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Date : 20201126


Dossier : T‑901‑19

Référence : 2020 CF 1014

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2020

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

BANQUE DE MONTRÉAL

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS MODIFIÉS

(Jugement et motifs confidentiels rendus le 29 octobre 2020)

[1] La présente demande porte sur la méthode de calcul des crédits de taxe sur les intrants (les CTI) qui sera utilisée par la Banque de Montréal (la Banque ou BMO) dans le calcul de sa taxe sur les produits et services (la TPS)/taxe de vente harmonisée (la TVH) nette exigible pour son exercice du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2018 (l’exercice 2018). La Banque a demandé au ministre du Revenu national (le ministre) d’utiliser une méthode d’attribution particulière pour calculer ses CTI pour l’exercice 2018, conformément au paragraphe 141.02(18) de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E-15 (la LTA). Le ministre a rejeté la demande de la Banque dans une lettre datée du 30 avril 2019 (la décision) et la Banque demande à la Cour de contrôler cette décision.

[2] La Banque soutient que le ministre a outrepassé la portée de son pouvoir en refusant sa demande relative à l’exercice 2018 (la demande de 2018). La BMO soutient également que la décision était soit incorrecte, soit déraisonnable, principalement parce que le ministre a commis une erreur (1) dans le non-respect de l’autorisation accordée pour la même méthode de calcul des CTI ou pour une méthode semblable pour les exercices précédents de la Banque; et (2) dans sa justification de fond du refus. Le défendeur soutient que la décision relevait du pouvoir du ministre d’approuver la méthode de calcul proposée par la Banque en vertu de l’article 141.02 de la LTA et que la décision était raisonnable. Le défendeur affirme que les conclusions du ministre concernant la distorsion de la demande de CTI de la BMO découlant de la méthode proposée ont été pleinement expliquées dans la décision et étayées par la preuve au dossier.

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire présentée par la Banque est rejetée. Très brièvement, j’ai estimé que :

  • (1) La norme de contrôle judiciaire de la décision est celle du caractère raisonnable.

  • (2) Le refus du ministre de la demande de 2018 de la Banque relève du pouvoir que lui confère le paragraphe 141.02(20) de la LTA;

  • (3) La décision était raisonnable. Le ministre a fourni les motifs de son refus conformément au paragraphe 141.02(22) et ces motifs étaient justifiés à la lumière de la preuve au dossier, du régime législatif régissant son pouvoir d’approbation conféré par la LTA et des observations des parties.

[4] À titre de question préliminaire et avec le consentement des parties, l’intitulé de la présente cause est modifié afin de désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur légitime, conformément au paragraphe 303(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

[5] Certains éléments de preuve commerciaux de nature délicate déposés dans la présente demande sont assujettis à une ordonnance de confidentialité datée du 14 novembre 2019. Par conséquent, une décision confidentielle a été envoyée aux parties le 29 octobre 2020 afin qu’elles puissent proposer tout caviardage requis pour la publication de la version publique de la décision. La Banque a proposé des caviardages le 18 novembre 2020. J’ai examiné les caviardages proposés. Je suis convaincue que les caviardages établissent un juste équilibre entre la protection des renseignements confidentiels et l’intérêt public dans le cadre de procédures judiciaires ouvertes et accessibles.

I. Introduction

[6] Les CTI sont un principe fondamental du régime canadien de TPS/TVH. En termes simples, il s’agit d’une déduction du montant de TPS/TVH (« TPS » pour les fins du présent jugement) qu’une entreprise est tenue de payer au gouvernement au cours de chaque période de déclaration. La demande de CTI d’une entreprise peut être simple lorsqu’elle exploite une entreprise au Canada qui se consacre uniquement à la vente de biens et de services taxables aux résidents canadiens, mais la demande de CTI de la Banque n’est pas simple. Les activités de la Banque comportent plusieurs facettes et ne se limitent pas au Canada. En outre, la prestation de « services financiers » par la Banque, son activité principale, est soumise à des règles complexes de calcul de la TPS et des CTI. Ces règles, combinées à la difficulté inhérente à l’identification du revenu de la Banque (en fonction des écarts entre les taux d’intérêt) et au fait que l’argent est fongible, sont la cause des problèmes en litige dans la présente demande.

[7] Une analyse approfondie du régime des CTI, des définitions pertinentes contenues dans la LTA, des activités de la Banque et de sa demande de 2018 suit dans le présent jugement. Toutefois, la méthode de calcul proposée par la Banque repose sur le concept d’une attribution de ses CTI entre ses groupes d’exploitation comme une étape du calcul de sa TPS nette payable. Le ministre a décrit le but d’une attribution dans sa décision :

[traduction]

Une attribution est un moyen d’affecter un intrant à une ou à plusieurs fournitures. Les méthodes d’attribution doivent correspondre exactement […] à la mesure réelle dans laquelle un intrant donné a été acquis, importé ou transféré dans une province participante en vue d’être consommé ou utilisé, soit utilisé ou consommé (« acquis ou utilisé ») en vue d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie et à d’autres fins.

[8] La demande de 2018 de la Banque est fondée sur une attribution échelonnée et le calcul de son droit aux CTI. Des volets ou éléments importants de la méthode de calcul de 2018 de la Banque ont été acceptés par le ministre et ne sont pas contestés. Le ministre a refusé la demande de 2018 parce que, à son avis, la structure de la méthode proposée par BMO pour déterminer sa demande de CTI pour son regroupement résiduel de coûts de TPS ne fournissait pas une approximation raisonnable des biens et services (intrants) que la Banque a utilisés pour effectuer des fournitures taxables. Bien que la question dont je suis saisie puisse être énoncée simplement, sa résolution est loin d’être simple en raison de la nature du régime de la TPS et du calcul des CTI par une institution financière, du cadre des articles 141.01 et 141.02 de la LTA, de la complexité de la méthode proposée par la Banque, et des arguments à plusieurs volets des parties.

II. Aperçu du régime de la TPS et des CTI

[9] Je commencerai par un aperçu des dispositions et des concepts pertinents du régime de la TPS et des CTI afin de fournir le contexte factuel de la demande de 2018 de la Banque et des questions soulevées par la Banque dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[10] La TPS est une taxe de vente sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée à la fourniture taxable de biens ou de services pour une contrepartie (par 165(1) de la LTA). Comme la TVA, la TPS est destinée à être payée par le consommateur final des biens ou services achetés. Une entreprise de la chaîne d’approvisionnement ne paie que la TPS qu’elle perçoit sur la valeur ajoutée à un bien ou à un service. Le mécanisme permettant de s’assurer que la TPS est une TVA est le CTI. Chaque entreprise de la chaîne d’approvisionnement a le droit de demander des CTI pour recouvrer la TPS payée à ses fournisseurs (coût de la TPS) sur les achats liés à ses activités commerciales taxables. À l’aide d’un exemple tiré des observations de la Banque, si une librairie achète un livre d’un fournisseur à 80 $, la librairie paie 4 $ de TPS au fournisseur. La librairie vend ensuite le livre 100 $ à un consommateur final au Canada, ce qui ajoute 20 $ en valeur et facture 5 $ de TPS au consommateur. La librairie a droit à un CTI de 4 $ (son coût de TPS recouvrable) et doit verser 1 $ au gouvernement.

[11] Au titre de la LTA, une « fourniture » est la vente, la location ou toute autre livraison de biens ou de prestation de services. De plus, elle est soit une fourniture taxable, soit une fourniture exonérée. Les fournitures taxables sont taxées à des taux différents et une fourniture assujettie à un taux de TPS nul (fourniture détaxée) est néanmoins une fourniture taxable. Ces termes sont définis à l’article 123 de la LTA. L’expression « services financiers » est également définie à l’article 123 et comprend les services de dépôt et de prêt. La prestation de services financiers à un résident du Canada est une fourniture exonérée (annexe V de la LTA), tandis que certains services financiers fournis à des non-résidents sont des fournitures détaxées (taxables) (annexe VI de la LTA).

[12] La distinction entre des fournitures taxables et des fournitures exonérées est essentielle dans le régime des CTI et dans la présente demande. Une entreprise a le droit de demander des CTI à l’égard des biens et services, ou intrants, qu’elle utilise pour effectuer des fournitures taxables à ses clients. Si une entreprise n’offre que des fournitures taxables à ses clients, sa demande de CTI est habituellement simple (p. ex., la librairie à but lucratif qui ne vend des livres qu’aux Canadiens).

[13] Dans le présent contexte, si la Banque fournissait des services financiers à des clients canadiens seulement (fournitures exonérées), ces clients ne paieraient pas de TPS à la Banque pour ces services et la Banque ne serait pas autorisée à demander des CTI pour la TPS qu’elle a payée pour acquérir tous les intrants. (bureaux, locaux achetés ou loués, etc.) nécessaires à l’exercice de ses activités. En réalité, la BMO fournit des services financiers à des clients canadiens et à des clients non résidents. En langage de TPS, elle effectue des fournitures exonérées et taxables. Même si la Banque ne perçoit pas de TPS de ses clients non-résidents pour ses services financiers parce que ces fournitures sont détaxées, elle a le droit de percevoir des CTI sur les intrants utilisés pour effectuer ces fournitures.

[14] La LTA n’exige pas une méthode d’attribution déterminée ni l’utilisation de systèmes comptables particuliers qui départagerait chaque bien ou chaque service qu’une entreprise utilise pour offrir des fournitures taxables et exonérées (Magog c Canada, 2001 CAF 210 au para 17 (Ville de Magog)). Au contraire, la plupart des entreprises sont autorisées à choisir une méthode de calcul des CTI, sous réserve de l’exigence du paragraphe 141.01(5) de la LTA selon laquelle la méthode de l’entreprise doit être juste et raisonnable et l’entreprise doit utiliser cette méthode tout au long de l’exercice.

[15] En général, une entreprise tenue de payer la TPS est assujettie à un régime d’autodéclaration et d’autocotisation. L’entreprise calcule le montant net de la TPS qu’elle doit verser à l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour chaque période de déclaration selon la méthode de calcul des CTI qu’elle a choisie. La déclaration et le versement de la TPS de l’entreprise peuvent faire l’objet d’une vérification. Dans le cadre de la vérification, le ministre a le droit de déterminer si la méthode de calcul choisie par l’entreprise est juste et raisonnable. Si cela n’est pas le cas, le ministre examine à nouveau la déclaration et refuse une partie ou la totalité des CTI réclamés par l’entreprise, et établit une cotisation. L’entreprise a alors le droit de s’opposer à la cotisation et d’en appeler à la Cour canadienne de l’impôt (CCI).

III. Le régime de préapprobation : article 141.02 de la LTA

[16] Le législateur a modifié le régime des CTI pour les institutions financières canadiennes en 2008 en adoptant ce qui est maintenant l’article 141.02 de la LTA. Cet article crée deux catégories d’institutions financières. Les institutions admissibles (IA) sont les grandes Banques canadiennes, les assureurs et les courtiers en valeurs mobilières, dont BMO. Les institutions non admissibles sont de petites institutions financières qui ne sont pas assujetties au régime de préapprobation établi à l’article 141.02.

[17] Il faut un ensemble supplémentaire de définitions du paragraphe 141.02(1) pour comprendre le différend entre les parties. Selon le paragraphe, les institutions financières doivent déterminer la catégorie des intrants utilisés dans leurs entreprises de la façon suivante : (1) les « intrants exclus », qui sont habituellement des dépenses en immobilisations; (2) les « intrants exclusifs », qui peuvent être utilisés exclusivement pour l’offre de fournitures taxables ou exonérées; (3) les « intrants résiduels », qui sont tous des intrants restants. Dans une attribution des intrants résiduels, il faut déterminer la « mesure d’utilisation » et la « mesure d’acquisition » d’un bien ou d’un service. La mesure d’utilisation ou d’acquisition d’un bien ou d’un service est la mesure dans laquelle le bien ou le service fourni est consommé ou utilisé (mesure d’utilisation), ou acquis ou acheté (mesure d’acquisition), dans le but d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie ou dans un autre but. La question posée est la suivante : quels sont les divers biens et services achetés par la Banque pour effectuer des fournitures taxables (prestation de services financiers à des non-résidents du Canada) ou pour effectuer des fournitures exonérées (prestation de services financiers à des résidents canadiens)?

[18] Au titre du régime de l’article 141.02, les IA sont assujetties à un régime distinct pour le calcul de leurs CTI admissibles. Conformément au paragraphe 141.02(18), une IA peut demander au ministre, avant chaque exercice, d’approuver sa méthode de calcul des CTI qu’elle propose pour l’exercice. Le ministre peut approuver ou refuser l’emploi de la méthode (art 141.02(20)). La décision du ministre est distincte du processus de vérification et ne peut pas faire l’objet d’un appel devant la CCI. Si le ministre autorise la méthode, l’IA doit employer cette méthode pour préparer sa déclaration de TPS pour l’exercice en question (art 141.02(21)). La vérification de cette déclaration se limite à déterminer si la méthode approuvée a été suivie tout au long de l’année et appliquée correctement.

[19] Si le ministre refuse la demande, il doit fournir les raisons du refus (art 141.02(22)) et sa décision est susceptible de contrôle par la Cour. L’IA ne peut pas employer la méthode d’attribution proposée. De plus, elle est réputée avoir utilisé des intrants résiduels pour effectuer des fournitures taxables à un taux réglementaire de 12 % (art 141.02(8)). Dans ses observations, la Banque souligne les conséquences qui s’ensuivent pour elle de l’application du taux de recouvrement réglementaire pour les intrants résiduels, déclarant qu’elle recouvre normalement un pourcentage sensiblement plus élevé de ses coûts résiduels de TPS par les CTI.

IV. Contexte factuel

[20] La Banque est l’une des plus grandes institutions de services financiers au Canada. Elle offre une vaste gamme de produits bancaires aux particuliers et aux entreprises, de gestion de patrimoine et d’investissement à plus de 12 millions de clients dans le monde. BMO exerce ses activités au Canada et par l’entremise de succursales à l’étranger et possède un éventail de filiales et d’autres entités. Comme je l’ai déjà mentionné, la Banque est une IA pour l’application de l’article 141.02 de la LTA.

[21] La Banque fournit des services financiers, principalement des services de dépôt, d’emprunt et de prêt. Les services financiers que BMO offre à ses clients canadiens sont des fournitures exonérées. Par conséquent, la Banque n’a pas le droit de demander des CTI pour la TPS qu’elle paie pour obtenir les intrants utilisés pour fournir ces services. À l’inverse, les services financiers que BMO fournit à des non-résidents du Canada sont généralement taxables et détaxés, et la Banque a le droit de demander des CTI pour la TPS qu’elle engage sur les intrants utilisés pour fournir ces services financiers.

[22] La Banque exerce ses activités par l’entremise de cinq groupes d’exploitation, dont trois sont en contact direct avec les clients : Particuliers et Entreprises (PE), Gestion de patrimoine et Marchés des capitaux. La principale activité du plus grand groupe d’exploitation en contact direct avec les clients, PE, est la prestation de services bancaires (dépôts et prêts) aux Canadiens, principalement par l’entremise des nombreuses succursales canadiennes de BMO.

[23] Les deux autres groupes sont Services entreprise, qui comprend la Direction de la Trésorerie de la Banque, et Technologie et Opérations (T&O). Les Services d’entreprise et T&O centralisent certaines fonctions de gestion de la Banque pour les groupes d’exploitation en contact direct avec les clients. Comme son nom l’indique, T&O est chargée de l’infrastructure physique et technologique de BMO. Le groupe Services d’entreprise centralise les activités juridiques, fiscales, comptables et réglementaires de la Banque. Le groupe Direction de la Trésorerie au sein des Services d’entreprise est chargé des besoins de liquidité de la Banque. Il recueille des fonds pour la Banque, y compris les fonds requis par les trois groupes d’exploitation en contact direct avec les clients, pour que la Banque dispose d’actifs liquides suffisants pour respecter ses engagements financiers en tout temps. Une partie importante des opérations de liquidité du groupe Direction de la Trésorerie consiste à emprunter des fonds sur les marchés étrangers (la prestation de services financiers, par l’émission d’un titre de créance, à des non‑résidents du Canada).

[24] À la suite de l’entrée en vigueur de l’article 141.02 de la LTA, la Banque a demandé au ministre l’autorisation d’employer une méthode particulière d’attribution des CTI (méthode initiale) pour chacun de ses exercices de 2009 à 2016. Le ministre a autorisé la BMO à employer la méthode initiale pour chacun de ces exercices.

[25] La Banque a révisé la méthode initiale (méthode révisée) pour son exercice 2017. BMO a présenté sa demande d’utilisation de la méthode révisée au ministre les 3 et 4 août 2016. Après une longue période de discussion et de consultation, le ministre a autorisé la Banque à employer la méthode révisée avec des modifications (méthode approuvée en 2017) le 29 janvier 2018. Dans la lettre d’autorisation, le ministre a déclaré que les questions en suspens faisant l’objet de discussions seraient traitées au cours d’une vérification future de l’exercice.

[26] Le 28 février 2018, la Banque a présenté la demande de 2018 pour obtenir l’autorisation du ministre d’utiliser la méthode approuvée de 2017 pour l’exercice 2018. Il n’y a pas eu de changement important dans les activités commerciales de la Banque entre les exercices 2017 et 2018. Encore une fois, il s’en est suivi une longue période de discussions, de réunions, de consultations et de négociations entre les parties.

[27] Malgré les nombreuses tentatives des parties pour expliquer leurs positions respectives et résoudre leurs désaccords, le ministre a refusé la demande de 2018 de la Banque le 30 avril 2019.

V. Méthode de calcul des CTI proposée par la Banque

[28] La méthode proposée par la Banque pour calculer son droit aux CTI pour l’exercice 2018 (méthode de 2018) est fondée sur son système d’information financière et comporte deux phases principales. La Banque calcule d’abord le montant total de la TPS qu’elle a payé au cours de l’année et répartit ce coût total de la TPS à chacun des cinq groupes d’exploitation. Ensuite, elle procède à une répartition à trois niveaux des coûts de la TPS engagés :

  • (1) Formule de répartition des coûts (ententes de services techniques (EST)).|||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cette étape de la méthode de 2018 n’est pas contestée.

  • (2) Formule d’utilisation spécifique.|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Encore une fois, cette étape de la méthode de 2018 n’est pas contestée.

  • (3) Formule de la méthode des extrants (FME). Le montant de la demande de CTI de 2018 de la Banque à l’égard de son regroupement résiduel de coûts de la TPS est calculé à l’aide de la formule de la méthode des extrants fondée sur les revenus, qui comporte elle-même trois étapes. Le calcul de la FME est axé sur les revenus d’intérêts de la Banque (ou « extrants » selon la terminologie utilisée par le défendeur), c’est-à-dire les montants d’intérêts qui sont la contrepartie pour la prestation de services financiers (l’emprunt et le prêt d’argent) pour les besoins de la TPS. Le ministre n’a pas accepté la méthode de la FME de la Banque et a refusé la demande de 2018. Ce sont certains aspects de cette étape de la méthode de 2018 qui sont toujours en litige.

[29] Avant de décrire les trois étapes de la FME, il faut d’abord comprendre les deux composantes des revenus d’intérêts de la Banque provenant de la prestation de services financiers à ses clients. Pour les besoins de la TPS, BMO fournit un service financier à la fois lorsqu’elle emprunte de l’argent (parce qu’elle fournit un titre de créance et paie des intérêts) et lorsqu’elle prête de l’argent (parce qu’elle fournit des fonds et reçoit des intérêts). Par conséquent, les intérêts payés et les intérêts perçus par la Banque sont inclus dans le calcul de la FME.

[30] La FME, telle qu’elle est proposée, s’applique comme suit : (A) la Banque calcule ses revenus d’intérêts globaux en ajoutant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| (collectivement, les montants d’intérêts); (B) la FME répartit les montants d’intérêts provenant des entreprises, y compris la Direction de la Trésorerie, entre les trois groupes d’exploitation en contact direct avec les clients |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| (les répartitions de la Trésorerie); (C) un ratio (ratio de la FME) est appliqué aux montants d’intérêts globaux dans chaque groupe d’exploitation en contact direct avec les clients pour arriver à la proportion ou au pourcentage des montants d’intérêts globaux dérivés des opérations dans lesquelles la contrepartie à la Banque était un non-résident du Canada (c.-à-d, opérations détaxées). Le pourcentage qui en résulte (taux de recouvrement) est appliqué au regroupement des coûts résiduels de la TPS de chaque groupe d’exploitation afin de déterminer l’admissibilité aux CTI.

VI. Décision faisant l’objet du contrôle

[31] La décision consiste en une lettre de décision et une pièce jointe détaillée. Elle est étayée par un long rapport de décision. Le ministre a soulevé un certain nombre de préoccupations concernant la méthode de 2018 dans la décision, mais les parties conviennent que le refus de la demande par le ministre était en fait fondé sur (1) la répartition effectuée par la FME des montants d’intérêt du groupe Direction de la Trésorerie entre les trois groupes d’exploitation en contact direct avec les clients (problème lié à la FME/à la répartition); (2) les composantes de la formule elle-même et l’utilisation des montants d’intérêt globaux pour arriver au taux de recouvrement servant à déterminer l’admissibilité aux CTI dans chaque groupe d’exploitation (problèmes liés à la FME/au taux de recouvrement).

[32] Le ministre a utilisé la lettre de décision pour établir le cadre de son analyse de la FME. Elle a cerné deux principes directeurs de la TPS :

  1. Le ministre a reconnu que les répartitions de la Trésorerie entre les groupes d’exploitation en contact direct avec les clients peuvent s’harmoniser avec les politiques générales de répartition de la Banque conçues pour répondre à ses exigences réglementaires, mais elle a établi une distinction pour le régime de la TPS. Elle a précisé qu’un modèle de répartition pour les besoins de la TPS doit relier l’achat ou la location d’un intrant sur lequel la TPS a été payée à l’utilisation de cet intrant par l’entreprise dans ses activités :

[traduction]

Les répartitions de la Trésorerie entre les groupes d’exploitation en contact direct avec les clients peuvent être conformes aux politiques de répartition de la Banque afin de répondre aux exigences réglementaires; toutefois, le concept d’une ou de plusieurs méthodes de répartition sous‑jacentes doit établir un lien entre un bien ou un service particulier sur lequel la taxe a été payée ou payable pour son utilisation dans le but d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie et à des fins autres que celles d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie.

  1. Le ministre s’est ensuite penché sur l’emploi d’une FME et a souligné que la méthode fondée sur les intrants de la Banque doit donner lieu à une « approximation raisonnable » des actifs et des biens qu’elle utilise effectivement pour effectuer des fournitures taxables :

[traduction]

La FME est la méthode la moins privilégiée pour déterminer la mesure d’utilisation et la mesure d’acquisition des intrants d’entreprise. Si une méthode d’attribution des extrants est employée, le calcul doit donner une approximation raisonnable des intrants utilisés pour effectuer des fournitures taxables - en l’espèce, les services financiers détaxés fournis par la Trésorerie.

[33] Le ministre a conclu que la FME de la Banque n’a pas donné une approximation raisonnable des intrants qu’elle a utilisés pour fournir des services financiers détaxés aux non‑résidents du Canada :

[traduction]

Les distorsions mentionnées dans la « pièce jointe A » de la présente lettre, ont abouti à une méthode qui ne donnait pas une approximation raisonnable des intrants. Il en a résulté un montant excessif de CTI que vous avez proposé de réclamer par l’entremise de la FME pour les services financiers détaxés fournis par le service Trésorerie du groupe des services de soutien à l’entreprise. Comme nous l’avons expliqué dans toutes nos lettres, nos présentations et nos réunions, les CTI pour les services financiers détaxés en question devraient se limiter aux intrants directs et attribuables pour ces services au niveau de l’entreprise.

[34] Dans la pièce jointe A de la lettre de décision, le ministre a rappelé les principes généraux régissant l’utilisation d’une méthode d’attribution des CTI pour déterminer la mesure d’utilisation et d’acquisition d’un bien ou d’un service. Le ministre a mentionné le Rapport annuel 2016 de la Banque et sa description du groupe Direction de la Trésorerie et des groupes d’exploitation comme étant chargés de la gestion continue du risque de liquidité et de financement à l’échelle de l’organisation. Le ministre a souligné que l’une des principales fonctions du service de trésorerie d’une Banque consiste à gérer le capital et la liquidité afin de s’assurer que toutes les parties de la Banque puissent facilement accéder aux liquidités dont elles ont besoin pour mener leurs activités.

[35] Bien que la structure de la pièce jointe A soit longue et quelque peu répétitive, le ministre a formulé son refus de la demande de 2018 en fonction de ses préoccupations à l’égard de la FME et des deux principes généraux mentionnés dans la lettre de décision. La répétition dans la pièce jointe A est due au fait que le ministre a traité séparément, mais en termes parallèles dans une large mesure, des fonctions de prêt et d’emprunt à l’étranger (revenus d’intérêts et charges d’intérêts) des groupes Entreprise et Direction de la Trésorerie et des contreparties à ces diverses opérations (succursales étrangères, filiales étrangères et tiers).

[36] Problème lié à la FME/à l’attribution : Le ministre a soutenu que tout recouvrement de CTI pour les fournitures administratives et de financement fournies par le groupe Services d’entreprise, y compris Direction de la Trésorerie, devrait provenir des coûts de TPS engagés ou attribués à la fonction Trésorerie. Le ministre a conclu que la FME ne respectait pas ce principe parce qu’elle permet à la Banque de puiser dans les coûts de la TPS des groupes d’exploitation en contact direct avec les clients.

[37] Le ministre a estimé que la Banque avait demandé ses CTI admissibles pour les services fournis par les Services entreprise et Direction de la Trésorerie aux succursales, aux filiales et aux tiers étrangers par l’entremise de ses EST et du recouvrement des coûts, chacun constituant une phase ou une étape préalable de la méthode de 2018. Il s’ensuit que la FME permet une récupération supplémentaire et non admissible des CTI en répartissant les revenus de Trésorerie (montants d’intérêt) entre les groupes en contact direct avec les clients :

[traduction]

Ajouter les revenus de trésorerie […] des succursales à la FME à égalité avec les revenus des fournitures effectuées par les groupes en contact direct avec les clients de la Banque pour réclamer des CTI supplémentaires n’est pas acceptable pour l’ARC puisque les fonctions de trésorerie sont effectuées par le groupe de soutien à l’entreprise, qui est distinct des trois groupes en contact direct avec les clients de la Banque. De plus, l’affectation des revenus de trésorerie aux groupes d’exploitation en contact direct avec les clients n’a aucun lien avec le droit aux CTI pour les services financiers fournis par la Trésorerie au niveau de l’entreprise. Le droit aux CTI devrait être limité aux coûts directs et imputables à la trésorerie, y compris le soutien administratif pour les services financiers en question.

[38] Problèmes liés à la FME/au taux de recouvrement : Le ministre a relevé deux problèmes liés à la FME qui, à son avis, fausseraient le taux de recouvrement des coûts de la TPS de la Banque, de sorte que l’emploi de la FME ne donnerait pas une approximation raisonnable de l’utilisation que la Banque fait des intrants pour effectuer des fournitures taxables (détaxées) pour une contrepartie. La première distorsion découlait des composantes du ratio de la FME utilisées pour établir le taux de recouvrement, à savoir l’exclusion par la Banque de ses montants d’intérêts intrabancaires canadiens du dénominateur du ratio.

[39] La deuxième distorsion relevée par le ministre dans la méthode de 2018 était l’hypothèse selon laquelle le coût de l’exercice des activités du groupe Direction de la Trésorerie et celui des groupes en contact direct avec les clients étaient comparables. Le ministre a déclaré que cette hypothèse a faussé ou déformé le taux de recouvrement parce qu’elle ne tenait pas compte des intrants réels requis pour entreprendre deux sortes d’activités très différentes :

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[40] Le ministre a conclu que la méthode de 2018 donnerait lieu à une demande de CTI excédentaire fondée sur les opérations de financement du groupe Direction de la Trésorerie. À son avis, la Banque ne devrait pas ignorer le fait que les services financiers étrangers en question sont fournis par la Trésorerie et non par les trois grands groupes en contact direct avec les clients. LA FME ne maintient pas cette distinction, ce qui permet une reprise des CTI fondée en partie sur la prestation de services financiers nationaux par la Banque.

VII. Questions

[41] Je présente mon analyse des arguments de la Banque en deux grandes sections :

  1. La norme de contrôle judiciaire de la décision.

  2. Mon examen de la question de savoir si la décision était raisonnable.

VIII. Norme de contrôle

Les observations des parties

[42] La Banque reconnaît que la norme de contrôle présumée applicable aux décisions administratives est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 (Vavilov)), mais soutient que la norme présumée applicable est réfutée en l’espèce. BMO s’appuie sur les principes constitutionnels, l’accent mis dans l’arrêt Vavilov sur l’importance de l’intention du législateur, et les principes d’administration fiscale pour faire valoir qu’il s’agit de l’un des rares cas où une décision administrative doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte (Vavilov, aux para 33, 69 et 70, 82, 108). La Banque part du principe qu’en refusant sa méthode de calcul des CTI proposée au titre du paragraphe 141.02(20) de la LTA, le ministre impose un fardeau financier important en déterminant essentiellement une composante importante de sa TPS nette payable pour l’exercice 2018. BMO fait valoir que le législateur ne reconnaît pas un éventail d’issues raisonnables dans la détermination de l’impôt que doit payer un contribuable payable pour l’année. Le contrôle du caractère raisonnable de la décision [traduction] « donnerait au ministre une marge de manœuvre inappropriée pour décider de manière définitive de l’impôt payable par une institution admissible, sans recours suffisant aux tribunaux ».

[43] Subsidiairement, si la norme de contrôle judiciaire de la décision est celle de la décision raisonnable, la Banque soutient que le contrôle doit être rigoureux. La décision doit être intrinsèquement cohérente et justifiée, tant en ce qui concerne les faits que les lois qui limitent le ministre (Vavilov, aux para 85, 105 et 120) et doit posséder les caractéristiques du caractère raisonnable soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, au para 99). La Banque soutient également que la dérogation du ministre à ses décisions antérieures doit être expliquée dans les motifs de la décision (Vavilov, au para 131).

[44] Le défendeur soutient qu’il n’y a aucune raison de s’écarter de la présomption d’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable de l’arrêt Vavilov. En adoptant l’article 141.02 de la LTA, le législateur a délégué au ministre le pouvoir d’approuver la méthode de calcul des CTI proposée par l’IA et l’intention du législateur doit être respectée. Le défendeur soutient que la promulgation même de l’article 141.02 appuie la présomption de l’application de la décision raisonnable (Vavilov, aux para 24 et 30). Le défendeur soutient également que la qualification par la Banque de la décision du ministre comme étant une cotisation fiscale est erronée et découle de son insatisfaction à l’égard du paragraphe 141.02(8) et de l’imposition du taux de recouvrement réputé de 12 % des CTI pour les intrants résiduels.

[45] De plus, le défendeur soutient que la Banque n’a pas relevé de libellé précis à l’article 141.02, ou dans la LTA en général, qui démontre l’intention du législateur d’accorder moins de déférence aux décisions rendues par le ministre en vertu du paragraphe 141.02(20). Un examen détaillé du régime de l’article 141.02 et le fait qu’il sépare spécifiquement le processus d’approbation pour la méthode de calcul des CTI d’une IA des dispositions générales pour les institutions non admissibles indiquent une décision consciente du législateur de positionner le ministre comme gardien du processus d’autorisation des IA.

[46] Comme l’audition de la présente demande prenait fin, la Cour d’appel fédérale (CAF) a rendu son jugement dans l’arrêt Hunt c Canada, 2020 CAF 118 (Hunt). Dans l’arrêt Hunt, la CAF devait déterminer si l’article 207.05 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985 (5e supp), c 1 (LIR), contrevenait à l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 et était inconstitutionnel en tant que délégation inappropriée d’un pouvoir d’imposition. À ma demande, la Banque et le défendeur ont présenté des observations écrites concernant l’incidence de l’analyse de la CAF dans l’arrêt Hunt sur le cas qui nous occupe. La Banque soutient que l’analyse de la CAF est pertinente quant à l’interprétation de l’article 141.02 de la LTA par la Cour et pour la portée du pouvoir d’approbation conféré au ministre par l’article 141.02(20). Le défendeur soutient que l’arrêt Hunt a une application limitée quant à la présente demande parce que l’article 141.02 crée un régime qui régit le calcul exact des intrants et des CTI. Il ne s’agit pas de l’imposition de taxes ou de la délégation d’un pouvoir de taxation.

Analyse

[47] J’ai examiné attentivement les observations de la Banque, mais je conclus qu’il n’y a aucun motif de m’écarter de la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable pour mon examen de la décision. J’estime que l’intention du législateur de réserver au ministre l’approbation de la méthode de calcul des CTI proposée par une IA est manifeste à l’article 141.02 de la LTA et doit être respectée (Vavilov, au para 33).

[48] La CSC a relevé cinq situations où se justifie une dérogation à la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable, soit sur le fondement de l’intention du législateur (les normes de contrôle établies par voie législative et les mécanismes d’appel prévus par la loi) et la primauté du droit (les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ainsi que les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs) (Vavilov, au para 69). La Cour n’a pas écarté d’autres situations qui exigeraient un contrôle selon la norme de la décision correcte, mais elle a rappelé que de telles catégories seraient exceptionnelles (Vavilov, au para 70) :

[70] […] Cela dit, la reconnaissance de tout nouveau fondement pour l’application de la norme de la décision correcte devrait revêtir un caractère exceptionnel et devrait respecter le cadre d’analyse et les principes prépondérants énoncés dans les présents motifs. Autrement dit, toute nouvelle catégorie de questions qui justifie une dérogation à la norme de la décision raisonnable sur le fondement de l’intention du législateur devrait comporter une indication de cette volonté tout aussi solide et convaincante que les indications mentionnées dans les présents motifs (c.‑à‑d. une norme de contrôle établie par voie législative ou un mécanisme d’appel prévu par la loi). De la même manière, la reconnaissance d’une nouvelle catégorie de questions qui commande l’application de la norme de la décision correcte sur le fondement de la primauté du droit ne serait justifiée que dans le cas où le défaut d’appliquer la norme de la décision correcte risquerait d’ébranler la primauté du droit et mettrait en péril le bon fonctionnement du système de justice d’une façon analogue aux trois situations décrites dans les présents motifs.

[49] J’estime qu’aucune des cinq situations relevées par la CSC ne justifie une dérogation à l’application de la norme de la décision raisonnable. Le législateur n’a pas établi une norme de contrôle pour l’approbation ou le refus en vertu du paragraphe 141.02(20) ni un recours prévu par la loi. Il n’y a pas de question constitutionnelle, de questions de droit générales d’importance capitale ou de délimitations des compétences en cause dans la présente demande.

[50] La Banque soutient que la décision relève de la catégorie de cas de nature exceptionnelle de la CSC, mais je ne suis pas de cet avis. BMO concentre ses observations sur les arguments constitutionnels (et non sur l’invalidité sur le plan constitutionnel), l’intention du législateur et les principes établis de l’administration fiscale, et souligne les répercussions financières importantes du refus du ministre.

[51] Le fait que la Banque invoque des principes constitutionnels à l’appui du contrôle selon la norme de la décision correcte découle de la qualification qu’elle fait de la décision du ministre comme étant l’établissement de sa TPS nette exigible pour l’exercice 2018. La Banque soutient que les conséquences fiscales de la décision vont au-delà de l’approbation d’une méthode de calcul des CTI, l’objet restreint de l’article 141.02. La Banque fait valoir que le refus de la demande de 2018 par le ministre détermine effectivement le montant de sa demande de CTI parce que le paragraphe 141.02(8) applique automatiquement un pourcentage de recouvrement réglementaire de 12 % pour les intrants résiduels.

[52] BMO affirme que le pouvoir de taxation est un pouvoir démocratique qui doit être exercé par la Chambre des communes (articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867). Un pouvoir d’imposition peut être délégué, mais seulement si cette délégation est énoncée dans un libellé clair et non ambigu (Ontario English Catholic Teachers’ Assn c Ontario (Procureur général), 2001 CSC 15, au para 77 (OECTA)). Étant donné que l’exercice du pouvoir d’approbation conféré au ministre par le paragraphe 141.02(20) est l’exercice d’un pouvoir d’imposition, BMO soutient que ce pouvoir doit être restreint et assujetti à un contrôle très minutieux et rigoureux (OECTA, au para 77).

[53] Je ne suis pas d’accord avec la Banque en ce qui concerne sa description de la décision du ministre et j’estime que le ministre n’exerce pas de pouvoir d’imposition en exerçant son le pouvoir d’approbation qui lui est conféré par l’article 142.02(20) de la LTA. Que le ministre accepte ou refuse la demande d’une IA, son pouvoir ne s’étend qu’à l’examen de la méthode de calcul proposée. Elle ne détermine pas la TPS nette payable par l’IA et n’impose pas le taux de recouvrement réputé de 12 %. Les conséquences de son refus sont prévues par d’autres dispositions de l’article 141.02, notamment le paragraphe 141.02(8), dûment édicté par le législateur conformément aux articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867. La TPS nette réelle payable par la Banque ne sera déterminée que par rapport à ses résultats réels, c’est-à-dire l’identification de ses fournitures taxables et exonérées pour l’exercice, la TPS brute payée et l’application des diverses dispositions de l’article 141.02. Le fait que la Banque s’appuie sur des principes constitutionnels et la mise en garde de l’arrêt OECTA pour justifier une dérogation à la présomption d’application de la norme de contrôle du caractère raisonnable n’est pas convaincant.

[54] Comme je l’ai déjà mentionné, la question précise dont la CAF était saisie dans l’arrêt Hunt était de savoir si l’article 207.5 de la LIR contrevenait à l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 et s’il était inconstitutionnel à titre de délégation inappropriée d’un pouvoir d’imposition. La CAF a répondu par la négative. La Cour canadienne de l’impôt (CCI) avait également examiné si les articles 207.05 et 207.06, séparément ou combinés, constituaient une délégation invalide du pouvoir d’imposition conféré au ministre. La CAF a refusé de traiter cette deuxième question parce que la réponse dépendait d’un certain nombre de questions subsidiaires que les parties n’avaient pas traitées dans leur mémoire des faits et du droit. La CAF a déclaré que, pour répondre à ces questions, les dispositions législatives en question devaient être interprétées selon la méthode acceptée d’examen du libellé, du contexte et de l’objet des dispositions. (Hunt, au para 11, avec renvois aux arrêts de principe, dont l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27; 154 D.L.R. (4Th) 193; Entertainment Software Assoc. c Société canadienne des compositeurs [sic], 2020 CAF 100 au para 39 (Entertainment Software); TELUS Communications Inc. c Wellman, 2019 CSC 19). La CAF a déclaré (Hunt, aux para 13 et 14) :

[13] Dans certains cas, après un examen exhaustif du libellé en fonction de son contexte et de son objet, la Cour pourrait conclure que la disposition législative, dans son sens véritable, restreint de manière satisfaisante le pouvoir discrétionnaire du ministre, et définit ce qu’il peut faire et la façon dont il doit le faire. Le ministre ne créerait ni n’établirait un impôt ou un taux d’imposition de son propre chef. Il ne ferait pas la loi.

[14] Toutefois, dans d’autres litiges, la Cour pourrait conclure que la disposition du législateur, dans son sens véritable, accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire indéfini et illimité, guidé par aucune norme précise. Le ministre, et non le législateur, créerait et établirait un impôt ou un taux d’imposition de son propre chef. Il ferait la loi.

[55] La Banque soutient que l’arrêt Hunt fournit [traduction] « le cadre analytique approprié pour déterminer la portée du pouvoir décisionnel conféré par le législateur à une administration fiscale, particulièrement en ce qui concerne l’application de l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 ». Toutefois, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’article 141.02 de la LTA crée une méthode pour le calcul des CTI et l’examen de la demande d’une IA par le ministre. L’exercice du pouvoir d’approbation conféré au ministre par le paragraphe 141.02(20) ne constitue pas une imposition de taxes ou l’exercice d’un pouvoir de taxation. Il s’agit de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dûment délégué au ministre par le législateur pour assurer l’exactitude des calculs. Pour paraphraser la CAF, le ministre n’impose pas une taxe ou un taux d’imposition précis aux IA; il ne fait pas la loi. Le législateur a créé le régime législatif de l’article 141.02 pour les IA et a déterminé le traitement et le taux de recouvrement pour la demande de CTI d’une IA pour les intrants résiduels dans l’éventualité où le ministre refuse une demande.

[56] Le cadre analytique de mon contrôle de la décision du ministre rendue en vertu du paragraphe 141.02(20) est énoncé dans l’arrêt Vavilov. Cela dit, la CSC et la CAF, dans les arrêts Vavilov et Hunt, respectivement, s’entendent sur la nature de l’interprétation des lois. Je prends acte des arguments de la Banque dans ses observations formulées sur l’arrêt Hunt concernant l’importance non seulement du libellé de l’article 141.02, mais aussi de son contexte et de son objet. À mon avis, ces arguments sont dûment pris en compte dans le cadre de l’arrêt Vavilov et dans les directives de la CSC concernant la nature et le contenu du contrôle du caractère raisonnable.

[57] La Banque s’appuie sur la déclaration de la CSC dans l’arrêt Vavilov selon laquelle le respect de l’intention du législateur « doit nous guider » en matière de contrôle judiciaire et la présomption relative à l’application de la norme de la décision raisonnable est réfutée lorsque le législateur indique qu’une norme différente devrait s’appliquer (Vavilov, au para 33).

[58] J’estime que l’adoption de l’article 141.02 par le législateur indique l’intention de celui-ci de conférer au ministre le pouvoir substantiel d’accepter ou de refuser la demande d’approbation d’une IA pour sa méthode d’attribution et de calcul des CTI (Vavilov, aux para 23 et 33). La Cour doit respecter l’intention du législateur. Rien n’indique dans l’article ou dans la LTA en général que l’exercice d’un tel pouvoir doit être examiné par la Cour selon la norme de la décision correcte (Vavilov, au para 33). Contrairement à l’affirmation de la Banque, la décision du ministre commande la déférence.

[59] La Banque fait valoir que le régime législatif de la LTA et les principes d’administration fiscale applicables permettent à tous les contribuables, à l’exception des IA, de calculer leur TPS nette exigible au moyen d’un système d’autodéclaration et d’autocotisation. Chacun de ces contribuables choisit une méthode d’attribution des CTI qui est juste et raisonnable et si, à la suite d’une vérification, le ministre détermine que la méthode n’est pas juste et raisonnable, le contribuable a le droit d’en appeler de la cotisation qui en résulte devant la CCI. La CCI détermine si la cotisation est correcte et non pas si elle est raisonnable. En revanche, si la Cour examine la décision du ministre pour déterminer si elle est raisonnable, la décision n’a pas à être correcte. De l’avis de la Banque, un tel résultat est contraire à l’intention du législateur et constitue le seul type de décision fiscale où le ministre a le droit d’avoir tort.

[60] J’estime qu’il n’est pas convaincant que la Banque s’appuie sur des principes généraux d’administration fiscale. Le législateur a adopté une loi qui a préséance sur les principes généraux applicables aux institutions non admissibles et n’a pas indiqué que la décision du ministre devait être examinée selon la norme de la décision correcte. Le régime d’autodéclaration applicable aux institutions non admissibles et leur droit d’appel à la CCI si le ministre conteste leur méthode d’attribution lors de la vérification sont remplacés par l’article 141.02. L’application par analogie d’une norme de la décision correcte pour le contrôle de la décision du ministre n’est pas justifiée.

[61] Je suis d’accord avec la Banque lorsqu’elle dit que l’article 141.02 a pour effet de priver les IA du droit de recourir à la CCI pour savoir si leurs méthodes de calcul des CTI sont justes et raisonnables. L’approbation de la méthode proposée par une IA est maintenant explicitement réservée au ministre, et la décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe 141.02(20) peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour. Les critères à appliquer pour l’exercice du pouvoir du ministre, c’est-à-dire pour la question de savoir si la méthode doit être « juste et raisonnable » ou une « approximation raisonnable » de l’utilisation des intrants en question, ne sont pas déterminants pour la norme de contrôle de la décision.

[62] La Banque soutient également que l’article 141.02 la prive du droit de recourir à la CCI pour des questions relatives à son utilisation réelle des intrants d’entreprise au cours d’un exercice, mais je ne suis pas de cet avis en l’espèce. Ces questions font l’objet d’une discussion sur la vérification et un appel subséquent à la CCI demeure disponible. Cet argument porte sur la portée des questions dont le ministre peut tenir compte dans l’évaluation d’une méthode de calcul proposée conformément au paragraphe 141.02(20) et je reviens sur cet argument dans mon analyse de fond des observations des parties.

[63] Qu’implique donc la norme du caractère raisonnable en l’espèce? La CSC décrit une décision raisonnable de la façon suivante (Vavilov, au para 85) :

[85] […] une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de justice qu’elle fasse preuve de déférence envers une telle décision.

[64] Je commence mon examen de la décision par les motifs donnés par le ministre à la lumière du dossier et des observations des parties (Vavilov, aux para 83, 86, 96 et 125). Les motifs doivent être justifiés, intelligibles et transparents et doivent répondre aux principales questions soulevées par les parties (Vavilov, aux para 95, 99 et 127). La CSC a examiné en détail le contenu des motifs auxquels une cour de révision peut s’attendre et a rappelé que le contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit tenir compte à la fois du raisonnement du décideur et de l’issue de la décision (Vavilov, aux para 86 et 87).

[65] La justification donnée par le décideur doit être examinée selon les faits et le droit pertinents dans chaque affaire (Vavilov, aux para 105 et 106). La CSC a déclaré que, « le régime législatif applicable est probablement l’aspect le plus important du contexte juridique d’une décision donnée » (Vavilov, au para 108). En l’espèce, le régime législatif de la LTA est au cœur de mon examen de la décision (Entertainment Software, aux para 34 et 35). Dans l’exercice de ses pouvoirs conférés par le paragraphe 141.02(20), le ministre est limité par les dispositions de la LTA en général et du régime imposé par l’article 141.02.

[66] La Banque et le défendeur ne sont pas d’accord sur la portée de l’article 141.02 et les contraintes imposées au pouvoir d’approbation du ministre. Leur différend porte sur l’objectif poursuivi par le législateur en adoptant l’article et sur le critère à partir duquel le ministre est tenu d’évaluer la demande d’une IA en application du paragraphe 141.02(20). Bien que les parties aient traité de ces questions dans leurs observations relatives à la norme de contrôle, il est préférable de les traiter dans le cadre de mon analyse de fond de la décision.

[67] Je reviens brièvement sur les observations de la Banque concernant l’arrêt Hunt. BMO s’est appuyée sur la déclaration de la CAF dans l’arrêt Hunt selon laquelle une interprétation législative contextuelle et téléologique doit être utilisée pour déterminer les contraintes relatives aux pouvoirs décisionnels administratifs afin de plaider en faveur du contrôle selon la norme de la décision correcte. Cette question est directement traitée par la CSC dans l’arrêt Vavilov (au para 115), où les juges majoritaires ont déclaré que les questions d’interprétation des lois peuvent être évaluées selon la norme de la décision raisonnable. La CSC a ensuite déclaré (Vavilov, au para 117) :

[117] La cour qui interprète une disposition législative le fait en appliquant le « principe moderne » en matière d’interprétation des lois, selon lequel il faut lire les termes d’une loi « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’[économie] de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au para 21, [Autres renvois omis].

IX. Analyse – La décision était-elle raisonnable?

[68] Je traiterai d’abord des arguments des parties concernant la portée du pouvoir conféré au ministre par le paragraphe 141.02(20) de la LTA. Ces arguments mettent l’accent sur le mandat que le législateur a confié au ministre en adoptant l’article 141.02 et l’importance que revêtent les CTI pour faire en sorte que la TPS soit une TVA.

[69] Je passerai ensuite en revue les observations de la Banque contestant les préoccupations et les conclusions du ministre dans la décision concernant la méthode de 2018 et la structure de la FME. Enfin, je traiterai des observations de la Banque concernant le fait que le ministre s’est écarté de ses approbations antérieures des méthodes de calcul des CTI de la Banque.

1. Portée du pouvoir d’approbation conféré au ministre par le paragraphe 141.02(20) de la LTA

[70] La Banque soutient que le ministre était tenu d’effectuer une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de la portée du pouvoir d’approbation qui lui est conféré par le paragraphe 141.02(20) de la décision et qu’elle a manqué de manière déraisonnable à cette obligation (Vavilov, aux para 117 à 121; Entertainment Software, aux para 39 à 42). BMO affirme qu’une interprétation textuelle et contextuelle de l’article 141.02 doit respecter le rôle fondamental des CTI dans le régime de la TPS, les principes de la méthode d’attribution et les principes généraux d’administration de l’impôt. De plus, le ministre devait se pencher sur la raison pour laquelle le législateur a adopté l’article 141.02 et sur le mandat qu’il entendait conférer à cet égard.

[71] La Banque fait deux observations connexes : (1) L’objectif du législateur en adoptant l’article 141.02 de la LTA se limitait à faire en sorte que les IA ne puissent choisir qu’une seule méthode de calcul des CTI pour un exercice; (2) comme corollaire, le ministre est lié par les principes d’administration fiscale et les règles générales contenues dans la LTA pour les CTI. Le droit concernant l’attribution « juste et raisonnable » des CTI (art 141.01(5)) et les méthodes de calcul demeurent inchangées et limitent le pouvoir d’approbation du ministre.

[72] Il y a un troisième aspect aux observations de la Banque concernant la portée du pouvoir d’approbation du ministre. BMO soutient que le ministre a outrepassé la portée du pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 141.02(20) en soulevant des questions de fait à l’étape de l’approbation. À son avis, ces questions doivent être laissées à l’étape de l’audit lorsque la méthode proposée par la Banque peut être vérifiée par rapport à ses résultats d’exploitation et financiers réels pour l’exercice.

Analyse textuelle : Le texte de l’article 141.02 de la LTA

[73] Le paragraphe 141.02(20) de la LTA établit le pouvoir du ministre d’approuver la méthode de calcul proposée par une IA :

Autorisation

Authorization

(20) Sur réception de la demande visée au paragraphe (18), le ministre :

(20) On receipt of an application made under subsection (18), the Minister shall

a) examine la demande et autorise ou refuse l’emploi des méthodes particulières;

(a) consider the application and authorize or deny the use of the particular methods; and

b) avise la personne de sa décision par écrit au plus tard :

(b) notify the person in writing of the decision on or before

(i) au dernier en date des jours suivants :

(i) the later of

(A) le cent quatre-vingtième jour suivant la réception de la demande,

(A) the day that is 180 days after that receipt, and

(B) le cent quatre-vingtième jour précédant le début de l’exercice visé par la demande,

(B) the day that is 180 days before the first day of the fiscal year to which the application applies, or

(ii) à toute date postérieure que le ministre peut préciser, si elle figure dans une demande écrite que la personne lui présente.

(ii) any later day that the Minister may specify, if the day is set out in a written application filed by the person with the Minister.

[74] Le libellé du paragraphe 141.02(20) et, de façon plus générale, de l’article 141.02 n’impose aucune contrainte ou critère de fond à l’exercice par le ministre des pouvoirs que lui confère cet article. Plus particulièrement, l’article 141.02 n’oblige pas le ministre à approuver la demande d’une IA d’employer une méthode de calcul des CTI « juste et raisonnable », l’un des principaux arguments de la Banque dans la présente demande. Ni le paragraphe 141.02(18) ni le paragraphe 141.02(19), les dispositions qui énoncent le droit d’une IA de demander une préapprobation, ni la forme ni la manière d’une telle demande, ne disposent que la méthode proposée par l’IA doit être juste et raisonnable. Le paragraphe 141.02(22) exige que le ministre fournisse des raisons s’il refuse la demande d’une IAI, mais ne l’oblige pas à expliquer la raison pour laquelle la méthode de calcul n’était pas juste et raisonnable.

[75] En revanche, il y a de nombreux cas à l’article 141.02 où le législateur impose la norme juste et raisonnable aux méthodes de calcul des CTI (voir, p. ex., les art 141.02(16), (27), (28), (30), (31), (32) et (33)). Certaines de ces dispositions ne s’appliquent qu’aux institutions financières qui ne sont pas des IA, d’autres peuvent s’appliquer aux IA, mais seulement dans des circonstances particulières. Aucune des dispositions ne s’applique lorsque, comme en l’espèce, le ministre exerce le pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 141.02(20), accepte ou refuse une demande sans modifications et avise l’IA conformément aux paragraphes 141.02(20) et (22).

Analyse téléologique : Objectif du législateur dans l’édiction de l’article 141.02

[76] La Banque soutient que l’objectif du législateur en adoptant l’article 141.02 limite le pouvoir d’approbation du ministre. Elle affirme que l’article 141.02 a été adopté par le législateur en réponse à l’arrêt CIBC World Markets Inc. c Canada, 2011 CAF 270 (CIBC World Markets) et qu’il visait à limiter les IA à la sélection préalable d’une méthode de calcul des CTI par exercice. En guise de contexte factuel, CIBC avait choisi une méthode de répartition des CTI pour ses exercices 1998 et 1999, qui a permis de recouvrer environ 6 % de la TPS payée chaque année. CIBC a produit ses déclarations de TPS selon la méthode choisie et le ministre a accepté les demandes de CTI. Par la suite, CIBC a adopté une méthode d’attribution différente qui a entraîné une augmentation des demandes de CTI et le recouvrement d’environ 25 % de la TPS payée en 1998 et en 1999. La Banque a présenté une deuxième demande de CTI en utilisant la méthode la plus favorable dans le délai de prescription applicable et le ministre a refusé les CTI supplémentaires demandés.

[77] En appel, la CAF a accueilli les demandes, concluant que rien dans le texte de la LTA n’interdisait plus d’une demande de CTI à l’égard de la même année d’imposition. En fait, le paragraphe 225(3) de la LTA envisageait la possibilité que plus d’une demande puisse être présentée (CIBC World Markets, aux para 31, 32 et 48). Même si la deuxième méthode était plus favorable à CIBC, elle était toujours juste et raisonnable. La CAF a conclu que « [i]nterdire une demande ultérieure fondée sur une méthode qui a été reconnue comme étant “juste et raisonnable” donne lieu à une conséquence fâcheuse qu’aucune disposition de la [LTA] n’exige, à mon avis » (CIBC World Markets, au para 35).

[78] Le défendeur soutient que le législateur n’a pas adopté l’article 141.02 uniquement pour régler la question du magasinage de méthodes illustrée dans l’arrêt CIBC World Markets. Au contraire, le nouveau régime visait principalement à répondre à deux cas : Bay Ferries Limited c Sa Majesté la Reine, 2004 CCI 663 (Bay Ferries) et l’arrêt de la CAF Ville de Magog.

[79] Dans chacun des arrêts Ville de Magog et de Bay Ferries, la méthode des CTI pour les contribuables a été acceptée comme étant juste et raisonnable, mais le ministre a adopté la position selon laquelle il existe des méthodes plus précises. Dans les deux cas, les tribunaux ont conclu que la méthode des contribuables prévalait. Dans l’appel interjeté par le contribuable de la CCI, la CAF a déclaré dans l’arrêt Ville de Magog (au para 15) :

[15] La seule question qui se posait devant la juge était celle à savoir si la méthode choisie par l’appelante était juste et raisonnable comme l’exige le paragraphe 141.01(5). Elle n’avait pas à décider laquelle des deux méthodes en cause était la meilleure. D’ailleurs, le mémorandum 700-5-1 reconnaît à son paragraphe 23 que plus d’une méthode peuvent être justes et raisonnables au sens de la Loi (voir aussi Navaho Inn v. The Queen, 3 GTC 2067 à la page 2071 (C.C.I.)).

[80] Le défendeur soutient que l’ARC et le ministère des Finances étaient préoccupés par le fait que les deux décisions donnaient une trop grande souplesse aux IA dans le choix d’une méthode de calcul des CTI. Selon le défendeur, la principale raison pour laquelle l’article 141.02 a été adopté était de réserver au ministre le pouvoir d’approuver la substance des méthodes de calcul et d’attribution des CTI des IA.

[81] Le défendeur mentionne un rapport publié en 2008 par Ernst & Young concernant le projet de loi initial contenant l’article 141.02 proposé. Les auteurs du rapport sont d’avis que l’ARC et le ministère des Finances étaient préoccupés par l’issue des arrêts Ville de Magog et Bay Ferries et ont cherché à restreindre la grande latitude du critère juste et raisonnable pour les IA. Le défendeur cite également le paragraphe 141.02(17) qui, le cas échéant, traite à lui seul de la préoccupation soulevée dans l’arrêt CIBC World Markets et de l’emploi de méthodes de calcul multiples au cours d’un seul exercice.

[82] Les parties ont présenté des observations au sujet des dates des trois décisions, mais je ne crois pas que la question du moment soit déterminante pour établir l’objectif du législateur dans l’adoption de l’article 141.02. Le législateur a proposé l’adoption de cet article en 2007. On peut soutenir qu’à l’époque, le législateur, le ministère des Finances ou l’ARC étaient au courant des trois cas cités par les parties. Les renseignements contextuels contenus dans le dossier concernant l’adoption de l’article 141.02 ne portent pas sur l’objectif du législateur, si ce n’est de décrire en termes généraux l’introduction d’un nouveau cadre législatif pour un régime d’attribution des CTI aux institutions financières et l’exigence relative à la préapprobation dans le cas des IA. Cela n’est pas non plus déterminant.

[83] À mon avis, un examen téléologique de l’adoption de l’article 141.02 et de la préapprobation par le ministre des méthodes de calcul des IA n’exige pas l’interprétation limitée proposée par la Banque. La structure même de l’article 141.02 suggère un objectif plus vaste qu’une réponse précise à l’arrêt CIBC World Markets. L’adoption d’une disposition semblable au paragraphe 141.02(17) en parallèle avec l’exigence d’utiliser la méthode choisie tout au long de l’exercice (p. ex., comme à l’article 41.02(21)a)) viserait l’arrêt CIBC World Markets. Il n’y aurait pas d’exigence relative au processus de préapprobation. J’estime que le ministre a raisonnablement interprété son rôle comme étant non seulement temporel, exigeant l’établissement d’une méthode de calcul avant l’exercice en question, mais aussi substantiel, lui permettant d’examiner le fond de la méthode proposée.

Analyse contextuelle : La pertinence continue des principes fondamentaux des CTI (article 169 et paragraphe 141.01(5))

[84] La Banque soutient que les principes et règles généraux de la TPS pour les CTI (art 169 et art 141.01(5) de la LTA), le contexte dans lequel le ministre approuve une méthode proposée, s’appliquent pour limiter l’exercice du pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 141.02(20). BMO soutient que le ministre a commis une erreur dans le rapport de décision en (1) affirmant que les dispositions de l’article 141.02 l’emportent sur ces règles générales et (2) en omettant d’appliquer la norme juste et raisonnable dans l’exercice de son pouvoir. Je n’estime pas les arguments de la Banque convaincants.

[85] Dans le rapport de décision, le ministre a d’abord affirmé que l’article 141.02 s’applique conjointement avec les dispositions existantes sur les CTI, comme l’article 169 de la LTA. Le paragraphe 169(1) permet la déduction de la TPS engagée dans le cadre des activités commerciales d’une entreprise. Elle a ensuite expliqué l’importance de l’article 169 et a affirmé que les règles particulières de l’article 141.02 l’emportent sur les règles générales de cet article et sur toutes les dispositions applicables de l’article 141.01. Le ministre a immédiatement précisé sa déclaration, en indiquant que [traduction] « [p]our plus de précisions, les règles particulières pour les institutions admissibles à l’article 141.02 devraient être examinées en premier ». En d’autres termes, les dispositions particulières de l’article 141.02 ont préséance sur toute règle générale contraire (voir, p. ex., l’explication du juge Stratas dans l’arrêt CIBC World Markets (au para 51) selon laquelle l’alinéa 141.02(16)b) est lié au paragraphe 141.01(5) « en ce qu’il prévaut sur le paragraphe 141.01(5) pour les institutions financières »). Le ministre n’a commis aucune erreur d’interprétation législative à cet égard.

[86] À titre d’exemple, le ministre a expliqué dans le rapport de décision l’interaction entre le paragraphe 141.02(8), les pourcentages prévus par règlement pour déterminer la mesure de l’utilisation des intrants résiduels et les formules décrites au paragraphe 169(1). Bien qu’il ne s’agisse que d’un exemple de la reconnaissance par le ministre du régime général de la LTA, l’argument de la Banque selon lequel le ministre a fait fi des principes des CTI, y compris l’article 169, n’est pas exact. Il a reconnu à juste titre leur application aux calculs des CTI d’une IA, sous réserve des dispositions de l’article 141.02. Au cours du contre-interrogatoire, le représentant du ministre a confirmé l’approche du ministre, reconnaissant que les articles 169 et 141.02 s’appliquent aux institutions financières [traduction] « parce que l’article 169 est le fondement de l’impôt sur le revenu (--), 141.02 dicte ou décrit les méthodes d’application ».

[87] En plus de s’appuyer sur l’application continue des principes généraux des CTI, la Banque soutient que le paragraphe 141.01(5) de la LTA exige que le ministre évalue la méthode de 2018 selon la norme juste et raisonnable. La BMO soutient que la loi concernant les méthodes d’attribution justes et raisonnables des CTI n’a pas été modifiée par l’adoption de l’article 141.02.

[88] Le défendeur soutient que l’article 141.02 est un système détaillé qui envisage un régime distinct de celui des institutions non admissibles dans le traitement et le contenu. Le défendeur soutient que le législateur a délibérément omis la norme juste et raisonnable du paragraphe 141.02(20) et a permis au ministre d’élargir la portée de l’enquête sur une méthode proposée. Le défendeur affirme que, bien que l’évaluation de la question de savoir si la méthode proposée par une IA est juste et raisonnable soit un élément de l’examen du ministre, elle peut également tenir compte d’autres facteurs pour déterminer si la méthode donne lieu à une approximation raisonnable des intrants utilisés pour effectuer des fournitures taxables.

[89] L’article 141.01(5) est libellé ainsi :

Méthodes de mesure de l’utilisation

Method of determining extent of use, etc.

(5) Sous réserve de l’article 141.02, seules des méthodes justes et raisonnables et suivies tout au long d’un exercice peuvent être employées par une personne au cours de l’exercice pour déterminer la mesure dans laquelle :

(5) Subject to section 141.02, the methods used by a person in a fiscal year to determine

a) la personne acquiert, importe ou transfère dans une province participante des biens ou des services afin d’effectuer une fourniture taxable pour une contrepartie ou à d’autres fins;

(a) the extent to which properties or services are acquired, imported or brought into a participating province by the person for the purpose of making taxable supplies for consideration or for other purposes, and

b) des biens ou des services sont consommés ou utilisés en vue de la réalisation d’une fourniture taxable pour une contrepartie ou à d’autres fins.

(b) the extent to which the consumption or use of properties or services is for the purpose of making taxable supplies for consideration or for other purposes,

shall be fair and reasonable and shall be used consistently by the person throughout the year.

[90] Je ne suis pas convaincue que l’insistance de la Banque sur une interprétation contextuelle du paragraphe 141.02(20) entraîne l’application continue du paragraphe 141.01(5). L’argument de la Banque selon lequel le législateur n’avait pas l’intention de permettre au ministre de faire fi des principes fondamentaux des CTI dans l’exercice du pouvoir qui lui est par le paragraphe 141.02(20) est trop large. Ces principes, notamment l’importance des CTI pour le régime de la TPS et l’article 169 de la LTA, n’exigent pas l’application de la norme juste et raisonnable. L’utilisation d’une norme autre que celle énoncée au paragraphe 141.01(5) n’entraîne pas nécessairement une dérogation aux principes des CTI.

[91] En ce qui concerne le contexte immédiat du paragraphe 141.02(20), le législateur a imposé la norme juste et raisonnable dans un certain nombre d’autres dispositions de l’article 141.02 (voir le para 75 ci-dessus). On peut raisonnablement présumer que le législateur a délibérément omis au paragraphe 141.02(20) une exigence selon laquelle le ministre doit examiner la méthode de calcul des CTI proposée par une IA à l’aide du critère juste et raisonnable. La norme faisait depuis longtemps partie intégrante de l’article 141.01, comme l’insiste la Banque, et le législateur l’a expressément incluse dans des aspects distincts du nouveau régime de l’article 141.02.

[92] Il est intéressant de noter que l’adoption de l’article 141.02 a mené à la modification du paragraphe 141.01(5). Le législateur a indiqué que le paragraphe 141.01(5) est assujetti à l’article 141.02. J’estime que cette modification, combinée à l’utilisation par le législateur de la norme juste et raisonnable dans certaines dispositions de l’article 141.02, fournit une preuve contextuelle solide selon laquelle le ministre n’était pas contraint d’appliquer la norme à son évaluation de la méthode de 2018 en vertu de l’article 141.02(20). Par conséquent, il n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en omettant de faire référence à la norme dans la décision.

[93] Dans la pièce jointe A de la lettre de décision, le ministre a énoncé les principes généraux qui guident son examen de la méthode de 2018 de la Banque. Il a d’abord mentionné le bulletin B-106 :

Une méthode d’attribution fondée sur les extrants prévoit un calcul fait d’après une mesure de production (p. ex., les recettes) pour affecter l’utilisation des intrants dans la mesure où ils ne peuvent pas être attribuables au moyen d’un suivi ou par causalité. Si l’institution financière utilise une attribution fondée sur les extrants, le calcul doit représenter une approximation raisonnable de l’utilisation des intrants qui est faite en vue d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie. Par exemple, les intrants devraient être utilisés dans la même proportion que ceux servant à effectuer des fournitures qui sont inclus dans le calcul, et la marge de profit moyenne des fournitures devrait être la même que celle incluse dans le calcul.

[94] Le ministre a ensuite cité le Mémorandum sur la TPS/TVH 8.3 (Calcul des crédits de taxe sur les intrants) (Mémorandum 8.3) et les principes généraux concernant les méthodes de calcul fondées sur les extrants, y compris le fait qu’une méthode choisie doit être juste et raisonnable. Le Mémorandum 8.3 ne concerne pas les institutions financières, mais le fait que le ministre s’appuie sur le résumé des méthodes fondées sur les extrants du Mémorandum dans la décision indique qu’il a reconnu l’importance de la norme juste et raisonnable dans le système de calcul des CTI.

[95] Je n’accepte pas la position de la Banque selon laquelle le paragraphe 141.01(5) exige que le ministre approuve une méthode de calcul des CTI proposée si elle est juste et raisonnable. Une telle interprétation du paragraphe 141.02(20) ne tient pas compte de la distinction que fait le législateur entre les IA et les institutions non admissibles. La Banque n’a fourni aucune observation quant aux raisons pour lesquelles l’application par le ministre de la norme de l’approximation raisonnable à son évaluation de la méthode de 2018 était déraisonnable ou dérogeait à tort aux principes fondamentaux de calcul des CTI. L’emploi de la norme par le ministre est conforme aux directives de l’ARC dans le Bulletin B-106, et je ne constate aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision à cet égard.

Portée du pouvoir d’approbation du ministre par rapport aux questions de vérification

[96] La Banque revient sur les principes d’administration fiscale pour faire valoir que la portée du pouvoir accordé au ministre par le paragraphe 141.02(20) doit être limitée de façon à respecter la distinction entre les processus de vérification et d’approbation et à protéger son droit de porter en appel devant la CCI les différends en matière de vérification. Ces observations réexaminent l’objet et le contexte de l’article 141.02. BMO soutient que le paragraphe 141.02(20) prévoit un examen de la méthode. Il ne s’étend pas à l’examen des hypothèses factuelles sous-jacentes d’une IA, dont l’évaluation doit être réservée à la vérification.

[97] BMO soutient que le ministre a refusé sa demande de 2018 en raison de son désaccord concernant les hypothèses commerciales sous-jacentes, outrepassant ainsi ses pouvoirs. La Banque affirme que le respect des obligations fiscales du Canada repose sur le principe de l’autocotisation fondé sur l’opinion d’un contribuable quant à son impôt à payer (BP Canada Energy Company c Canada (Revenu national), 2017 CAF 61 aux para 81 et 82). L’article 141.02 s’écarte des principes établis et est unique parce que le processus d’approbation du ministre se déroule en l’absence de données réelles.

[98] La Banque soutient qu’une IA doit être en mesure de s’autodéclarer à l’aide d’une méthode de calcul des CTI fondée sur son utilisation future prévue des intrants. À moins que la méthode de calcul des CTI proposée ne soit tout à fait déraisonnable, le ministre doit accepter les hypothèses commerciales d’une IA et approuver la méthode proposée. Tous les différends concernant l’utilisation future des intrants et les composantes de la méthode proposée seront traités lors de la vérification, de l’évaluation et, en fin de compte, de l’appel à la CCI. La Banque insiste sur la nécessité de maintenir la distinction entre l’évaluation et la vérification, distinction qui, selon elle, a été floue en l’espèce puisque le même personnel de l’ARC a participé aux deux. Le processus de vérification, un processus distinct, long et détaillé fondé sur les résultats réels de l’IA, constitue une autre limite à la demande de CTI d’une IA.

[99] Le défendeur soutient que le ministre n’est pas tenu de présumer que l’utilisation prévue des intrants par une IA est vraie. À son avis, l’argument de la Banque est circulaire. Le défendeur soutient que le but même de l’examen de la méthode est d’évaluer comment l’IA utilisera ses intrants pour établir des montants quantitatifs. Bien que le défendeur reconnaisse qu’il y a une distinction subtile entre ce qui constitue ou non une méthode, le ministre est entièrement autorisé à remettre en question la structure de la méthode proposée et la formule elle-même.

[100] J’estime que le pouvoir d’approbation accordé au ministre par le paragraphe 141.02(2) de la LTA l’oblige à se concentrer sur la structure de la méthode proposée par une IA et sur l’application de la méthode aux activités de l’IA. Le ministre est tenu de fonder son évaluation sur les renseignements commerciaux fournis par l’IA, mais il n’est pas tenu d’adopter la qualification de ces renseignements par l’IA pour les besoins de la TPS. Il n’est pas tenu de présumer de l’exactitude des éléments ou de la structure proposés de la méthode de l’IA.

[101] La position de la Banque limite de façon déraisonnable les pouvoirs du ministre. Je ne suis pas d’accord pour dire que le ministre doit approuver la méthode de calcul des CTI proposée par une IA, à moins que cela [traduction] ne soit « tout à fait déraisonnable ». À l’exception de l’insistance sur la distinction entre les processus d’approbation et de vérification et l’importance du principe d’autodéclaration, BMO n’a relevé aucune indication dans le texte ou le contexte de l’article 141.02 de l’intention du législateur de limiter ainsi le pouvoir du ministre. La Banque n’a pas fait valoir que les renseignements commerciaux qu’elle a fournis à l’ARC en 2016 ont mal qualifié ses activités commerciales ou que ses activités de 2018 seraient sensiblement différentes. L’observation de la Banque ne tient pas compte de la structure de l’article 141.02 et cherche à rétablir son droit d’appel préexistant auprès de la CCI pour des différends concernant la méthode.

[102] Tout au long de l’article 141.02, le législateur définit soigneusement les situations dans lesquelles une institution financière et, plus rarement, une IA, auront accès à un appel auprès de la CCI (voir, p. ex., les art 141.02(27), (28), (29) (31)g)). Les graphiques fournis par les deux parties à l’audience de la présente demande ne diffèrent pas dans le suivi sur les conséquences de l’approbation ou du refus de la demande d’une IA par le ministre. Le législateur a retiré de la portée d’un appel devant la CCI la question de savoir si la méthode de calcul des CTI d’une IA est juste et raisonnable et a autorisé le ministre à évaluer à l’avance la méthode proposée par une IA. L’interaction de diverses dispositions de l’article 141.02 interdit d’interjeter appel de la décision du ministre auprès de la CCI. Ce changement marqué des droits des IA ne signifie pas à lui seul que le pouvoir d’approbation du ministre doit être restreint, comme l’a soutenu la Banque.

[103] Le législateur souhaitait un processus d’approbation préalable des méthodes de calcul des IA, sans accès aux résultats réels. Comme je l’ai mentionné plus haut, ni le texte de l’article 141.02 ni une interprétation téléologique et contextuelle de l’article n’indiquent que le processus n’est qu’une limite temporelle imposée aux IA pour choisir une méthode de calcul des CTI avant le début d’un exercice. Le ministre doit évaluer la demande d’une IA, notamment les renseignements commerciaux établis par l’IA, par rapport aux principes et dispositions applicables concernant les méthodes d’attribution des CTI.

[104] J’estime que le ministre a agi conformément au pouvoir que lui confère le paragraphe 141.02(20) dans son évaluation de la demande de 2018. Il n’a pas usurpé la fonction de vérification. Le ministre a reconnu les affirmations factuelles de la Banque quant à la nature intégrée de ses activités et s’est fondé sur son utilisation future prévue des intrants pour évaluer l’application de la méthode de 2018 par rapport aux renseignements financiers de la Banque pour 2016. Le ministre s’est concentré sur la structure de la méthode proposée par la Banque pour 2018. Il se demande si la méthode de répartition proposée et le ratio de la FME donnent une approximation raisonnable des intrants utilisés pour effectuer des fournitures taxables. J’examine la question de savoir si le ministre a agi de façon raisonnable dans la prochaine section du présent jugement.

Résumé de l’interprétation de l’article 141.02 de la LTA

[105] La Banque résume les sections précédentes de mon analyse en posant deux questions : 1) quelle partie a raison au sujet de l’objet de l’article 141.02? et 2) quel était le rôle du ministre au titre du paragraphe 141.02(20)?

[106] J’estime qu’une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l’article 141.02 de la LTA indique que le législateur a conféré au ministre le pouvoir d’approuver la méthode de calcul des CTI proposée par une IA en évaluant la structure de la méthode proposée et les renseignements commerciaux fournis par l’IA dans sa demande. Le pouvoir du ministre n’est pas limité de façon substantielle par les critères énoncés au paragraphe 141.02(20) ou, de façon plus générale, à l’article 141.02, ni limité à une évaluation temporelle.

[107] En adoptant l’article 141.02, le législateur n’a pas habilité le ministre à ne pas tenir compte des principes fondamentaux de la TPS et des CTI dans l’exercice de son pouvoir d’approbation préalable, et le ministre ne l’a pas fait non plus en l’espèce. J’ai tenu compte du fait que la Banque s’appuie sur ces principes et sur les principes généraux de l’administration fiscale à l’appui de son argument selon lequel le ministre doit approuver une méthode proposée si elle est juste et raisonnable. Je ne suis pas de cet avis. La Banque n’a pas signalé de dérogation particulière par le ministre à ces principes dans la décision, si ce n’est qu’il n’a pas appliqué la norme juste et raisonnable énoncée au paragraphe 141.01(5) de la LTA. Cependant, je conclus que le paragraphe 145.01(5) a été remplacé par le régime spécifique des IA de l’article 141.02. La structure de l’article et l’utilisation intentionnelle par le législateur de la norme juste et raisonnable prévue aux dispositions autres que le paragraphe 141.02(20) constituent une preuve solide d’une décision contraire du législateur. La modification apportée au paragraphe 141.01(5) pour que son application se fasse sous réserve des dispositions particulières de l’article 141.02 renforce cette conclusion.

[108] La Banque soutient que le ministre a commis une erreur en omettant d’inclure dans la décision son interprétation législative du paragraphe 141.02(20) avant de fournir ses motifs de fond du refus. J’estime que l’argument n’indique aucune erreur susceptible de contrôle. Le ministre n’était pas tenu d’énoncer une interprétation législative exhaustive de l’article 141.02 et du paragraphe 141.02(20) dans la décision.

[109] Le ministre a expliqué les principes directeurs de son évaluation de la demande de 2018 de la Banque à l’annexe A de la lettre de décision, conformément aux directives ministérielles. Il a établi le critère à partir duquel il évaluerait la méthode de 2018 (Vavilov, au para 123). Je ne trouve aucun élément de preuve dans la décision ou dans le dossier indiquant que le ministre a enfreint les principes généraux de la TPS ou qu’il a indûment ignoré l’importance des CTI comme mécanisme par lequel la TPS demeure une TVA. À la lumière de mes constatations concernant la portée de l’article 141.02, je conclus que le ministre a effectué son analyse dans les limites contextuelles et téléologiques de la loi (Vavilov, au para 108). Le ministre a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 141.02(20) conformément au régime législatif de la LTA, aux principes des méthodes de calcul et d’attribution des CTI, et au régime particulier envisagé par le législateur à l’article 141.02 (Vavilov, au para 120).

2. Les motifs de la décision fournis par le ministre sont-ils raisonnables?

[110] Le ministre a donné trois raisons pour justifier son refus de la demande de 2018 de la Banque :

[traduction]

L’attribution par la Banque des montants d’intérêts du groupe Direction de la Trésorerie (les attributions de la Trésorerie) aux trois groupes d’exploitation en contact direct avec les clients a permis à la Banque de recouvrer une partie des coûts de la TPS de ces groupes, mais les activités de ces groupes se limitent essentiellement à la prestation de services financiers aux Canadiens (fournitures exonérées).

  • - Les composantes du ratio de la FME proposées par la Banque ont omis un facteur essentiel, ce qui a entraîné un taux de recouvrement déformé.

  • - La méthode de 2018 n’a pas pris en compte les différences de coûts de fonctionnement et d’exploitation entre le groupe Services d’entreprise, d’une part, et PE, Gestion de patrimoine et Marchés de capitaux, d’autre part, ce qui a entraîné une distorsion supplémentaire de la demande de CTI de la Banque.

[111] Le ministre a conclu que les attributions de la Trésorerie et les deux distorsions ont donné lieu à une méthode de calcul des CTI qui ne correspondait pas raisonnablement à l’utilisation réelle des intrants résiduels de la Banque et à un taux de recouvrement indûment élevé. La Banque conteste chacune des raisons invoquées par le ministre pour justifier son refus. La Banque soutient également que le ministre était tenu de justifier le fait qu’il avait dérogé à ses approbations antérieures de ses méthodes d’attribution des CTI, mais qu’il ne l’a pas fait.

Problème d’attribution/de FME : Les attributions de la Trésorerie

[112] La Banque soutient que la décision est fondamentalement viciée en raison de la mauvaise interprétation faite par le ministre de la nature de ses activités ou de la mauvaise compréhension qu’il en a. BMO affirme que la raison principale du rejet de la demande de 2018 par le ministre était son refus d’accepter sa fonction de Trésorerie comme élément intégral des groupes d’exploitation en contact direct avec les clients.

[113] Les attributions de la Trésorerie envisagées dans la demande de 2018 reflètent la position de la Banque selon laquelle elle exerce une activité bancaire intégrée et inséparable au sein de cinq groupes d’exploitation. La méthode et le calcul de la FME de 2018 reposent sur les systèmes d’information financière de BMO, notamment ses systèmes |||||||||||||||||||||||||||||||| calculs, et présentent ses opérations de manière conforme à sa déclaration non fiscale. La Banque soutient que ses activités de services financiers comprennent le prêt et l’emprunt de fonds au Canada et dans de nombreux autres pays, mais les deux éléments de ses activités ne sont pas distincts. L’un (le prêt) ne peut exister sans l’autre (l’emprunt). Les organismes de réglementation de la Banque exigent une telle intégration et exigent que ses rapports publics soient consolidés.

[114] Le défendeur affirme que le ministre a compris les activités de la Banque et son argument sur l’intégration. Le défendeur soutient que l’insistance de BMO pour que les attributions de la Trésorerie soient autorisées parce que les groupes d’exploitation en contact direct avec les clients comptent sur le groupe Direction de la Trésorerie pour leur financement et leur gestion des risques est une non-réponse. La question dont le ministre était saisi était de savoir si l’application de la méthode de 2018 permettait de déterminer de façon raisonnable la part des coûts résiduels de la TPS de la Banque engagée pour effectuer ses fournitures détaxées de services financiers.

[115] J’estime que le ministre n’a pas mal compris la nature des activités de la Banque en tant qu’entité intégrée fonctionnant par l’entremise de cinq groupes d’exploitation. Dans ses observations écrites, la BMO affirme ce qui suit :

[traduction]

Le ministre a refusé cette méthode en raison d’un désaccord avec BMO au sujet de certains faits concernant ses activités commerciales et ses principes fiscaux. Le ministre a expressément nié que le groupe Direction de la Trésorerie de BMO était intégré aux activités commerciales axées sur les clients, même si une telle intégration est prévue par l’organisme de réglementation prudentielle de BMO et ses actionnaires, constitue une procédure normale d’exploitation pour toute grande Banque et se reflète dans les résultats financiers de BMO fournis aux actionnaires.

[116] La déclaration de la Banque déforme la décision. Le ministre n’a pas refusé la demande de 2018 parce qu’il n’était pas d’accord avec BMO au sujet des faits entourant ses activités commerciales ou la présentation de ses rapports d’activités et ses états financiers consolidés aux fins de la réglementation et de la divulgation aux actionnaires. Le ministre a reconnu que l’intégration du groupe Direction de la Trésorerie et des groupes d’exploitation en contact direct avec les clients était la [traduction] « première ligne de défense » pour la gestion des risques de liquidité et de financement dans l’ensemble de la Banque. Il a également reconnu que l’une des principales fonctions de Direction de la Trésorerie est de s’assurer que toutes les parties de la Banque peuvent facilement accéder aux liquidités dont elles ont besoin pour leurs activités commerciales. Le ministre n’a pas remis en question les données de BMO|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||| l’attribution des fonds de Trésorerie à d’autres groupes d’exploitation à des fins de communication de l’information financière.

[117] La préoccupation du ministre portait sur l’étendue de l’argument de l’intégration aux dispositions de la LTA et aux principes du calcul des CTI. Le ministre est chargé d’appliquer les règles byzantines de la LTA dans son évaluation de la méthode de calcul des CTI proposée par une IA. Il ne se préoccupe pas des questions de liquidité et de divulgation aux actionnaires. Il n’a aucune obligation de rendre son évaluation d’une méthode proposée conforme aux attentes du Bureau du surintendant des institutions financières ou de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario en matière de rapports. Le régime de la TPS est fondé sur les fournitures et non sur les entreprises. Il y a des distinctions claires et répétées concernant le statut des fournitures dans les dispositions de la LTA qui doivent être respectées.

[118] Le régime des CTI permet aux entreprises de récupérer les CTI qu’elles engagent dans leur chaîne d’approvisionnement pour que la TPS soit une TVA. La LTA crée deux grandes catégories de fournitures : les fournitures taxables et les fournitures exonérées. La prestation de services financiers aux résidents canadiens est une fourniture exonérée et la Banque n’a pas le droit de récupérer à titre de CTI les coûts de TPS qu’elle engage pour effectuer ces fournitures. La fourniture par la Banque de services financiers à des non-résidents est une fourniture détaxée. La Banque a le droit de réclamer des CTI à l’égard des coûts de TPS qu’elle engage pour obtenir les intrants, qu’il s’agisse de biens ou de services, dont elle a besoin pour effectuer ces fournitures détaxées. En examinant la demande de 2018 de la Banque, le ministre est tenu de respecter les principes des CTI. Il ne peut faire fi de la catégorisation des fournitures établie dans la LTA (Shell Canada Ltd. c Canada, [1999] 3 RCS 622, 178 DLR (4th) 26 au para 40). Il s’ensuit qu’il n’a pas commis d’erreur en faisant la distinction entre les fournitures nationales exonérées de la TPS qui constituent la grande majorité des activités des trois groupes d’exploitation en contact direct avec les clients de la Banque et les fournitures détaxées effectuées par le groupe Direction de la Trésorerie.

[119] Je souligne que le ministre n’a pas refusé la demande de 2018 parce que la Banque a proposé une méthode d’attribution des CTI ou parce qu’elle a utilisé une méthode d’attribution fondée sur les extrants. Rien dans la décision n’indique qu’il a mal compris la difficulté de calculer les demandes de CTI dans la prestation de services financiers où l’argent est fongible et où le revenu d’une Banque ne peut être retracé directement parce qu’il découle d’un écart positif (la différence entre les montants qu’une Banque reçoit en tant que prêteur et les dépenses qu’elle engage en tant qu’emprunteur). Les méthodes d’attribution fondées sur les intrants et les extrants sont employées par les entreprises et sont acceptées par l’ARC. La question dont le ministre était saisi portait précisément sur la méthode de 2018 de la Banque et l’attribution des coûts résiduels de la TPS déterminés par la Trésorerie aux groupes en contact direct avec les clients.

[120] Le défendeur souligne le contre-interrogatoire de la représentante de la Banque au cours duquel elle a confirmé qu’une partie de la demande de CTI de la Banque découlant de l’attribution proposée découlait de ses activités liées aux prêts et aux dépôts exonérées. Elle était d’accord avec le défendeur qui a déclaré que, dans la mesure où la Banque doit s’engager dans des prêts et des dépôts exonérés pour permettre à la Trésorerie de gagner des montants d’intérêts de non-résidents, elle devrait avoir le droit de réclamer des CTI.

[121] Le défendeur soutient que la réponse de la représentante de la Banque ne respecte pas la règle de la première fourniture selon laquelle une entreprise ne peut recouvrer la TPS sur les intrants acquis pour effectuer des fournitures exonérées, même lorsque ces fournitures exonérées permettent à l’entreprise d’effectuer d’autres fournitures taxables. La règle établit un lien entre le droit relatif aux CTI à des fournitures particulières et non à une entreprise en général. Le défendeur souligne le fait que le ministre a soulevé cette question à plusieurs reprises au cours du processus de demande et fait ressortir sa référence à la règle dans la décision. Le défendeur s’appuie sur la décision de la CAF dans l’arrêt Canada c 398722 Alberta Ltd., [2000] GSTC 32 au para 22 (398722) :

[22] Toute entreprise peut consister en plusieurs éléments, dont chacun fait partie intégrante de l’ensemble. La définition d’« activité commerciale » prend en compte cette possibilité, mais pose, aux fins de la TPS, que tout élément de l’entreprise qui consiste dans la réalisation de fournitures exonérées soit considéré à part. Par application de cette définition légale, l’entreprise de l’intimée n’est pas une « activité commerciale » dans la mesure où elle consiste dans la location des unités d’habitation du quadruplex. À cet égard, je conviens avec la Couronne que l’intimée n’a pas droit à un crédit de taxe sur intrants pour compenser la TPS payable sur les biens et services acquis à titre de fourniture à soi‑même pour le quadruplex.

[122] La Banque remet en question l’application de la règle, affirmant qu’elle ne figure pas dans la LTA et qu’il ne s’agit pas d’une doctrine judiciaire. BMO établit une distinction en ce qui concerne la jurisprudence relative à la règle (398722; London Life Insurance Co. c Canada, [2000] GSTC 111 (CAF); General Motors du Canada Ltd. c Canada, 2009 CAF 114 (GMAC)) au motif que ces affaires concernaient des entreprises sensiblement différentes. Dans chaque cas, la CAF s’est concentrée sur l’utilisation des intrants en question et non sur l’application d’une méthode d’attribution et de calcul des CTI par une institution financière.

[123] Les paragraphes 141.01(2) et 169(1) de la LTA établissent une limite fondamentale à la capacité d’une entreprise de demander des CTI en fonction du but pour lequel elle acquiert des biens et des services. Pour demander des CTI, une entreprise doit avoir acquis des biens et des services dans le cadre de ses activités commerciales (par 169(1)). L’entreprise est réputée avoir acquis des biens et services pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales dans la mesure où elle les a acquis « afin d’effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable » (par 141.01(2)). Comme je l’ai mentionné précédemment, la fourniture par la Banque de services financiers à un résident du Canada est une fourniture exonérée. Ce n’est pas une fourniture taxable. La Banque ne peut pas réclamer de CTI pour la majeure partie de ses activités au Canada. Les notes explicatives de 2010 du ministère des Finances concernant l’adoption du paragraphe 141.01(2) traitent de la question de l’utilisation immédiate de biens ou de services et de la réalisation de fournitures en utilisant un exemple propre aux institutions financières :

[traduction]

Le dernier point concernant le critère du « but » est qu’il porte sur les fournitures de premier ordre auxquelles les biens ou services particuliers sont associés. À titre d’exemple, supposons qu’un inscrit qui répond à la définition d’« institution financière » uniquement en raison de son niveau de revenu de placement émet des billets à ordre sur le marché monétaire à court terme afin de recueillir des fonds pour une de ses entreprises qui effectue des fournitures taxables. L’émission d’instruments financiers constitue une fourniture de services financiers exonérée. Par conséquent, les biens et services acquis pour être utilisés dans cette fonction de mobilisation de capitaux seraient considérés comme ayant été acquis en vue de la réalisation de fournitures exonérées. Il ne faut pas confondre cela avec l’objet des fournitures exonérées elles‑mêmes, qui peuvent ultimement être liées à la réalisation de fournitures taxables par l’inscrit.

[124] Le ministre a refusé d’adopter l’argument de la Banque selon lequel elle mène une entreprise par l’entremise de tous ses groupes d’exploitation pour les besoins de la TPS parce que l’argument ne reconnaît pas la distinction établie dans la LTA entre les fournitures taxables et les fournitures exonérées. Il a justifié sa conclusion en s’appuyant, en partie, sur la règle, et je ne suis pas convaincue que sa conclusion était déraisonnable. Comme la CAF l’a déclaré dans l’arrêt GMAC, les tribunaux, et par extension, le ministre, dans l’exercice du pouvoir que lui confère le paragraphe 141.02(20), doivent tenir compte des réalités économiques d’une entreprise. Toutefois, ces réalités économiques ne doivent pas soustraire à l’obligation d’appliquer des dispositions juridiques non équivoques (GMAC, aux para 62 et 63).

[125] La Banque soutient que toutes les fournitures, directes ou indirectes, sont acquises ou utilisées par une entreprise aux mêmes fins, c’est-à-dire pour effectuer des fournitures pour d’autres personnes. Dans le cas de la Banque, elle effectue des fournitures afin de dégager une marge. BMO fait référence aux notes explicatives publiées par le ministère des Finances en février 1994 et à l’adoption de l’article 141.01 de la LTA à l’appui de son argument relatif à l’intégration. Ces notes reconnaissent que tous les intrants sont acquis par une entreprise pour effectuer des fournitures, mais précisent également qu’il faut faire une distinction entre les fournitures taxables et les fournitures exonérées.

[126] De nombreuses entreprises qui réalisent des fournitures taxables et exonérées peuvent soutenir, à des degrés divers, qu’elles exploitent une entreprise dont l’objectif est de maximiser les profits. La question est de savoir dans quelle mesure l’utilisation des fournitures indirectes (résiduelles) en question est immédiate pour effectuer des fournitures taxables. La règle, la documentation contextuelle et la jurisprudence citées par les deux parties visent à déterminer la portée du critère de l’objet énoncé au paragraphe 141.01(2). Les notes explicatives sont conformes à l’enquête du ministre sur la question de savoir si une méthode d’attribution donne lieu à une approximation raisonnable de l’utilisation d’intrants résiduels (indirects) par une entreprise pour effectuer des fournitures taxables. La conclusion du ministre selon laquelle l’argument de la Banque relatif à l’intégration et la méthode de 2018 élargissaient trop la portée des coûts résiduels de la TPS des groupes d’exploitation en contact direct avec les clients au moyen des distorsions relevées n’était pas déraisonnable compte tenu de la preuve dont il disposait. La justification par la Banque des attributions de la Trésorerie au motif que la fonction de la Trésorerie est indispensable aux activités des groupes en contact direct avec les clients n’est pas une réponse suffisante à l’exigence téléologique du paragraphe 141.01(2) et à la distinction entre fournitures exonérées et fournitures taxables.

[127] À l’audience, le défendeur s’est appuyé sur les données financières de 2016 tirées de l’« exemple concret » de la Banque pour démontrer la préoccupation du ministre face au fait que la FME permet à la Banque de demander des CTI à l’égard des coûts résiduels de la TPS engagés par les groupes en contact direct avec les clients. La Banque a soumis l’exemple concret au ministre au cours du processus de demande de 2018 afin d’illustrer la méthode de 2018 par rapport aux données réelles. La démonstration du défendeur a mis en évidence l’infiltration qui se produit par les attributions de la Trésorerie, ce qui permet à la demande de CTI de la Banque de dépasser les coûts de TPS engagés par la Trésorerie. La démonstration reflétait également la difficulté de retracer les coûts de TPS recouvrables et résiduels du groupe Direction de la Trésorerie une fois combinés aux regroupements des coûts de TPS résiduels beaucoup plus importants des groupes d’exploitation en contact direct avec les clients.

[128] Comme je l’ai déjà mentionné, les attributions de la Trésorerie ont combiné les coûts résiduels de la TPS de la Trésorerie avec les regroupements de coûts de la TPS des groupes d’exploitation en contact direct avec les clients qui ont été engagés principalement pour fournir des services financiers à des résidents canadiens. De l’avis du ministre, les attributions de la Trésorerie n’étaient pas justifiées, car elles ont rendu plus difficile pour la Banque l’identification des coûts de TPS engagés dans la réalisation de fournitures taxables. Il a adopté la position selon laquelle les coûts de la TPS de la Trésorerie, qui étaient identifiables à partir des systèmes financiers de la Banque, auraient dû être réclamés en tant que CTI pour la Trésorerie dans la mesure où ils n’avaient pas été entièrement réclamés dans le cadre de l’EST et des étapes d’attributions des coûts de la méthode de 2018. Le ministre a décrit ses préoccupations dans la décision et a demandé à la Banque d’identifier les coûts de TPS admissibles aux CTI et de les réclamer au niveau du groupe Services d’entreprise.

[129] En résumé, le ministre a insisté sur l’importance des distinctions techniques faites dans la LTA concernant la mesure d’utilisation et d’acquisition d’un bien ou d’un service (que le bien ou le service ait été acquis par une entreprise en vue d’effectuer des fournitures taxables ou exonérées) et le but d’une méthode d’attribution (attribution d’un intrant à une ou à plusieurs fournitures). Le ministre a expliqué en détail à la pièce jointe A de la lettre de décision son examen de la présentation de la méthode de la Banque et son examen du rôle de la fonction de la Trésorerie.

[130] J’estime que le ministre n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en concluant que les attributions de la Trésorerie (1) n’ont pas permis de maintenir une délimitation acceptable entre les coûts résiduels de la TPS des trois groupes d’exploitation canadiens et le groupe Direction de la Trésorerie; et (2) n’ont pas donné lieu à une approximation raisonnable des intrants que la Banque a utilisés pour effectuer des fournitures taxables de services financiers pour des non-résidents. Le ministre a raisonnablement conclu que l’argument relatif à l’intégration de la Banque n’était pas suffisant pour répondre à la préoccupation selon laquelle les attributions de la Trésorerie n’étaient pas compatibles avec la distinction établie pour la TPS entre l’exécution de fournitures exonérées et taxables détaxées. Ses conclusions étaient fondées sur un raisonnement intrinsèque cohérent qui a été largement communiqué à la Banque dans la décision et au cours des discussions approfondies des parties pendant le processus de demande. Le ministre a expliqué ses conclusions en faisant référence au régime législatif de la LTA régissant les CTI et les IA. Il a examiné les éléments de preuve dont il disposait, notamment l’exposé des faits et l’exemple concret de la Banque.

Distorsions de la FME/du taux de récupération

La distorsion de la formule

[131] La deuxième raison pour laquelle le ministre a refusé la demande de 2018 présentée par la Banque était la structure du ratio utilisé dans la FME pour calculer le taux de recouvrement du CTI de la Banque selon les attributions de la Trésorerie. Le ministre n’a pas accepté l’omission de la Banque dans le dénominateur du ratio des extrants (montants d’intérêt) tirés de ses opérations nationales intraentreprise. Il a déclaré (pièce jointe A de la décision) :

[traduction]

La trésorerie d’entreprise fournit les mêmes services financiers intrabancaires (financement) ou des services semblables à ses quelques succursales étrangères que ceux qu’elle offre à environ 900 succursales canadiennes. Toutefois, la variable de substitution de votre méthode partage les revenus et dépenses d’intérêts des sociétés (intraBanques) dans le dénominateur des succursales canadiennes, puisque les services intrabancaires au Canada ne sont pas considérés comme des fournitures. Ces services sont des activités réelles et la trésorerie aurait engagé des coûts pour les exécuter. Cela entraîne une distorsion de la variable de substitution puisque la TPS/TFVA incluse dans les coûts pouvant être attribués aux succursales canadiennes n’est pas reconnue dans les formules, même si la TPS/TFVA correspondante se trouve dans le regroupement de la FME.

[Non souligné dans l’original]

[132] Le ratio de la FME calcule le taux de recouvrement de la Banque pour les intrants résiduels. Le taux de recouvrement est ensuite appliqué aux coûts de la TPS combinés dans chacun des groupes d’exploitation en contact direct avec les clients afin de déterminer le montant des coûts de la TPS que la Banque peut réclamer en tant que CTI. Pour revenir aux principes de base, une méthode d’attribution fondée sur les extrants qui utilise les revenus, repose sur le fait que les revenus de l’entreprise sont une approximation raisonnable des coûts de TPS réellement engagés par l’entreprise pour effectuer des fournitures taxables. Selon le ministre, le ratio de la FME de la Banque devrait être structuré comme suit (en gardant à l’esprit que (1) les revenus d’intérêts ou les extrants de la Banque proviennent à la fois de ses activités de prêt et d’emprunt; et (2) les revenus intrabancaires sont les revenus dérivés en interne des transactions entre les succursales de la Banque) :

Revenus imposables (extrants)

Dépenses imposables (extrants)

(p. ex., revenus d’intérêts provenant de fournitures détaxées)

(p. ex., charges d’intérêts dérivées de fournitures détaxées, revenus/extrants intrabancaires étrangers)

[133] Toutefois, le ratio de la FME proposé par la Banque était le suivant :

Revenus imposables (extrants)

Dépenses imposables (extrants)

(p. ex., revenus d’intérêts provenant de fournitures détaxées)

(p. ex., charges d’intérêts dérivées de fournitures détaxées, revenus/extrants intrabancaires étrangers)

Total des revenus

(Revenus d’intérêts, charges d’intérêts, revenus/extrants intrabancaires étrangers)

[134] Le ratio de la FME tel qu’il est proposé exclut du dénominateur national les montants/revenus d’intérêts intraentreprises, une proportion importante des revenus totaux de la Banque. Les montants d’intérêts en question sont produits parce que les succursales se facturent mutuellement des intérêts, produisant ainsi une marge. En contre-interrogatoire, un représentant de la Banque a expliqué que BMO retire du dénominateur les revenus intraentreprises nationaux parce qu’il ne s’agit pas de fournitures pour les besoins de la TPS. À l’inverse, les revenus entre succursales canadiennes et étrangères sont inclus dans le numérateur et le dénominateur parce que la Banque considère ces opérations comme des fournitures pour les besoins de la TPS. La Banque fait valoir que l’inclusion dans le dénominateur des montants d’intérêt de fournitures qui n’en sont pas fausserait en fait le ratio et serait contraire aux références du ministère des Finances concernant la réalisation de fournitures dans son explication de l’article 141.01 des Notes explicatives de 1994.

[135] Le défendeur soutient que l’exclusion des revenus intrabancaires canadiens est contraire au principe d’une méthode d’attribution fondée sur les extrants :

[traduction]

[…] Un inscrit qui a 10 % d’extrants taxables peut récupérer 10 % de sa TPS totale. Cet inscrit ne peut pas retirer 1/3 de ces extrants et demander quand même des CTI sur la TPS engagée pour réaliser ces extrants, mais c’est exactement ce que la Banque a proposé.

[136] L’omission par la Banque de ses revenus nationaux intrabancaires du ratio de la FME a été discutée en détail par les parties au cours du processus de demande de 2018 et par la représentante de la Banque en contre-interrogatoire. Il est clair à la fois que le ministre a identifié correctement l’exclusion et qu’il ne conteste pas la déclaration de la Banque selon laquelle ses transactions intrasuccursales au Canada ne sont pas considérées comme des fournitures pour les besoins de la TPS. Le différend entre les parties vise à déterminer si les revenus omis faussent déraisonnablement le ratio de la FME parce qu’ils représentent des activités réelles et donnent lieu à des coûts de TPS.

[137] J’ai examiné en détail les observations des deux parties et les éléments de preuve au dossier, en particulier les extraits des contre-interrogatoires cités par chacune des parties et les questions et réponses entourant les questions précises qui m’ont été citées. J’estime que le ministre a raisonnablement exigé l’inclusion des montants d’intérêts intrabancaires canadiens de la Banque dans le dénominateur du ratio de la FME pour s’assurer que la méthode de 2018 aboutissait à une approximation raisonnable des intrants que la Banque a utilisés pour effectuer des fournitures taxables. (Bulletin B-106). J’estime également qu’il relevait du pouvoir du ministre d’évaluer et d’approuver la composition structurelle du ratio de la FME. Un différend concernant un élément de la méthode ne doit pas être réservé à l’étape de la vérification.

[138] Le taux de recouvrement calculé à partir du ratio de la FME est appliqué à tous les coûts résiduels de la TPS de la Banque (autres que ceux qui sont exclus par l’application des phases antérieures de la FME). Par conséquent, il était raisonnable que le ministre conclue que le dénominateur du ratio doit inclure tous les montants d’intérêts de la Banque. J’accepte la position de BMO concernant le statut des fournitures intrabancaires canadiennes pour les besoins de la TPS, mais je ne peux pas conclure que le ministre a commis une erreur en concluant que leur statut ne détermine pas leur rôle dans une méthode d’attribution fondée sur les revenus. Les montants d’intérêts exclus résultaient de transactions réelles même si ces transactions étaient internes à la Banque. Les coûts de la TPS ont été engagés dans l’exécution de ces transactions. Que les coûts de la TPS aient été minimes ou non ne change rien aux composantes nécessaires du ratio de la FME.

[139] Le ministre a expliqué son raisonnement dans la décision. Sa conclusion est conforme aux éléments de preuve au dossier, aux principes des méthodes d’attribution fondées sur les extrants et au bulletin B-106 de l’ARC. L’observation de la Banque selon laquelle [traduction] « tout ce qui est inclus dans le numérateur est inclus dans le dénominateur » va à l’encontre de l’objectif du ratio, qui consiste à calculer le recouvrement des CTI en fonction des montants/revenus d’intérêts imposables et des montants/revenus d’intérêts totaux.

[140] L’enjeu n’est pas l’attribution. Le même problème se poserait si la Banque exerçait sa fonction de Trésorerie au sein des groupes d’exploitation en contact direct avec les clients. Chaque groupe serait tenu de déterminer quelle proportion de ses coûts de TPS a été engagée pour effectuer des fournitures détaxées. Si la détermination était fondée sur les revenus, les fournitures de services financiers intrabancaires seraient pertinentes pour le calcul dans la mesure où elles génèrent des revenus d’intérêts.

[141] La Banque soutient que l’accent mis par le ministre sur le ratio de la FME était une tentative inadmissible d’échafauder un résultat (Vavilov, au para 121). BMO affirme que le ministre n’aurait pas dû tenir compte de son taux de recouvrement final à l’étape de l’approbation, car il était prématuré de le faire. Le ministre doit plutôt se concentrer sur la méthode proposée. Le défendeur affirme que le taux de recouvrement beaucoup plus élevé a alerté le ministre d’un problème possible et a entraîné une enquête supplémentaire du personnel de l’ARC. Le ministre n’a pas exigé que le taux de recouvrement de la Banque respecte une norme préétablie.

[142] La Banque soutient que rien dans le dossier n’indique que l’enquête de l’ARC a déclenché un examen plus approfondi de la méthode de 2018, et je conviens que la preuve du représentant du ministre dans la présente demande n’est pas concluante quant au processus de réflexion du ministre. Il n’a pas expliqué la distorsion résultant du ratio de la FME sur ce fondement dans la décision.

[143] Dans sa décision, le ministre s’est concentré sur la structure du ratio de la FME et sur la question de savoir si cela a miné la méthode de 2018 en tant que méthode raisonnable fondée sur les extrants. Rien n’indique qu’il avait besoin de la méthode de 2018 pour produire un taux de recouvrement particulier. J’estime que l’analyse du ratio de la FME par le ministre correspondait à la preuve de la Banque. Sa conclusion selon laquelle la formulation du ratio de la FME par la Banque a faussé le taux de recouvrement et, en fin de compte, la demande de CTI de la Banque était justifiée et expliquée de façon intelligible dans la décision (Vavilov, au para 99). Le résultat de son analyse était raisonnable par rapport au principe d’une méthode de production fondée sur les revenus. Le fait que le ministre se soit appuyé sur les résultats du travail de l’ARC à l’aide des données financières de la Banque dans son évaluation du ratio de la FME n’établit pas une tentative d’échafauder la FME de la Banque.

La distorsion des activités commerciales

[144] Le ministre a décrit la [traduction] « distorsion des activités commerciales » dans la décision en faisant référence à la nature exigeante en main-d’œuvre des activités commerciales de la Trésorerie par opposition à celles du groupe d’exploitation en contact direct avec les clients. La Banque soutient que le ministre comparait des pommes avec des oranges. BMO se concentre sur son argument relatif à l’intégration et sur le fait que la Trésorerie fait partie intégrante de la capacité de la Banque à générer des revenus (la marge). Devant moi, l’avocat de la Banque a insisté sur le fait que la structure d’une entreprise ne devrait pas avoir d’incidence sur le montant de TPS qu’elle paie. Que les fournitures exonérées et taxables soient effectuées dans le même groupe ou dans des groupes, succursales ou filiales différents, le taux de recouvrement des CTI devrait rester le même.

[145] Le défendeur défend l’analyse du ministre, affirmant que la méthode de 2018 ne tenait pas compte des coûts très différents de l’exploitation d’une entreprise dans les groupes d’exploitation en contact direct avec les clients et de la Trésorerie. Le défendeur qualifie la distorsion comme une distorsion du volume parce que les groupes d’exploitation en contact direct avec les clients, en particulier PE, mènent des activités par l’intermédiaire de 900 succursales et effectuent des millions de transactions financières dans ce qui est une entreprise à forte intensité de main-d’œuvre et de fournitures. À l’inverse, le groupe Direction de la Trésorerie se concentre sur des transactions plus importantes et moins nombreuses nécessitant beaucoup moins d’infrastructures physiques et entraînant moins de coûts de TPS.

[146] Je suis d’accord avec la Banque pour dire que la distorsion des activités commerciales faite par le ministre est un autre aspect de son désaccord avec la position de BMO selon laquelle ses opérations doivent être considérées comme un tout intégré pour les besoins de la TPS. Mon analyse de ce désaccord est exposée plus haut. La distorsion des activités commerciales relevée par le ministre étaye sa conclusion selon laquelle les attributions de la Trésorerie ne donnent pas lieu à une approximation raisonnable des intrants que la Banque a utilisés pour effectuer des fournitures taxables de services financiers destinés à des non-résidents. La nature des frais généraux requis par rapport aux revenus générés est pertinente pour l’évaluation par le ministre de la structure et de l’effet compliqué des attributions de la Trésorerie. Le ministre a expliqué sa préoccupation dans la décision et les préoccupations relatives à l’attribution qu’il a communiquées étaient claires. Le raisonnement du ministre est conforme à son analyse plus poussée de la méthode de 2018 et des attributions de la Trésorerie.

3. Incohérence entre la décision du ministre et les approbations antérieures

[147] La Banque soutient que le ministre a omis de fournir une explication sur sa dérogation à l’approbation de ses méthodes de calcul des CTI proposées pour chaque exercice depuis 2009. BMO souligne la déclaration de la CSC selon laquelle, si un décideur s’écarte d’une pratique antérieure de longue date, « c’est sur ses épaules que repose le fardeau d’expliquer cet écart dans ses motifs » (Vavilov, au para 131). Plus particulièrement, la Banque affirme que le ministre a approuvé sa demande en vertu du paragraphe 141.02(18) pour l’exercice 2017 moins d’un mois avant de déposer la demande de 2018. La méthode approuvée pour 2017 contenait les mêmes attributions de la Trésorerie qui sont maintenant contestées.

[148] Le défendeur soutient que le ministre a informé la Banque à plusieurs reprises au cours des discussions que chaque demande est une demande autonome, évaluée selon son bien-fondé. Le défendeur affirme que le ministre n’était pas disposé à continuer de reporter les questions litigieuses à la vérification.

[149] Il y a deux périodes distinctes en cause. L’approbation par le ministre des demandes présentées par la Banque au titre de l’article 141.02(18) pour les exercices 2009 à 2016 était fondée sur une méthode différente. Dans ses observations écrites, BMO a expliqué le changement comme suit :

[traduction]

99. Premièrement, le ministre a autorisé l’attribution contestée de la Trésorerie pour chaque exercice précédant 2018. Pour les exercices 2009 à 2016, le ministre a approuvé chaque année l’attribution des montants d’intérêt de la Trésorerie entièrement à Marchés des capitaux. Pour l’exercice 2017, le ministre a approuvé l’attribution des montants d’intérêts de la Trésorerie aux trois groupes d’exploitation en contact direct avec les clients. L’attribution révisée tient compte des rencontres avec des spécialistes du groupe Direction de la Trésorerie de BMO et constitue la compréhension la plus récente des activités commerciales, ce qui est conforme à ||||||||||||||||||||||||||||||.

[150] L’explication de la Banque concernant le changement de méthode d’attribution met en lumière l’une des principales préoccupations du ministre à l’égard de la méthode de 2018. Il a constaté que les attributions de la Trésorerie dans les trois grands groupes d’exploitation en contact direct avec les clients ont compliqué la capacité de la Banque à identifier les demandes de CTI admissibles et lui ont permis d’accéder aux coûts de TPS engagés par ces groupes d’exploitation pour effectuer des fournitures exonérées. À mon avis, les méthodes proposées pour les années 2009 à 2016 étaient réellement différentes des méthodes de répartition proposées par la Banque pour 2017 et 2018. Par conséquent, j’estime que le refus par le ministre de la demande de 2018 ne peut être considéré comme une dérogation à ses approbations de 2009 à 2016 nécessitant une explication dans la décision.

[151] La demande de la Banque pour l’exercice 2017 a été approuvée par le ministre le 29 janvier 2018. La demande de 2018 de la Banque a été présentée très peu de temps après et une deuxième longue série de discussions, de réunions et de correspondance ont été entreprises. La lettre d’approbation de 2017 du ministre disait ceci :

[traduction]

De plus, lors de notre rencontre avec la Banque de Montréal le 11 janvier 2018, il a été porté à votre attention qu’il reste des préoccupations qui ont été soulevées dans le passé et qui n’ont pas été intégrées à votre demande. Toutes ces préoccupations seront traitées lors d’une prochaine vérification de l’exercice 2016/11/01 à 2017/10/31.

[152] Une discussion a eu lieu sur la question de savoir si l’approbation du ministre en 2017 était conditionnelle. Je suis d’accord avec la Banque pour dire qu’il n’y a aucun élément de preuve indiquant que l’approbation de 2017 était conditionnelle. Il y a une distinction entre une approbation conditionnelle et une approbation assortie d’une entente pour régler les questions en suspens à une date ultérieure dans le cadre d’un processus différent.

[153] Je suis également d’accord avec la Banque pour dire que le ministre n’a pas expliqué dans sa décision les motifs pour lesquels il a refusé la demande de 2018, au lieu de reporter les questions en suspens restantes à la vérification. La question dont je suis saisie est de savoir si son défaut de fournir une telle explication est une erreur susceptible de contrôle qui nécessite un réexamen de la demande de 2018.

[154] Dans le cadre de ses lignes directrices concernant le contrôle judiciaire, par une cour de révision, d’une décision administrative selon la norme de la décision raisonnable, la CSC a déclaré ce qui suit (Vavilov, au para 31) :

[131] La question de savoir si une décision en particulier est conforme à la jurisprudence de l’organisme administratif est elle aussi une contrainte dont devrait tenir compte la cour de révision au moment de décider si cette décision est raisonnable. Lorsqu’un décideur s’écarte d’une pratique de longue date ou d’une jurisprudence interne constante, c’est sur ses épaules que repose le fardeau d’expliquer cet écart dans ses motifs. Si le décideur ne s’acquitte pas de ce fardeau, la décision est déraisonnable. En ce sens, les attentes légitimes des parties servent à déterminer à la fois la nécessité de motiver la décision et le contenu des motifs : Baker, par. 26. Nous le répétons, il ne s’ensuit pas pour autant que les décideurs administratifs sont liés par les décisions antérieures au même titre que les cours de justice. Cela veut plutôt dire qu’une décision dérogeant à une pratique de longue date ou à une jurisprudence interne établie sera raisonnable si cette dérogation est justifiée, ce qui réduit le risque d’arbitraire, lequel a un effet préjudiciable sur la confiance du public envers les décideurs administratifs et le système de justice dans son ensemble.

[155] Nonobstant les arguments de la Banque, j’estime que l’absence d’explication dans la décision du ministre de refuser d’approuver la demande de 2018 et de reporter les questions en suspens à l’étape de la vérification comme en 2017 ne rend pas une décision déraisonnable. Premièrement, le fait que le ministre n’ait pas suivi le même processus qu’en 2017 ne constituait pas un changement par rapport à une pratique de longue date. Une décision antérieure ne constitue pas une pratique.

[156] Deuxièmement, les problèmes non résolus entre les parties en 2018 n’étaient pas les mêmes que ceux qui ont été reportés à la vérification pour l’exercice 2017, à l’exception des préoccupations du ministre concernant les attributions de la Trésorerie aux groupes d’exploitation en contact direct avec les clients. La Banque est d’avis que l’ARC a accepté la méthode d’attributions de la Trésorerie, mais qu’elle doutait qu’elle reflète l’utilisation réelle des intrants par la Banque, ce qui a entraîné le report à la vérification. À mon avis, la correspondance entre les parties indique que la nature et le résultat (utilisation réelle des intrants) des attributions de la Trésorerie étaient en cause en 2017 et 2018.

[157] Troisièmement, le dossier établit que le ministre a signalé son refus de reporter les questions en suspens à la vérification, car les discussions de 2018 entre la Banque et l’ARC se poursuivaient et l’entente semblait improbable. Le fait que la Banque s’appuie sur ses attentes légitimes n’est pas convaincant dans les circonstances actuelles (Vavilov, au para 131). J’estime que, en 2018, le ministre n’était pas limité à la même analyse de la méthode qu’en 2017 et qu’il n’était pas tenu de soulever les mêmes questions ou de permettre la même résolution. Le ministre a entrepris une analyse indépendante de la méthode de 2018 et la Banque était pleinement au courant du contenu de l’examen du ministre.

[158] Compte tenu de l’accent mis par la CSC sur la justification dans les décisions administratives, il aurait été préférable que le ministre explique les raisons pour lesquelles il ne suivrait pas la voie du report pour l’exercice 2018. Cependant, j’estime que son omission d’expliquer dans la décision une résolution différente de celle de 2017 n’atteint pas le niveau d’une lacune suffisamment grave qui nécessite une nouvelle détermination (Vavilov, au para 100).

X. Conclusion

[159] La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Le ministre a expliqué et justifié chacune de ses préoccupations dans la décision. Il ne fait aucun doute qu’il s’est longuement penché sur les éléments de preuve de la Banque et les arguments principaux qu’elle a formulés ainsi que sur les principes applicables du régime de la TPS (Vavilov, au para 128; Entertainment Software, au para 45). Le désaccord de la Banque à l’égard de chaque aspect de l’analyse du ministre a été exposé en détail et avec compétence dans la présente demande, sur la base d’un volumineux dossier de preuve. Toutefois, j’estime que le refus de la demande de 2018 par le ministre était dans les limites de la portée du pouvoir d’approbation qui lui a été conféré par le législateur grâce au paragraphe 141.02(20) de la LTA; conforme aux éléments de preuve dont il disposait; et, fondé sur des principes et cohérent, comme tout cela ressort de la décision.

[160] La Banque demande que j’ordonne au ministre d’accorder une prorogation du délai pour qu’elle puisse présenter une nouvelle demande pour l’exercice 2018, conformément au sous‑alinéa 141.02(19)b)(ii) de la LTA. BMO affirme que son seul recours était de demander le contrôle judiciaire de la décision et de possiblement interjeter appel auprès de la CAF, chacun constituant un long processus. Une telle prorogation permettrait à la Banque de déposer une demande révisée pour 2018 reflétant l’accord du ministre à l’égard des aspects importants de la méthode de 2018 telle qu’elle est proposée et intégrant des révisions acceptables pour le ministre.

[161] Il serait prématuré pour le moment de délivrer une ordonnance enjoignant au ministre d’accorder une prorogation, car le ministre peut accorder unilatéralement une prorogation du délai de dépôt sur demande. Toutefois, les circonstances de la demande de la Banque et le fait que les questions en litige entre les parties sont bien définies militent en faveur d’une prorogation du délai conformément au sous-alinéa 141.02(19)b)(ii). Par conséquent, je demande au ministre d’examiner rapidement une telle demande, compte tenu des contraintes de temps auxquelles BMO est confrontée sur le plan commercial et de l’ampleur des répercussions financières pour la Banque en cas de refus de la possibilité de présenter une demande révisée pour l’exercice 2018.

[162] En guise de conclusion, je souligne que, dans ses observations de vive voix sur la réparation appropriée, l’avocat de la Banque a exprimé des préoccupations importantes à l’égard d’un commentaire formulé par l’avocat du défendeur sur l’utilité du renvoi de la présente affaire en vue d’un nouvel examen si je devais conclure en faveur de la Banque. L’avocat du défendeur a affirmé dans ses observations de vive voix qu’un renvoi de la demande de réexamen de 2018 au motif que le ministre s’est écarté de son approbation de 2017 aboutirait au même résultat. L’avocat de la Banque soutient que ce commentaire démontre que BMO ne serait pas traitée équitablement. Bien que j’aie tranché en faveur du ministre, je tiens à répondre à la préoccupation de la Banque.

[163] J’ai relu les transcriptions de l’audience. Le commentaire du défendeur se limitait à un nouvel examen fondé uniquement sur la conclusion selon laquelle le ministre n’a pas expliqué adéquatement le report de la résolution des questions en suspens dans les processus de demande de l’exercice 2017 et de l’exercice 2018. Il ne s’agissait pas d’un commentaire général qui s’étendait à un nouvel examen du bien-fondé des conclusions du ministre. Dans ce contexte, la déclaration du défendeur n’indique pas un parti pris ou une réticence de la part de l’ARC à examiner le fond des arguments de la Banque.

XI. Dépens

[164] À l’audition de la présente demande, les parties ont convenu de discuter du montant des dépens à adjuger. Depuis, j’ai reçu et examiné une lettre du 22 octobre 2020, dans laquelle les parties proposent conjointement que la partie ayant gain de cause reçoive un montant forfaitaire de 42 000 $, taxes et débours compris. Je ne vois aucune raison de ne pas adopter la proposition négociée par les parties. Compte tenu de ma décision de rejeter la demande de la Banque, le défendeur a droit à des dépens de la Banque au montant de 42 000,00 $, taxes et débours compris.


JUGEMENT dans le dossier T-901-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’intitulé de la cause est modifié de manière à ce que le procureur général du Canada y soit désigné à titre de défendeur.

  3. La Banque doit payer au défendeur les dépens afférents à la présente demande au montant de 42 000,00 $, taxes et débours compris

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑901‑19

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

BANQUE DE MONTRÉAL c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence entre Toronto (Ontario) et Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 juillet 2020, le 7 juillet 2020 et le 8 juillet 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS CONFIDENTIELS :

Le 29 octobre 2020

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS PUBLICS :

Le 26 novembre 2020

COMPARUTIONS :

Martha MacDonald

Andrew Bernstein

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Micheal Ezri

Nancy Arnold

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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