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Date : 20000821

Dossier : T-1235-00

ENTRE :

FRIENDS OF POINT PLEASANT PARK,

association non constituée en personne morale et

PHILIP DESMOND PACEY; et STEPHANIE ROBERTSON;

et IAIN COOPER TAYLOR

requérants

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

Le contexte factuel


[1]         Il s'agit d'une requête en injonction interlocutoire présentée par les Friends of Point Pleasant Park, une association non constituée en personne morale, Philip Pacey, Stephanie Robertson et Iain Taylor (les requérants). La requête, est datée du 31 juillet 2000. L'injonction demandée interdirait l'abattage d'arbres dans le parc Point Pleasant, Municipalité régionale de Halifax, Halifax (Nouvelle-Écosse) et dans les environs du parc. Le 15 août 2000, j'ai prononcé une ordonnance accordant une injonction interlocutoire. Voici les motifs qui justifient cette ordonnance.

[2]         Vers 1990, les autorités ont constaté que de nombreux peuplements de conifères du parc Point Pleasant étaient morts ou présentaient des signes de mauvaise santé et que ces conifères devraient être abattus. À l'époque, les autorités devaient couper environ 50 % des arbres du parc, car on croyait que les arbres étaient infestés par le typographe européen. La preuve offerte pour identifier expressément l'infestation consistait en des bouchons de résine et des coulées de sève le long des arbres.

[3]         À la suite de cette annonce, la requérante Stephanie Robertson et d'autres personnes ont effectué une étude sur le typographe européen dans le parc au cours de l'été 1990. Au total, 1 071 scolytes ont été recueillis et tout coléoptère dont l'identification était douteuse a été envoyé à un entomologiste fédéral de l'Institut de recherche biosystématique d'Ottawa (qui a été remplacé par l'Agence canadienne d'inspection des aliments ou ACIA) pour identification. Aucun des scolytes recueillis n'a été identifié comme un typographe européen, dont on pensait qu'il infestait les arbres du parc. Après cette étude, les autorités ont décidé de ne pas abattre les arbres.


[4]         En plus des 1 071 scolytes, l'étude de 1990 a donné 17 scolytes exlophages qui étaient en fait des longicornes bruns de l'épinette (LBÉ) européens, mais qui ont été identifiés à tort, en 1990, comme appartenant à trois variétés locales de coléoptères.

[5]         En 1996 ou 1998, les autorités ont identifié correctement les 17 longicornes bruns de l'épinette.

[6]         Selon l'affidavit de Stephanie Robertson, le Service canadien des forêts a réalisé, à l'été 1990, un programme de prélèvement et de piégeage du LBÉ, mais il n'a réussi à en capturer aucun. Il a aussi installé des pièges fabriqués avec un boulon à bois utilisés pour attirer les insectes ovipares. Ces pièges ont été rapportés à Fredericton et conservés en laboratoire jusqu'au printemps, pour qu'on puisse voir quels insectes allaient éclore. Des longicornes bruns de l'épinettes ont effectivement éclos.

[7]         Le 19 mai 2000, une ébauche d'évaluation du risque phytosanitaire a été produite. Une autre évaluation du risque phytosanitaire a été produite en date du 31 mai 2000. Les mots [Traduction] « Ébauche pour commentaires » ont été imprimés sur ces deux documents.


[8]         Une étude préparée pour l'ACIA par le ministère des Ressources naturelles de la Nouvelle-Écosse (MRNNÉ) qui porte la date des 8 et 10 juin 2000, intitulée « Point Pleasant Park Forest Health Survey » porte aussi la mention [Traduction] « Ébauche » .

[9]         Le 14 juin 2000, l'intimé a délivré un [Traduction] « Avis d'élimination » à la Municipalité régionale de Halifax. L'avis enjoignait à la municipalité de :

[Traduction] Remettre à un inspecteur de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) pour abattage, incinération et élimination des souches par l'ACIA, tous les arbres qui sont infestés ou soupçonnés d'être infestés par le longicorne brun de l'épinette (Tetropium Spp.).

[10]       L'évaluation du risque phytosanitaire a été produite en date du 26 juin 2000. C'était la première évaluation du risque phytosanitaire qui ne portait pas la mention « Ébauche » .

[11]       Une copie de l'évaluation du risque phytosanitaire qui porte la date du 24 mai 2000 et la mention « Ébauche pour commentaires » est jointe à l'affidavit de Stephanie Robertson.

[12]       L'abattage des arbres dans le parc Point Pleasant a débuté le 31 juillet 2000.

[13]       Environ 10 000 des 70 000 arbres du parc sont infestés par un insecte quelconque.


[14]       L'abattage ordonné dans l'avis d'élimination du 14 juin 2000 entraînera la coupe d'environ 14 % des arbres du parc Point Pleasant.

[15]       En mai 2000, des personnes préoccupées par l'annonce de la [Traduction] « situation d'urgence dans le parc Point Pleasant qui a commandé l'abattage de 10 000 arbres » ont communiqué avec la requérante, Stephanie Robertson. Celle-ci était au courant de la situation semblable survenue en 1990, car elle avait rédigé un rapport sur l'étude du parc Point Pleasant.

[16]       Le 16 juin 2000, Stephanie Robertson, des résidents préoccupés de la Municipalité régionale de Halifax, des naturalistes, des biologistes et des scientifiques se sont rencontrés pour discuter de la situation. Ils ont convenu de faire enquête de différentes façons sur les prétentions du groupe de travail de l'ACIA selon lesquelles [Traduction] « la présence du longicorne brun de l'épinette, t. fuscum dans le parc Point Pleasant menaçait sérieusement le parc, la Nouvelle-Écosse et, partant, toute l'industrie nord-américaine du bois d'oeuvre » .


[17]       Le groupe de travail sur le longicorne brun de l'épinette s'est réuni pour la première fois le 6 juin 2000. Ce groupe de travail a été mis sur pied par l'ACIA dans le but de [Traduction] « fournir des conseils, notamment d'ordre scientifique et opérationnel, à l'Agence canadienne d'inspection des aliments concernant la nécessité d'éradiquer le longicorne brun de l'épinette de la Nouvelle-Écosse » .

[18]       Le ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire du Canada a pris la décision de réglementer le longicorne brun de l'épinette comme un parasite au Canada vers le 30 mai 2000.

[19]       Le requérant Iain Taylor réside sur la promenade Chain Lake et son terrain jouxte le parc Point Pleasant sur une longueur de 60 pieds.

[20]       M. Taylor a participé activement aux réunions de citoyens intéressés et de scientifiques qui se sont rassemblés pour examiner les conclusions de l'ACIA et du groupe de travail. Il est le porte-parole officiel du groupe de citoyens intéressés.

[21]       La Municipalité régionale de Halifax a exprimé, dans une lettre en date du 4 août 2000, son intention de ne pas participer à l'instance.

Les questions en litige

[22]       1.          La Municipalité régionale de Halifax doit-elle être jointe en qualité d'intimée avant l'audition de la requête?


2.          Les requérants ont-il qualité pour agir devant la Cour?

3.          Y a-t-il lieu d'accorder une injonction interlocutoire?

Analyse et dispositif

Première question

La Municipalité régionale de Halifax doit-elle être jointe en qualité d'intimée avant l'audition de la requête?

[23]       À l'audition de la requête, l'avocat de l'intimé a prétendu que la Municipalité régionale de Halifax aurait dû être désignée à titre d'intimée, étant donné que, par application du paragraphe 303(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), le requérant doit désigner à titre d'intimé « toute personne directement touchée par l'ordonnance recherchée, [...] » . La Municipalité régionale de Halifax a envoyé une lettre précisant qu'elle ne désirait pas participer à l'instance et cette lettre a été versée au dossier. L'avocat de l'intimé a aussi dit à la Cour que la requête pourrait suivre son cours malgré l'absence de la municipalité en qualité de partie. Dans les circonstances, je ne crois pas nécessaire de joindre la municipalité en qualité de partie avant de trancher la requête.

Deuxième question

Les requérants ont-il qualité pour agir devant la Cour?


[24]       Le juge Evans a examiné minutieusement les règles de droit régissant la qualité pour agir dans ce type d'instance dans la décision Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (C.F. 1re inst.) aux pages 228 à 230:

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande. [Non souligné dans l'original.]

[28]          Selon l'avocat de l'intervenante, une personne qui revendique la qualité pour agir dans l'intérêt public, plutôt qu'en raison d'une atteinte portée à un droit privé ou du fait qu'elle a subi un dommage particulier ou spécial, n'est pas, par définition, « direc­tement touché[e] » et n'a donc pas la qualité pour agir d'après le paragraphe 18.1(1). L'avocat a également attiré l'attention de la Cour sur des précédents exami­nant l'expression « directement touché » contenue dans d'autres lois et l'interprétant comme exigeant que le demandeur ait un intérêt similaire à celui qui est requis en common law pour permettre à une personne de pouvoir obtenir une injonction ou un jugement déclaratoire sur le fondement d'une qualité pour agir de droit privé.

[29]          Plus particulièrement, dans l'arrêt Canadian Union of Public Employees, Local 30 et al. v. WMI Waste Management of Canada Inc. (1996), 178 A.R. 297 (C.A.), la Cour a statué qu'un syndicat s'opposant à une demande d'approbation visant l'exploitation d'une installation de gestion des déchets n'était pas « directement touché » par l'approbation accordée de sorte qu'il n'avait pas la qualité requise pour interjeter appel devant un tribunal. Toutefois, l'interprétation de l'expression « directement touché » dans le contexte d'un droit que confère la loi d'interjeter appel devant un tribunal n'est pas, selon moi, une indication fiable de la portée à donner au paragraphe 18.1(1), dans le cadre duquel l'exclusion des parties agissant dans l'intérêt public limiterait considérablement la compé­tence de la Cour de réviser la légalité de la mesure administrative fédérale.

[30]          L'avocat a sincèrement reconnu que l'arrêt Sunshine Village Corp. c. Directeur du Parc national de Banff (1996), 44 Admin. L.R. (2d) 201 (C.A.F.) allait à l'encontre de sa thèse. Dans cette affaire, dans laquelle il s'agissait aussi d'une contestation formée par un groupe de défense de l'intérêt public en matière de protection de l'environnement, Mme le juge Desjardins a déclaré (aux pages 222 et 223):

Il ressort des faits que l'appelante n'est pas « directement touché[e] par l'objet de la demande » , c'est-à-dire par l'accord de construction daté du 17 septembre 1995 et par l'approbation donnée par M. Charest le 31 août 1992. La SPPSNC n'a donc pas qualité pour agir de plein droit.

Je suis toutefois d'accord avec Mme le juge Reed lors­qu'elle déclare dans l'affaire Friends of the Island Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics) [[1993] 2 C.F. 229 (1re inst.)] qu'en ajoutant les mots « directement touché » au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale, le législateur n'avait pas l'intention de limiter la qualité pour agir dans l'intérêt public au critère défini avant les arrêts Thorson, Borowski et Finlay. Mme le juge Reed a déclaré ceci:

[. . .] le libellé du paragraphe 18.1(1) attribue à la Cour le pouvoir discrétionnaire de reconnaître la qualité pour agir quand elle est convaincue que les circonstances particuliè­res de l'espèce et le type d'intérêt qu'a le requérant justifient cette reconnaissance.

Par conséquent, Mme le juge Reed a soutenu qu'il y a lieu de reconnaître la qualité pour agir à la partie requérante qui est en mesure de satisfaire au critère précité, à supposer qu'il y ait une question réglable par les voies de justice et qu'il n'existe aucun autre moyen efficace et pratique de soumettre la question aux tribunaux.

[31]          L'avocat de l'intervenante a également attiré mon attention sur une décision rendue antérieurement, soit dans l'affaire Glaxo Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1988] 1 C.F. 422 (1re inst.), à la page 435. Dans cette affaire, le juge Rouleau a statué que la requérante ne pouvait se voir reconnaître la qualité pour agir dans l'intérêt public parce qu'elle n'avait pas établi:

. . . [. . .] qu'elle possède un intérêt particulier dans les disposi­tions législatives en cause et que les actes illégaux contestés lui causeront un dommage spécial.

La Cour d'appel fédérale a confirmé cette décision ((1990), 68 D.L.R. (4th) 761) et précisé que l'exigence prévue dans l'ancien paragraphe 28(2) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), ch. 10] selon laquelle les de­mandeurs directement touchés par une décision sont admis à solliciter l'annulation de celle-ci était semblable aux règles de common law en matière de qualité pour agir. Toutefois, la Cour n'a pas expressément abordé la question de la qualité pour agir dans l'intérêt public.


[32]          Pour ce motif, et parce que le critère formulé par le juge Rouleau me semble pratiquement identique à celui de la qualité pour agir de plein droit, je ne considère pas la décision Glaxo comme un précédent en matière de qualité pour agir pour l'application de l'actuel paragraphe 18.1(1). En revanche, dans la décision Sunshine Village, précitée, il est clairement statué qu'une personne qui satisfait aux conditions requises pour obtenir la qualité pour agir dans l'intérêt public, laquelle est reconnue de façon discrétionnaire, peut invoquer le paragraphe 18.1(1) pour demander une réparation même si elle n'est pas « directement touché[e] » . J'estime qu'il est préférable d'adopter ce point de vue, même si le libellé du paragraphe 18.1(1) donne à penser que seuls ceux qui satisfont au critère défini avant l'arrêt Finlay peuvent demander un contrôle judiciaire. En l'absence d'une disposition législative excluant expressément de la compétence de la Cour fédérale les demandeurs agissant dans l'intérêt public, il serait si insolite d'enfermer son pouvoir de connaître des demandes de contrôle judiciaire dans des limites auxquelles les autres tribunaux ne sont pas assujettis, que je ne saurais accepter l'interprétation plus étroite du paragraphe 18.1(1) que propose l'inter­venante en l'espèce.

Il a ajouté, à la page 231 :

(ii)            La qualité pour agir dans l'intérêt public en common law

[35]          Pour décider s'il faut reconnaître à un deman­deur la qualité pour agir dans l'intérêt public, il y a lieu d'appliquer trois facteurs biens connus, établis par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Finlay, précité, et dans la trilogie de décisions qui a précédé cet arrêt et qui porte sur la qualité pour agir dans l'intérêt public dans le cadre des contestations consti­tutionnelles, à savoir les arrêts Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575 et Nova Scotia Board of Censors c. Procureur général (N.-É.), [1978] 2 R.C.S. 662.

[36]          Ainsi, le tribunal chargé d'un contrôle doit vérifier si le litige pose une question sérieuse ou réglable par voie judiciaire, si le demandeur a un intérêt véritable dans l'issue du litige et s'il existe des personnes autres que le demandeur qui sont plus directement touchées et dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elles saisissent la justice des ques­tions que soulève le demandeur. Ces points ne doivent pas être considérés comme une liste d'éléments à cocher de manière mécanique, mais plutôt en fonction des différentes considérations générales que vise l'exigence applicable en matière de qualité pour agir: voir l'arrêt Canadian Civil Liberties Assn. v. Canada (Attorney General) (1998), 161 D.L.R. (4th) 225 (C.A. Ont.).


[25]             La Cour s'est exprimée dans les termes suivants sur l'existence d'une question sérieuse ou réglable par voie judiciaire dans la décision Sierra Club du Canada, précité, à la page 232 :

[38]          Selon un principe juridique qui semble mainte­nant établi, le caractère sérieux des questions que pose un demandeur agissant dans l'intérêt public comprend tant l'importance des questions soulevées que la probabilité que la demande soit accueillie. Étant donné la nature discrétionnaire de la reconnaissance de la qualité pour agir dans l'intérêt public et le souci de veiller à ce que les ressources publiques limitées ne soient pas dissipées et que d'autres parties n'aient pas à supporter des délais supplémentaires, il semblerait qu'il convienne de prendre en compte le bien-fondé de la demande: voir les arrêts Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immi­gration), [1992] 1 R.C.S. 236; Hy and Zel's Inc. c. Ontario (Procureur général); Paul Magder Furs Ltd. c. Ontario (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 675..

[26]       Les requérants soulèvent-ils une question sérieuse ou réglable par voie judiciaire dans leur demande de contrôle judiciaire et dans leur requête en injonction? Je suis d'avis qu'une question sérieuse ou réglable par voie judiciaire est effectivement en cause. L'article 3 du Règlement sur la protection des végétaux, précité, permet au ministre ou à un inspecteur, à la suite d'une analyse du risque phytosanitaire, de prendre toute mesure que la loi ou ses règlements d'application l'autorise à prendre, s'il a des motifs raisonnables de la prendre.

Dispositions législatives


[27]             L'article 3 et le paragraphe 27(1) du Règlement sur la protection des végétaux, DORS/95-212 prévoient ce qui suit :


3. Where, after a pest risk assessment, the Minister or an inspector believes on reasonable grounds that a thing is a pest, or a thing or place is or could be infested or constitutes or could constitute a biological obstacle to the control of a pest, and the Minister determines that, in the circumstances, it is necessary and cost-justifiable to take pest control measures, an inspector shall, as appropriate in the circumstances for the purpose of eradicating the pest or preventing its spread, take one or more of the actions that the inspector is authorized to take under the Act or any regulation or order made thereunder.

3. Lorsque le ministre ou l'inspecteur, à la suite d'une analyse du risque phytosanitaire, a des motifs raisonnables de croire qu'une chose soit est un parasite, soit est parasitée ou susceptible de l'être, qu'un lieu est infesté ou susceptible de l'être ou que la chose ou le lieu constitue ou peut constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire et lorsque le ministre établit que, compte tenu des circonstances, des mesures de la lutte antiparasitaire sont nécessaires et justifiables quant aux coûts, l'inspecteur prend une ou plusieurs des mesures que la Loi ou ses textes d'application l'autorisent à prendre et qui sont indiquées dans les circonstances pour l'élimination des parasites ou pour la prévention de leur propagation.


27. (1) Where the Minister or an inspector believes on reasonable grounds that a thing is a pest, is or could be infested or constitutes or could constitute a biological obstacle to the control of a pest, any inspector may require the owner or person having the possession, care or control of the thing to dispose of it.

27. (1) Lorsque le ministre ou l'inspecteur a des motifs raisonnables de croire qu'une chose soit est un parasite, soit est parasitée ou susceptible de l'être, soit encore constitue ou peut constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire, l'inspecteur peut exiger de son propriétaire ou de la personne qui en a la possession, la responsabilité ou la charge des soins qu'il en dispose, notamment par destruction.



[28]       L'une des mesures que l'inspecteur peut prendre consiste à délivrer un Avis d'élimination en vertu du paragraphe 27(1) du Règlement sur la protection des végétaux. Les requérants soutiennent que l'inspecteur ne peut notamment pas délivrer un Avis d'élimination avant qu'une analyse du risque phytosanitaire soit effectuée. En l'espèce, lorsque l'Avis d'élimination a été délivré, le 14 juin 200, il n'existait qu'une ébauche (pour commentaires) de l'évaluation du risque phytosanitaire. La version définitive de l'évaluation du risque phytosanitaire n'a été rendue publique que le 26 juin 2000. Je suis d'avis que cet élément soulève une question sérieuse ou réglable par voie judiciaire, car elle touche la compétence même de l'inspecteur de délivrer un Avis d'élimination.

[29]       La prochaine question à trancher est celle de savoir si les requérants ont un intérêt véritable dans l'issue ou l'objet du litige. J'ai la certitude que Mme Robinson a un tel intérêt. Elle est étroitement touchée par la question des coléoptères dans le parc Point Pleasant depuis 1990. Elle a été très engagée dans l'étude sur les coléoptères qui a mené à l'annulation de l'abattage des arbres dans le parc en 1990. Elle a publié un rapport sur l'étude effectuée à l'époque. De plus, elle s'est beaucoup impliquée au nom des citoyens et résidents du secteur du parc relativement au projet actuel d'abattre environ 10 000 arbres dans le parc. Par ailleurs, Mme Robertson habite en bordure du parc et l'utilise depuis 13 ans; l'abattage des arbres pourrait avoir une incidence sur la valeur et la jouissance de sa propriété.


[30]       Le terrain du requérant Iain Taylor jouxte le parc Point Pleasant sur une longueur de 60 pieds. Il habite à cet endroit depuis 1996. M. Taylor est membre actif du groupe de citoyens intéressés qui s'oppose à l'abattage d'environ 10 000 arbres dans le parc Point Pleasant. Il participe activement à la collecte de renseignements concernant la décision d'ordonner l'abattage des arbres. Il est le porte-parole du groupe qui s'oppose à l'abattage.

[31]             Dans la décision Sierra Club of Canada, précitée, le juge Evans a dit, aux pages 236 à 238 :

[52]          Je conviens que l'exigence d'un « intérêt vérita­ble » a notamment pour objet de garantir que ceux qui se voient reconnaître la qualité pour agir dans l'intérêt public possèdent, relativement à l'objet de la demande, une expérience et des connaissances qui serviront à formuler les observations orales et écrites qu'ils présenteront à l'appui de leur demande de contrôle judiciaire et qui aideront la Cour à parvenir au bon résultat. J'examinerai, ci-après, la question de savoir si Sierra Club a un intérêt véritable dans ce sens.

[53]          Toutefois, j'estime que la jurisprudence n'étaye pas, même implicitement, la théorie selon laquelle la qualité pour agir dans l'intérêt public est toujours reconnue seulement pour protéger des membres de groupes vulnérables contre une crainte raisonnable de préjudice. Il ne fait aucun doute que la qualité pour agir continuera d'être reconnue dans de tels cas: après tout, il arrive souvent que les membres de groupes vulnérables ne soient pas en mesure d'intenter des poursuites pour défendre leurs intérêts et il convient donc très bien qu'on permette à des organisations engagées dans les domaines concernés d'ester en leur nom.

[54]          Toutefois, la théorie de l'intervenante en matière de qualité pour agir dans l'intérêt public est trop limitée: elle oublie qu'un des motifs importants justifiant l'extension de la qualité pour agir à d'autres qu'au procureur général est le souci de protéger les préceptes constitutionnels que sont la primauté du droit et l'obligation de rendre compte en régime démocratique. Si la qualité pour agir dans l'intérêt public était restreinte comme le prétend l'intervenante, alors un large éventail de mesures administratives pourraient échapper aux contraintes de la légalité et à la nécessité d'être conformes à la volonté dûment exprimée du Parlement. Par ailleurs, on peut dire aussi que, vu la fragmentation de l'intérêt public dans l'environnement global, il arrivera souvent que des groupes de défense de l'intérêt public ayant des antécédents pertinents seront vraisemblablement les seules parties disposées et aptes à intenter des poursui­tes visant à s'assurer que les agents de l'État exécutent les obligations que leur impose la loi.


[55]          Par ailleurs, pour décider si le Sierra Club a un « intérêt véritable » justifiant la reconnaissance de la qualité pour agir dans l'intérêt public, il faut se demander si ce Club a établi, dans ce qui fait l'objet de la demande de contrôle judiciaire, l'existence d'un intérêt suffisant pour être reconnu comme un orga­nisme convenable pour intenter les poursuites dans l'intérêt public.

Il a ajouté à la page 240 :

[63]          Je souhaiterais faire trois commentaires au sujet de cette décision. Premièrement je me permets d'indi­quer, avec déférence, qu'un « intérêt personnel direct » n'est plus maintenant requis en common law pour agir dans l'intérêt public: l'intérêt véritable représente un critère considérablement plus étendu. Le critère de l' « intérêt personnel direct » se rapproche davantage du critère utilisé pour décider si une personne a la qualité pour agir de plein droit, parce que ses droits et intérêts juridiques sont touchés ou qu'elle a subi un préjudice distinct de celui des autres membres du public.

[32]       Selon le raisonnement énoncé dans Sierra Club, j'estime que Mme Robertson et M. Taylor ont l'intérêt véritable exigé pour présenter la demande de contrôle judiciaire et la requête en injonction interlocutoire. Ils ont de l'expérience et de l'expertise dans le domaine de l'objet du litige et sont assurément très engagés tous les deux dans l'objet de la demande de contrôle judiciaire.

[33]       La dernière question à trancher consiste à déterminer s'il existe un requérant plus indiqué. Le juge Evans a tenus le propos qui suivent aux pages 243 et 244 de la décision Sierra Club, précitée :


[72]          Dans l'affaire Shiell v. Amok Ltd., précitée, le tribunal a indiqué que l'arrêt Finlay c. Canada (Minis­tre des Finances), précité, portant sur une législation déclaratoire (le Régime d'assistance publique du Canada et la loi sur les prestations sociales du Manitoba) ne s'appliquait pas à cette affaire étant donné que la loi provinciale prévoyant l'évaluation environ­nementale était de nature réglementaire. Ainsi, il semble que, puisque la loi qui prévoit l'évaluation environnementale impose habituellement des devoirs et des obligations aux autorités publiques et aux promoteurs de projets qui y sont assujettis, ceux-ci seraient les seuls à pouvoir contester l'omission par le gouvernement de soumettre un projet à une évaluation, contrairement à la Loi.

[73]          Cette thèse ne peut certainement pas être fondée. Si elle l'était, cela signifierait, à toutes fins pratiques, que le défaut du gouvernement d'exiger une évaluation environnementale lorsque la loi rend une telle mesure obligatoire serait à l'abri de contrôle judiciaire à tous égards. Telle qu'elle est comprise aujourd'hui, la règle de la primauté du droit consiste à s'assurer qu'il est possible de contester tant la légalité d'une inaction gouvernementale en justice que des allégations selon lesquelles des agents de l'État sont allés trop loin.

[74]          J'estime que la distinction faite entre une loi de réglementation et une loi déclaratoire revient simple­ment à aborder la question plus fondamentale de savoir s'il existe une personne plus indiquée que le demandeur pour solliciter un contrôle judiciaire. C'est ce qui ressort clairement d'un des arrêts de la trilogie qui a reconnu pour la première fois la qualité pour agir dans l'intérêt public et qui a établi les principes régissant l'exercice du pouvoir discrétionnaire des tribunaux. Dans l'arrêt Nova Scotia Board of Censors c. Procureur général (N.-É.), précité, la Cour suprême du Canada a reconnu à un journaliste la qualité pour agir dans l'intérêt public afin de contester la constitu­tionnalité d'une loi provinciale en matière de censure cinématographique, laquelle était manifes­tement de nature réglementaire. La Cour a statué que les particu­liers visés par la réglementation qui étaient tenus responsables des inobservations, selon la loi, c'est-à-dire les propriétaires de cinémas, ne pouvaient guère, en réalité, souhaiter eux-mêmes engager les poursuites.


[34]       Il semble que la jurisprudence soit contradictoire pour ce qui est de la personne à laquelle il incombe d'établir qu'il n'existe pas de requérant plus indiqué (voir Conseil canadien des églises c. (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236, à la page 252, et Ministre de la Justice du Canada et al c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575, à la page 598). Compte tenu de la jurisprudence apparemment contradictoire concernant ce fardeau, je dirais qu'il appartient aux requérants d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de personne plus indiquée qui portera vraisemblablement la question en litige devant les tribunaux. Je me fonde à cet égard sur le fait que ce sont les requérants qui ont introduit la demande de contrôle judiciaire et que, pour cette raison, ils ont le fardeau de prouver tous les aspects de leur demande.

[35]       Les requérants m'ont convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de personne plus indiquée susceptible de plaider la question en litige devant les tribunaux. Si l'on s'en remet aux paragraphes 29 et 30 de l'affidavit de Jarvis Mawhinney, signé le 3 août 2000, tous les propriétaires fonciers, y compris la Municipalité régionale de Halifax, auxquels l'Avis d'interdiction de déplacer et l'Avis d'élimination ont été donnés approuvent la ligne de conduite de l'ACIA et collaborent avec elle. La Municipalité régionale de Halifax, en sa qualité de locataire des terres du parc Point Pleasant lui a manifesté son appui dans une lettre en date du 14 juillet 2000, en plus d'exprimer son intention de ne pas participer à l'instance introduite par les requérants. Puisque toutes les personnes qui ont reçu les avis de l'intimé approuvent les mesures proposées (l'abattage des arbres), il est évident qu'il n'existe pas de personne plus indiquée susceptible de plaider la question en litige devant les tribunaux et ma décision va dans ce sens.


[36]       Je suis donc d'avis de conclure que les requérants Stephanie Robertson et Iain Taylor ont la qualité requise pour présenter la demande de contrôle judiciaire en l'espèce et, partant, la requête en injonction interlocutoire.

[37]       En ce qui concerne les requérants Philip Pacey et Friends of Point Pleasant Park,

les documents déposés ne contiennent pas une preuve suffisante pour me permettre de conclure qu'ils ont qualité pour agir en l'espèce.

Troisième question

Y a-t-il lieu d'accorder une injonction interlocutoire?

[38]       Les requérants demandent une injonction interlocutoire interdisant à l'intimé d'abattre des arbres dans le parc Point Pleasant. Pour avoir gain de cause, ils doivent satisfaire à trois critères :

1.          Il doit exister une question sérieuse à trancher.

2.          Il doit être établi que le requérant subirait un préjudice irréparable si la requête était rejetée.


3.          Une évaluation doit démontrer laquelle des parties subira le plus grand préjudice selon que l'injonction interlocutoire sera accordée ou refusée (voir Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311).

[39]       Le juge Richard (devenu depuis juge en chef) a examiné ces trois facteurs dans l'affaire Conseil du Crabe des Neiges Inc. et al c. Canada (Ministre des Pêches et Océans) et al (1996), 116 F.T.R. 8 (C.F. 1re inst.), aux pages 18 à 20 :

1. L'existence d'une question sérieuse à juger

[12]          Il n'existe pas d'exigences particulières à remplir pour satisfaire à ce critère. Les exigences minimales ne sont pas élevées. Le juge saisi de la requête doit faire un examen préliminaire du fond de l'affaire.

[13]          Une fois convaincu qu'une réclamation n'est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s'il est d'avis que le demandeur sera probablement déboutéau procès. En général, il n'est ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongédu fond de l'affaire.

[14]          Il existe deux exceptions à la règle générale selon laquelle un juge ne devrait pas procéder à un examen approfondi sur le fond. La première est le cas oùle résultat de la demande interlocutoire équivaudra en fait au règlement final de l'action. La deuxième exception vise le cas oùla question de constitutionnalitése présente uniquement sous la forme d'une pure question de droit.

2.              Le préjudice irréparable


[15]          Le deuxième critère consiste à décider si la partie qui cherche à obtenir l'injonction interlocutoire subirait, si elle n'était pas accordée, un préjudice irréparable. Certains tribunaux ont examiné, à cette étape, le préjudice que l'intimérisque de subir si le redressement demandéest accordé. Toutefois, il est plus appropriéde le faire à la troisième étape de l'analyse. Le préjudice alléguéà l'intérêt public devrait également être examinéà cette étape.

[16]          Àcette étape, la seule question est de savoir si le refus du redressement pourrait être si défavorable à l'intérêt du requérant que le préjudice ne pourrait pas faire l'objet d'une réparation, en cas de divergence entre la décision sur le fond et l'issue de la demande interlocutoire. Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue.

3.              La prépondérance des inconvénients et l'intérêt public

[17]          Le troisième critère applicable à une demande de redressement interlocutoire consiste à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond. Lorsqu'il s'agit de la constitutionnalitéd'une loi ou, comme c'est le cas ici, de l'autoritéd'un organisme chargéde l'application de la loi, il est important de tenir compte de l'intérêt public dans l'appréciation de la prépondérance des inconvénients.

[18]          Une injonction interlocutoire comportant une contestation de la validitéconstitutionnelle d'une loi ou de l'autoritéd'un organisme chargéde l'application de la loi diffère des litiges ordinaires dans lesquels les demandes de redressement opposent des plaideurs privés. Il faut tenir compte des intérêts du public, que l'organisme a comme mandat de protéger, et en faire l'appréciation par rapport à l'intérêt des plaideurs privés.

[19]          La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêtProcureur général du Canadac. Fishing Vessel Owners' Association of B.C., [1985] 1 C.F. 791 à la p. 795,a infirméla décision de la section de première instance d'accorder une injonction empêchant des fonctionnaires des pêcheries de mettre en oeuvre un plan de pêche adoptéen vertu de la Loi sur les pêcheries. Parmi d'autres motifs, la cour a soulignéque lorsqu'on empêche un organisme public d'exercer les pouvoirs que la loi lui confère, on peut alors affirmer, que l'intérêt public, dont cet organisme est le gardien, subit un tort irréparable.

[20]          Aussi, dans le cadre de l'examen de la prépondérance des inconvénients, dans l'affaire American Cyanamid, [1975] A.C. 396 à la p. 408,Lord Diplock a affirméque, toutes choses demeurant égales, [Traduction] « il sera plus prudent d'adopter les mesures propres à maintenir le statu quo » . La Cour suprême a statuéque cette méthode semble être d'une utilitérestreinte.


[40]       Comme l'injonction interlocutoire est une réparation extraordinaire, c'est aux requérants de prouver qu'ils satisfont aux trois critères.

Application des critères à la présente requête

1.          Une question sérieuse à trancher


[41]       J'ai déjà conclu au paragraphe 27 de la présente décision qu'il existe une question sérieuse à trancher. L'article 3 du Règlement sur la protection des végétaux, précité, permet au ministre ou à un inspecteur, à la suite d'une analyse du risque phytosanitaire, s'ils ont des motifs raisonnables de croire qu'une chose est un parasite ou susceptible d'être parasitée et si le ministre établit que des mesures de la lutte antiparasitaire sont nécessaires et justifiables quant aux coûts, de prendre toute mesure antiparasitaire que l'inspecteur est autorisé à prendre en vertu de la loi ou de ses règlements d'application. Les mesures de lutte antiparasitaire doivent viser à éliminer les parasites et à prévenir leur propagation. Comme je l'ai déjà dit, l'une des mesures que l'inspecteur peut prendre consiste à délivrer un Avis d'élimination, comme il l'a fait, en vertu du paragraphe 27(1) du Règlement sur la protection des végétaux. Les requérants font valoir qu'une analyse du risque phytosanitaire doit être effectuée avant que l'inspecteur délivre un Avis d'élimination. Or, seule une ébauche (pour commentaires) d'évaluation du risque phytosanitaire existait au moment où l'avis a été délivré, le 14 juin 2000. La version définitive de l'évaluation du risque phytosanitaire n'a été rendue publique que le 26 juin 2000. Je le répète, cet élément soulève selon moi une question sérieuse à trancher, car il touche la compétence même pour délivrer l'Avis d'élimination. Selon la thèse des requérants, le ministre ou l'inspecteur ne peuvent agir qu'une fois terminée l'évaluation définitive ou réelle du risque phytosanitaire; or ils ont tous les deux agi avant la réalisation de cette condition.

2.          Le préjudice irréparable


[42]       La deuxième question à laquelle il faut répondre à cette étape est celle de savoir si les requérants subiraient un préjudice irréparable si l'injonction interlocutoire n'était pas accordée. Les requérants soutiennent qu'un préjudice irréparable en résulterait parce que, si l'injonction interlocutoire n'était pas accordée et si la demande de contrôle judiciaire était accueillie, les 10 000 arbres auraient été abattus à la suite d'un ordre invalide. Ces arbres ne pourraient pas être remplacés en l'espace d'une vie, car beaucoup sont des arbres âgés et le préjudice causé aux intérêts des requérants ne pourrait être réparé. De plus, les requérants plaident que l'octroi de dommages-intérêts ne saurait remplacer les arbres. Les requérants allèguent en outre qu'un préjudice irréparable leur serait causé à la fois sur le plan personnel et en leur qualité de représentants de l'intérêt public. Compte tenu des faits qui précèdent, je conclus que les requérants subiront un préjudice irréparable. J'utilise le terme « irréparable » en rapport avec la nature du préjudice et non avec son étendue. Le préjudice qui résulterait du rejet de la demande d'injonction en l'espèce ne serait pas quantifiable en termes pécuniaires.

3.          La prépondérance des inconvénients et l'intérêt public

[43]       En l'espèce, les requérants qui représentent l'intérêt public subiront des inconvénients importants si l'injonction n'est pas accordée et les arbres sont abattus, mais que la demande de contrôle judiciaire est finalement accueillie. L'Avis d'élimination serait jugé invalide, mais les arbres auraient déjà disparu. Par contre, il est clair, en droit, que « lorsqu'on empêche un organisme public d'exercer les pouvoirs que la loi lui confère, on peut alors affirmer que l'intérêt public, dont cet organisme est le gardien, subit un tort irréparable » . En l'espèce, le ministre et l'inspecteur seraient empêchés d'exercer leurs pouvoirs de faire détruire les arbres pour contrôler les parasites. Il faut souligner qu'en l'occurrence, le longicorne brun de l'épinette a été découvert pour la première fois dans le parc Point Pleasant et que, dans les dix années qui ont suivi, il ne s'était propagé que dans un périmètre de 15 kilomètres des limites du parc. Il faut aussi souligner que le coléoptère a déjà franchi les limites du parc.

[44]       L'engagement, pris par les requérants et inclus dans mon ordonnance peut indemniser adéquatement l'intimé si jamais il est établi que le prononcé de l'injonction a causé des dommages à l'intimé.


[45]       Après avoir soupesé les facteurs qui précèdent, je suis d'avis que la prépondérance des inconvénients joue fortement en faveur des requérants. Le facteur de l'intérêt public de l'intimé n'est pas impérieux au point qu'il est impossible d'attendre l'issue de la demande de contrôle judiciaire pour le mettre en oeuvre.

[46]       Les requérants ayant satisfait à tous les critères applicables au prononcé d'une injonction interlocutoire, la requête est accueillie conformément au libellé de l'ordonnance que j'ai prononcée le 15 août 2000.

                                                                             « John A. O,Keefe »         

                                                                                               J.C.F.C.                     

Halifax (Nouvelle-Écosse)

21 août 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                 T-1235-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Friends of Point Pleasant Park et autres

et

Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                14 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE O'Keefe

EN DATE DU :                                   21 août 2000

ONT COMPARU :

Me Paul Falvo                                      POUR LES REQUÉRANTS

Me Michael Donovan                                     POUR L'INTIMÉ

Me Kathleen McManus

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Bureau                                                POUR LES REQUÉRANTS

Halifax (N.-É.)

B3K 5L2

Ministère de la Justice                                   POUR L'INTIMÉ

Halifax (N.-É.)

B3J 1P3

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