Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20201211


Dossier : IMM‑5952‑19

Référence : 2020 CF 1139

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 11 décembre 2020

En présence de monsieur le juge A.D. Little

ENTRE :

FLORENCE MODUPE IFOGAH

BENJAMIN IFOGAH

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs, des citoyens nigérians, ont demandé la protection du Canada aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

[2]  Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, ils demandent à la Cour d’infirmer la décision du 12 avril 2019 par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a confirmé la décision du 18 novembre 2018 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) leur a refusé une protection au titre de la LIPR.

[3]  La SAR et la SPR ont toutes deux conclu, en s’appuyant sur le statut de résidents permanents des demandeurs en Afrique du Sud, qu’ils ne pouvaient se voir reconnaître la qualité de réfugié en raison de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 189 UNTS 137 (la Convention) et de l’article 98 de la LIPR.

[4]  La présente demande pose la question de savoir si la décision de la SAR était raisonnable. Elle vise en particulier la conclusion de la SAR portant que les demandeurs ne pouvaient introduire de nouveaux éléments de preuve aux fins de l’appel dont elle était saisie.

[5]  À mon avis, la décision de la SAR était raisonnable. Cette dernière a traité la nouvelle preuve proposée conformément à la LIPR et à la jurisprudence établie. Par conséquent, la présente demande sera rejetée.

I.  Événements à l’origine de la présente demande

A.  La décision de la SPR

[6]  Les demandeurs ont présenté une demande d’asile au Canada aux termes des art 96 et 97(1) de la LIPR. La SPR a rejeté leur demande et conclu qu’ils n’étaient pas des réfugiés du Nigéria, leur pays natal, ni de l’Afrique du Sud, où ils étaient résidents permanents.

[7]  Mme Ifogah était la principale demanderesse devant la SPR. S’agissant du Nigéria, la SPR a considéré la preuve établissant que Mme Ifogah avait été victime d’un enlèvement contre rançon ciblé ou aléatoire et examiné aussi le risque général associé à la criminalité dans ce pays. La SPR a déterminé que les actes de criminalité, comme les enlèvements, ne donnaient pas droit au statut de réfugié au titre de l’article 96, si bien que la demande d’asile a été évaluée exclusivement au titre de l’art 97(1).

[8]  La SPR a conclu que les demandeurs n’étaient pas personnellement exposés à un risque de préjudice au sens de l’art 97(1) de la LIPR. S’agissant de l’Afrique du Sud, elle a conclu qu’ils n’avaient pas prouvé le bien‑fondé de leur demande d’asile basée sur la xénophobie dont ils avaient été victimes en tant que Nigérians ou sur les taux élevés de criminalité.

[9]  À l’audience devant la SPR, les demandeurs ont déclaré qu’ils avaient le statut de résidents permanents en Afrique du Sud. La SPR a estimé qu’ils étaient résidents permanents dans ce pays et qu’ils n’y seraient pas exposés à une possibilité sérieuse de persécution au sens de l’article 96 ni à un risque de préjudice au sens de l’article 97 de la LIPR. Elle a conclu qu’ils pourraient se prévaloir de la protection de l’Afrique du Sud si nécessaire.

[10]  Ayant conclu que les demandeurs étaient résidents permanents de l’Afrique du Sud, la SPR a estimé qu’ils n’étaient pas des réfugiés aux termes de la section E de l’article premier de la Convention. Cette disposition est ainsi libellée :

Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

[11]  Comme elle a estimé que cette disposition s’appliquait aux demandeurs, la SPR a conclu qu’ils n’étaient ni des réfugiés ni des personnes à protéger aux termes de l’article 98 de la LIPR, suivant lequel la personne visée à la section E de l’article premier « ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger ».

B.  La décision de la SAR

[12]  Les demandeurs ont interjeté appel devant la SAR et ont aussi sollicité l’autorisation de présenter de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de l’appel aux termes de l’art 110(4) de la LIPR.

[13]  Dans sa décision, la SAR a tout d’abord noté que les demandeurs n’avaient pas contesté la conclusion de la SPR portant qu’ils étaient exclus au titre de la section E de l’article premier ni allégué que la SPR avait commis une erreur dans son analyse de l’exclusion. Ils ont plutôt présenté en appel des observations sur le risque de préjudice auquel ils seraient exposés au Nigéria.

[14]  La SAR a conclu que la question déterminante soulevée en appel était de savoir si la SPR avait eu tort de conclure que les demandeurs étaient exclus au titre de la section E de l’article premier. Ayant déclaré qu’elle avait examiné la preuve de manière indépendante et qu’elle était d’accord avec la SPR, la SAR a estimé que cette dernière n’avait pas commis d’erreur dans son analyse relative à la section E de l’article premier ni lorsqu’elle a conclu que les demandeurs ne pouvaient se voir reconnaître la qualité de réfugié au Canada. La SAR a donc confirmé la décision de la SPR portant que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger au titre de la LIPR.

[15]  Les demandeurs ont sollicité l’admission de quatre documents à titre de nouvelle preuve dans le cadre de l’appel. La SAR a déclaré que les nouveaux éléments de preuve devaient remplir les exigences de l’art 110(4) et satisfaire aussi aux facteurs énoncés dans Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, [Raza], et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, [Singh].

[16]  S’agissant de la nouvelle preuve proposée, la SAR a conclu que les trois premiers documents n’étaient pas admissibles parce qu’ils n’étaient pas pertinents aux fins de l’appel. L’affidavit supplémentaire présenté par Mme Ifogah, l’extrait d’un journal de la police et le rapport d’information concernaient tous des enlèvements et les prétendus risques de préjudice au Nigéria. La SAR a conclu que ces documents n’étaient pas pertinents parce qu’ils étaient sans lien avec la question déterminante en appel qui était de savoir si la SPR avait commis une erreur dans son analyse sur l’exclusion (question qui renvoyait au statut de résidents permanents des demandeurs en Afrique du Sud). La SAR n’a pas admis les trois premiers documents en preuve.

[17]  Le quatrième document était un affidavit de Mme Ifogah établi sous serment en 2017, avant l’audience de la SPR. Il relatait l’enlèvement de la nièce de M. Ifogah de sa maison familiale en Afrique du Sud. La SPR a estimé que l’explication des demandeurs quant à la raison pour laquelle l’affidavit de 2017 n’était pas normalement accessible au moment de l’audience n’était pas suffisante. La SAR a reconnu leur observation portant que la nouvelle preuve était essentielle pour la prise de la décision relative à leur demande d’asile, précisé qu’il leur incombait d’établir l’admissibilité de la nouvelle preuve et que celle admise en appel aux termes de l’art 110(4) de la LIPR n’offrait pas l’occasion de compléter un dossier lacunaire soumis à la SPR. La SAR a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de leur fardeau de démontrer que l’affidavit de 2017 était admissible en preuve dans le cadre de l’appel.

[18]  Dans son analyse, la SAR a affirmé que les deux demandeurs « ont déclaré à la SPR qu’ils ont un statut de résident permanent valide en Afrique du Sud ». Les demandeurs avaient « affirmé que ce statut n’a pas besoin d’être renouvelé et qu’ils n’étaient au courant d’aucune façon qu’il serait révoqué », une note de bas de page renvoyant au témoignage fourni durant l’audience de la SPR. La SAR a noté que les demandeurs n’avaient pas contesté la conclusion de la SPR portant que leur statut de résident permanent leur accordait essentiellement les mêmes droits que ceux des citoyens d’Afrique du Sud. La SAR a conclu qu’ils n’avaient présenté aucun argument faisant état d’une erreur dans l’analyse de la SPR concernant les risques auxquels ils étaient prétendument exposés en Afrique du Sud et donc, qu’ils s’étaient vu refuser à juste titre la qualité de réfugié au titre de la LIPR, vu leur statut de résident permanent dans ce pays.

[19]  La SAR a donc rejeté l’appel des demandeurs.

C.  Demande devant notre Cour

[20]  Les demandeurs demandent à présent à notre Cour d’infirmer la décision de la SAR aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7.

[21]  Ils font valoir essentiellement qu’une partie de l’exposé circonstancié étayant leur demande d’asile au titre de la LIPR n’a été fournie ni à la SPR ni à la SAR et que leur ancien avocat leur avait dit que les faits liés à l’Afrique du Sud étaient dépourvus de pertinence au regard de leur demande d’asile soumise à la SPR. Représentés par un autre avocat devant la SAR, ils ont sollicité l’admission de la nouvelle preuve concernant l’Afrique du Sud. Ils affirment par ailleurs que la SAR aurait dû trancher leur demande sur le fond elle aurait dû se demander s’ils étaient des personnes à protéger et passer ensuite à l’analyse et à l’évaluation de la nouvelle preuve dans ce contexte. Comme cette preuve n’a pas été analysée, la décision de la SAR était déraisonnable.

[22]  Les demandeurs ont également fait valoir qu’ils ont perdu leur statut de résident permanent en Afrique du Sud aux termes de la loi sud‑africaine applicable, parce qu’ils n’ont pas vécu dans ce pays pendant plus de trois ans.

[23]  Les demandeurs ont déposé des éléments de preuve additionnels dans le cadre de la présente demande. Je me pencherai d’abord sur la question de savoir si cette preuve est admissible.

II.  Question préliminaire : Admissibilité de la nouvelle preuve soumise à la Cour

[24]  Les demandeurs ont mentionné deux affidavits additionnels en l’espèce. Ils ont déposé le premier avec leur demande d’autorisation au titre de l’article 72 de la LIPR, puis le second juste avant l’instruction de la présente demande. Les deux affidavits ont été mentionnés durant les plaidoiries.

[25]  Dans le premier affidavit daté de novembre 2019, Mme Ifogah décrit son arrivée au Canada le 21 septembre 2017 en provenance du Nigéria, après avoir été relâchée avec ses enfants par des ravisseurs. Elle a été hospitalisée en raison des mauvais traitements et de la torture que ces derniers lui ont fait subir au Nigéria. Elle était également enceinte à l’époque et sa grossesse connaissait des complications.

[26]  Peu après leur arrivée au Canada, les demandeurs ont rencontré un avocat. Une première rencontre a été organisée pour recueillir les faits. Lors d’une rencontre subséquente organisée pour signer les documents de leur demande d’asile, Mme Ifogah a réalisé qu’une partie de son exposé circonstancié se rapportant à leur période de résidence en Afrique du Sud ne figurait pas dans son formulaire Fondement de la demande d’asile. Elle a déclaré dans son affidavit que l’avocat l’a informée que sa [traduction« résidence en Afrique du Sud n’avait rien à voir avec [sa] demande d’asile ».

[27]  Dans ce premier affidavit, Mme Ifogah a également :

  • décrit comment les demandeurs avaient assisté par vidéoconférence à l’audience de la SPR, avec leurs jeunes enfants et sans leur avocat;

  • indiqué que la belle‑sœur de M. Ifogah a été enlevée au Nigéria à la fin 2018 et qu’elle avait été informée, apparemment par M. Ifogah, qu’il existait un lien entre les deux enlèvements qui auraient été orchestrés par la secte Omi Erigah;

  • déclaré durant son témoignage qu’elle [traduction« craignai[t] de retourner au Nigéria et [n’avait] plus la résidence sud‑africaine ». Cependant, elle n’a fourni ni document à l’appui, ni renseignement additionnel, ni fondement juridique pour étayer sa déclaration concernant la résidence.

[28]  Le second affidavit mentionné durant les plaidoiries était daté du 17 septembre 2020. Il est succinct. Mme Ifogah y expose des renseignements contextuels pour situer la présente demande et explique ce qu’elle demande à la Cour de faire. Elle déclare également savoir [traduction« pertinemment qu’une absence de trois ans d’Afrique du Sud entraîne la perte de la résidence permanente ».

[29]  S’agissant de l’admissibilité de la nouvelle preuve dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, la règle générale veut que le dossier de preuve dont dispose le tribunal de révision se limite à celui qui avait été présenté au décideur administratif. La preuve n’ayant pas été soumise à ce dernier et qui concerne le fond de l’affaire n’est pas admissible dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire devant notre Cour : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, [Association des universités] au para 19; Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, [Delios] au para 42; Love c Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2015 CAF 198, au para 17; Brink’s Canada Limitée c Unifor, 2020 CAF 56, au para 13; Colombie‑Britannique (Procureur général) c Provincial Court Judges’ Association of British Columbia, 2020 CSC 20, au para 52.

[30]  Il existe des exceptions à la règle générale que le juge d’appel Stratas a décrites dans l’arrêt Association des universités, au paragraphe 20. Il s’agit de situations dans lesquelles l’admission de la nouvelle preuve par la Cour, en plus d’appuyer en général la fonction de surveillance de la cour de révision, concorde avec le rôle différent joué par la juridiction de révision et par le tribunal administratif. Le rôle du décideur administratif est de déterminer les faits, d’établir le droit applicable, de considérer les questions d’orientations générales, d’appliquer le droit et les orientations générales aux faits qu’il a constatés, de tirer des conclusions puis d’envisager des mesures de réparation (le cas échéant). Lors du contrôle judiciaire, la Cour remplit un rôle de surveillance en déterminant le caractère raisonnable de cette décision.

[31]  Les exceptions décrites par le juge d’appel Stratas dans l’arrêt Association des universités étaient les suivantes : i) l’affidavit qui contient des informations générales susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire; ii) l’affidavit qui est nécessaire pour porter à l’attention de la juridiction de révision les vices de procédure que l’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve du tribunal administratif, ce qui permet ainsi à la juridiction de révision de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale; et iii) l’affidavit qui fait ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le tribunal administratif lorsqu’il a tiré une conclusion particulière. Il pourrait y avoir d’autres exceptions, la liste n’étant pas close : Association des universités, au para 20.

[32]  Bien que les demandeurs n’aient pas formellement sollicité l’admission de la nouvelle preuve en l’espèce, certains aspects des deux affidavits sont à mon avis admissibles. Le contenu admissible décrit le contexte et fournit des renseignements permettant de situer la demande de contrôle judiciaire. Cependant, les affidavits concernant la résidence en Afrique du Sud et l’enlèvement ultérieur au Nigéria ne relèvent pas des exceptions énoncées dans l’arrêt Association des universités et ne sont pas admissibles. Ces éléments de preuve ne sont pas des renseignements contextuels, aucune allégation d’iniquité procédurale n’a été soulevée en l’espèce et il n’est pas non plus allégué que la SAR ou que la SPR a tiré des conclusions en l’absence totale de preuve. Cette preuve concerne plutôt le fond des demandes d’asile présentées par les demandeurs aux termes de la LIPR.

[33]  En particulier, la preuve contenue dans ces deux affidavits se rapporte à la perte par les demandeurs de la résidence ou du statut de résident permanent en Afrique du Sud. Le second affidavit précise que Mme Ifogah n’a [traduction« plus la résidence sud‑africaine ». Bien que cette déclaration puisse (à première vue) se référer à l’endroit où elle vit actuellement, ce n’est pas là son objet. Cette déclaration vise à énoncer son statut juridique ‑ à savoir qu’elle n’est plus résidente permanente en Afrique du Sud. Ainsi, ces éléments ne font pas que mettre à jour la preuve des demandeurs eu égard au passage du temps (c.‑à‑d. qu’ils ont perdu leur statut de résident permanent parce qu’ils n’ont pas vécu en Afrique du Sud pendant trois ans). Le témoignage de Mme Ifogah aborde plutôt le bien‑fondé des conclusions de la SPR et de la SAR quant à l’exclusion des demandeurs au titre de la section E de l’article premier de la Convention et de l’article 98 de la LIPR, et contredit directement celui que les deux demandeurs avaient fourni à l’audience de la SPR, comme cela est résumé au paragraphe 10 de la décision de la SAR. La règle générale énoncée dans l’arrêt Association des universités trouve à s’appliquer et la preuve ne relève d’aucune des exceptions. Voir également le raisonnement tenu dans l’arrêt Delios, aux paragraphes 49‑52. Par conséquent, je conclus que cet élément de preuve n’est pas admissible en l’espèce.

[34]  Je me tournerai à présent vers le fond de la demande.

III.  La norme de contrôle

[35]  La norme de contrôle en l’espèce est celle du caractère raisonnable, conformément à la décision récente de la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La norme du caractère raisonnable est celle qui est présumée s’appliquer au contrôle judiciaire des décisions administratives. Cette présomption vise tous les aspects de la décision : Vavilov, aux para 16, 23 et 25. Elle peut être réfutée par l’intention du législateur, ou si la règle de droit exige une norme différente : Vavilov, aux para 17, 23 et 69. La présomption n’est pas réfutée en l’espèce.

[36]  Au moment de contrôler une décision selon la norme du caractère raisonnable, la Cour doit considérer l’issue de la décision administrative à la lumière du raisonnement qui la sous‑tend, afin de s’assurer qu’elle est globalement transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, au para 15. Le contrôle selon cette norme est axé sur la décision rendue par le décideur, y compris le raisonnement (c.‑à‑d. la logique) ayant abouti à la décision et à l’issue : Vavilov, aux para 83 et 86; Delta Air Lines Inc. c Lukács, 2018 CSC 2, [2018] 1 RCS 6, au para 12. Les motifs fournis par le décideur sont le point de départ : Vavilov, au para 84.

[37]  Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme du caractère raisonnable, la Cour se demande « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » : Vavilov, au para 99. Pour intervenir, la cour de révision doit être convaincue que la décision « souffre de lacunes graves » à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision ni représenter une « erreur mineure ». Le problème doit être suffisamment capital ou important pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov, au para 100.

[38]  La Cour saisie d’une demande de contrôle judiciaire ne se demande pas comment elle aurait résolu un problème relatif à la preuve, pas plus qu’elle n’évalue ou pondère à nouveau la preuve : Vavilov, aux para 75, 83 et 125‑126.

[39]  C’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que la décision est déraisonnable : Vavilov, aux para 75 et 100.

IV.  Analyse

[40]  Comme je l’ai déjà résumé, les demandeurs font valoir que la SAR a commis une erreur parce qu’elle n’a ni évalué ni analysé la nouvelle preuve concernant leur situation en Afrique du Sud. Ils demandent à la Cour d’infirmer la décision de la SAR et de la lui renvoyer de manière à ce que leur demande d’asile puisse être convenablement et exhaustivement évaluée sur le fond.

[41]  Le défendeur a avancé deux arguments. Premièrement, il soutient que la SAR n’a pas eu tort de refuser d’admettre la nouvelle preuve. Deuxièmement, il ajoute que la SAR a convenablement analysé la question de savoir si les demandeurs étaient exclus aux termes de la section E de l’article premier de la Convention avant de conclure qu’ils n’étaient donc ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger aux termes de l’article 98 de la LIPR. Les demandeurs ne contestent pas cette conclusion devant notre Cour et donc, de soutenir le défendeur, la demande devrait être rejetée.

[42]  Comme je l’explique plus loin, je suis généralement en accord avec le défendeur. À mon avis, les demandeurs n’ont pas démontré que la décision de la SAR était déraisonnable suivant les principes de l’arrêt Vavilov. Quatre motifs principaux fondent cette conclusion.

[43]  Premièrement, je ne relève aucune erreur juridique dans la décision de la SAR de ne pas admettre la nouvelle preuve proposée. Pour qu’elle le soit, cette preuve doit remplir les conditions expressément prévues à l’art 110(4) de la LIPR et satisfaire aussi aux facteurs de l’arrêt Raza de la crédibilité, de la pertinence, de la nouveauté et du caractère substantiel (ce dernier critère étant légèrement adapté à la SAR) : voir Raza, aux para 13–15; Singh, aux para 38–49 et 64. Récemment, la juge Kane a noté que le demandeur doit remplir les conditions énoncées à l’art 110(4) avant que la SAR ne considère comment les facteurs de l’arrêt Raza devraient s’appliquer dans le contexte de l’appel : Okunowo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 175, au para 41.

[44]  Dans Dugarte de Lopez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 707, le juge Gascon a expliqué en détail les conditions à remplir aux fins de l’admission d’une nouvelle preuve devant la SAR, et a notamment abordé chacun des facteurs de l’arrêt Raza :

[17Pour qu’une nouvelle preuve soit admissible en appel devant la SAR, elle doit tout d’abord appartenir à l’une des trois catégories décrites au paragraphe 110(4) de la LIPR. Ce paragraphe habilite la SAR à recueillir de nouveaux éléments de preuve qui sont « survenus depuis le rejet de sa demande », qui « n’étaient alors pas normalement accessibles » ou que la personne « n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet » (Singh au para 34). Seuls les nouveaux éléments de preuve qui cadrent dans l’une ou l’autre de ces trois catégories sont admissibles (Singh au para 35). La Cour d’appel fédérale a noté que ces trois conditions devaient être respectées, puisqu’elles sont « incontournables et ne laissent place à aucune discrétion de la part de la SAR » (Singh aux para 34‑35). En l’espèce, il ne fait aucun doute que les pièces en litige soumises par Mme Dugarte de Lopez répondaient aux critères du paragraphe 110(4). Ce n’est pas contesté.

[18Par ailleurs, dans l’arrêt Singh, la Cour d’appel fédérale a établi que les critères d’admissibilité des nouveaux éléments de preuve en matière d’examen des risques avant renvoi sont également applicables à l’admissibilité des nouveaux éléments de preuve en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR (Singh aux para 49, 64). Ces critères d’admissibilité ont été développés dans l’arrêt Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 [Raza] et comprennent les facteurs de crédibilité, pertinence, nouveauté, caractère substantiel et conditions légales explicites. Le paragraphe 13 de l’arrêt Raza les résume comme suit :

[…]

1. Crédibilité : Les preuves nouvelles sont‑elles crédibles, compte tenu de leur source et des circonstances dans lesquelles elles sont apparues? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

2. Pertinence : Les preuves nouvelles intéressent‑elles la demande d’ERAR, c’est‑à‑dire sont‑elles aptes à prouver ou à réfuter un fait qui intéresse la demande d’asile? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

3. Nouveauté : Les preuves sont‑elles nouvelles, c’est‑à‑dire sont‑elles aptes :

a) à prouver la situation ayant cours dans le pays de renvoi, ou un événement ou fait postérieur à l’audition de la demande d’asile?

b) à établir un fait qui n’était pas connu du demandeur d’asile au moment de l’audition de sa demande d’asile?

c) à réfuter une conclusion de fait tirée par la SPR (y compris une conclusion touchant la crédibilité)?

Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

4. Caractère substantiel : Les preuves nouvelles sont‑elles substantielles, c’est‑à‑dire la demande d’asile aurait‑elle probablement été accordée si elles avaient été portées à la connaissance de la SPR? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

5. Conditions légales explicites :

a) Si les preuves nouvelles sont aptes à établir uniquement un fait qui s’est produit ou des circonstances qui ont existé avant l’audition de la demande d’asile, alors le demandeur a‑t‑il établi que les preuves nouvelles ne lui étaient pas normalement accessibles lors de l’audition de la demande d’asile, ou qu’il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il les ait présentées lors de l’audition de la demande d’asile? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

b) Si les preuves nouvelles sont aptes à établir un fait qui s’est produit ou les circonstances qui ont existé après l’audition de la demande d’asile, alors elles doivent être considérées (sauf si elles sont rejetées parce qu’elles ne sont pas crédibles, pas pertinentes, pas nouvelles ou pas substantielles).

[19Ces critères de l’arrêt Raza ne supplantent pas les trois conditions explicites mentionnées au paragraphe 110(4) de la LIPR mais viennent s’y ajouter, puisqu’ils résultent implicitement de l’objet de la disposition (Singh au para 63 ; Nteta‑Tshamala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1191 [Nteta‑Tshamala] au para 24). Ainsi, pour décider de l’admissibilité des nouvelles preuves, la SAR doit déterminer si les critères de crédibilité, de pertinence, de nouveauté et de caractère substantiel établis dans Raza sont respectés (Singh au para 49). Toutefois, les critères énoncés dans Raza nécessitent certaines adaptations lorsqu’ils sont appliqués au paragraphe 110(4) : ainsi, le critère de la nouveauté est redondant avec le paragraphe 110(4), et celui du caractère substantiel de la preuve est moins strict puisqu’en raison de son large mandat, la SAR peut accepter de la nouvelle preuve qui, bien qu’elle ne soit pas déterminante, peut influer sur l’appréciation globale que fera la SAR de la décision rendue par la SPR (Singh aux para 46‑47).

Voir également Thorne c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 790 (la juge Roussel), au para 8.

[45]  En l’espèce, la SAR a reconnu que les critères énoncés à l’art 110(4) de la LIPR doivent être remplis, et qu’elle devait appliquer les facteurs énoncés dans les arrêts Singh et Raza pour déterminer si la nouvelle preuve proposée devait être admise.

[46]  Je ne puis relever aucune erreur dans l’application par la SAR de ces principes juridiques aux quatre documents dont l’admission était réclamée à titre de nouvelle preuve. La SAR a conclu que trois de ces éléments n’étaient pas pertinents quant à la question déterminante soulevée par l’appel. S’agissant du quatrième document (l’affidavit de 2017), la SAR n’a pas été convaincue par l’explication des demandeurs quant à savoir pourquoi cet affidavit était normalement accessible ni pourquoi il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il soit présenté lorsque la SPR a rendu sa décision. L’affidavit ne remplissait pas les conditions de l’art 110(4) de la LIPR. Je note que la nouvelle preuve doit relever de l’une des trois catégories énoncées dans cette disposition pour être admissible. La SAR ne jouissait d’aucun pouvoir discrétionnaire l’autorisant à s’écarter des critères stricts énoncés dans la loi : Singh, aux para 34‑35 et 63.

[47]  Je note aussi qu’en cas d’appel interjeté devant la SAR, le dossier de l’appelant doit comporter une déclaration écrite indiquant s’il invoque de nouveaux éléments de preuve visés à l’art 110(4) de la LIPR : art 3(3)d)(i) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257 (les Règles de la SAR). Aux termes de l’article 3(3)e) des Règles, le dossier de l’appelant comporte « tout élément de preuve documentaire [qu’il] veut invoquer dans l’appel ». Suivant l’article 3(3)g)(iii), le demandeur soumet un mémoire qui inclut « des observations complètes et détaillées » concernant « la façon dont les éléments de preuve documentaires visés à l’alinéa e) sont conformes aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi et la façon dont ils sont liés à l’appelant ».

[48]  Dans le cadre de leur appel, les demandeurs ont indiqué, à la section III du formulaire soumis à la SAR au titre de ces Règles, que la nouvelle preuve était « essentielle pour la prise de la décision relative à la demande d’asile » : dossier certifié du tribunal, page 23. Cependant, ils n’ont présenté aucune observation précise quant à la manière dont la nouvelle preuve qu’ils proposaient de présenter remplissait chacun des critères prescrits par le législateur à l’art 110(4) de la LIPR, ou satisfaisait aux facteurs énoncés dans les arrêts Singh et Raza. La SAR a néanmoins appliqué le bon critère juridique pour évaluer la preuve.

[49]  Deuxièmement, les demandeurs faisaient valoir en l’espèce que la nouvelle preuve qu’ils proposaient de faire admettre devant la SAR était pertinente au titre des facteurs de l’arrêt Raza, mais qu’elle se rapportait à une question qu’ils ne pensaient pas pertinente au moment où ils comparaissaient devant la SPR. Ils mentionnent l’avis de leur premier avocat quant à la pertinence de la preuve liée à l’Afrique du Sud, affirment avoir reçu un avis incorrect et ajoutent que s’il leur avait été conseillé d’inclure dans leur exposé circonstancié la preuve concernant l’Afrique du Sud, leur demande d’asile aurait pu être convenablement examinée sur le fond. Cette circonstance explique aussi pourquoi ils n’ont pas soumis l’affidavit de 2017 de Mme Ifogah (concernant l’enlèvement de sa nièce) à la SPR même s’il était antérieur à cette audience; son admission en preuve aux termes de l’art 110(4) de la LIPR pourrait ainsi être autorisée.

[50]  Malheureusement, les demandeurs n’ont pas présenté cette explication à la SAR. La preuve concernant l’avis de l’avocat est arrivée plus tard, dans l’affidavit que Mme Ifogah a soumis à notre Cour. Quoi qu’il en soit, comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Singh, l’allégation portant que leur avocat ne les a pas correctement conseillés ne suffit pas en soi à les dispenser de toute responsabilité; les demandeurs doivent vivre avec les conséquences des actes posés par les avocats qui les représentent : Singh, au para 66.

[51]  Au paragraphe 67 de l’arrêt Singh, la Cour d’appel a déclaré que « la jurisprudence de la Cour fédérale en matière d’immigration est constante à l’effet que l’on ne peut faire droit à une allégation de manquement professionnel à l’égard d’un avocat en l’absence de toute preuve démontrant qu’une plainte a été soumise aux autorités compétentes du barreau dont l’avocat relève ou d’une explication émanant personnellement du professionnel visé ». Aucune de ces exigences n’est remplie en l’espèce. L’avocat des demandeurs a confirmé à l’audience qu’à sa connaissance, ses clients n’avaient pas déposé plainte. Le premier avocat qui les représentait n’a soumis aucune preuve à la SAR ou en l’espèce.

[52]  Troisièmement, les demandeurs prétendaient avoir perdu leur statut de résident permanent en Afrique du Sud, ce qui suppose qu’ils n’invoqueraient plus la protection de ce pays et que la section E de l’article premier ne trouverait pas à s’appliquer. Pour étayer l’affidavit de Mme Ifogah, déjà évoqué, les demandeurs faisaient valoir qu’en droit, l’article 28 de la South Africa Immigration Act, 2002 [loi sur l’immigration de l’Afrique du Sud de 2002] prévoit la perte du statut de résident permanent si le titulaire du permis s’absente du pays pendant plus de trois ans.

[53]  Les demandeurs ont inclus l’article 28 de la South Africa Immigration Act, 2002 dans leur cahier de la jurisprudence et de la doctrine. Suivant cette disposition, le ministère sud‑africain des Affaires intérieures [traduction« peut retirer le permis de résidence permanente » si le titulaire du permis c) [traduction« s’absente de la République pendant plus de trois ans, pour autant que […] » Sont alors énoncées plusieurs exceptions, notamment la possibilité d’obtenir une prorogation à condition d’établir une cause valable et de soumettre une demande préalable.

[54]  Aux termes de l’article 70(1)g) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, un cahier de la jurisprudence et de la doctrine est déposé avec le mémoire exposant les faits et le droit. Le contenu de ce cahier n’est pas abordé dans les Règles. Cependant, je ne pense pas qu’une partie puisse se contenter de déposer l’extrait d’une loi étrangère dans un cahier de la jurisprudence et de la doctrine et demander à la Cour de s’appuyer sur cet extrait pour trancher une importante question de fond soulevée dans la demande. Mis à part le contenu autorisé du cahier de la jurisprudence et de la doctrine, une loi étrangère doit être prouvée comme un fait suivant les principes qui régissent les conflits de lois : Lubrizol Corp. c Imperial Oil Ltd (1992), 98 D.L.R. (4th) 1 (CAF), au para 20; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Saini, 2001 CAF 311, au para 26; Asad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 141, au para 16.

[55]  En l’espèce, les demandeurs n’ont pas fait la preuve formelle de cette loi étrangère, ils n’ont pas non plus proposé une aide indépendante pour la traduire ni fourni d’élément de preuve quant à la manière dont elle s’applique à leur cas. Même si cela peut sembler irréalisable ou pénible dans ce type de demande judiciaire, c’est ici une considération importante en raison du contenu de la disposition étrangère. À première vue, la disposition semble permissive ([traduction] « peut retirer »), et non obligatoire comme le laisserait entendre la position des demandeurs. La disposition elle‑même prévoit aussi des exceptions au retrait, qui pourrait ou non trouver à s’appliquer suivant une interprétation convenable de la loi. De plus, les demandeurs n’ont pas fait valoir en l’espèce qu’ils détenaient un permis de résidence permanente, pas plus qu’ils n’ont présenté une preuve (admissible ou non) établissant que le ministère des Affaires intérieures leur avait retiré un tel permis, ou précisant s’ils pouvaient solliciter une prorogation de délai ou s’ils l’avaient fait.

[56]  Par conséquent, même en mettant de côté l’admissibilité du témoignage de Mme Ifogah contenu dans ses deux affidavits récents (examinés précédemment à titre préliminaire), la preuve est loin d’être suffisante pour pouvoir tirer la moindre conclusion quant à la révocation du statut de résident permanent des demandeurs en Afrique du Sud.

[57]  Enfin, les demandeurs faisaient valoir que la SAR aurait dû entreprendre une analyse nouvelle de leur demande d’asile au titre de la LIPR, et ont cité Kurtzmalaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1072 [Kurtzmalaj]. Le défendeur soutient que la décision Kurtzmalaj s’appuyait à cet égard sur Huruglica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799 et que la Cour d’appel fédérale a infirmé cette décision dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157 (l’arrêt Huruglica).

[58]  À mon avis, la SAR s’est acquittée de son rôle conformément à l’arrêt Huruglica. Cette décision répond également à la position juridique que défendent essentiellement les demandeurs. La SAR a entrepris une analyse indépendante de la question et est parvenue à sa propre conclusion (au para 2). Elle s’est dite en accord avec la SPR et a conclu que cette dernière n’avait pas commis d’erreur, appliquant ainsi la norme de la décision correcte, comme l’exige l’arrêt Huruglica (aux para 78 et 103). La SAR a également abordé la demande par laquelle les demandeurs tentaient de faire admettre la nouvelle preuve et a appliqué l’art 110(4) de la LIPR, comme l’exigeaient les arrêts Huruglica (au para 56) et Singh (aux para 34‑35 et 63). Citant l’arrêt Huruglica, au para 103, le défendeur a fait valoir qu’un appel interjeté devant la SAR repose sur les erreurs relevées par les demandeurs; cependant, ces derniers n’alléguaient aucune erreur dans l’analyse même de la SPR sur l’exclusion ni dans l’analyse qu’elle a faite des risques allégués en Afrique du Sud, si bien que le rôle de la SAR n’était pas en cause à cet égard.

[59]  Pour ces motifs, je ne puis conclure que la décision de la SAR était déraisonnable, suivant les directives fournies par la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov. Même si elle n’est pas longue, la décision de la SAR aborde les questions soulevées par les demandeurs quant à la nouvelle preuve et comporte une analyse indépendante de la question décisive soulevée en appel. Elle est suffisamment justifiée, transparente et intelligible, ne souffre d’aucune lacune capitale dans son raisonnement et son issue n’est pas déraisonnable.

V.  Conclusion

[60]  Pour ces motifs, la demande doit être rejetée. Aucune partie n’a proposé de question à certifier. Il n’y a pas lieu d’adjuger des dépens.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5952‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée aux termes de l’article 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

  3. Il n’y a pas lieu d’adjuger des dépens.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5952‑19

 

INTITULÉ :

FLORENCE MODUPE IFOGAH, BENJAMIN IFOGAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er novembre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

Le juge A.D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 décembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Kolade Oladokun

 

Pour les demandeurs

 

Silvia Suman

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kolade Oladokun

A.R.E. Law Professional Corporation

Regina (Saskatchewan)

 

POur les demandeurs

 

Silvia Suman

Procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.