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Date : 20000913

Dossier : T-1587-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 13 SEPTEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

     SHELLEY E. CARROLL, TRACY PURCHASE,

     ROBERT ADSHADE, MICHEL BELLIVEAU,

     TRACY LEE DENINE, PAMELA MURCHISON,

     MARIELE ARSENAULT, DEBORAH A. TUPPER,

     GERALD VAN DE VIEL et DENNIS LAVIGNE

     demandeurs

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     SUZANNE SOMERS, COLIN AUSTIN, ALLISTER MACLELLAN,

     VICKI MONROE, JACK HANNAH, MAUREEN BELLER,

     PHILIPPE LECLERC, DERM KING, DAVID WIGHTMAN,

     RALPH POLCHES, GREGORY PYE, ERIKA PARLEE,

     BRUCE ASSELSTINE, JAMIE MCISAAC, MARLENE BROWN,

     et DAVID HARRISON

     défendeurs

     O R D O N N A N C E


     La décision du comité d'appel est annulée et la demande de contrôle judiciaire accueillie. L'affaire est renvoyée au comité d'appel pour qu'il statue de nouveau sur l'affaire.

     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.






Date : 20000913


Dossier : T-1587-99



ENTRE :

     SHELLEY E. CARROLL, TRACY PURCHASE,

     ROBERT ADSHADE, MICHEL BELLIVEAU,

     TRACY LEE DENINE, PAMELA MURCHISON,

     MARIELE ARSENAULT, DEBORAH A. TUPPER,

     GERALD VAN DE VIEL et DENNIS LAVIGNE

     demandeurs

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     SUZANNE SOMERS, COLIN AUSTIN, ALLISTER MACLELLAN,

     VICKI MONROE, JACK HANNAH, MAUREEN BELLER,

     PHILIPPE LECLERC, DERM KING, DAVID WIGHTMAN,

     RALPH POLCHES, GREGORY PYE, ERIKA PARLEE,

     BRUCE ASSELSTINE, JAMIE MCISAAC, MARLENE BROWN,

     et DAVID HARRISON

     défendeurs



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :


[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Mme Judith Giffin, présidente du comité d'appel de la Commission de la fonction publique, prononcée le 28 juillet 1999. La présidente, Mme Giffin, a fait droit en partie aux appels interjetés par les demandeurs, conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique1 (LEFP), contre les sélections effectuées pour la nomination au poste d'agent de correction CX-01, au sein du Service correctionnel du Canada (SCC) à Springhill, en Nouvelle-Écosse. La présente demande vise deux allégations qu'a rejetées la présidente du comité d'appel.

[2]          Les deux allégations qui ont été rejetées et qui font l'objet de la présente demande ont été formulées de la façon suivante par la présidente :

     [TRADUCTION]
     (1)      le comité de sélection n'a pas évalué tous les candidats par rapport à l'ensemble des fonctions correspondant au poste, en particulier par rapport aux aspects du poste qui touchent la sécurité;
     (2)      certaines qualités en matière de capacités et de connaissances correspondaient aux fonctions du poste d'agent de correction II et le ministère a essayé de simplifier les choses en n'utilisant qu'un seul type d'examen alors qu'en fait l'examen utilisé correspondait à un concours de CO-II [CX-02] et non à celui de CO-01 [CX-01].

[3]          Selon le paragraphe 21(1) de la LEFP2, le but de l'appel interjeté à l'égard de la décision d'un comité de sélection est de faire respecter le principe du mérite; le principe du mérite est l'élément essentiel du processus de sélection. La raison d'être d'un tel appel a été fort bien décrite par la Cour d'appel fédérale dans Charest c. Procureur général du Canada :3

La tenue d'un concours est un des moyens que prévoit la loi pour atteindre cet objectif de la sélection au mérite. Or, il est important de voir que c'est également dans le but d'assurer le respect du principe de la sélection au mérite que l'article 21 accorde un droit d'appel aux candidats qui n'ont pas été reçus à un concours. Lorsqu'un candidat malheureux exerce ce pouvoir, il n'attaque pas la décision qui l'a déclaré non qualifié, il appelle, comme le dit l'article 21, de la nomination qui a été faite ou qui est sur le point d'être faite en conséquence du concours. Si l'article 21 prévoit un droit d'appel, ce n'est donc pas pour protéger les droits de l'appelant, c'est pour empêcher qu'une nomination soit faite au mépris du principe de la sélection au mérite.4

[4]          Le demandeur soutient en premier lieu que, compte tenu de la similitude existant entre les normes de performance et de qualité exigées pour les postes CX-01 et CX-02, la présidente du comité d'appel a commis une erreur parce qu'elle n'a pas examiné si les candidats avaient bien été évalués en fonction du principe du mérite.

[5]          Le demandeur soutient que le comité d'appel ne pouvait être convaincu que les outils d'évaluation utilisés par le comité de sélection avaient permis d'évaluer correctement les candidats par rapport aux fonctions essentielles que doit exécuter un CX-01. Son avocat soutient que les éléments de preuve démontrent que le poste CX-01 est axé sur la sécurité et que cet agent n'est pas responsable de la gestion de cas des détenus, ni de fonctions reliées à la gestion des cas, fonctions qui relèvent d'un CX-02.

[6]          Par contre, les intimés soutiennent que la présidente était justifiée de conclure que les demandeurs n'avaient pas démontré que les qualités en matière de connaissances et de compétences correspondant au poste de CX-01 ne permettaient pas de procéder à une sélection fondée sur le mérite.

[7]          Les candidats au poste de CX-01 ont été évalués à l'aide des critères en matière de capacités et connaissances énoncées dans les normes de sélection.5 Ces normes comprennent la capacité de définir et d'analyser des problèmes, de communiquer, de motiver, d'influencer, de persuader et d'aider les clients et de planifier, d'organiser les tâches à effectuer et d'établir des priorités pour respecter les délais et obtenir les résultats demandés.

[8]          En fait, les mêmes connaissances, capacités et qualités sont exigées des titulaires des postes de CX-02. Cela ne veut toutefois pas dire que ces éléments ne sont pas applicables au poste de CX-01. Cela veut simplement dire que le SCC a adopté une politique cohérente en matière de sécurité et de gestion des contrevenants dans ses établissements.

[9]          Sur ce point, je suis d'accord avec les intimés. Il est possible que les CX-01 ne soient pas responsables des dossiers des détenus, ni de la planification de la gestion des cas, ni de l'évaluation des détenus, mais que parmi leurs tâches essentielles figurent notamment la participation, sous supervision, au processus de gestion des cas des contrevenants et la participation à l'équipe correctionnelle des unités; ils doivent également contribuer au développement et à la mise en oeuvre des programmes d'unité.

[10]          Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la présidente du comité d'appel n'a pas commis d'erreur en concluant que les qualités en matière de capacités et de connaissances établies pour le poste CX-01 permettent de procéder à une sélection fondée sur le mérite.

[11]          Les demandeurs soutiennent en outre que les candidats ont été mal évalués par le comité de sélection parce qu'il n'a pas été procédé à une évaluation comparative d'un aspect essentiel des fonctions du poste, à savoir, les connaissances et les compétences en matière de sécurité, et que, pour cette raison, le comité d'appel était tenu de conclure que les candidats n'avaient pas été évalués conformément à l'article 10 de la LEFP.6 L'avocat des demandeurs cite les arrêts Laberge (Procureur général) c. Canada7 et Tiefenbrunner c. Canada (Procureur général)8 pour appuyer cette affirmation.

[12]          Les intimés soutiennent que l'avis de concours et l'énoncé de qualités indiquaient que les candidats feraient l'objet d'un examen par rapport au critère essentiel de la sécurité dans un programme de formation distinct et non pas par le comité de sélection. C'est au cours du Programme de formation correctionnelle que les candidats devaient faire l'objet d'une évaluation rigoureuse de leurs connaissances en matière de sécurité et démontrer qu'ils possédaient les connaissances requises en matière de sécurité.

[13]          L'avocat soutient que la présidente n'a pas commis d'erreur en concluant que les candidats au poste d'agent de correction 1 avaient fait l'objet d'une évaluation par rapport aux normes de sécurité essentielles correspondant à ce poste.

[14]          Je ne peux retenir cet argument. L'avis de concours et l'énoncé de qualités indiquent que les candidats seront évalués pour ce qui est d'un aspect essentiel des fonctions du poste, savoir les connaissances et les compétences en matière de sécurité, par le biais d'un programme de formation correctionnelle. Les candidats étaient tenus de suivre le PFC pour être nommés à un poste de CX-01 mais ils pouvaient être inscrits sur la liste d'admissibilité sans avoir suivi ce programme; ils devaient toutefois réussir ce cours de formation avant de pouvoir recevoir une offre. Les connaissances et les compétences des candidats en matière de sécurité, un aspect essentiel du poste, ont été évaluées individuellement au cours du programme de formation sur la base réussite-échec, ce qui ne permet pas de comparer les qualités des candidats. J'estime que le comité d'appel a commis une erreur de droit en ne s'assurant pas que la méthode de sélection permettait de procéder à une évaluation comparative du mérite des candidats, en fonction des qualités exigées pour le poste.

[15]          Compte tenu de cela, il est utile de citer un passage de la décision de la présidente du comité d'appel qui concerne la question du critère de la sécurité dans laquelle elle déclare :

[...] les candidats ont été évalués sur leur connaissance des sujets suivants : « comportement criminel et techniques d'intervention » et « Politiques et procédures en matière de sécurité » - ce dernier sujet essentiel étant évalué sur la base réussite-échec - et sur leur capacité de « Définir et analyser les problèmes et les situations d'urgence, déterminer les options, recommander ou mettre en oeuvre des solutions » et de « Appliquer les connaissances de base en matière de sécurité et utiliser l'équipement de sécurité, notamment les armes à feu » . De plus, les candidats ont été évalués sur leurs qualités personnelles, notamment celles dont ils ont fait preuve dans leur travail - « Relations interpersonnelles, fiabilité, initiative, rapidité de réaction et souplesse » - qualités personnelles qui indiquent au comité la façon dont les candidats répondent aux exigences du poste en matière de sécurité. [Nos soulignés].9

[16]          La présidente semble en être arrivée à la conclusion que les candidats avaient été évalués par le comité de sélection selon les connaissances, les compétences et les capacités associées aux aspects du poste de CX-01 en matière de sécurité. Cependant, les documents du Ministère indiquent que la partie B de l'examen (capacités et compétences) n'était pas conçue pour évaluer le niveau des candidats par rapport aux exigences essentielles du poste d'agent de correction 01 en matière de sécurité.10

[17]          Comme dans l'affaire Tiefenbrunner,11 compte tenu des fonctions et de l'énoncé de qualités correspondant au poste, le comité de sélection était tenu de procéder à une évaluation comparative du mérite des candidats concernant un élément essentiel du poste.

[18]          Pour ce seul motif, la décision du comité d'appel est annulée et la demande de contrôle judiciaire acceptée. L'affaire est renvoyée au comité d'appel pour qu'il statue de nouveau sur l'affaire.



     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 13 septembre 2000


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DE GREFFE :                  T-1587-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          SHELLEY E. CARROLL ET AUTRES c. PROCUREURS GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRES
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 6 septembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

PRONONCÉS PAR                  MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER
EN DATE DU                  13 septembre 2000

ONT COMPARU :

Andrew Raven                  pour les demandeurs
J. Sanderson Graham                  pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron et Ballantyne          pour les demandeurs

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                  pour les défendeurs
__________________

1      L.R.C. (1985), ch. P-33.

2      21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

3      [1973] C.F. 1217 (C.A.F).

4      Ibid., p. 1221.

5      Voir les Normes de sélection pour les agents de correction I et II, Dossier des demandeurs, vol. I, p. 203.

6      10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.
         (2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

7      [1988] 2 C.F. 137 (C.A.F.).

8      (10 novembre 1992) A-915-91 (C.A.F.).

9      Dossier de demande des demandeurs, vol. 1, p. 96.

10      Voir Mémoire du Ministère, décision, dossier des demandeurs, vol. I, p. 66 et 75.

11      Précité, note 8.

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