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     Date : 19980721

     Dossier : IMM-3139-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 juillet 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE

     KHANH DUC VUONG,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     ORDONNANCE

         La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est annulée, et l'affaire renvoyée à un tribunal de composition différente avec l'instruction de décider que la fille adoptive Xuan Cuc Vuong est une "parente" en application de l'article 2 du Règlement sur l'immigration .

                                 J.E. DUBÉ

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     Date : 19980721

     Dossier : IMM-3139-97

ENTRE

     KHANH DUC VUONG,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle et d'annulation de la décision en date du 17 juin 1997 par laquelle la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (section d'appel) a rejeté l'appel interjeté par le demandeur pour défaut de compétence.

[2]          Le 26 janvier 1987, le demandeur a présenté une demande de parrainage de sa fille adoptive. À l'appui de sa demande, il a obtenu du Comité populaire de la République socialiste du Vietnam, dans le district où il avait auparavant résidé et où l'adoption avait eu lieu, un document confirmant que Xuan Cuc Vuong (Xuan) était sa fille adoptive. En mars 1993, la demande de droit d'établissement présentée par Xuan a été rejetée au motif qu'elle n'était pas une "parente" visée au Règlement parce qu'elle n'avait pas établi qu'elle était la fille légalement adoptée du demandeur.

[3]          Antérieurement à l'audition tenue devant la section d'appel, le demandeur a obtenu du Tribunal populaire de la République socialiste du Vietnam une autre confirmation selon laquelle Xuan était sa fille adoptive.

[4]          Mais le ministre, par l'entremise de l'Ambassade du Canada à Bangkok, s'est renseigné auprès du gouvernement vietnamien pour savoir si l'enfant avait légalement été adoptée par le demandeur. Le 20 avril 1996, ce gouvernement a répondu que, selon la loi [TRADUCTION] actuelle sur l'adoption, toutes les adoptions doivent être approuvées par le Comité populaire et doivent être inscrites dans le registre de famille. En conséquence, l'adoption de la fille du demandeur n'ayant pas été inscrite dans le registre de famille, le gouvernement vietnamien ne pouvait confirmer que l'enfant avait été adoptée. La section d'appel a donc conclu que la fille n'était pas une "parente", et elle a rejeté l'appel pour défaut de compétence.

[5]          À l'audition, la section d'appel a examiné la preuve documentaire comprenant un paquet de 50 articles, dont des affidavits établis sous serment. Elle a entendu quatre témoins. Un de ceux-ci était David Vien-Van Chu, ancien avocat pratiquant le droit au Vietnam entre 1969 et 1975 dans le domaine des adoptions publiques. Il a bien précisé que l'adoption conforme aux traditions était une pratique habituelle et fréquente au sein du peuple vietnamien, et qu'il existait apparemment une approche laxiste de la modification des registres de famille.

[6]          La tribunal a conclu que les propres tentatives du demandeur de faire modifier le registre de famille par l'ajout du nom de sa fille étaient sincères, mais qu'elles ont été contrecarrées par la nature des procédures administratives et bureaucratiques. Il a décidé que [TRADUCTION] "les témoignages étaient de nature sincère, digne de foi et franche", mais qu'il ne pouvait méconnaître la décision officielle du gouvernement vietnamien.

[7]          Peu de temps avant l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire tenue devant la Cour, le défendeur a consenti à une ordonnance portant annulation de la décision de la section d'appel et renvoi de l'affaire pour qu'un tribunal de composition différente procède à une nouvelle audition et à un nouvel examen. Toutefois, l'avocat du demandeur sollicite de la Cour une ordonnance enjoignant à la section d'appel de conclure que la fille adoptive en question est une "parente" et a légalement été adoptée.

[8]          Le 4 mars 1997, dans l'affaire Turanskaya c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)1,la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du juge Simpson de la Cour, savoir que la Cour fédérale du Canada, Section de première instance, tient de l'alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale le pouvoir de donner à la section du statut de réfugié une directive la forçant à atteindre un résultat particulier, et qu'il était approprié de le faire lorsque, n'eût été l'erreur de droit, l'étranger aurait nécessairement été déclaré réfugié au sens de la Convention. Le juge Stone, J.C.A., a dit à la page 237 :

         [6] Les "instructions" que l'alinéa 18.1(3)b) habilite la Section de première instance à donner varieront selon les circonstances de la cause. Si, par exemple, il subsiste des questions de fait à trancher, il conviendrait qu'elle renvoie l'affaire pour nouvelle instruction par le même tribunal ou par un tribunal de composition différente, selon les circonstances de la cause. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. La seule question à trancher par la Section de première instance était de savoir si la section du statut avait commis une erreur de droit en concluant que l'intimée n'était pas une réfugiée au sens de la Convention parce qu'elle avait une résidence habituelle antérieure en Ukraine.

[9]          Dans les circonstances de l'espèce, je conclus qu'il est approprié de dispenser la section d'appel de procéder encore à une autre instruction approfondie puisqu'elle a convenu des faits, mais qu'elle a commis une erreur de droit en décidant qu'elle n'avait pas compétence.

[10]          L'avis obtenu par le ministre du Comité populaire de la République socialiste du Vietnam fait mention de l'état [TRADUCTION] actuel. Toutefois, c'est la loi applicable au moment de l'adoption qui est pertinente aux fins de déterminer s'il y a eu une valable adoption en vertu de la Loi sur l'immigration et du Règlement. Selon le témoignage non contredit rendu par David Vien-Van Chu, il est clair que l'adoption conforme aux traditions était une pratique habituelle et fréquente au sein du peuple vietnamien, et qu'il existait une approche laxiste de la modification des registres de famille en raison des difficultés bureaucratiques.

[11]          En conséquence, l'affaire est renvoyée à un tribunal de composition différente de la section d'appel avec l'instruction de conclure que Xuan, la fille adoptive, est une "parente" en application de l'article 2 du Règlement sur l'immigration .

[12]          À mon avis, il n'existe aucune question de portée générale à certifier en application du paragraphe 83(1) de la Loi

sur l'immigration.

                         J.E. DUBÉ

                             Juge

Ottawa (Ontario)

Le 21 juillet 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-3139-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Khanh Duc Vuong c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 13 juillet 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Dubé

EN DATE DU                      21 juillet 1998

ONT COMPARU :

    David F. Pouliot              pour le demandeur
    M. Lori Hendriks              pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    David F. Pouliot              pour le demandeur
    Toronto (Ontario)
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                             pour le défendeur
   
__________________

     1      (1997), 210 N.R. 235.

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