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Date : 20000824

Dossier : IMM-2504-99

ENTRE :

                                      MARIANA THEODORA BULIGESCU

                                        (alias Mariana Theodor Buligescu)

                                                                                                                      demanderesse

                                                                     -et-

                                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                  ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a, en date du 28 avril 1999, décidéque Mariana Buligescu (la demanderesse) ntait pas une réfugiée au sens de la Convention.


Les faits

[2]         La demanderesse est âgée de 55 ans et est une citoyenne de la Roumanie. Elle fait partie de lglise chrétienne orthodoxe roumaine, qui est la religion de la majoritédes Roumains. La demanderesse vivait seule en Roumanie dans la ville de Medgidia depuis son divorce en 1981. Elle a un fils adulte, Eduardo. Il était un joueur de soccer professionnel et était bien connu à Medgidia. La demanderesse a deux frères à Medgidia et au moins une soeur à Bucarest.

[3]         En mai 1994, Eduardo a rencontré une femme musulmane. Cette dernière avait obtenu le statut d'immigrant au Canada et, après son mariage avec Eduardo en juin 1994, elle est retournée au Canada. Par la suite, elle a parrainé l'immigration d'Eduardo au Canada et celui-ci y est à présent un citoyen permanent. Il est arrivé en janvier 1995.

[4]         La revendication du statut de réfugié au sens de la Convention de la demanderesse est fondée sur le fait qu'elle aurait été persécutée par des membres de sa propre religion qui étaient en colère contre elle parce que son fils stait marié avec une femme musulmane. Les membres de son église croyaient apparemment que la demanderesse avait le pouvoir d'empêcher le mariage et que, parce qu'elle ne l'avait pas fait, elle avait trahi sa foi.


[5]         La demanderesse a témoigné que, quand Eduardo et sa future femme se fréquentaient en mai et en juin 1994, elle s'est fait traiter de [TRADUCTION] « traître » à plusieurs reprises. Elle a également témoigné avoir été rétrogradée à son travail après qu'on l'a prévenue qu'elle devrait mettre fin à la relation de son fils, bien que l'explication officielle pour sa rétrogradation fût qu'elle était trop âgée pour son ancien poste. De plus, la demanderesse a dit que, le 29 mai 1994, la police l'avait détenue et lui avait fait récurer des planchers et des toilettes et effectuer d'autres tâches dégradantes. Elle a été gardée dans une petite pièce pour la nuit sans eau et sans nourriture, et quand elle s'est évanouie on l'a envoyée à l'hôpital puis relâchée.

[6]         La demanderesse a également témoigné qu'en septembre 1994, après le mariage de son fils, quelqu'un en voiture lui avait lancéune bouteille qui l'a frappée. Plus tard le même jour, comme elle tentait de monter dans un autobus, elle a étépoussée et est tombée par terre. Àson arrivée au poste de police, elle a décidé que les policiers étaient au courant de l'incident et y étaient indifférents. Elle n'a donc pas déposé de plainte officielle.


[7]         Après le départ de son fils et de la femme de celui-ci de la Roumaine en janvier 1995, la demanderesse a dit qu'elle se faisait souvent suivre et que son courrier était ouvert et son contenu volé. Elle a également dit que son téléphone était sur écoute et que des appels interurbains étaient parfois mystérieusement coupés. De plus, des voisins et d'autres personnes l'ont harcelée et insultée. Un policier l'a abordée dans la rue et a fait allusion au mariage [TRADUCTION] « illégal » de son fils et une policière lui a dit de [TRADUCTION] « se surveiller » . Après que la demanderesse a reçu la visite d'une amie, les policiers ont fait une descente dans sa maison et lui ont posé des questions au sujet de la femme qui avait séjourné chez elle. Enfin, la demanderesse a témoigné qu'elle a été victime d'une entrée par effraction au cours de laquelle des graffiti ont été griffonnés sur ses murs et que ces graffiti comprenaient des mots comme « traître » .

La décision de la Commission

[8]         La Commission a rejeté la revendication de la demanderesse en invoquant un manque de crédibilité. Elle a qualifié son histoire comme étant tout à fait invraisemblable. La Commission a conclu qu'il est incroyable que des gens de Medgidia s'attaqueraient à la demanderesse seulement à cause des actions de son fils adulte. En outre, la Commission s'est demandé pourquoi la demanderesse n'a pas déménagé à Bucarest pour habiter avec sa soeur. La Commission a rejetéle témoignage de la demanderesse que la police locale la suivrait pour la persécuter dans une autre ville. Aussi, la Commission n'a manifestement pas admis l'explication de la demanderesse qu'elle craignait que des voisins à Bucarest aillent lui demander pourquoi elle avait déménagé et, en apprenant le mariage de son fils, continueraient de la harceler. La Commission a pensé que la demanderesse cherchait à obtenir le statut de réfugié afin de rester au Canada avec son fils. La Commission a estimé que les témoignages de la demanderesse et de son fils étaient intéressés.


[9]         La Commission a également pris en considération la preuve documentaire. Cette preuve portait sur des violations générales des droits de la personne en Roumanie et sur le fait que des libertés imposées par la loi, comme la liberté de religion, ntaient pas toujours respectées. Les documents contenaient également un résumé analytique des nouvelles relativement à une situation où des membres de lglise chrétienne orthodoxe avaient participé à une raclée de membres de la religion protestante dans une autre ville que Medgidia. Cependant, il n'y avait aucun élément de preuve documentaire qui laissait entendre que lglise chrétienne orthodoxe s'attaquait aux membres de sa propre congrégation dont les enfants se mariaient en dehors de la religion.

Analyse

[10]       L'avocat de la demanderesse a allégué que la Commission n'avait pas accordé l'importance appropriée au fait qu'en Roumanie, particulièrement dans les petites communautés, il existe un niveau d'intolérance religieuse qui pouvait donner lieu à des mauvais traitements du genre qu'a décrit la demanderesse. Il a dit qu'il ntait pas difficile d'imaginer que, si des chrétiens orthodoxes étaient capables d'attaquer des protestants, ils étaient également capables de s'attaquer à leur propre membre dont les enfants se mariaient en dehors de leur croyance religieuse.


[11]       Bien que j'aie examiné les prétentions de l'avocat de la demanderesse, je ne suis pas convaincue que la Cour devrait intervenir en l'espèce. Compte tenu des circonstances de l'affaire, il était loisible à la Commission de conclure que les allégations de la demanderesse relativement à l'importance et à ltendue du traitement qu'elle a reçu étaient tout à fait invraisemblables. La Commission a tenu compte de la preuve documentaire et n'a pas commis d'erreur en refusant de présumer que lglise chrétienne orthodoxe persécutait ses propres fidèles.

Conclusion

[12]       La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge            

Vancouver (C.-B.)

le 24 août 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE : MARIANA THEODORA BULIGESCU

(alias Mariana Theodor Buligescu)

                                                                                                                      demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

DOSSIER :                                         IMM-2504-99

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 8 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    LE JUGE SIMPSON

EN DATE DU :                                   24 août 2000

ONT COMPARU :

M. Marc Boissonneault                                 pour la demanderesse

Mme Mielka Visnic                                       pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marc Boissonneault                                       pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                          pour le défendeur

Sous-procureur général du canada

Ottawa (Ontario)                    


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