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Date : 20040830

Dossier : IMM-6648-03

Référence : 2004 CF 1182

Toronto (Ontario), le 30 août 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

                                                          TAMAS BOLDIZSAR et

ANGELA BOLDIZSARNE

(alias Angela Boldizsarne Bodi)

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Tamas Boldizsar et Angela Boldizsarne sont des citoyens de la Hongrie qui prétendent avoir une crainte fondée de persécution dans leur pays en raison des origines ethniques romes de M. Boldizsar. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté leurs demandes d'asile au motif que le Commissaire a conclu que M. et Mme Boldizsar n'avaient pas fourni d'éléments de preuve crédibles au soutien de leurs demandes. La Commission a également conclu que les demandeurs n'avaient pas réussi à réfuter la présomption qu'ils pourraient se prévaloir de la protection de l'État en Hongrie.

[2]                M. et Mme Boldizsar cherchent maintenant à faire annuler la décision de la Commission, affirmant qu'un certain nombre des conclusions de la Commission sur la crédibilité étaient manifestement déraisonnables. Ils allèguent de plus que la Commission a commis une erreur dans son appréciation de la question de savoir si le couple pouvait se prévaloir de la protection de l'État parce qu'elle a fait un usage sélectif de renseignements sur la situation dans le pays et qu'elle a fait une analyse erronée de la question.

Les allégations de M. et Mme Boldizsar

[3]                Mme Boldizsarne n'a pas témoigné à l'audience. M. Boldizsar a décrit plusieurs agressions qu'il dit s'être produites au cours d'une période s'étendant sur plusieurs années. Dans chaque cas, M. Boldizsar dit qu'il a été attaqué par un groupe de skinheads ou d'individus motivés par le racisme en raison de ses origines ethniques romes. À une occasion, l'épouse de M. Boldizsar a également été agressée, prétendument en raison de sa relation avec le demandeur.


[4]                Selon le témoignage de M. Boldizsar, il a subi de la discrimination dans le système d'éducation et dans ses emplois en Hongrie en raison de sa race. Alors qu'il fréquentait encore l'école secondaire, M. Boldizsar dit qu'il a été agressé par un gang du nom de Kucsi, dont des membres lui ont infligé une coupure à la main et lui ont conseillé de quitter cette école. M. Boldizsar n'a pas rapporté cette agression à son professeur ni à la police.

[5]                M. Boldizsar dit qu'en juin 1994, alors qu'il sortait d'un bar avec un ami et qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui, il a été battu par des membres d'un groupe de skinheads du nom de Kratosz. M. Boldizsar dit qu'il a rapporté l'agression à la police, mais on lui a dit que, comme il était Rom, il ne pouvait guère espérer recevoir de l'aide.

[6]                M. et Mme Boldizsar se sont mariés en 1999. Selon M. Boldizsar, la famille de Mme Boldizsarne avait de la difficulté à accepter qu'elle ait choisi d'épouser un Rom. Le couple ne pouvait guère se montrer en public. En 1998, avant leur mariage, M. et Mme Boldizsar étaient sortis ensemble pour la soirée lorsqu'ils ont été agressés par des membres du gang des Kratosz. M. Boldizsar dit qu'il a été battu et qu'ils ont tenté de violer Mme Boldizsarne.

[7]                En octobre 2000, M. Boldizsar s'est arrêté à un poste d'essence. Alors qu'il était en train de payer à l'intérieur, un groupe de skinheads a mis le feu à son auto. Ce dernier événement a incité le couple à fuir la Hongrie, ce qu'ils ont fait en février 2001 lorsqu'ils sont venus au Canada et ont demandé l'asile.


La décision de la Commission

[8]                Dans une décision longue et détaillée, la Commission a conclu qu'en grande partie, le témoignage de M. Boldizsar n'était pas crédible; elle a fondé sa décision, en partie, sur des incompatibilités entre les FRP du couple et le témoignage de vive voix de M Boldizsar. Le Commissaire a également conclu que certains aspects du récit de M. Boldizsar n'étaient pas plausibles. Par conséquent, la Commission a conclu que les agressions prétendument commises par des skinheads ne s'étaient tout simplement pas produites.

[9]                Selon la Commission, la prétention du couple a été d'autant plus minée par le fait que M. Boldizsar a fait un certain nombre de voyages dans d'autres pays européens. Même si ces voyages se sont produits au cours de la période pendant laquelle M. Boldizsar avait prétendument été agressé par des skinheads, il n'a pas cherché à obtenir l'asile dans l'un ou l'autre de ces pays.

[10]            La Commission a remarqué que le couple n'avait produit aucun document au soutien de sa demande préalablement à l'audience. Lorsqu'on l'a interrogé sur cette question à l'audience, M. Boldizsar a dit qu'il pourrait obtenir des copies de rapports de police ou de certificats médicaux si la Commission les voulait et le Commissaire a accordé au couple un délai additionnel pour déposer ces rapports une fois l'audience terminée. Ces rapports n'ont jamais été fournis à la Commission.

[11]            La Commission a également rejeté le témoignage de M. Boldizsar concernant ses tentatives d'obtenir la protection de l'État. La Commission a constaté des incompatibilités dans la preuve du demandeur relativement à ses efforts pour obtenir l'aide de la police après les agressions. La Commission a également rejeté pour cause d'invraisemblance la prétention de M. Boldizsar selon laquelle il avait tenté d'obtenir l'aide de l'instance nationale d'autonomie gouvernementale rome, et qu'une secrétaire dans le bureau local de l'organisme lui avait dit qu'il serait préférable pour lui de tout laisser tomber et de s'en aller à l'étranger.

[12]            Enfin, la Commission a étudié la preuve relative à la situation dans le pays et a conclu que les autorités hongroises faisaient des efforts importants pour protéger les citoyens roms. Par conséquent, la Commission a conclu que M. et Mme Boldizsar n'avaient pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle un État est en mesure de protéger ses citoyens.

Questions en litige

[13]            Les demandeurs soulèvent deux questions dans la présente demande :               

1.          Les conclusions de la Commission sur la crédibilité sont-elles manifestement déraisonnables; et

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa façon d'aborder la question de la protection de l'État.


Les conclusions sur la crédibilité de la Commission sont-elles manifestement déraisonnables?

[14]            La Commission de l'immigration et du statut de réfugié possède une expertise bien établie dans la détermination de questions de fait, y compris l'appréciation de la crédibilité des demandeurs d'asile. En effet, de telles décisions sont au coeur même de la compétence de la Commission. En tant que juge des faits, il est loisible à la Commission de tirer des conclusions raisonnables concernant la crédibilité du récit d'un demandeur, en se fondant sur les invraisemblances, le bon sens et la raison. Par conséquent, pour que la Cour annule une conclusion de fait tirée par la Commission, il doit être démontré qu'une telle conclusion est manifestement déraisonnable : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 40, et Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

[15]            Le défendeur convient du fait que la Commission a commis une erreur en concluant que l'affirmation attribuée à M. Boldizsar que la police a ouvertement admis être corrompue était invraisemblable. Un examen de la transcription révèle qu'en réalité, M. Boldizsar a affirmé que la police avait simplement dit qu'elle ne l'aiderait pas. C'est M. Boldizsar qui a formulé l'opinion qu'il en était ainsi parce que les policiers étaient corrompus. M. Boldizsar n'a pas dit que les policiers avaient eux-mêmes dit qu'ils étaient corrompus.


[16]            Je suis également convaincue que le raisonnement de la Commission relativement à l'obligation de chercher à obtenir l'aide de la police a, en quelque sorte, créé une situation sans issue pour M. Boldizsar. La Commission a conclu qu'il était invraisemblable que M. Boldizsar continue à tenter d'obtenir l'aide de la police puisque son expérience dans le passé l'avait porté à croire qu'il n'obtiendrait pas d'aide. Dans le même paragraphe, la Commission a conclu qu'il était également invraisemblable que M. Boldizsar ne cherche pas à obtenir la protection de la police alors qu'il avait prétendument été passé à tabac.

[17]            J'ai étudié les éléments de preuve se rapportant aux autres conclusions contestées sur la crédibilité. Le témoignage de M. Boldizsar portait souvent à confusion, et, à certains moments, il paraissait se contredire. Dans les circonstances, bien que mes conclusions auraient peut-être été différentes de celles de la Commission sur certaines questions, je ne peux dire que l'une ou l'autre des autres conclusions de la Commission sur la crédibilité était manifestement déraisonnable.

[18]            La question est donc de savoir si les deux erreurs que j'ai relevées dans les conclusions de la Commission sur la vraisemblance avaient suffisamment d'importance dans l'analyse de la Commission pour justifier l'annulation de sa décision. Je suis d'avis que les erreurs n'étaient pas suffisamment importantes et, par conséquent, que la décision de la Commission devrait être maintenue.


[19]            Il y avait un certain nombre d'autres raisons pour lesquelles la Commission a choisi de ne pas prêter foi aux dires de M. Boldizsar, y compris les invraisemblances dans son récit. À titre d'exemple, en rapportant l'agression de 1998 dans son FRP, M. Boldizsar a dit qu'il aurait été inutile pour lui de faire appel à la police. Dans son témoignage de vive voix, toutefois, il a insisté pour dire qu'il avait effectivement demandé l'aide de la police, mais que cette dernière n'avait rien fait pour l'aider parce qu'il était Rom.

[20]            La Commission a aussi clairement été influencée par le fait qu'au cours de la période pendant laquelle M. Boldizsar prétend avoir été régulièrement agressé par des skinheads, il a voyagé en Roumanie, en Autriche et en Yougoslavie sans demander l'asile dans l'un ou l'autre de ces pays. (En fait, même si ce n'est pas mentionné dans la décision de la Commission, la transcription révèle que M. Boldizsar s'est également rendu en Allemagne et en Lithuanie au cours de la même période, encore une fois sans avoir cherché à obtenir l'asile dans l'un ou l'autre de ces pays.) Comme l'a remarqué la Commission, M. Boldizsar n'a mentionné aucun de ces voyages dans son FRP, et il n'a pas fourni d'explication satisfaisante pour son omission de les mentionner.

[21]            La Commission avait également des doutes concernant la crédibilité de M. Boldizsar à la lumière du fait qu'aucun rapport de police ou certificat médical n'a été produit pour confirmer son récit. Ces doutes ont évidemment pris de l'ampleur lorsque aucun de ces documents n'a été produit après l'audience, malgré l'engagement de M. Boldizsar à les fournir à la Commission.

[22]            Par conséquent, je suis convaincue que la conclusion de la Commission selon laquelle M. et Mme Boldizsar avaient omis de fournir suffisamment d'éléments de preuve crédibles au soutien de leurs demandes devrait être maintenue. Vu cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de la protection de l'État.

Certification

[23]            Ni l'une ni l'autre des parties n'a soulevé de question pour certification et aucune question ne ressort du présent dossier.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                                  « A. Mactavish »          

                                                                                                                                                     Juge                  

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6648-03

INTITULÉ :                                                    TAMAS BOLDIZSAR et

ANGELA BOLDIZSARNE,

(alias Angela Boldizsarne Bodi)

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 25 AOÛT 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                   LE 30 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Lisa R. G. Winter-Card                                     POUR LES DEMANDEURS

Alexis Singer                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lisa R. G. Winter-Card                                     POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


COUR FÉDÉRALE

                                                          Date : 20040830

                                             Dossier : IMM-6648-03

ENTRE :

TAMAS BOLDIZSAR et,

ANGELA BOLDIZSARNE

(alias Angela Boldizsarne Bodi)

                                                                 demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                     défendeur

                                                                                                                               

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                                                              


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