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     Date : 19980812

     Dossier : IMM-5243-97

ENTRE :

     MOHINDER SINGH GILL,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (Prononcés, tels que révisés, à l'audience à Calgary

     (Alberta) le mardi 4 août 1998)

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a reconnu dans sa décision que le demandeur avait été persécuté par la police du Penjab dans le passé en raison de ses activités au sein du parti Akali Dal (Mann). La seule question litigieuse définie par le tribunal était de savoir si le demandeur avait une possibilité de refuge intérieur s'il retournait en Inde et vivait dans l'Uttar Pradesh ou à Delhi. En temps normal, lorsqu'un tribunal formule la seule question qui lui est soumise de cette façon, c'est qu'il reconnaît (ou présume) que le demandeur sera persécuté s'il retourne dans la région dont il est originaire. Le seul point litigieux est de savoir si le demandeur a une possibilité de refuge viable ailleurs dans son pays, de sorte qu'une crainte de persécution n'est peut-être pas fondée (Kanagaratnam c. Canada (MCI) (1996), 194 N.R. 46 (C.A.F.), le juge Linden).

[2]      En l'espèce, toutefois, le tribunal n'a pas fait son analyse de cette façon. Bien qu'il ait affirmé que la question qu'il examinait était la possibilité de refuge intérieur, il a, en réalité, axé son analyse sur la question de savoir si les conditions avaient suffisamment changé en Inde et, en particulier, au Penjab, pour que le demandeur ne soit plus exposé à un risque de persécution s'il y retournait.

[3]      Pour évaluer les profils des personnes actuellement exposées à un risque, le tribunal s'est fondé sur des éléments de preuve documentaire, dont certains ont été fournis par Cynthia Keppley Mahmood, professeure agrégée d'anthropologie à l'Université du Maine et spécialiste reconnue dans le domaine du militantisme sikh. Cette preuve documentaire comprenait l'extrait suivant d'un document émanant de la professeure Mahmood que le tribunal a cité dans ses motifs, à l'exception des deux dernières phrases.

     [traduction]         
     Travailleurs membres de l'ASSIIF et de l'Akali Dal Mann         
     Bien qu'il soit peut-être risqué d'occuper un poste important au sein de ces organisations (comme dans l'affaire Kashmir Singh, précitée), on ne m'a signalé aucun cas récent de harcèlement parmi les membres de la base.         
     Tout le monde sait que la police indienne (pas seulement au Penjab, mais ailleurs aussi) tient des listes des récidivistes. [...] Il se peut que les demandeurs d'asile qui prétendent craindre d'être arrêtés parce que leur nom figurait sur une liste établie au début des années 90 disent la vérité, et il se peut qu'ils soient toujours exposés à un risque. Je tiens à faire remarquer que ce " facteur liste " vient en quelque sorte atténuer mon commentaire général que les membres de la base, les Sikhs ordinaires, ne sont pas vraiment en danger à l'heure actuelle. Si une personne peut prouver aujourd'hui que son nom figurait sur une liste établie au début des années 90, période où les abus étaient monnaie courante, elle peut effectivement avoir des raisons d'avoir peur. Pour m'assurer de ce fait (c'est-à-dire que le nom d'une personne figure sur une liste), je demanderais à cette personne si elle a été arrêtée dans le passé, c'est-à-dire au début des années 90. Je demanderais des précisions.         
              [Non souligné dans l'original.]         

Je considère comme un oubli important l'absence des deux dernières phrases de cet extrait dans les motifs du tribunal.

[4]      Bien que le tribunal ait reconnu que le demandeur avait été arrêté en 1992 et que la police avait essayé de le retrouver en Uttar Pradesh en septembre de cette année-là, il a conclu que rien ne permettait de prouver que son nom figurait sur une liste établie par la police au début des années 90 ou qu'il pourrait être considéré comme un récidiviste. De toute évidence, le demandeur ne pouvait pas produire cette liste. L'experte même que cite le tribunal affirme que l'arrestation d'une personne dans le passé pourrait démontrer que cette personne est inscrite sur une liste et a raison d'avoir peur. La preuve que le demandeur avait été arrêté et que la police avait essayé de le retrouver en Uttar Pradesh a été admise par le tribunal. Celui-ci n'en a toutefois tenu aucun compte quand il a conclu que rien ne tendait à démontrer que le nom du demandeur figurait sur une liste établie par la police.

[5]      Un tribunal est autorisé à admettre, à rejeter ou à apprécier des éléments de preuve documentaire. Si un tribunal affirme qu'il se fonde sur des éléments de preuve documentaire précis, toutefois, il ne peut pas écarter arbitrairement des parties complètes de cette preuve (D'Mello c. Canada (MCI), [1998] A.C.F. no 72 (1re inst.), le juge Gibson (QL)). L'omission des deux dernières phrases d'un paragraphe qui se rapportent aux phrases précédentes et qui influent sensiblement sur l'application des phrases précédentes aux faits de l'espèce fait naître une crainte sérieuse. De plus, il est troublant que le tribunal ait déclaré que la possibilité de refuge intérieur était la seule question litigieuse et ait ensuite entrepris d'analyser le changement de circonstances dans le pays.

[6]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'il procède à un nouvel examen.

                                 " Marshall Rothstein "

                                         Juge

Toronto (Ontario)

Le 12 août 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Noms des avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :                  IMM-5243-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MOHINDER SINGH GILL

                             - et -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MARDI 4 AOÛT 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :                  CALGARY (ALBERTA)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :                      MERCREDI 12 AOÛT 1998

COMPARUTIONS :                  M. Charles Darwent

                                 Pour le demandeur

                             M. Randy Benson

                                 Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          Charles Darwent

                             Avocat

                             Bureau 250, Centre 15

                             1509, rue Centre sud

                             Calgary (Alberta)

                             T2G 2E6

                                 Pour le demandeur

                             Morris Rosenberg
                             Sous-procureur général du Canada
                                 Pour le défendeur

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19980812

     Dossier : IMM-5243-97

Entre :

MOHINDER SINGH GILL,

     demandeur,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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