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     Date : 19990816

     Dossier : T-138-99

Ottawa (Ontario), le 16 août 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE


JESSE C. STINE,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]      Jesse C. Stine (M. Stine) a accompagné son père (M. G. Stine) au Canada lorsque celui-ci s'est installé à Windsor, le 2 janvier 1995. À ce moment-là, M. Stine avait 19 ans; il était à la charge de son père et il était inscrit à plein temps à l'université Emory, à Atlanta (Georgie). Après s'être acquitté de diverses tâches courantes comme l'installation du service de câblodistribution et du service téléphonique dans leur appartement et ainsi de suite, M. Stine a quitté le Canada le 15 janvier 1995 afin de poursuivre ses études à Atlanta. Il a étudié à Atlanta et en Espagne (dans le cadre d'un programme offert par l'université Emory) jusqu'au 11 avril 1997. Il revenait la plupart du temps au Canada pour ses congés et pour l'été, bien qu'il soit resté à Atlanta pour travailler aux jeux olympiques qui ont eu lieu pendant l'été 1996. Après avoir obtenu son diplôme, M. Stine est revenu au Canada où il travaille depuis lors. Lorsqu'il a demandé la citoyenneté le 16 janvier 1998, M. Stine s'était absenté du Canada pendant 784 jours sur les 1 095 jours qui ont précédé la date de sa demande. Le juge de la citoyenneté a rejeté la demande au motif que M. Stine ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi).

5.(1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[...]

5.(1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[...]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

     (i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and
     (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;
     (ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;
     (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

[2]      Dans son affidavit, à l'égard duquel il n'a pas été contre-interrogé, M. Stine déclare avoir assisté à une entrevue le 16 novembre. L'entrevue a duré environ une minute; les propos suivants y ont été tenus :

         [TRADUCTION]         
         Le juge :      Je n'ai pas examiné votre dossier. Comment vous appelez-vous et où habitez-vous?         
         Jesse :          Je m'appelle Jesse Stine et j'habite au 1238, rue Melville, appartement no 3002, à Vancouver (Colombie-Britannique).         
         Le juge :      Où travaillez-vous?         
         Jesse :          Je travaille chez B. W. Advisors International, une société de la Colombie-Britannique.         
         Le juge :      Je vous ferai parvenir une lettre d'ici sept à dix jours; il n'est pas nécessaire que vous vous présentiez à une autre entrevue.         

[3]      L'affidavit déposé par M. G. Stine confirme que le demandeur a eu son entrevue et qu'il a fallu à son fils moins de temps pour se rendre à pied jusqu'à un restaurant situé à quatre pâtés de maisons du bureau de la citoyenneté que le temps qu'il lui a fallu pour se rendre en voiture au restaurant (après avoir déposé son fils) et garer sa voiture.

[4]      Vers le 6 janvier 1999, M. Stine a reçu une lettre dans laquelle on l'informait que sa demande de citoyenneté avait été rejetée. Le rejet était fondé sur le fait que le demandeur ne remplissait pas les conditions de résidence prévues dans la Loi sur la citoyenneté. On ne sait pas trop si le rejet était fondé sur l'omission d'établir la résidence ou sur l'omission de maintenir pareille résidence. M. Stine a interjeté appel de la décision devant notre Cour.

[5]      L'appel est notamment fondé sur le fait que l'entrevue avec le juge de la citoyenneté a été brève et apparemment futile. Pareille entrevue est prévue par le Règlement sur la citoyenneté, 1993, DORS/93-246, dans lequel figurent les dispositions suivantes, au paragraphe 11(7) :

(7) Where it appears to a citizenship judge that the approval of an application referred to the citizenship judge under subsection (5) may not be possible on the basis of the information available, that citizenship judge shall ask the Minister to send a notice in writing by ordinary mail to the applicant, at the applicant's latest known address, giving the applicant an opportunity to appear in person before that citizenship judge at the date, time and place specified in the notice.

(7) Lorsque le juge de la citoyenneté saisi de la demande conformément au paragraphe (5) estime qu'il lui est impossible d'approuver celle-ci sans de plus amples renseignements, il demande au ministre d'envoyer un avis écrit au demandeur à sa dernière adresse connue, par courrier ordinaire, l'informant qu'il a la possibilité de comparaître devant ce juge aux date, heure et lieu qui y sont précisés.

[6]      Compte tenu de la preuve par affidavit dont je dispose, il est clair que M. Stine n'a jamais bénéficié de l'audience prévue par le Règlement. Le juge de la citoyenneté n'était pas prêt à tenir l'entrevue et il n'a pas donné à M. Stine la possibilité de répondre aux préoccupations qu'il a subséquemment eues au sujet de la qualité des attaches que ce dernier avait avec le Canada.

[7]      Selon certains arrêts de la Cour, la durée d'une entrevue ne permet pas de déterminer si l'entrevue était équitable. Dans la décision Rusli c. MCI [1997] A.C.F. no 249, voici ce que le juge Teitelbaum a statué : " C'est la teneur, et non la durée, de l'entrevue qui permet de vérifier si les règles d'équité procédurale ont été respectées. " Ces remarques ont été faites dans le contexte d'une contestation d'une décision prise par un agent des visas. Des remarques similaires ont été faites par le juge Evans dans la décision Lukic c. MCI [1999] A.C.F. no 325, dans le contexte d'une entrevue concernant une demande de dispense fondée sur des raisons d'ordre humanitaire :

         Aucune durée minimale ne permet d'affirmer qu'une entrevue était équitable. Bien entendu, cela dépendra beaucoup de la nature de la revendication en cause et de la quantité de renseignements pertinents que l'avocat avait déjà communiqués à l'agent dans le cadre d'observations écrites, ainsi que d'autres documents.         

[8]      En l'espèce, la loi prévoit la tenue d'une entrevue lorsque l'admissibilité de la demande de citoyenneté du candidat est remise en question. La loi vise clairement à permettre au candidat de répondre aux préoccupations qui ont donné lieu à l'entrevue, ou tout au moins d'en parler. Lorsque les candidats sont privés de cette possibilité, ils sont privés d'un droit expressément prévu par la loi. Cela est contraire au droit et cela constituerait, de toute façon, un déni de justice naturelle.

[9]      La plupart des plaidoiries présentées en l'espèce étaient axées sur la question de savoir si la résidence avait été établie et, dans l'affirmative, si elle avait été maintenue, et ce, même si la question de savoir si l'entrevue était adéquate avait également été examinée. L'avocate du défendeur a soutenu qu'étant donné qu'aucun nouveau renseignement ne pouvait être donné à l'entrevue, l'omission d'assurer une entrevue adéquate ne changeait rien au résultat. Je ne suis pas d'accord. L'entrevue vise à permettre aux candidats d'apaiser les préoccupations du décideur. C'est la perte de cette possibilité qui intéresse la Cour.

[10]      La décision par laquelle le juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté était contraire au droit et constituait un déni de justice naturelle. La décision du juge de la citoyenneté Pam Glass datée du 6 janvier 1999 est donc infirmée et l'affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour réexamen.


     ORDONNANCE

     La décision que le juge de la citoyenneté Pam Glass a rendue le 6 janvier 1999 est infirmée et l'affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour réexamen.


     " J. D. Denis Pelletier "

     Juge

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-138-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jesse C. Stine c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 27 juillet 1999

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER

     en date du 16 août 1999

ONT COMPARU :

Mary Lam      POUR LE DEMANDEUR

Sally Thomas      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil Rotenberg      POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Don Mills (Ontario)

Morris Rosenberg      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

Toronto (Ontario)

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