Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040317

Dossier : IMM-4168-03

Référence : 2004 CF 411

Ottawa (Ontario), le 17 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN                                

ENTRE :

                                                                   REZA ZANDI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 5 mai 2003, dans laquelle il a été décidé que le demandeur, un transfuge de l'Iran, n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.


LES FAITS

[2]                Le demandeur est un citoyen de l'Iran âgé de 27 ans. C'est un athlète des arts martiaux qui prétend craindre d'être emprisonné et torturé en Iran en raison de sa défection au Canada alors qu'il participait à une compétition sportive.

[3]                Le demandeur est arrivé à Vancouver au Canada le 9 octobre 2002, en tant que membre d'une équipe choisie pour représenter l'Iran dans une compétition d'arts martiaux. Il a exprimé son désir de ne pas rentrer dans son pays à un ancien athlète iranien résidant maintenant au Canada, et on lui a conseillé de demander l'asile. Le jour prévu pour le retour de l'équipe en Iran, il s'est éloigné du groupe à l'aéroport international de Vancouver, et est retourné en ville à l'insu de tous. Par la suite, il s'est rendu à Toronto et a déposé une demande d'asile le 25 novembre 2002.

[4]                Après l'audition de sa demande, le 5 mai 2003, la Commission n'était pas convaincue de la crédibilité du demandeur. Elle a conclu que le témoignage du demandeur n'était pas compatible avec la situation en Iran et que le demandeur ne correspondait pas à l'image des personnes qui représentent une menace sérieuse à l'autorité du régime, et qui par le fait même étaient susceptibles d'être persécutées. À la page 2 de ses motifs la Commission dit ceci :


La preuve documentaire confirme que des dizaines de milliers dtudiants et d'autres activistes prennent part à des rassemblements anti-gouvernementaux et à des manifestations exprimant leur opposition au régime totalitaire. Le gouvernement réagit souvent en sévissant contre les manifestants, en arrêtant temporairement les leaders étudiants et en recourant à d'autres tactiques d'intimidation afin de contrôler la situation. À l'heure actuelle, il semble que le gouvernement concentre ses énergies et ses ressources, ciblant des personnes qui posent un problème sérieux aux autorités du régime. La preuve documentaire confirme que le gouvernement cible surtout les journalistes, les écrivains et les activités [sic] politiques.

[5]                La Commission n'a pas cru que le demandeur avait été recruté comme espion et a conclu qu'il avait embelli sa demande au cours de son témoignage. À la page 2 de ses motifs, la Commission dit ce qui suit :

Dans ce contexte, il ne semble donc pas plausible que des agents du gouvernement aient perdu leur temps avec le demandeur en tentant de le recruter pour espionner d'autres athlètes. Rien ne prouve que l'équipe, dont faisait partie le demandeur, exerçait une activité politique contre le régime. De plus, il semble suspect que le demandeur, lequel n'éprouvait aucune crainte à l'égard du gouvernement (avant son départ), le craigne soudainement, quelques semaines seulement avant de quitter le pays. Conscient de cette faiblesse de son récit, le demandeur a tenté de pallier cette lacune dans son témoignage de vive voix, ajoutant que si les agents l'ont recruté aussi précipitamment, c'est qu'ils recherchaient de l'information sur des athlètes ayant l'intention de faire défection pendant leur compétition au Canada.

[6]                Sur la question de la crédibilité du demandeur, les conclusions précises de la Commission comprennent ce qui suit :

(i)         le témoignage du demandeur n'était pas compatible avec la situation en Iran;

(ii)        le demandeur a soudainement développé une crainte du gouvernement juste avant de rentrer en Iran;

(iii)       le demandeur a omis de mentionner dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) le fait qu'on lui avait demandé d'espionner les autres athlètes;

(iv)       le témoignage du demandeur concernant la période d'un mois qui s'est écoulée avant qu'il ait présenté sa demande était vague, déroutant et insatisfaisant.

[7]                Le demandeur prétend que la Commission a conclu à tort que la preuve documentaire mentionnait que seules les personnes qui représentent une menace sérieuse au régime étaient susceptibles d'être victimes de persécution en Iran. Selon le demandeur, la preuve montre que le régime déploie une énergie considérable à surveiller ses citoyens ordinaires.


[8]                La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait de la Commission ainsi qu'à son évaluation de la crédibilité est la décision manifestement déraisonnable. La Cour ne remplacera pas la décision de la Commission par sa propre décision, sauf si la décision de la Commission est clairement erronée. Voir Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), et De (Da) Li Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.). Il est loisible à la Commission de tirer une conclusion défavorable sur la crédibilité en se fondant sur des omissions dans les éléments de preuve soumis par le demandeur.

[9]                La conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'était pas crédible est appuyée par des motifs fondés sur des conclusions qu'il lui était raisonnablement loisible de tirer. La Commission a statué que le demandeur n'avait pas été approché par des agents du gouvernement pour espionner les autres athlètes. La Commission a également statué que selon la preuve documentaire, une personne comme le demandeur ne serait pas ciblée par le gouvernement. Vu la preuve, il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer ces conclusions. Par conséquent, la Cour conclut que la conclusion de la Commission sur la crédibilité ne doit pas être annulée.


[10]            Le demandeur prétend que la Commission n'a pas envisagé la question de savoir s'il était un réfugié au sens de la Convention en raison de son appartenance à un groupe social particulier, soit celui des transfuges visés par l'article 96 de la LIPR, ou s'il avait qualité de personne à protéger au sens de l'alinéa 97(1)b) de la LIPR. La Cour ne peut souscrire à cette prétention. La Commission a effectivement établi que selon la preuve documentaire, le gouvernement iranien ne persécuterait pas le demandeur pour avoir simplement omis de rentrer en Iran, c'est-à-dire pour avoir fait défection. Toutefois, cela ne veut pas dire que le demandeur n'encourrait aucune sanction en vertu de la loi iranienne pour avoir violé les conditions de son visa de sortie. Ce genre de sanction n'équivaut pas au risque de punition ou de sanction visé aux articles 96 et 97 de la LIPR. La Cour d'appel fédérale a statué qu'une personne comme le demandeur, qui n'a pas fait l'objet de persécution, ne peut créer un motif de persécution (ou de besoin de protection) en violant librement, de son propre chef, les conditions de son visa de sortie et en se rendant passible de sanctions lorsqu'elle rentrera dans son pays. Dans l'arrêt Valentin c. Canada (MEI), [1991] 3 C.A. 390, le juge Marceau, qui s'exprimait au nom de la Cour d'appel fédérale, a dit ceci au paragraphe 8 :

8     Je dirai d'abord que si, sur le plan humanitaire, je suis fort bien disposé à sympathiser avec l'idée d'attribuer le statut de réfugié à tous ceux qui font face à des sanctions pénales comme celle imposées par l'article 109 du Code pénal tchèque, sur le plan pratique et légal c'est une idée qui m'apparaît peu logique et sans fondement rationnel. Ni la convention internationale, ni la loi qu'elle a suscitée chez nous, à ce que j'en comprends, n'ont eu en vue d'assurer protection à ceux qui, sans avoir étésujet de persécution jusque là , se fabriqueraient eux-mêmes une cause de crainte de persécution en se rendant librement, de leur propre chef et sans raison, passibles de sanctions pour transgression d'une loi pénale d'ordre général. Et j'ajoute, avec égards pour l'opinion contraire très répandue, que l'idée ne m'apparaît même pas valorisée par le fait que la transgression aurait été motivée par quelque insatisfaction d'ordre publique (voir en ce sens, notamment, Goodwin-Gill, op. cit. p. 32 et s.; James C. Hathaway, The Law of Refugee Status, p. 40 et s.), car il me semble d'abord qu'une sentence isolée ne peut permettre que fort exceptionnellement de satisfaire à l'élément répétition et acharnement qui se trouve au coeur de la notion de persécution (cf. Rajudeen c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1984) 55 N.R. 129 C.A.F.), mais surtout parce qu'entre la peine encourue et imposée et l'opinion politique du transgresseur il n'y a pas le lien direct requis. [Non souligné dans l'original.]


Pour reprendre les propos de la Cour d'appel fédérale dans Valentin, précité, un transfuge ne peut acquérir de statut juridique au Canada en vertu de la LIPR en créant un « besoin de protection » au sens de l'article 97 de la LIPR en se rendant librement, de son propre chef et sans raison, passible de sanctions pour transgression d'une loi pénale d'ordre général de son pays d'origine visant le respect des conditions d'un visa de sortie, c'est-à-dire le retour au pays. Même si le demandeur est digne de se voir accorder le statut d'immigrant au Canada, la Commission et la Cour n'ont pas la compétence législative d'accorder le statut juridique aux transfuges.

[11]            Ni l'un ni l'autre des avocats n'a soulevé de question pour certification. Aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »          

                                                                                                                                                     Juge                     

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-4168-03

INTITULÉ :                                                   REZA ZANDI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                           TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                         LE 11 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                                 LE 17 MARS 2004

COMPARUTIONS:

Michael Crane                                             POUR LE DEMANDEUR

Stephen H. Gold                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Michael Crane                                              POUR LE DEMANDEUR

Avocat                        

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice                                  

Toronto (Ontario)


                         COUR FÉDÉRALE

                                                          Date : 20040317

                                               Dossier : IMM-4168-03

ENTRE :

REZA ZANDI

                                                                  demandeur

                                         et

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                   


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.