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Date : 19990428


Dossier : T-759-98

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel de la

     décision d'un juge de la citoyenneté,

     ET

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     appelant,

     - et -

     SUMITRA DEVI UPPAL,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SIMPSON

[1]      Il s'agit d'un appel fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté (Loi), L.R.C. (1985), ch. C-29, et l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (ministre) interjette par voie de procès de novo de la décision du 19 février 1998 par laquelle un juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté canadienne présentée par Mme Sumitra Devi Uppal.

FAITS

[2]      Mme Uppal (intimée) est née le 25 juin 1932. Elle est veuve et citoyenne de l'Inde. Elle est venue au Canada pour la première fois en 1984 accompagnée de son mari, de trois de ses cinq enfants et de sa mère. Elle a obtenu le droit d'établissement le 11 novembre 1988 et demandé la citoyenneté canadienne le 22 janvier 1997, après la mort de son mari. Elle a témoigné avec difficulté lors du présent appel, et ce, même si elle était aidée de son gendre qui lui servait d'interprète. De toute évidence, elle se rappelait peu des détails de ses voyages et de la situation de sa famille. Elle paraissait dérangée et frustrée par les questions qui lui étaient posées. De nombreuses questions n'ont donc pas reçu de réponse claire.

[3]      L'exigence de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi est en cause en l'espèce. Cette disposition prévoit :

                 Attribution de la citoyenneté                 
                 5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :                 
                 ...                 
                 c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :                 
                 (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,                 
                 (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent; ...                 

[4]      La période de quatre ans prévue pour l'évaluation de la résidence de l'intimée (période d'évaluation) s'étend du 22 janvier 1993 au 22 janvier 1997. Au cours de cette période d'évaluation, une résidence de 1 095 jours est requise. Toutefois, d'après sa demande de citoyenneté, l'intimée a été physiquement absente du pays pendant 726 jours. La liste détaillée de ses absences est la suivante :

     -      du 5 décembre 1993 au 5 mars 1994, soit pendant 90 jours;
     -      du 24 novembre 1994 au 31 octobre 1995, soit pendant 341 jours;
     -      du 10 mars 1996 au 30 décembre 1996, soit pendant 295 jours.

[5]      Tel qu'il ressort de son questionnaire de résidence, elle s'est absentée du pays pendant une plus courte période, soit pendant 616 jours :

     -      du 11 novembre 1994 au 10 novembre 1995, soit pendant 365 jours;
     -      du 25 mars 1996 au 31 décembre 1996, soit pendant 251 jours.

[6]      La différence n'a pas été expliquée, mais je la crois insignifiante. Les deux documents démontrent une absence prolongée pendant la période d'évaluation.

[7]      La question en litige est de savoir si, malgré son absence physique prolongée, on peut considérer que l'intimée a résidé au pays pendant 1 095 jours au cours de la période d'évaluation.

[8]      Selon son témoignage, l'intimée a résidé chez ses enfants pendant la période d'évaluation. À l'époque pertinente, elle avait trois enfants au Canada. Ses deux autres enfants résidaient en Inde, à l'instar de son frère.

[9]      Rien ne prouve que l'intimée a déménagé des effets personnels au Canada. La famille avait une maison en Inde dont ont hérité ou hériteront ses deux fils. On ne sait pas très bien si elle a dans l'intervalle un droit viager ou si un de ses fils se sert actuellement de la maison. Quoi qu'il en soit, l'intimée habite avec son frère et sa soeur, ou avec son fils - la preuve était contradictoire sur ce point - lors de ses voyages en Inde.

[10]      L'intimée était en apparence profondément bouleversée du fait que sa famille a été divisée entre l'Inde et le Canada. Après avoir été hospitalisée pour une crise d'angoisse, son médecin canadien a suggéré qu'elle passe beaucoup de temps en Inde afin de se remettre de sa dépression. Elle est donc restée un an en Inde. Ses autres absences étaient également reliées à des visites à sa famille en Inde.

[11]      Tel qu'il ressort de son passeport délivré le 23 février 1994, soit pendant la période d'évaluation, l'intimée a une adresse permanente à New Delhi. Cependant, d'autres documents tels que ses déclarations de revenus, sa carte d'assurance sociale et sa carte d'assurance-maladie indiquent qu'elle réside au Canada.

[12]      Il n'y a aucun élément de preuve sur la façon dont l'intimée employait son temps au Canada, si ce n'est qu'elle allait à son temple régulièrement.

ANALYSE

[13]      Dans le cas d'une absence physique prolongée, l'intimée doit, pour satisfaire à l'exigence de résidence prévue par la Loi, montrer qu'elle a centralisé son mode de vie au Canada à tel point que sa résidence peut être considérée ininterrompue malgré une absence physique.

[14]      Je ne peux pas statuer en faveur de l'intimée dans le présent appel. Quand bien même elle aurait au départ centralisé son mode de vie au Canada, ses absences prolongées étaient incompatibles avec le maintien d'une résidence. En outre, au vu du peu d'éléments de preuve dont je suis saisie, je ne suis pas certaine qu'elle ait en fait centralisé son mode de vie au pays. Elle est peut-être mieux décrite comme une personne qui, pendant la période d'évaluation, avait des liens égaux avec le Canada et avec l'Inde.

[15]      Il ne s'agit pas d'une critique. Elle a clairement considéré qu'elle avait des responsabilités dans les deux pays et il est admirable qu'elle les ai assumées. Cependant, il en

résulte que sa demande de citoyenneté est prématurée. Par conséquent, l'appel du ministre est accueilli.

                             (s.) " Sandra J. Simpson "

                                         Juge

Vancouver (C.-B.)

Le 28 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel de

     la décision d'un juge de la citoyenneté,

     ET

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

                                         appelant,

     - et -

     SUMITRA DEVI UPPAL,

                                         intimée.

NO DU GREFFE :                  T-759-98
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 25 mars 1999

MOTIFS DU JUGEMENT :          LE JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :              Le 28 avril 1999

ONT COMPARU :

     Mme A. Leena Jaakkimainen              pour l'appelant

     Mme Sumitra Devi Uppal                  pour son propre compte

     M. Peter K. Large                      pour l'amicus curiae

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     M. Morris Rosenberg                      pour l'appelant

     Sous-procureur général du Canada

     Peter K. Large                          pour l'amicus curiae

     Toronto (Ontario)

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