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Date : 20020321

Dossier : IMM-2105-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 MARS 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                          PRISCILLA OSEI

                                                                                          demanderesse

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                                           ORDONNANCE

Pour les motifs prononcés en ce jour, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les deux questions suivantes sont certifiées :

1.          Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration, la section du statut de réfugié est-elle autorisée à tenir compte des éléments de preuve dont le tribunal initial ne disposait pas et qui étayeraient la revendication du statut de réfugié de la demanderesse?


2.          Le tribunal de la section du statut qui décide d'annuler une reconnaissance antérieure du statut de réfugié est-il autorisé à refuser de réexaminer la reconnaissance initiale et à faire de l'intéressé, par suite de l'annulation de la décision antérieure, une personne qui n'a fait l'objet d'aucune décision à l'égard de la reconnaissance de son statut de réfugié, alors que sa revendication ferait normalement l'objet d'une décision de la part de la Commission?

                        « François Lemieux »           

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020321

Dossier : IMM-2105-00

Référence neutre : 2002 CFPI 306

ENTRE :

                                          PRISCILLA OSEI

                                                                                          demanderesse

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION


[1]    Dans cette demande de contrôle judiciaire, Priscilla Osei (la demanderesse), une citoyenne du Ghana dont le statut de réfugié au Canada avait antérieurement été reconnu le 16 septembre 1994, conteste la décision du 28 mars 2000 par laquelle la section du statut de réfugié (le tribunal) a fait droit à la demande que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) avait présentée conformément au paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration (la Loi) en vue de faire réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié et de faire annuler cette reconnaissance (la reconnaissance) pour le motif qu'elle avait été obtenue par des moyens frauduleux et pour qu'il soit en outre conclu que la demanderesse n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce que, conformément au paragraphe 69.3(5) de la Loi, le tribunal estimait par ailleurs qu'il ne restait pas suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut accordée au mois de septembre 1994.

LES FAITS

[2]    Le cadre législatif sous-tendant la décision du tribunal figure aux paragraphes 69.2(2) ainsi qu'aux paragraphes 69.3(1), (3), (4) et (5) de la Loi sur l'immigration (la Loi). Ces dispositions sont ainsi libellées :



69.2(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.

[. . .]

69.3(1) Audience

69.3 (1) Dans les cas visés à l'article 69.2, la section du statut procède à l'examen de la demande par une audience dont elle communique au ministre et à l'intéressé les date, heure et lieu et au cours de laquelle elle leur donne la possibilité de produire des éléments de preuve, de contre-interroger des témoins et de présenter des observations.

[. . .]

69.3(3) Quorum

(3) Le quorum de la section du statut lors d'une audience tenue dans le cadre du présent article est constitué de trois membres.

69.3(4) Décision

(4) La section du statut accepte ou rejette la demande le plus tôt possible après l'audience et notifie sa décision, par écrit, au ministre et à l'intéressé.

69.3(5) Rejet de la demande d'annulation malgré preuve de la fraude

(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.

69.2(2) The Minister may, with leave of the Chairperson, make an application to the Refugee Division to reconsider and vacate any determination made under this Act or the regulations that a person is a Convention refugee on the ground that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, whether exercised or made by that person or any other person.

. . .

69.3(1) Hearing

69.3 (1) Where an application to the Refugee Division is made under section 69.2, the Refugee Division shall conduct a hearing into the application, after having notified the Minister and the person who is the subject of the application of the time and place set for the hearing, and shall afford the Minister and that person a reasonable opportunity to present evidence, cross-examine witnesses and make representations.

. . .

69.3(3) Quorum

(3) Three members constitute a quorum of the Refugee Division for the purposes of a hearing under this section.

69.3(4) Decision

(4) The Refugee Division shall approve or reject the application and shall render its decision as soon as possible after completion of the hearing and send a written notice of the decision to the Minister and the person who is the subject of the application.

69.3(5) Rejection of otherwise established application

(5) The Refugee Division may reject an application under subsection 69.2(2) that is otherwise established if it is of the opinion that, notwithstanding that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, there was other sufficient evidence on which the determination was or could have been based.


[3]                 Il s'agit ici du deuxième réexamen et de la deuxième décision annulant la reconnaissance que le ministre a obtenus de la section du statut à l'égard de la demanderesse ici en cause. La première décision a été rendue par un tribunal différemment constitué le 15 juillet 1997. Cette décision a été infirmée, à la suite d'un examen judiciaire, au moyen d'une ordonnance rendue par un juge de cette cour le 15 mars 1998 parce que le tribunal n'avait pas tenu compte d'un argument avancé par la demanderesse, à savoir que la demande que le ministre avait présentée aux fins du réexamen et de l'annulation aurait dû être rejetée parce qu'elle avait été présentée tardivement.


[4]                 Contrairement à ce qui était le cas pour la première audition de la demande de réexamen et d'annulation présentée par le ministre, après que la Cour eut ajourné l'affaire, la demanderesse, lors de l'audience qui a eu lieu le 16 février 2000 et qui a donné lieu à la décision ici en cause, a admis que la reconnaissance de son statut de réfugié en 1994 avait été obtenue par des moyens frauduleux.

[5]                 La demanderesse a admis qu'elle n'était pas Priscilla Osei et qu'il s'agissait d'un nom d'emprunt. La demanderesse s'appelle en fait Hannah Boadiwaah.

[6]                 La demanderesse a reconnu être venue au Canada au mois de juin 1993 sous le nom de Hannah Boadiwaah. Elle détenait un passeport ghanéen valide et avait obtenu un visa canadien de visiteur d'une durée de six mois (le VCV) en vue d'assister à une conférence d'infirmières.

[7]                 Selon le dernier témoignage de la demanderesse, c'est au Canada, avant de présenter sa revendication, que la demanderesse a pris des mesures en vue de présenter cette revendication sous une fausse identité, ce qui l'obligeait à obtenir du Ghana de faux documents ou des documents contrefaits indiquant sa nouvelle identité, notamment (1) une nouvelle carte de membre du Nouveau parti patriotique (le NPP) au nom de Priscilla Osei; (2) un certificat d'infirmière contrefait; (3) un certificat de naissance contrefait. La demanderesse a également expliqué que la police ghanéenne avait délivré un mandat au nom de Priscilla Osei parce que son frère, au Ghana, avait fait savoir à la police qu'elle utilisait ce nom au Canada.


[8]                 La demanderesse déclare avoir adopté cette nouvelle identité aux fins de sa revendication parce qu'elle craignait ce qui lui était arrivé au Ghana et parce que des compatriotes qui vivaient au Canada lui avaient dit que, si elle était en possession d'un passeport ghanéen valide, elle serait renvoyée dans ce pays.

[9]                 La demanderesse a présenté sa revendication le 28 octobre 1993 à Toronto, en utilisant le nom d'emprunt de Priscilla Osei; elle a déposé un Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et, à l'audience, elle a déposé les fausses pièces d'identité ou les pièces d'identité modifiées susmentionnées.

[10]            Dans son FRP initial, la demanderesse raconte une histoire qui est axée sur le fait que, de 1989 à 1993, elle avait travaillé comme infirmière au Ridge Hospital, à Accra, et qu'elle avait commencé à s'intéresser aux activités du NPP en 1990. Le NPP s'opposait à la dictature du président de l'époque, M. Rawlings.


[11]            La demanderesse a été arrêtée le 10 juin 1993 à cause de ses activités politiques; elle a été détenue pendant deux semaines et elle a été violée par les autorités. Lorsqu'elle a été mise en liberté, la demanderesse est retournée travailler au Ridge Hospital et elle a soigné des prisonniers politiques dans un camp militaire. Elle s'est rendue compte que les gens qu'elle soignait dans le camp militaire étaient des prisonniers politiques qui avaient été torturés. Elle a décidé de transmettre ce renseignement à un journaliste qui a publié l'histoire. La police a arrêté le journaliste peu de temps après et s'est mise à la chercher. La demanderesse a déclaré dans son FRP que c'était la raison pour laquelle elle s'était enfuie du Ghana le 3 octobre 1993, en utilisant un passeport britannique qui lui avait été fourni par un homme qui l'accompagnait.

[12]            La véritable identité de la demanderesse, Hannah Boadiwaah, a initialement été découverte lorsque la demanderesse a déposé un nouveau FRP dan le cadre de la nouvelle audience qui avait été ordonnée par un juge de cette cour. Auparavant, notamment lors de la première audience que la section du statut avait tenue, à la suite de la demande du ministre, à Winnipeg le 3 décembre 1996 ainsi que les 8 janvier et 5 mai 1997, la demanderesse avait toujours maintenu qu'elle s'appelait Priscilla Osei et elle avait déposé d'autres faux documents en opposition à la demande du ministre.

LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[13]            Le tribunal a refusé d'accepter tout nouvel élément de preuve figurant dans le nouveau FRP de la demanderesse.


[14]            Si je comprends bien, les nouveaux renseignements qui ont été ajoutés dans le FRP étaient : a) la communication de la véritable identité de la demanderesse; b) une modification effectuée le 10 janvier 1993 au sujet de l'arrestation, de la détention et du viol de la demanderesse; c) l'aveu de la demanderesse selon lequel elle était venue au Canada au mois de juin 1993 à l'aide d'un passeport valide et qu'elle y était restée depuis lors; et d) des éléments additionnels au sujet de la crainte que la demanderesse éprouvait, laquelle était liée aux rivalités tribales.

[15]            En rejetant les nouveaux éléments de preuve proposés, le tribunal s'est exprimé comme suit à la page 3 de sa décision :

L'intimée a en outre déclaré que le tribunal devrait entendre de nouveaux éléments de preuve concernant la question de savoir si elle craint avec raison d'être persécutée. C'est une requête que, après délibérations, le tribunal rejette également.

Nous estimons que cette position va à l'encontre de la jurisprudence de la Cour fédérale, y compris la décision de la Cour dans Bayat où il est mentionné que la preuve dont doit tenir compte la SSR dans une demande en annulation est la preuve qui existait au moment de la décision. Par conséquent, tout élément de preuve qui a surgi après 1994 ne s'applique pas à la présente procédure.

[16]            Comme il en a été fait mention, la demanderesse a concédé que la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention avait été obtenue par des moyens frauduleux en 1994.

[17]            Compte tenu de cette concession, la section du statut a ensuite entrepris la deuxième tâche qui lui incombait à la suite de la demande de réexamen et d'annulation présentée par le ministre, à savoir la décision prévue au paragraphe 69.3(5) de la Loi, qui autorise la section du statut à rejeter la demande du ministre si elle estime que, même si la reconnaissance a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.


[18]            L'examen de la transcription révèle que le représentant du ministre n'a pas participé à cet aspect de l'audience et n'a soumis aucun argument au sujet de la question de savoir si les exigences du paragraphe 69.3(5) de la Loi avaient été satisfaites.

[19]            La demanderesse a été assermentée et c'est le tribunal qui a examiné la preuve documentaire que la demanderesse avait déposée à l'audition initiale de sa revendication, en 1994. Comme il en a été fait mention, le nom de Priscilla Osei figurait dans ces documents. L'une des pièces qui ont initialement été déposées est la pièce C-9, un rapport médical en date du 2 juin 1994.

[20]            Aux pages 5 et 6 de ses motifs, la section du statut a expliqué de quelle façon elle avait abordé la conclusion prévue au paragraphe 69.3(5) et de quelle façon elle y était arrivée :

Par conséquent, lorsque le tribunal a examiné si, outre les fausses indications, il y avait suffisamment de preuves devant le tribunal de première instance pour que celui-ci conclue qu'elle était une réfugiée au sens de la Convention, la principale question sur laquelle il s'est penché était la crédibilité de l'intimée. Même si la décision originale a été rendue de vive voix, et qu'il n'y a pas de motifs écrits décrivant l'analyse du tribunal qui a abouti à sa reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention, il est raisonnable pour le présent tribunal de supposer qu'elle a été jugée crédible et que ses documents ont été acceptés comme étant dignes de foi et fiables.

Les fausses indications qu'elle a maintenant admises sont au coeur de sa revendication, et le tribunal conclut que sa crédibilité a été tellement compromise qu'il n'existe pas suffisamment de preuves crédibles ou dignes de foi sur lesquelles le tribunal aurait pu s'appuyer pour déterminer qu'elle avait raison de craindre d'être persécutée. Même si elle allègue maintenant que les événements qu'elle a relatés se sont effectivement produits, seulement dans son cas avec une identité personnelle différente, à un moment différent, le tribunal conclut que ses allégations sont peu fiables et indéfendables, étant donné les grands efforts qu'elle a faits pour faire accepter pendant si longtemps ses histoires mensongères et son manque général de crédibilité.

[...]


Le tribunal a conclu qu'elle manque tellement de crédibilité que, même s'il écartait ses fausses indications, il n'y aurait pas suffisamment de preuves crédibles devant le tribunal de première instance sur lesquelles il aurait pu s'appuyer pour lui reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention.

[21]            Par conséquent, le tribunal a conclu qu'il devait accepter la demande que le ministre avait présentée en vue de faire annuler la décision du 16 septembre 1994 par laquelle le statut de réfugié au sens de la Convention avait été reconnu à Priscilla Osei. Le tribunal a également conclu que la demanderesse n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

LES POINTS LITIGIEUX


[22]            L'avocat de la demanderesse a soulevé trois questions : (1) le tribunal a eu tort d'exclure les nouveaux éléments fournis par la demanderesse en rendant la décision prévue au paragraphe 69.3(5). L'avocat affirme ce qui suit : (1) dans l'arrêt Bayat et al. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 246 N.R. 185, la Cour d'appel fédérale n'a pas résolu la question; (2) le tribunal a commis une erreur de droit en ne se rendant pas compte qu'en vertu de la législation applicable, il avait le pouvoir discrétionnaire d'annuler tout simplement la reconnaissance de 1994 et de laisser ainsi un autre tribunal se prononcer sur la question de savoir si la demanderesse était un réfugié au sens de la Convention, auquel cas de nouveaux éléments de preuve pouvaient être présentés à la nouvelle audience, comme c'est le cas pour toutes les audiences régulières que la section du statut tient en vue d'examiner une revendication; (3) subsidiairement, le tribunal a commis une erreur en se fondant sur la preuve fournie par le ministre en vertu du paragraphe 69.2(2) en vue d'annuler la reconnaissance et d'apprécier à nouveau la crédibilité de la demanderesse dans le cadre de la décision prévue au paragraphe 69.3(5), la décision Maheswaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 11 Imm. L.R. (3d) 27, (C.A.F.) rendue par Monsieur le juge Rothstein (ex officio) étant mentionnée à cet égard.

ANALYSE

(1)         L'exclusion des nouveaux éléments de preuve

[23]            À mon avis, le tribunal a eu raison d'exclure les nouveaux éléments de preuve que la demanderesse voulait soumettre dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 69.3(5) de la Loi, et ce, pour plusieurs raisons.


[24]            Premièrement, le libellé de la Loi nous oblige à tirer cette conclusion. L'intention du législateur est claire compte tenu du libellé de la version anglaise, qui se rapporte aux éléments de preuve soumis lors de l'audience initiale « [...] there was other sufficient evidence on which the determination was or could have been based » [non souligné dans l'original]. Le texte français donne un résultat similaire. En effet, la version française parle du fait qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut. Le juge Rothstein (tel était alors son titre) a appliqué cette interprétation de la loi dans la décision Guruge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1821. Deuxièmement, dans l'arrêt Bayat, précité, la Cour d'appel fédérale n'a pas examiné expressément la question des nouveaux éléments que la section du statut avait rejetés lors de l'appel dont elle avait été saisie, cette question n'ayant pas été contestée devant la Section de première instance, qui avait maintenu la décision de la section du statut selon laquelle les intéressés n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention pour le motif que les nouveaux éléments avaient été refusés et que :

[...] une fois le faux témoignage écarté, les autres éléments de preuve portés à la connaissance de l'agent des visas n'étaient pas suffisants pour fonder la décision de l'agent selon laquelle les intimés étaient des réfugiés au sens de la Convention.

À mon avis, la Cour d'appel fédérale n'aurait pas pu régler l'appel comme elle l'a fait sans approuver la façon dont la section du statut, dans ce cas-là, était arrivée à la conclusion selon laquelle les intéressés n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

[25]            Troisièmement, il existe une série uniforme de décisions faisant autorité qui ont été rendues par des juges de cette cour, selon lesquelles en ce qui concerne la procédure prévue au paragraphe 69.3(5), les nouveaux éléments dont le tribunal initial ne disposait pas ne sont pas admissibles. Ces décisions ont récemment été examinées par Madame le juge Dawson dans la décision Sayed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1642. Je souscris à cette série de décisions.


[26]            L'avocate du défendeur a déclaré que dans la décision Mahdi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1691, maintenue en appel [1995] A.C.F. no 1623, Monsieur le juge Gibson est arrivé à une conclusion différente. Je n'interprète pas la décision du juge Gibson comme voulant dire qu'il est possible de se fonder sur de nouveaux éléments dans une décision rendue en vertu du paragraphe 69.3(5). Toutefois, je reconnais que dans l'affaire Mahdi, précitée, le contexte factuel était compliqué. Dans cette affaire, il était également question du rapport entre le paragraphe 69.3(5) et la section E de l'article premier de la Convention. Enfin, dans la décision Mahdi, précitée, les « nouveaux éléments » qui étaient examinés étaient des lettres de fonctionnaires américains de l'Immigration concernant la perte possible du statut de résident permanent aux États-Unis, facteur qui a un rapport avec l'argument fondé sur la section E de l'article premier de la Convention.

(2)         Omission d'exercer son pouvoir discrétionnaire

[27]            Je ne considère pas comme fondé l'argument de la demanderesse selon lequel, en examinant la demande du ministre, le tribunal n'a pas tenu compte du fait qu'il possédait le pouvoir discrétionnaire d'annuler tout simplement la reconnaissance antérieure du statut de réfugié (ce qui aurait permis à un nouveau tribunal de déterminer si Priscilla Osei était un réfugié au sens de la Convention) en se fondant sur de nouveaux éléments de preuve ou qu'il pouvait annuler la reconnaissance tout en réexaminant l'affaire, soit l'approche que le tribunal a adoptée. L'avocat de la demanderesse affirme que le tribunal ne s'est même pas rendu compte qu'il avait le choix.


[28]            À mon avis, contrairement à ce que l'avocat de la demanderesse a affirmé, le tribunal n'avait pas le choix. Ma conclusion est fondée sur un jugement dans lequel la Cour d'appel fédérale a statué, dans le cadre de l'interprétation de la loi, qu'un tribunal de la section du statut composé de trois membres qui était saisi d'une demande présentée par le ministre en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi peut rejeter la demande s'il estime qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut. Dans l'arrêt Bayat, précité, Monsieur le juge Stone a dit ce qui suit :

[22] [...] je ne suis pas d'avis que l'usage du mot « réexaminer » avait pour objectif de limiter la compétence de la section du statut de réfugié à ses propres décisions antérieures. L'objectif semble plutôt être que la section du statut de réfugié puisse être saisie de la décision contestée pour en faire un nouvel examen en vue de l'infirmer.

[29]            Le système législatif régissant les demandes fondées sur le paragraphe 69.2(2) nous oblige à conclure que c'est le même tribunal de la section du statut composé de trois membres qui rend deux décisions dans le contexte de la demande du ministre : le tribunal détermine en premier lieu si la reconnaissance antérieure du statut de réfugié a été obtenue par des moyens frauduleux et il détermine en second lieu s'il reste par ailleurs suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.

(3)         Utilisation non appropriée de la preuve présentée par le ministre

[30]            Dans l'arrêt Maheswaran, précité, le juge Rothstein a annulé la décision que la section du statut avait rendue en vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi parce que cette dernière avait utilisé les éléments produits par le ministre afin de démontrer que la reconnaissance du statut de réfugié avait été obtenue par des moyens illégaux et afin d'apprécier à nouveau la crédibilité des autres éléments dont disposait le tribunal initial.


[31]            Plus précisément, le juge Rothstein a statué que la section du statut avait commis une erreur en fondant la conclusion prévue au paragraphe 69.3(5) sur le fait que la demanderesse s'était de nouveau réclamée de la protection de Sri Lanka en 1990 et en 1991, soit un renseignement dont ne disposait pas le tribunal initial lorsqu'il avait rendu sa décision en 1989. Le juge Rothstein a formulé la question comme suit au paragraphe 21 :

Comme dans le cas de fausses indications, il ne faut pas tenir compte de renseignements exacts dont ne disposait pas la formation initiale, et ce, peu importe que ce soit le ministre ou la demanderesse qui tente de les soumettre. Il importe peu que ces renseignements exacts aident les demanderesses ou leur nuisent. Il s'agit de renseignements dont la formation initiale ne disposait pas et ces renseignements sont inadmissibles aux fins de la reconnaissance du statut prévue au paragraphe 69.3(5).

[32]            L'avocat de la demanderesse soutient que c'est ce qui s'est passé dans l'affaire dont je suis saisi.

[33]            Mon examen du dossier n'étaye pas l'argument invoqué par l'avocat de la demanderesse.

[34]            Comme il en a été fait mention, l'avocat qui représentait la demanderesse devant le tribunal le 16 février 2000 a concédé que la reconnaissance du statut de réfugié de Priscilla Osei, en 1994, avait été obtenue illégalement.


[35]            L'examen de la transcription indique que, le 16 février 2000, le tribunal n'avait pas à examiner la preuve du ministre en détail. Ce jour-là, le tribunal a examiné les documents initiaux qui avaient été produits en preuve devant le tribunal initial et a discuté de ces pièces avec la demanderesse qui, comme il en a été fait mention, a témoigné. Eu égard aux circonstances, je ne puis constater dans le dossier aucun transfert interdit de la preuve de la phase ministérielle de la demande à la phase de reconnaissance du statut de réfugié. À mon avis, le tribunal n'a pas non plus utilisé la preuve produite au cours de la phase ministérielle en vue de remettre en question la crédibilité de la demanderesse dans l'autre phase.

[36]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[37]            L'avocat de la demanderesse m'a demandé de certifier six questions. L'avocate du ministre s'est opposée à la certification de toute question, que ce soit parce qu'il s'agissait d'une question qui avait été réglée en droit ou d'une question qui avait été avancée sans qu'il y ait de fondement factuel.

[38]            Dans ces motifs, j'ai exprimé l'avis selon lequel il n'y a pas de conflit dans les décisions de cette cour au sujet de la question de savoir si de nouveaux éléments de preuve dont ne disposait pas le tribunal initial peuvent être examinés par la section du statut lorsqu'elle tire une conclusion en vertu du paragraphe 69.3(5). L'affaire n'est pas hors de tout doute à cause de la décision Mahdi, précitée. C'est pourquoi le juge Rothstein a certifié une question dans la décision Guruge, précitée, comme l'a également fait le juge Dawson dans la décision Sayed, précitée. Toutefois, dans ces deux affaires, l'appel interjeté devant la Cour d'appel fédérale a été abandonné. Eu égard aux circonstances, je certifie les mêmes questions que ces juges, à savoir :

[TRADUCTION] Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration, la section du statut de réfugié est-elle autorisée à tenir compte des éléments de preuve dont le tribunal initial ne disposait pas et qui étayeraient la revendication du statut de réfugié de la demanderesse?


[39]            Je suis également prêt à certifier la deuxième question que l'avocat de la demanderesse a proposée étant donné que cette question a été soulevée dans le cadre de l'argumentation qui a été présentée devant moi et qu'il semble s'agir d'une question à l'égard de laquelle la pratique suivie par les tribunaux de la section du statut n'est pas uniforme. Il s'agit de la question suivante :

[TRADUCTION] Le tribunal de la section du statut qui décide d'annuler une reconnaissance antérieure du statut de réfugié est-il autorisé à refuser de réexaminer la reconnaissance initiale et à faire de l'intéressé, par suite de l'annulation de la décision antérieure, une personne qui n'a fait l'objet d'aucune décision à l'égard de la reconnaissance de son statut de réfugié, alors que sa revendication ferait normalement l'objet d'une décision de la part de la Commission?

[40]            Je refuse de certifier les autres questions que l'avocat de la demanderesse a proposées, et ce, pour deux raisons. Ces questions n'ont pas été traitées dans le cadre de l'argumentation qui a été présentée devant moi et il faudrait y répondre sans connaître le contexte factuel approprié.

                        « François Lemieux »           

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 21 mars 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               IMM-2105-00

INTITULÉ :                                                              PRISCILLA OSEI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                   LE 11 FÉVRIER 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                      MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                        LE 21 MARS 2002

COMPARUTIONS :

M. DAVID MATAS                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Mme ALIYAH RAHAMAN                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. DAVID MATAS                                                 POUR LA DEMANDERESSE

WINNIPEG (MANITOBA)

M. MORRIS ROSENBERG                                    POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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