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Date : 20201019


Dossier : T-52-20

Référence : 2020 CF 976

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 19 octobre 2020

En présence de monsieur le juge A.D. Little

ENTRE :

ANTONINA SENNIKOVA

demanderesse

et

DIVISION D’APPEL DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

défenderesse

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Monsieur Nikolai Sennikov a déposé la requête en l’espèce au titre de l’article 109 des Règles des Cours fédérales (les Règles), DORS/98‑106, pour obtenir l’autorisation d’intervenir dans le cadre de la présente instance en contrôle judiciaire.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la requête en autorisation d’intervenir présentée par M. Sennikov est rejetée. Cette conclusion n’empêche pas la demanderesse, Mme Sennikova, de demander à la Cour d’autoriser M. Sennikov à la représenter lors de l’instruction de sa demande de contrôle judiciaire.

[3]  La demanderesse a déposé devant la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision, rendue le 20 décembre 2019, par laquelle la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a refusé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[4]  Dans la présente requête, le mari de la demanderesse, M. Sennikov, sollicite une ordonnance, au titre de l’article 109 des Règles, l’autorisant à intervenir dans le cadre de l’instance [traduction] « dans le respect de tous les droits et de toutes les obligations d’une partie non représentée par un avocat, y compris le droit d’appel ». Dans son avis de requête, M. Sennikov soutient que sa participation en tant que partie à l’instance aidera la Cour à trancher les questions soulevées par la demanderesse dans sa demande. Dans ce même avis de requête, il précise qu’il a créé tous les documents signés par la demanderesse et qu’il peut donc répondre à toutes les questions concernant les détails et le fondement de ces documents. En outre, il mentionne qu’il a déjà représenté la demanderesse, y compris devant le Tribunal de la sécurité sociale, qu’il habite à la même adresse qu’elle et qu’ils ont un budget commun. Il ajoute qu’il a une formation d’avocat, qu’il a obtenu un diplôme en jurisprudence au Kazakhstan et qu’il peut présenter des observations sur le droit applicable. Enfin, il explique que la demanderesse, qui pourrait ne pas être en mesure de présenter des observations en son propre nom à l’audience en raison de problèmes de santé, l’a autorisé à la représenter.

[5]  La défenderesse s’oppose. Elle fait valoir que M. Sennikov n’est pas un avocat reconnu au Canada. Dans ses observations, elle soutient qu’il n’est pas approprié pour M. Sennikov d’intervenir puisqu’il ne satisfait pas au critère juridique pertinent pour le faire. En outre, elle affirme qu’en rendant l’ordonnance demandée, la Cour offrirait à la demanderesse deux occasions de lui présenter des observations écrites. Les observations proposées par M. Sennikov à titre d’intervenant sont essentiellement les mêmes que les observations écrites de la demanderesse, qui ont déjà été présentées. Selon la défenderesse, il serait plus approprié que la demanderesse présente une requête au titre de l’article 119 des Règles afin d’autoriser M. Sennikov à la représenter à l’audience. La défenderesse ajoute qu’une requête présentée au titre de l’article 119 des Règles devrait être instruite par le juge saisi de la demande de contrôle judiciaire.

[6]  Les critères que doit appliquer la Cour dans le cas d’une requête en intervention présentée au titre de l’article 109 des Règles ont été établis dans la décision Rothmans, Benson & Hedges Inc. c Canada (Procureur général), [1990] 1 CF 74 (le juge Rouleau), aux pages 79 et 80 (au para 12), conf par [1990] 1 CF 90 (CA) (le juge Hugessen), à la page 92 (au para 3). Les critères ont été confirmés par une formation de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sport Maska Inc. c Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, [2016] 4 RCF 3 (le juge Nadon), aux para 20, 37 et 41‑42, et plus récemment par le juge  Locke dans l’arrêt Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Lopez Gaytan, 2020 CAF 133, au para 6. Les critères sont les suivants :

a) La personne qui se propose d’intervenir est‑elle directement touchée par l’issue du litige?

b) Y a‑t‑il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

c) S’agit‑il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

d) La position de la personne qui se propose d’intervenir est‑elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

e) L’intérêt de la justice sera‑t‑il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

f) La Cour peut‑elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

[7]  Cette liste de critères n’est pas exhaustive. La Cour peut, dans une affaire donnée, accorder à chaque critère le poids qu’elle juge approprié : Sport Maska Inc., au para 41.

[8]  La question fondamentale qu’il convient de trancher dans le cadre d’une requête en intervention est de savoir si l’intervention proposée aidera la Cour à prendre une décision sur une question de fait ou de droit se rapportant à l’instance : art 109(2)b) des Règles. Une autre question importante est celle de savoir si l’intervenant fournira à la Cour des précisions et des perspectives différentes et utiles qui l’aideront à la prise d’une décision : Première nation de Prophet River c Canada (Procureur général), 2016 CAF 120 (le juge Stratas), au para 6.

[9]  Dans le cadre de la présente requête, je ne crois pas que l’ajout de M. Sennikov à titre d’intervenant aidera concrètement la Cour à prendre une décision sur une question de fait ou de droit soulevée dans la demande. Autoriser M. Sennikov à intervenir dans l’instance n’apportera pas une perspective différente au juge chargé de statuer sur le bien‑fondé de la demande de contrôle judiciaire. Selon les documents que M. Sennikov a déposés à l’appui de sa requête, ses intérêts sont les mêmes que ceux de la demanderesse. Ses arguments en tant qu’intervenant à l’égard de la demande de contrôle judiciaire (qu’il a présentés à l’appui de la présente requête) reviendraient essentiellement au même que les observations de la demanderesse, qui ont déjà été présentées et que M. Sennikov aurait apparemment rédigées lui‑même. La position de M. Sennikov est suffisamment bien exposée dans ces observations.

[10]  En outre, le fait d’ajouter M. Sennikov en tant qu’intervenant aurait pour effet de compliquer l’instance en autorisant deux personnes à présenter des observations alors que les observations d’une seule personne suffiraient à servir les intérêts privés communs des deux époux, ainsi que d’accroître inutilement les dépens de la présente instance pour la défenderesse de même que le temps consacré à l’affaire par la défenderesse et la Cour.

[11]  J’estime donc que le fait d’ajouter M. Sennikov en tant qu’intervenant dans la présente instance comme il le propose ne contribuerait pas à mieux servir l’intérêt de la justice.

[12]  Par conséquent, la requête de M. Sennikov est rejetée. La défenderesse n’a pas réclamé de dépens et aucune ordonnance ne sera rendue à cet égard.

[13]  Par souci de clarté, je précise que rien dans les présents motifs n’empêche la demanderesse de déposer une requête au titre de l’article 119 des Règles des Cours fédérales afin de demander à la Cour d’autoriser M. Sennikov à la représenter lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire. À mon avis, une telle requête devrait être instruite par le juge saisi de la demande de contrôle judiciaire.


ORDONNANCE dans le dossier T‑52‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête en autorisation d’intervenir dans l’instance présentée par M. Sennikov au titre de l’article 109 des Règles des Cours fédérales est rejetée sans dépens.

En blanc

« Andrew D. Little »

En blanc

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑52‑20

 

INTITULÉ :

ANTONNIA SENNIKOVA c DIVISION D’APPEL DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LITTLE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 19 OCTOBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Antonina Sennikova

Pour la demanderesse

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Samantha Pillon

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Antonina Sennikova

Pour la demanderesse

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Samantha Pillon

Procureur général du Canada

Pour la défenderesse

 

 

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