleur du dossier.

[33]      Quant à l"argument du demandeur qu"une sanction moindre était plus appropriée, la défenderesse soumet que, compte tenu de son lourd dossier disciplinaire, de l"échec des interventions antérieures de son employeur et de la mauvaise volonté que le demandeur a manifestée lors des convocations de juin 1994, elle a jugé inopportun de lui imposer une sanction disciplinaire moindre.

[34]      La défenderesse prétend que le demandeur était de mauvaise foi lorsqu"il a témoigné au sujet de sa connaissance des directives. Le demandeur était conscient que son employeur a toujours été fort préoccupé par ses absences répétées. Manifestement, le demandeur ne voulait pas s"expliquer et a fait fi de toutes les demandes de son employeur.

[35]      La défenderesse soumet que l"arbitre a entendu le demandeur et elle a tiré des conclusions quant à sa crédibilité à partir de son témoignage et de son comportement durant l"audition. La défenderesse argumente que cette conclusion portant sur la crédibilité du demandeur est une conclusion de fait que l"arbitre avait le droit de tirer à partir de la preuve qu"elle a entendue.

[36]      La défenderesse maintient que l"arbitre n"a commis aucune erreur de droit manifestement déraisonnable en ne croyant pas le demandeur qui prétendait ne pas connaître les directives de son employeur.

[37]      Quant à l"application des principes de la discipline progressive, la défenderesse attire l"attention de la Cour sur le fait que l"arbitre était consciente de cette question et l"avait examinée. Elle conclut cependant qu"une autre sanction serait une perte de temps. La défenderesse soutient qu"une telle conclusion n"a rien de déraisonnable.

[38]      La défenderesse soumet que la conclusion de l"arbitre est d"autant plus raisonnable que ce n"était pas la première fois que cette arbitre entendait des griefs du demandeur. L"arbitre était donc au courant du lourd dossier disciplinaire du demandeur.

[39]      Le demandeur a récidivé. Il est mal placé aujourd"hui pour venir se plaindre que l"arbitre, qui lui avait donné comme conseil de modifier son comportement, qu"il a choisi de ne pas suivre, ait décidé qu"il serait inutile de lui donner une autre chance.

[40]      Quant au harcèlement, la défenderesse rappelle que l"arbitre n"a aucune compétence en matière de harcèlement professionnel et que le demandeur ne pouvait pas l"inviter à conclure qu"il avait été harcelé par certains témoins. La question est en matière de crédibilité. L"arbitre n"a pas cru le demandeur. Le demandeur n"a jamais été capable d"attaquer la crédibilité des témoins et de mettre en preuve qu"ils entretenaient de l"animosité à son égard. S"il ne l"a pas fait, ce n"est sûrement pas la faute de l"arbitre, mais en raison du fait qu"il n"avait aucun élément pour remettre sérieusement en question la crédibilité des témoins de l"employeur.

[41]      La défenderesse argumente que le demandeur ne fait état d"aucun document qu"il n"a pas pu utiliser devant l"arbitre et qui aurait pu, s"il avait été mis en preuve, changer de façon significative la décision du juge.

[42]      La défenderesse suggère qu"il n"est pas suffisant pour le demandeur de prétendre qu"il n"a pas pu examiner des documents, il doit, de plus, convaincre la Cour qu"il a été empêché de mettre en preuve des documents pertinents.

[43]      La défenderesse souligne que, compte tenu des propos diffamatoires à l"égard du procureur de l"employeur, Me Richard Turgeon, la défenderesse a cru opportun d"assigner un autre avocat dans la présente demande de contrôle judiciaire. Ceci a augmenté les coûts de la défense. En conséquence, la défenderesse demande que le demandeur soit condamné aux dépens sur la base avocat-client aux termes de la Règle 400(6)c) des Règles de la Cour Fédérale (1998), en tenant compte du fait que cette affaire nécessitait la présence de deux avocats au dossier.

QUESTIONS EN LITIGE

     1.      L "arbitre a-t-elle erré en fait et en droit en rejetant le grief du demandeur, plus particulièrement, avait-elle la preuve nécessaire devant elle pour conclure au bien fondé du licenciement?
     2.      L "arbitre est-elle fondée en maintenant la sanction disciplinaire du demandeur, compte tenu des aveux?
     3.      L "arbitre a"t-elle violé le droit à une audition pleine et entière du demandeur en refusant d"entendre la preuve du harcèlement que le demandeur a voulu présenter?
     4.      L "arbitre a-t-elle violé le droit à une audition pleine et entière du demandeur en refusant de suspendre les auditions pour permettre au demandeur de consulter des documents déposés par la défenderesse?

OBJECTION

[44]      Suivant une objection soulevée par la défenderesse, la Cour a maintenu l"objection et les pièces suivantes seront enlevées du dossier, puisqu"elles n"ont jamais été produites devant l"arbitre et de ce fait, doivent être écartées.

[45]      Il s"agit des pièces suivantes:

les pièces 1 (page 242), 2 (pages 303 à 326), 3 (pages 327 à 344), 4 (pages 345 à 356), 5 (pages 357 à 370), 6 (pages 371 à 376), 7 (pages 377, 379 à 385), 8 (pages 386 à 390, sauf 388), 9 (pages 391 à 393, 395 à 397 et 399), 10 (pages 400 à 406), 11 (pages 407 à 410), 12 (pages 411, 415, 418 et 419, 424 à 430, 431, 432, 434 à 444), 13 (pages 445 à 447), 14 (pages 448 à 471) et 15 (les cinq pages qu"elle contient).

[46]      De plus, le volume IV de l"affidavit du demandeur sera également retiré du dossier puisqu"il représente un compte-rendu des dix-sept jours d"audition devant l"arbitre, écrit par le demandeur à la fin de chaque jour, et ne peut en aucune façon remplacer des notes sténographiques, et sont irrecevables en preuve.

ANALYSE

[47]      D"abord, il importe d"examiner la norme de contrôle judiciaire applicable aux décisions des arbitres.

[48]      La Cour d"appel fédérale a énoncé dans l"arrêtBarry c. Canada (Conseil du Trésor) (1997), 139 F.T.R. 240, la norme de contrôle judiciaire des décisions des arbitres. Le juge Robertson écrit:

     En toute déférence, nous sommes d'avis que la norme de contrôle adoptée par le juge des requêtes est contraire aux enseignements de la Cour suprême. Il est vrai qu'avant l'abrogation de la clause privative, la Cour suprême avait statué dans Canada (Procureur général) c. AFPC [1993] 1 R.C.S. 941 ("AFPC no 2") que la norme de contrôle appropriée au regard des décisions d'un arbitre agissant en vertu de la Loi était de déterminer si la décision était "manifestement déraisonnable". À notre avis, rien n'a changé du fait de l'abrogation de la clause privative.

[49]      Dans l"arrêt McCormick c. Canada (Procureur général) (1998), 161 F.T.R. 82, le juge Muldoon indique:

     Pour définir le degré de retenue dont il convient de faire preuve envers une décision arbitrale, il faut tenir compte de quatre facteurs : la nature spécialisée du tribunal, l'existence ou non d'un droit d'appel d'origine législative, la nature de la question que l'arbitre doit trancher et l'existence d'une clause privative
     [...]
     Par conséquent, dans la présente affaire, il convient de faire preuve d'une retenue considérable envers la décision de l'arbitre. Pour qu'une intervention judiciaire soit justifiée, la décision de l'arbitre doit être manifestement déraisonnable ou clairement irrationnelle; elle ne doit pas simplement être erronée aux yeux de la Cour.

[50]      Dans l"arrêt Canada (Procureur général) c.Cleary (1998), 161 F.T.R. 238, le juge Rothstein note:

     Les parties conviennent avec moi que la norme de contrôle de la décision d'un arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est le caractère manifestement déraisonnable.

[51]      Le juge MacKay dans l"arrêt Teeluck c. Canada (Conseil du Trésor), (6 Octobre 1999) T-1825-98 (C.F. 1ère instance) déclare:

     As the decision of Rothstein J. finds, relying upon the Court of Appeal, this Court has clearly recognized the high standard of deference to be accorded to the Board's decisions on matters within its special expertise, as concerned the adjudicator in this case. The Court will not intervene unless it finds the decision patently unreasonable.

[52]      Dans l"arrêt Scheuneman c. Canada (Conseil du Trésor), (15 novembre 1999) T-2107-98 (C.F. 1ère instance) le juge Cullen a refusé d"appliquer l"arrêt Barry, supra, puisqu"il ne s"agissait pas d"un cas d"interprétation des conventions collectives. Il a néanmoins conclu:

     This Court finds that the appropriate standard of review is that of patent unreasonableness. It is true that there is no privative clause in the PSSRA, however, the fact that the decision of the adjudicator was within his area of expertise constitutes the critical factor in the present case.

[53]      Compte tenu de l"expertise de l"arbitre, la Cour fédérale est d"avis que la norme de contrôle applicable est bien celle de déférence, malgré les différentes formulations du test. La Cour fédérale n"interviendra pas à moins que la décision rendue par l"arbitre soit manifestement déraisonnable.

1.      L"arbitre a-t-elle erré en fait et en droit en rejetant le grief du demandeur, plus particulièrement, avait-elle la preuve nécessaire devant elle pour conclure au bien fondé du licenciement?

[54]      Le demandeur reproche à l"arbitre le fait qu"elle ait adopté les témoignages de l"employeur quant à sa connaissance des directives et d"avoir conclu à sa mauvaise foi dans ses refus de se présenter pour discuter avec l"employeur. De plus, il lui reproche le fait d"avoir accepté des documents modifiés.

CRÉDIBILITÉ

[55]      L"arbitre, en tant que juge des faits, était la personne la mieux placée pour juger la crédibilité des parties. Elle a constaté que le demandeur avait eu connaissance des restrictions que l"employeur lui avait imposées. Elle déclara à la page 37 de la décision:

     Ainsi, même en admettant que Louis Desrochers n"ait pas reçu la note de service (pièce E-32) renouvelant les restrictions en cas d"absence (ce dont je ne suis pas convaincue puisque cette note a été déposée dans son casier et qu"il y a cueilli un chèque (pièce E-136) à une époque contemporaine), il demeure que ses supérieurs (Gérald Francoeur et Noël St-Amand) avaient reconduit, de vive voix, les restrictions contenues dans les notes de service (pièces E-19, E-22) et, par conséquent, Louis Desrochers était un homme averti.

[56]      Quant aux rencontres ratées, il importe de souligner, comme l"avait fait l"arbitre que l"employeur a convoqué le demandeur à six rencontres pour discuter avec lui. Le demandeur ne s"est présenté pour aucune d"elles. L"arbitre conclu à la page 38 de la décision:

     Je suis d"avis que c"est en pleine connaissance de cause qu"il a ignoré les lettres (pièces E-28, E-31, E-34, E-35, E-36, E-39) de l"employeur le sommant de se présenter au bureau du directeur et je pense que l"employeur a eu raison, le 17 juin 1994, de conclure que les omissions de Louis Desrochers depuis le 2 juin 1994 constituaient de l"inconduite et méritaient d"être sanctionnées.

[57]      L"arbitre a fait une analyse minutieuse et approfondie de la preuve présentée devant elle, pendant dix-sept jours d"audition, elle a choisi de croire l"employeur.

[58]      L"ampleur des témoignages des superviseurs à l"effet que le demandeur était un homme averti a convaincu l"arbitre de ce fait. Le demandeur n"a pas réussi à la convaincre autrement. Compte tenu des témoignages du psychologue Grenier et du demandeur qui a admis avoir apposé les dates de retour sur les certificats médicaux, la crédibilité du demandeur était entachée.

[59]      Vu qu"elle était le juge des faits et qu"elle avait la compétence de statuer sur la crédibilité des témoignages, et vu que les constatations de l"arbitre était basée sur les éléments de preuve présentés et qu"elles n"étaient pas manifestement déraisonnables, cette Cour n"interviendra pas.

DOCUMENTS MODIFIÉS

[60]      Le demandeur conteste la réception en preuve des documents modifiés (E-51A, E-75, E-76) et maintient que l"employeur ignorait qu"il existait un problème d"absentéisme. Cet argument est, à mon avis, non fondé puisque depuis le premier rapport d"évaluation, l"employeur note un problème d"absentéisme.

[61]      L"employeur a fourni le rapport annuel pour l"année fiscale 91-92, (E-51) et il a déposé ce même rapport indiquant dessus les jours de repos pour démontrer à l"arbitre le problème d"absentéisme du demandeur (E-51A). Pour l"année fiscale 92-93, l"employeur a simplement déposé le rapport annuel modifié ( E-75). Pour l"année fiscale 93-94, il a déposé le rapport annuel (E-19A) ainsi qu"un rapport modifié (E-76) indiquant les jours de repos, en plus des jours de congé.

[62]      L"employeur essayait de démontrer que les absences pour maladie du demandeur étaient souvent accolées à des fins de semaines ou jours de repos. D"ailleurs, l"employeur déposait le rapport original ainsi que le rapport modifié, exception faite pour l"année fiscale 92-93. C"était une façon de rencontrer son fardeau de preuve.

[63]      Les documents déposés devant l"arbitre n"étaient ni falsifiés, ni erronés. L"employeur ne tentait pas d"induire l"arbitre en erreur en signalant les jours de repos du demandeur. L"arbitre était au courant que le rapport était modifié, puisque le demandeur l"avait signalé.

[64]      Je ne suis pas convaincu que la décision d"admettre en preuve les documents en question soit déraisonnable.

2.      L"arbitre est-elle fondée en maintenant la sanction disciplinaire du demandeur, compte tenu des aveux?

[65]      Les deux causes soulevées par le demandeur (Lodba c. Conseil du trésor CRTFP 166-2-21819 ; Marette c. Conseil du trésor, CRTFP 166-2-19893) ont des situations factuelles assez différentes de la présente affaire.

[66]      Lodba était un agent de douane qui a omis de déclarer des marchandises achetées aux États-Unis. Par conséquent, il fut congédié. L"arbitre conclu que la mesure disciplinaire prise était excessive et a ordonné la réintégration, compte tenu également du dossier disciplinaire antérieur vierge de l"agent.

[67]      Marette avait tenu des propos injurieux envers son chef immédiat. Il se présenta peu de temps après au bureau de son chef immédiat pour s"excuser. Il mérita une suspension d"un jour qui fut annulée par l"arbitre, pour être remplacée par une réprimande écrite.

[68]      Dans le cas qui nous occupe, l"arbitre avait examiné la question d"absence de discipline progressive, mais a conclu qu"il n"était pas propice d"imposer une sanction moindre en l"espèce, vu le lourd dossier disciplinaire du demandeur.

[69]      L"arbitre ne pouvait ignorer le dossier disciplinaire du demandeur, d"autant plus qu"elle avait déjà siégé à un autre grief du demandeur. De plus, ce n"est qu"aux dernières heures d"une longue audience que le demandeur a fait ses aveux. Compte tenu des faits en l"instance, je ne pense pas qu"il était déraisonnable de conclure comme l"arbitre l"a fait.

3.      L"arbitre a"t-elle violé le droit à une audition pleine et entière du demandeur en refusant d"entendre la preuve du harcèlement que le demandeur a voulu présenter?

[70]      Dans l"arrêt McCormick, supra, le juge Muldoon a clairement rappelé:

     Le demandeur a également soutenu que l'arbitre n'a tenu aucun compte de l'effet qu'a produit sur lui ce qu'il a appelé un milieu de travail abusif. Il a prétendu que son superviseur, M. Baker, était la cause de ce milieu de travail abusif. La LRTFP n'habilite toutefois pas l'arbitre à se prononcer sur une allégation de harcèlement.

[71]      L"arbitre n"a pas violé le droit du demandeur en refusant d"entendre la preuve du harcèlement. Elle n"était pas habilitée à entendre une telle preuve. Le demandeur pouvait par contre attaquer la crédibilité de l"employeur et ainsi soutenir sa cause. Il n"était pas en mesure de le faire et en fin de compte, c"est bien sa propre crédibilité qui fut ébranlée.

4-      L"arbitre a-t-elle violé le droit à une audition pleine et entière du demandeur en refusant de suspendre les auditions pour permettre au demandeur de consulter des documents déposés par la défenderesse.

[72]      La présente affaire fut entendue les 26, 27, 28 juin 1996, les 14, 15, 16, 17 janvier 1997, les 8, 9, 10, 11 avril 1997, les 9, 10, 11, 12, 13 juin 1997 et les 4 et 5 novembre 1997.

[73]      Le demandeur indique que deux cent soixante-quinze pages lui ont été remis le 14 janvier 1997, le jour de l"audition, et six cent quatre-vingt-sept pages, le 2 avril 1997. Vu que l"audition a duré dix-sept jours sur une période qui dépasse un an, j"ai de la difficulté à accepter l"argument du demandeur suggérant la violation de son droit suite à la non suspension de l"audition. D"autant plus, que le demandeur n"a jamais démontré que l"un ou l"autre de ces documents renfermait une preuve susceptible d"influencer l"arbitre.

[74]      De plus, l"arbitre note à la page 30 de sa décision:

     Il est d"avis que l"employeur ne lui a pas transmis toute l"information demandée par voie d"une requête en vertu de la Loi sur l"accès à l"information, ce qui, à son avis, a pu le déstabiliser dans la préparation de la présente cause. Malgré cela, il reconnaît que, même s"il avait eu tous les "documents" (dont il ne précise pas la nature), cela n"aurait pas changé la nature de ses aveux durant le présent arbitrage.

[75]      La décision de l"arbitre de refuser la suspension n"était pas déraisonnable.

[76]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.     

    

LES DÉPENS

[77]      La défenderesse réclame les dépens sur la base avocat-client.

     La Règle 400(6) des Règles de la Cour fédérale (1998) précise:

(6) Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peu:

(c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client;

6) Notwithstanding any other provision of these Rules, the Court may

(c) award all or part of costs on a solicitor-and-client basis; or

[78]      Le juge Mahoney dans l'arrêt Amway Corp. c.La Reine, [1986] 2 C.T.C. 339, aux pages 340 et 341 (C.A.F.) a indiqué:

     Les frais entre le procureur et son client sont exceptionnels et ne doivent généralement être accordés qu'en raison d'une faute reliée au litige.

    

[79]      La Cour suprême dans l"arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3 a déclaré:

     Les dépens comme entre procureur et client ne sont généralement accordés que s'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d'une des parties.

[80]      Le demandeur, qui n"était pas représenté par avocat au moment de l"introduction de sa requête, a utilisé un langage pour le moins excessif, particulièrement à l"endroit du procureur de la défenderesse, Me Turgeon.

[81]      Je crois utile de rappeler que l"avocat du demandeur qui l"a représenté à l"audience, a fait un travail très professionnel et qu"il n"a, en aucun cas, relevé les accusations voilées à l"endroit du procureur, lesquelles faisaient déjà partie du dossier écrit.

[82]      Le demandeur était un agent de la paix, dûment assermenté, et il devait savoir la gravité de ses accusations, les portant même à l"attention du Premier ministre du Canada, et de deux ministres du Cabinet fédéral.

[83]      Ceci constitue une faute de la part du demandeur, dans les circonstances, que rien ne justifiait.


[84]      La suggestion du procureur de la défenderesse d"adjuger les dépens sur la base avocat-client sera rejetée, mais le demandeur devra payer les dépens sur la base du tarif B, colonne V.








                         Pierre Blais

                         Juge


OTTAWA, ONTARIO

Le 13 avril 2000

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