Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19990226

     Dossier : IMM-438-98

Entre

     BENJAMIN ZUNIGA LARA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge EVANS

[1]      Dans ce recours en contrôle judiciaire fondé sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée, Benjamin Zuniga Lara (le demandeur) conclut à l'annulation de la décision en date du 19 janvier 1998 par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la section du statut) a rejeté sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur soutenait qu'il craignait avec raison d'être persécuté pour deux raisons : son appartenance à un certain groupe social, savoir les homosexuels, et ses opinions politiques. Sur un point cependant, ces deux motifs de crainte se renforcent l'un l'autre.

[3]      Le demandeur, qui a 34 ans, est citoyen du Mexique et gynécologue de son état; avant de venir au Canada, il travaillait dans un hôpital à Mexico. Il est arrivé en juin 1996 au Canada, où il a revendiqué le statut de réfugié en octobre de la même année.

[4]      À l'appui de sa revendication du statut de réfugié pour cause de tendances sexuelles, le demandeur a témoigné qu'adolescent, il avait été sexuellement agressé et battu par un agent de police, un certain Francisco, qui l'a subséquemment suivi à Mexico. Le demandeur prétendait aussi qu'une fois, il s'était fait extorquer de l'argent pour se faire libérer après que la police l'eut arrêté dans une rafle dans un bar pour homosexuels, et que lors d'autres rafles, il avait été arrêté pour interrogatoire puis remis en liberté.

[5]      La section du statut a rejeté son témoignage qu'il avait été sexuellement agressé par Francisco, et son avocat n'a pas contesté cette conclusion. Cependant, elle a encore conclu de façon plus générale, sans autre explication, que le demandeur n'était pas digne de foi.

[6]      Dans ses conclusions écrites, l'avocat du demandeur soutient que la section du statut a commis une erreur de droit en tirant une conclusion générale de manque de crédibilité à la lumière de deux éléments de preuve qui n'avaient rien à voir avec le principal motif de revendication du statut de réfugié. À mon avis cependant, l'observation faite par la section du statut se prête certes à cette interprétation, mais en fait, elle n'a pas rejeté les autres dépositions du demandeur pour manque de crédibilité.

[7]      Elle a noté qu'à l'exception de quelques incidents de harcèlement par la police, qu'on ne saurait guère qualifier de persécution, le demandeur a fait savoir que durant les années 1990 à 1995, il n'a pas été ennuyé par la police. Elle citait aussi les preuves documentaires selon lesquelles le climat s'est considérablement amélioré pour les homosexuels à Mexico, comme en témoignent par exemple les défilés Gay Pride qui s'étaient déroulés sans incidents dans les grandes villes, ainsi qu'une attitude plus ouverte chez les politiciens en vue à l'égard des homosexuels.

[8]      N'empêche, ainsi que le souligne l'avocat du demandeur et que le reconnaît la section du statut, qu'il y a aussi la preuve que l'attitude de nombre d'agents de police n'a pas changé et que certains d'entre eux continuent à persécuter des gens à cause de leurs tendances sexuelles. Cependant, bien que la section du statut ne l'ait pas expressément relevé, les preuves documentaires montrent aussi que ceux qui courent le plus grand risque à cet égard sont les prostitués et les pauvres. Les gynécologues homosexuels de Mexico n'appartiennent à la catégorie des gens qui courent un grand risque de persécution.

[9]      À mon avis, il était loisible à la section du statut de conclure, comme elle l'a fait, qu'à la lumière des preuves ci-dessus, l'appelant n'était pas fondé à craindre la persécution à cause de ses tendances sexuelles. Et il est vrai que la section du statut n'a pas cité toutes les preuves documentaires comme elle l'aurait pu, mais la perfection n'est pas le critère à appliquer sur contrôle judiciaire du caractère raisonnable de ses motifs de décision ou de ses conclusions sur les faits. Les motifs qu'elle a pris, vu les éléments de preuve dont elle était saisie, montrent bien quel était le fondement de ses conclusions de fait déterminantes.

[10]      Le second motif que fait valoir le demandeur pour revendiquer le statut de réfugié a son origine dans une enquête que durant les deux premières semaines de son entrée en fonctions, le directeur de l'hôpital lui avait demandé d'entreprendre. Cette enquête, commencée à la mi-novembre 1995, visait à faire la lumière sur des soupçons de corruption contre des employés de l'hôpital et des compagnies d'assurances. L'enquête s'est poursuivie jusqu'à l'année suivante, et, selon le demandeur, une employée de l'hôpital qui aurait été impliquée dans cette affaire de corruption, a commencé à lui causer des difficultés.

[11]      En particulier, dit-il, elle a parlé à d'autres de ses tendances sexuelles, ce qui a sapé son autorité à l'hôpital et fait de lui la risée du personnel. En outre, et ce qui est plus grave, elle s'est arrangée, toujours selon ses dires, avec des agents de police pour l'intimider. Il fait savoir qu'à deux reprises, il a été saisi par des gens, dont il est sûr qu'ils étaient de la police, lesquels l'ont battu et ont menacé de le tuer s'il exposait la corruption à l'hôpital. Il témoigne aussi que lors de ces incidents, ils le tournaient en ridicule pour ses tendances sexuelles.

[12]      La section du statut a vu dans ce témoignage le motif invoqué par le demandeur pour faire valoir qu'il craignait avec raison d'être persécuté en raison de ses opinions politiques. Elle conclut cependant que l'employée qui, selon le demandeur, s'était assuré l'aide de policiers pour l'intimider afin de le décourager de prouver l'affaire de corruption, était motivée par un sentiment de vendetta personnelle, et que ses agissements " étaient une activité criminelle et ne valaient pas persécution "; v. Ivero c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (C.F. 1re inst.; IMM-511-96; 22 novembre 1996). En d'autres termes, il n'y avait aucun lien suffisant entre l'acharnement des agents de police et l'un quelconque des motifs de persécution énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention.

[13]      L'avocat du demandeur fait valoir que, les preuves documentaires montrant que la corruption était omniprésente au Mexique, il est possible de conclure que le demandeur était persécuté pour avoir exposé la corruption à l'hôpital, qui est une institution publique. Il cite aussi les preuves documentaires faisant état de la collusion entre les dirigeants du parti au pouvoir et la police et de la persécution des dénonciateurs.

[14]      La faiblesse de l'argument du demandeur sur ce point tient à ce que le lien entre les agissements abusifs et les motifs de persécution au sens de la Convention est une conclusion de fait, à laquelle la Cour ne peut pas toucher à moins qu'elle n'ait été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou au mépris des éléments de preuve produits devant la section du statut; v. Orellana c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (C.F. 1re inst.; IMM-3520-94, 19 septembre 1995). À mon avis, il était loisible à la section du statut de conclure, à la lumière des preuves dont elle était saisie, qu'il n'y avait aucune preuve d'un lien entre les agissements abusifs de la police et les opinions politiques prêtées au demandeur.

[15]      Enfin, l'avocat du demandeur soutient que le fait que celui-ci avait attiré l'attention de la police à la suite de son enquête à l'hôpital l'exposait davantage au risque de persécution par des agents de police pour ses tendances sexuelles, que ce n'est le cas des autres homosexuels de Mexico. En d'autres termes, son " activité politique " impopulaire qui consistait à faire la lumière sur la corruption accroît la probabilité de persécution pour ses tendances sexuelles.

[16]      Je peux voir en principe comment cela pourrait se produire. À la lumière cependant des preuves produites devant la section du statut, il m'est impossible de conclure que sa décision que le demandeur n'avait pas fait la preuve d'une crainte fondée de persécution en raison de ses tendances sexuelles, était abusive ou arbitraire, ou tirée au mépris des éléments de preuve dont elle était saisie.

[17]      Par ces motifs, la Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.

     Signé : John M. Evans

     ________________________________

     Juge

Toronto (Ontario),

le 26 février 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-438-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Benjamin Zuniga Lara

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :      Mardi 23 février 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EVANS

LE :                      Vendredi 26 février 1999

ONT COMPARU :

M. Richard Addinall                  pour le demandeur

M. Marcel Larouche                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard Addinall                  pour le demandeur

Avocat

804-40 avenue Eglinton est

Toronto (Ontario)

M4P 3A2

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19990226

     Dossier : IMM-438-98

Entre

BENJAMIN ZUNIGA LARA,

     demandeur,

     - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.