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Date : 20201020


Dossier : T‑1735‑19

Référence : 2020 CF 984

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 20 octobre 2020

En présence de madame la juge St‑Louis

ENTRE :

GEOPHYSICAL SERVICE INCORPORATED, THEODORE DAVID EINARSSON, HAROLD PAUL EINARSSON ET RUSSELL JOHN EINARSSON

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, à l’égard de la décision rendue le 9 octobre 2019 par la Direction générale du droit commercial international d’Affaires mondiales Canada [la Direction générale du droit commercial international], qui aurait refusé de révoquer des membres de l’équipe travaillant pour elle et avec elle, à titre d’avocats de Sa Majesté la Reine [l’équipe gouvernementale], à la procédure d’arbitrage [la procédure d’arbitrage] introduite par les demandeurs en vertu de l’Accord de libre‑échange nord‑américain [ALENA], pour cause de conflit d’intérêts.

[2]  Le document qui fait l’objet de la présente demande est une lettre du directeur adjoint et avocat‑conseil  de la Direction générale du droit commercial international datée du 9 octobre 2019 et adressée à l’avocate des demandeurs.

[3]  Sous l’objet [traduction] « Plainte des investisseurs de Geophysical Service Inc. (GSI) contre le gouvernement du Canada aux termes de l’Accord de libre‑échange nord‑américain », le directeur adjoint et avocat‑conseil  de la Direction générale du droit commercial international a écrit ce qui suit :

[traduction]

Nous avons tenu compte des points soulevés dans votre lettre du 20 septembre 2019. Nous sommes respectueusement en désaccord avec la position de GSI et maintenons qu’il n’y a aucun fondement juridique qui appuie le retrait de Mme Dosman ou de tout autre membre de l’équipe juridique du Canada dans ce différend.

Nous avons confirmé le retrait temporaire de Mme Dosman du dossier pour faire preuve de bonne foi, mais cette situation ne peut pas durer indéfiniment sans causer un préjudice indu à la capacité du Canada de se défendre contre les allégations de votre client. Nous serions prêts à vous rencontrer, vous et un représentant de Vannin, à Ottawa, pour discuter davantage de cette question. Veuillez me faire part de vos disponibilités.

[4]  Pour les motifs présentés ci‑après, je conclus 1) que la décision n’est pas susceptible de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, car elle est de nature privée; 2) qu’il n’est pas approprié que la Cour intervienne dans un processus d’arbitrage engagé au titre du chapitre 11 de l’ALENA. Par conséquent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.

II.  Contexte

[5]  Les demandeurs sont Geophysical Service Incorporated [GSI], une société américaine qui crée des données sismiques marines, et MM. Theodore, Harold et Russel Einarsson, qui se présentent comme des investisseurs dans la société GSI.

[6]  Vannin Capital [Vannin] est un bailleur de fonds tiers qui offre des ressources financières à des demandeurs potentiels en échange d’une part de la somme obtenue à l’issue de la cause. Pendant la période visée, Vannin avait des bureaux à Londres, Paris, Sydney, Jersey, l’île de Man, New York et Washington D.C.

[7]  Le 10 octobre 2018 ou vers cette date, les demandeurs ont signifié au gouvernement du Canada une « notification de l’intention de soumettre une plainte à l’arbitrage » au titre du chapitre 11 de l’ALENA. Le dossier dont la Cour est saisie comprend un article du Blacklock’s Reporter publié le 12 octobre 2018, lequel cite les propos de M. Paul Einarsson et de Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L. [BLG] sur la nature de la demande d’arbitrage au titre de l’ALENA, et évalue le montant visé par ladite plainte à 1 milliard de dollars. Le 28 janvier 2019, les parties à l’arbitrage se sont réunies à des fins de consultation.

[8]  Le 8 février 2019, BLG et Vannin ont signé un accord de non‑divulgation et d’intérêt commun. M. Harold Paul Einarsson n’a signé que l’annexe de l’accord, conformément aux instructions de BLG.

[9]  Le 18 avril 2019, les demandeurs ont signifié un avis d’arbitrage au gouvernement du Canada, ce qui a officiellement entamé la procédure d’arbitrage. Les demandeurs ont invoqué l’article 3 du Règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international [Règlement d’arbitrage de la CNUDCI] et les articles 1116, 1117 et 1120 de l’ALENA pour exiger et engager une procédure d’arbitrage contre le gouvernement du Canada. (L’article 1139 de l’ALENA désigne le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI sous le terme « Règles d’arbitrage de la CNUDCI », qu’il définit comme les Règles d’arbitrage de la CNUDCI approuvées par l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 décembre 1976). Les demandeurs ont également consenti à l’arbitrage conformément aux procédures établies dans l’ALENA et ont donc renoncé à leur droit [traduction] « d’engager ou de poursuivre, devant un tribunal administratif ou judiciaire, ou aux termes d’une autre procédure de règlement des différends, des procédures se rapportant à la mesure décrite dans la présente, à l’exception d’une procédure d’injonction, d’une procédure déclaratoire ou d’un autre recours extraordinaire ne supposant pas le paiement de dommages‑intérêts » (paragraphe 3 de l’avis d’arbitrage).

[10]  Du 1er juillet 2018 au 3 mai 2019, Mme Alexandra Dosman travaillait chez Vannin, où elle occupait le poste de conseillère en placements au bureau de New York de la société. À la fin de 2018, Mme Dosman a commencé à discuter d’une possibilité d’emploi avec la Direction générale du droit commercial international. Le 3 juin 2019, elle a accepté l’offre d’emploi qui lui avait été présentée par la Direction générale du droit commercial international, et le 7 juin 2019, elle a commencé à travailler pour cette dernière.

[11]  Le ou vers le 24 juillet 2019, les demandeurs ont été informés que Mme Dosman travaillait à leur procédure d’arbitrage à la Direction générale du droit commercial international. Le 2 août 2019, ils ont demandé l’exclusion de Mme Dosman de la procédure d’arbitrage, faisant valoir qu’il y aurait conflit d’intérêts. Ils ont également demandé qu’une liste des autres membres de la Direction générale du droit commercial international qui avaient travaillé avec Mme Dosman à la procédure d’arbitrage soit dressée.

[12]  En bref, les demandeurs allèguent que Mme Dosman est en conflit d’intérêts parce qu’elle a eu accès à certains renseignements non publics, confidentiels et privilégiés les concernant et concernant les allégations qu’ils ont soulevées dans le cadre de la procédure d’arbitrage. Ils affirment que ces renseignements comprennent i) le fait que les demandeurs cherchaient à conclure un accord de financement du litige par un tiers dans le cadre de la procédure d’arbitrage; ii) le fait que les demandeurs avaient pressenti Vannin pour conclure un accord de financement du litige par un tiers; iii) le fait que les demandeurs avaient été désignés comme [traduction] « responsables » éventuels par Vannin; iv) le montant du financement demandé par les demandeurs à Vannin. Ils ajoutent qu’aucune mesure n’a été mise en place chez Vannin pour empêcher Mme Dosman d’accéder à des renseignements sur des réclamations potentielles à l’endroit du gouvernement du Canada, même si Mme Dosman avait été informée qu’elle recevrait une offre d’emploi écrite après son entrevue de janvier 2019 avec la Direction générale du droit commercial international.

[13]  S’appuyant sur l’affidavit et la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Dosman, les demandeurs soutiennent que celle‑ci a admis avoir reçu de tels renseignements.

[14]  Le 2 août 2019, la Direction générale du droit commercial international a temporairement retiré Mme Dosman du dossier, en attendant de recevoir de plus amples renseignements, et le 16 août 2019, la Direction générale du droit commercial international a demandé des détails aux demandeurs au sujet du présumé conflit d’intérêts.

[15]  Dans une lettre datée du 29 août 2019, les demandeurs ont essentiellement repris leur allégation selon laquelle Mme Dosman se trouvait en conflit d’intérêts et qu’elle devrait être retirée du dossier de façon permanente. Les demandeurs ont également réitéré leur demande visant la préparation par la Direction générale du droit commercial international d’une liste des personnes qui avaient travaillé à la procédure d’arbitrage, afin de pouvoir demander l’exclusion de celles qui avaient communiqué avec Mme Dosman.

[16]  Le 18 septembre 2019, la Direction générale du droit commercial international a répondu à la lettre des demandeurs datée du 29 août, affirmant qu’elle ne savait pas que GSI avait des liens avec Vannin avant que les demandeurs lui communiquent cette information en date du 2 août 2019. La Direction générale du droit commercial international a souligné que les demandeurs n’avaient fourni aucune autre justification à l’appui du retrait de Mme Dosman et que, en l’absence d’une telle justification, Mme Dosman serait réintégrée à titre d’avocate du Canada dans l’équipe chargée de la procédure d’arbitrage.

[17]  Le 20 septembre 2019, les demandeurs ont répondu à la Direction générale du droit commercial international et ont une fois de plus réitéré leur demande visant le retrait de Mme Dosman du dossier ainsi que l’isolement des personnes ayant eu des contacts avec celle‑ci.

[18]  Le 9 octobre 2019, la Direction générale du droit commercial international a réitéré sa décision de réintégrer Mme Dosman dans son rôle relativement à la procédure d’arbitrage, car les demandeurs n’avaient pas fourni suffisamment d’information sur le conflit d’intérêts allégué.

[19]  Le ou vers le 11 octobre 2019, les demandeurs ont déposé une requête fondée sur le paragraphe 17(5) de la Loi sur les Cours fédérales concernant le conflit d’intérêts allégué. La requête portait sur la lettre du 18 septembre 2019 de la Direction générale du droit commercial international.

[20]  Le 23 octobre 2019, les demandeurs ont abandonné leur requête et ont introduit la présente demande de contrôle judiciaire, par laquelle ils contestent la lettre du 9 octobre 2019 adressée par le directeur adjoint et avocat‑conseil  de la Direction générale du droit commercial international à l’avocate des demandeurs.

[21]  Selon les observations de la défenderesse, Mme Dosman n’a pas réintégré l’équipe travaillant à la procédure d’arbitrage depuis le 2 août 2019, et la situation ne changera pas tant que la présente demande de contrôle judiciaire ne sera pas tranchée.

III.  Demande de contrôle judiciaire

[22]  Dans leur avis de demande de contrôle judiciaire, les demandeurs demandent a) une déclaration selon laquelle les membres de l’équipe gouvernementale sont en conflit d’intérêts relativement à la procédure d’arbitrage et qu’il leur est interdit de travailler à la procédure d’arbitrage, et b) subsidiairement, une injonction interdisant à l’équipe gouvernementale de continuer de travailler à la procédure d’arbitrage et de communiquer avec tout nouvel avocat ou consultant du gouvernement au sujet de la procédure d’arbitrage.

[23]  Dans leur mémoire des faits et du droit, les demandeurs demandent que la Cour rende a) une ordonnance déclarant que les membres et les consultants de la Direction générale du droit commercial international qui travaillent à la procédure d’arbitrage sont en conflit d’intérêts, qu’ils doivent être retirés de façon permanente de la liste des avocats du gouvernement du Canada travaillant à la procédure d’arbitrage et qu’il leur est interdit de communiquer avec tout nouvel avocat ou consultant du gouvernement du Canada au sujet de la procédure; b) subsidiairement, une injonction interdisant aux membres et aux consultants de la Direction générale du droit commercial international, Michelle Hoffman et Jennifer Reynolds‑Fry, de continuer à travailler à la procédure d’arbitrage et de communiquer avec tout nouvel avocat ou consultant du gouvernement du Canada; c) une ordonnance visant l’adjudication d’une indemnisation complète des dépens avocat‑client aux demandeurs; d) toute autre réparation que la Cour peut accorder.

[24]  À l’appui de leur demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont déposé deux affidavits de M. Harold Paul Einarsson, qui a été pendant de nombreuses années chef des opérations et qui est actuellement président de la demanderesse GSI.

[25]  Le premier affidavit de M. Einarsson a été souscrit le 2 octobre 2019, donc avant que la décision contestée soit rendue. M. Einarsson y présente les trois (3) pièces suivantes : a) l’accord de non‑divulgation et d’intérêt commun entre Vannin et BLG signé le 8 février 2019, qu’il a signé à l’annexe A; b) l’avis d’arbitrage daté du 18 avril 2019, que les demandeurs, Theodore David Einarsson, Harold Paul Einarsson et Russell John Einarsson ont signé en leur nom et au nom de la demanderesse GSI; c) cinq lettres échangées entre BLG et le directeur adjoint et avocat‑conseil  de la Direction générale du droit commercial international.

[26]  Le deuxième affidavit de M. Einarsson a été souscrit le 14 février 2019, donc après la période prévue à l’article 306 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]. M. Einarsson y présente les [traduction] « engagements et réponses d’Harold Paul Einarsson découlant du contre‑interrogatoire sur affidavit tenu le 22 janvier 2020 », élément qui n’est pas visé par les dispositions des Règles relatives aux demandes.

[27]  Je ne suis pas convaincue que la demande soit correctement appuyée ni que la réparation souhaitée puisse être entièrement accordée. Toutefois, compte tenu des conclusions qui suivent, je n’ai pas à me prononcer sur ces questions.

IV.  Questions soulevées par les parties

[28]  Les demandeurs soutiennent que la Cour a compétence à l’égard de la présente demande de contrôle judiciaire. Ils soulignent que la compétence « inhérente » de la Cour couvre tous les conflits entre avocats, y compris ceux qui sont liés à des affaires qui ne sont pas autrement portées devant les tribunaux (Chapters Inc. v Davies, Ward & Beck LLP, (2001) 141 OAC 380), et que les affirmations de la défenderesse selon lesquelles le tribunal arbitral a compétence n’écartent pas la capacité inhérente de la Cour de se prononcer sur les conflits d’intérêts des avocats canadiens. Ils s’appuient également sur un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, Council of Canadians v Canada (Attorney General), 2006 CarswellOnt 7543 [Council of Canadians]. Dans cet arrêt, la cour a formulé comme suit la question dont elle était saisie : [TRADUCTION] « en acceptant, par le truchement de l’ALENA, que ces différends soient entendus par des tribunaux constitués en vertu de l’ALENA, le gouvernement du Canada a‑t‑il privé les cours supérieures canadiennes de leur pouvoir de se prononcer sur les matières qui leur sont réservées par l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867? » (au paragraphe 2). Les demandeurs s’appuient sur le paragraphe 14, qui précise que l’ALENA énonce clairement l’étendue du pouvoir de réparation du tribunal d’arbitrage (articles 1136 et 1137 de l’ALENA), et sur le paragraphe 17, qui explique essentiellement que la décision du tribunal d’arbitrage est susceptible de contrôle par les tribunaux nationaux. Les demandeurs citent également le paragraphe 53 de la décision où la cour affirme que l’article 1121 de l’ALENA prévoit expressément que l’investisseur qui a recours à un tribunal arbitral constitué en vertu de l’ALENA peut choisir de s’adresser à un tribunal national plutôt qu’à un tribunal constitué en vertu de l’ALENA, et qu’on ne peut donc pas dire qu’il y a retrait de la compétence de ce tribunal national.

[29]  Je constate d’emblée que cette décision ne fait aucunement mention des tribunaux constitués en vertu de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, non plus que du tribunal à qui il appartient de décider des mesures provisoires ou conservatoires une fois que les investisseurs ont opté pour la procédure d’arbitrage prévue à l’ALENA.

[30]  Les demandeurs soutiennent que le tribunal arbitral n’aura pas compétence sur la question en litige en l’espèce, puisqu’il ne possède pas de compétence inhérente. Ils soulignent que la compétence du tribunal arbitral se limitera à celle conférée par la convention d’arbitrage et que ce type de question n’est pas prévu dans les lois et règlements pertinents (la Loi sur l’arbitrage commercial, LRC 1985, c 17, l’ALENA, ou le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI). Ils citent la décision Rompetrol Group NV v Romania (ICSID Case No ARB/06/3, 14 janvier 2010) aux paragraphes 15, 16 et 25.

[31]  Les demandeurs ajoutent que le droit canadien s’applique à la demande, que les avocats sont assujettis aux règles canadiennes en matière de conflits d’intérêts et qu’ils subiront un préjudice extrême si la Cour refuse d’exercer sa compétence.

[32]  Les demandeurs soutiennent également que la demande est susceptible de contrôle au titre de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Ils ajoutent que la décision découle de l’exercice du pouvoir conféré à la Direction générale du droit commercial international au titre de l’article 5 de la Loi sur le ministère de la Justice, LRC (1985), c J‑2, et que selon les facteurs applicables énoncés dans l’arrêt Air Canada c Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347 [Air Canada] (examiné ci‑après), elle est manifestement de nature publique.

[33]  Les demandeurs citent l’article 9 de la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international [la Loi type], qui fait partie de la Loi sur l’arbitrage commercial, et soutiennent qu’ils peuvent s’adresser à la Cour, car ils cherchent à obtenir une « mesure provisoire ou conservatoire » concernant leurs renseignements privilégiés. Ils ajoutent que la décision de la Direction générale du droit commercial international n’est pas une décision sur un litige, comme l’a qualifiée la défenderesse, mais une décision au sujet de la partie qui représente le Canada, laquelle relève directement de l’article 5 de la Loi sur le ministère de la Justice.

[34]  Les demandeurs soutiennent également que la Direction générale du droit commercial international a écarté à son propre avantage la jurisprudence établie concernant les conflits d’intérêts, car elle est une partie intéressée et une adversaire dans la procédure d’arbitrage. Les demandeurs affirment qu’elle a ainsi manqué aux principes de justice naturelle, manquement qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[35]  Ils font valoir que la présomption selon laquelle le fond de la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable est réfutée. Ils soutiennent que la mauvaise application des règles sur les conflits d’intérêts soulève une question de droit générale d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, de sorte que la mauvaise application par la Direction générale du droit commercial international des règles sur les conflits d’intérêts est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[36]  Les demandeurs exposent également le droit relatif aux conflits d’intérêts. Ils soutiennent que l’information fournie à Vannin était privilégiée, que Mme Dosman a reçu l’information privilégiée, que la Direction générale du droit commercial international a également reçu l’information privilégiée, que les demandeurs en subiront un préjudice, et que l’équipe de la Direction générale du droit commercial international devrait être exclue de la procédure d’arbitrage. Ils ont confirmé à la Cour, à l’audience, que la lettre faisant l’objet du contrôle judiciaire est bel et bien celle du 9 octobre 2019 et non celle du 18 septembre 2019, et font donc valoir que la demande de contrôle judiciaire a été présentée sans délai et que les dépens avocat‑client sont appropriés.

[37]  La défenderesse répond essentiellement que 1) selon l’alinéa 5(4)a) de la Loi sur l’arbitrage commercial, les articles 1112, 1116 et 1117 de l’ALENA, le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI et les articles 5 et 34 de la Loi type, la Cour ne doit pas intervenir dans l’affaire, laquelle fait l’objet d’un arbitrage au titre de l’ALENA (Quintette Coal v Nippon Steel Corp et al, (1990) BCJ No 2241 (QL)), puisque le tribunal arbitral a compétence pour entendre ces arguments; 2) les demandeurs n’ont pas déposé leur avis de demande d’arbitrage dans le délai de 30 jours prescrit par le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI, compte tenu du fait que leur intention est de contester la décision du 18 septembre 2019; 3) la décision de ne pas exclure l’avocate du dossier n’est pas susceptible de contrôle en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, puisqu’elle ne provient pas d’un « office fédéral » au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales et que le pouvoir exercé par le directeur adjoint et avocat‑conseil  de la Direction générale du droit commercial international est de nature privée (Air Canada); 4) la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; 5) les demandeurs ne satisfont pas au critère de la « probabilité de préjudice », qui est le critère applicable (et non celui de la « possibilité de préjudice ») (Irving Shipbuilding Inc. c Canada (Procureur général), 2008 CF 1102).

V.  Analyse

[38]  Les parties ont soulevé un certain nombre de questions, mais deux seules permettent à la Cour de statuer sur l’affaire. En bref, les demandeurs ne m’ont pas convaincue 1) que le contenu de la lettre est susceptible de contrôle judiciaire au titre la Loi sur les Cours fédérales, et 2) qu’il est approprié que la Cour intervienne dans un processus engagé au titre du chapitre 11 de l’ALENA.

A.  Le contenu de la lettre n’est pas susceptible de contrôle judiciaire.

[39]  La compétence de la Cour est énoncée aux articles 18 et 18.1, tandis que ses pouvoirs relatifs aux demandes de contrôle judiciaire sont énoncés au paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

[40]  La compétence de la Cour est circonscrite par la définition du terme office fédéral énoncée à l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales. Le terme est défini comme suit : « Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale [...] ». Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Telezone Inc., (2010) 3 RCS 585, la Cour suprême du Canada a souligné que la définition est « très large » et que les entités visées vont « du Premier ministre et des organismes les plus importants jusqu’au garde‑frontière et au douanier locaux, et englobent tous ceux qui se situent entre ces deux extrêmes » (au paragraphe 3).

[41]  Toutefois, la définition d’« office fédéral » n’est pas suffisamment large pour inclure les décisions prises par toutes les entités qui sont liées, même vaguement, à la Couronne. La décision en litige en l’espèce est celle du directeur adjoint et avocat‑conseil de la Direction générale du droit commercial international, une initiative conjointe du ministère de la Justice et d’Affaires mondiales Canada, concernant la composition de l’équipe qui représente le gouvernement fédéral dans un dossier d’arbitrage. Fait important, la Direction générale du droit commercial international agit ici en qualité de représentant.

[42]  Les demandeurs ont très peu justifié leur affirmation selon laquelle la Cour fédérale a compétence dans l’affaire. Comme la Cour fédérale est une cour d’origine législative de compétence limitée, les demandeurs devaient convaincre la Cour qu’elle a compétence. Pour les raisons suivantes, les demandeurs ne se sont pas acquittés de ce fardeau.

[43]  Ni la défenderesse ni les demandeurs n’ont cité de décisions dans lesquelles on a conclu que la Direction générale du droit commercial international ou Affaires mondiales Canada était un « office fédéral », et la Cour fédérale ne semble pas avoir abordé cette question dans ses décisions.

[44]  Le critère permettant de déterminer si une entité est visée par la définition est énoncé dans l’arrêt Anisman c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 52 [Anisman]. En l’espèce, le membre de la Direction générale du droit commercial international exerçait son pouvoir de gérer son équipe de contentieux. Comme je l’ai mentionné, la Direction générale du droit commercial international représente le gouvernement du Canada dans une affaire d’arbitrage.

[45]  Bien que cette question particulière n’ait pas déjà été examinée par la Cour fédérale, je ne rendrai pas de décision sur l’affaire, mais je présumerai, comme le font valoir les demandeurs, que le directeur adjoint et avocat‑conseil exerçait le pouvoir que lui confère l’alinéa 5d) de la Loi sur le ministère de la Justice. Cette disposition prévoit que le procureur général et le ministère de la Justice sont « chargé[s] des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige où ils sont parties et portant sur des matières de compétence fédérale ».

[46]  Toutefois, comme les deux parties l’ont reconnu, l’arrêt subséquent Air Canada résume l’exception bien établie qui concerne les pouvoirs qui, bien qu’exercés en vertu d’une loi fédérale, sont de nature essentiellement privée. Cet arrêt souligne que la nature publique ou privée du pouvoir exercé dépend fortement des faits. La cour résume les facteurs jurisprudentiels utilisés pour évaluer la nature du pouvoir (paragraphe 60). La liste n’est pas exhaustive et aucun des facteurs n’est déterminant :

La nature de la question visée par la demande de contrôle. Est‑ce une question privée, commerciale ou de portée plus vaste intéressant les membres du public? [La cour cite la décision Peace Hills Trust Co. c Moccasin, 2005 CF 1364, au paragraphe 61 (« […] il faut s’abstenir d’appliquer les principes du droit administratif au règlement de ce qui est au fond une question de droit commercial […] »).]

La nature du décideur et ses attributions. S’agit‑il d’un décideur public, comme un mandataire de la Couronne ou un organisme administratif reconnu par la loi et à qui des attributions de nature publique ont été confiées? La question en cause est‑elle étroitement liée à ces attributions?

La mesure dans laquelle la décision est fondée et influencée par le droit et non pas par un pouvoir discrétionnaire de nature privée. Lorsqu’une décision particulière est autorisée directement par une source de droit public comme une loi, un règlement ou une ordonnance, ou découle directement d’une telle source, le tribunal aura davantage tendance à considérer que la question est de nature publique. Il sera d’autant plus enclin à le faire si la source de droit public fournit le critère en fonction duquel la décision est prise. Les mesures prises en vertu d’un pouvoir découlant d’une source autre qu’une loi, comme le droit contractuel général ou des considérations commerciales, sont plus fréquemment considérées comme non susceptibles de contrôle judiciaire.

Les rapports entre l’organisme en cause et d’autres régimes législatifs ou d’autres parties du gouvernement. Si l’organisme est intégré à un réseau gouvernemental et exerce un pouvoir en tant qu’élément de ce réseau, les actes qu’il pose seront plus fréquemment qualifiés d’actes de nature publique. Le seul fait que l’organisme en question soit mentionné dans une loi n’est pas toujours suffisant.

La mesure dans laquelle le décideur est un mandataire du gouvernement ou est dirigé, contrôlé ou influencé de façon importante par une entité publique. Par exemple, les personnes privées embauchées par le gouvernement pour effectuer une enquête au sujet d’une allégation d’inconduite visant un fonctionnaire public peuvent être considérées comme exerçant un pouvoir de nature publique. L’obligation de faire approuver ou contrôler par le gouvernement les politiques, règlements administratifs ou autres questions peut être un élément pertinent.

Le caractère approprié des recours de droit public. Si la nature de la mesure est telle qu’il serait utile d’accorder dans ce cas un recours de droit public, les tribunaux sont davantage enclins à considérer qu’il s’agit là d’une question de nature publique.

L’existence d’un pouvoir de contrainte. L’existence d’un pouvoir de contrainte sur le public en général ou sur un groupe défini, comme une profession, peut être un indice de la nature publique. Il y a lieu de différencier cette situation avec celle où les parties acceptent volontairement de relever d’un organisme.

Une catégorie d’affaires « exceptionnelles » dans laquelle les mesures prises ont acquis une dimension publique importante. Lorsqu’une mesure a des conséquences exceptionnelles et très graves sur les droits d’un large secteur de la population, elle est susceptible de contrôle. Cela peut comprendre les cas où la fraude, les pots‑de‑vin, la corruption ou l’atteinte aux droits de la personne ont pour effet de transformer une question qui était de nature privée au départ en une question de nature publique.

[Renvois omis.]

[47]  Après avoir examiné ces facteurs, je conclus que la question soulevée devant la Cour en l’espèce est de nature privée. La question du conflit d’intérêts, en ce qui concerne la lettre du 9 octobre 2019 du directeur adjoint et avocat‑conseil de la Direction générale du droit commercial international, ne peut pas être interprétée comme une question de nature publique qui devrait être réglée par le droit public.

[48]  Comme il a été mentionné, la lettre du directeur adjoint et avocat‑conseil de la Direction générale du droit commercial international porte sur la composition de son équipe juridique. Il s’agit d’une décision courante liée à la gestion des litiges (arbitrage), et des décisions de routine semblables sont probablement prises chaque jour. La Direction générale du droit commercial international est une entité publique qui agit à titre d’avocat. Elle représente le Canada dans un différend, essentiellement de la même façon que n’importe quel avocat représenterait n’importe quelle autre partie.

[49]  Comme la défenderesse le fait discrètement remarquer au paragraphe 75 de son mémoire des faits et du droit, si l’on décidait que la question est susceptible de contrôle judiciaire, un volume insoutenable de décisions le deviendrait aussi, sans que cela présente d’avantage supplémentaire, ce qui nuirait au travail de la Direction générale du droit commercial international et d’autres entités semblables.

[50]  Les demandeurs laissent entendre que la question du conflit d’intérêts est si importante qu’elle devient une question d’intérêt public. Ils invoquent notamment, au paragraphe 23 de leur mémoire des faits et du droit en réponse, l’intérêt public de veiller à ce que [traduction] « les poursuites soient exemptes de conflits ». Je ne suis pas de cet avis.

[51]  Premièrement, le présent conflit ne soulève pas de question d’une importance particulière pour le public. Les demandeurs réclament essentiellement des dommages‑intérêts pour l’appropriation illicite de leurs renseignements. Cette question est certainement importante pour les demandeurs, mais je n’ai pas été convaincue par l’argument selon lequel elle aurait des répercussions plus vastes.

[52]  Deuxièmement, bien que je sois d’accord pour dire qu’il est d’intérêt public de veiller à ce que [traduction] « les poursuites soient exemptes de conflits », cet intérêt est protégé par les recours existants, qui sont à la disposition des demandeurs.

[53]  Troisièmement, même si j’acceptais l’argument selon lequel le prétendu conflit d’intérêts pourrait être une question d’intérêt public, il existe un doute sérieux à l’égard du fait que Mme Dosman était effectivement en conflit d’intérêts. Sans me prononcer sur le critère applicable, je constate, comme l’a fait la défenderesse, qu’il y a peu d’éléments de preuve non équivoques indiquant que Mme Dosman a reçu de l’information qui causerait un conflit d’intérêts.

[54]  Pour ces motifs, je conclus que la lettre du 9 octobre 2019 de la Direction générale du droit commercial international n’est pas susceptible de contrôle par la Cour, car elle est de nature privée.

B.  Il n’est pas approprié que la Cour intervienne dans un processus engagé au titre du chapitre 11 de l’ALENA.

[55]  Si je fais erreur sur la première question et que la décision est susceptible de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, je conclus qu’il n’est pas approprié que la Cour intervienne dans un processus engagé au titre du chapitre 11 de l’ALENA, et je refuserai donc l’invitation à le faire.

[56]  Je signale que l’article 5 de la Loi type dispose que les tribunaux ne peuvent intervenir « que dans les cas où celle‑ci [la Loi type] le prévoit ». Je signale également que les arbitres disposent d’une grande latitude pour gérer leurs propres procédures, y compris pour établir des règles de procédure. Une convention d’arbitrage valide pourrait même ne faire référence à aucune règle de procédure, auquel cas l’arbitre aurait toute la latitude nécessaire pour en établir (article 19 de la Loi type). Les arbitres peuvent également statuer sur leur propre compétence ou incompétence (article 16 de la Loi type) et ordonner des mesures provisoires (article 17 de la Loi type).

[57]  Comme l’a fait valoir la défenderesse, ces principes visent à protéger l’efficacité du processus arbitral. L’arbitrage est, essentiellement, un processus volontaire par lequel les parties peuvent régler leurs différends d’une façon qui est potentiellement plus rapide, plus efficace et plus rentable qu’un recours au système juridique traditionnel. Le fait d’obliger les parties à recourir au système judiciaire pour régler des questions de procédure et de compétence dépouillerait de toute évidence l’arbitrage de ses principaux avantages.

[58]  Les demandeurs soulignent que l’ALENA n’écarte pas la compétence « inhérente » de la Cour, en citant l’arrêt Council of Canadians de la Cour d’appel de l’Ontario au sujet de la compétence des cours supérieures provinciales constituées en vertu de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. Je ne sais trop quoi penser de cet argument et je vois deux interprétations possibles, qui ne me convainquent pas d’intervenir.

[59]  D’une part, les demandeurs utilisent peut‑être le mot « inhérent » dans son sens juridique et constitutionnel pour avancer que la Cour jouirait d’une compétence inhérente pour statuer sur la question du conflit d’intérêts, même si elle n’était pas saisie, comme je l’ai mentionné, du contrôle judiciaire d’une décision administrative, ce qui est inexact. La Cour fédérale n’a pas la compétence inhérente et générale des cours supérieures provinciales constituées en vertu de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867; elle est constituée en vertu de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 et elle tire sa compétence de la loi. L’argument des demandeurs ne peut prévaloir.

[60]  D’autre part, les demandeurs utilisent peut‑être le mot « inhérent » pour avancer que la Cour conserve sa compétence, en supposant que la question initiale relève de la compétence que lui confère la loi, même lorsque les parties, comme c’est le cas en l’espèce, ont choisi de recourir au processus d’arbitrage au titre de l’ALENA.

[61]  J’ai reçu peu d’explications pour me prononcer et, en fait, même en supposant que l’affaire relève de la compétence que la loi confère à la Cour, je ne vois aucune raison de me prononcer sur ce point. Il est vrai que dans l’arrêt Council of Canadians le contexte et les questions étaient différents (et cet arrêt ne lie pas la Cour), mais la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que l’arbitrage pouvait valablement soustraire un différend à la compétence du système judiciaire.

[62]  Pour les motifs susmentionnés, les demandeurs ne m’ont pas convaincue que le tribunal arbitral n’a pas compétence pour trancher la question du conflit d’intérêts, et je conclus donc, au contraire, qu’il appartient au tribunal de statuer sur la question étant donné que les demandeurs ont eux‑mêmes choisi de soumettre ce différend à l’arbitrage.

[63]  Enfin, les demandeurs soulignent également que l’article 9 de la Loi type autorise la Cour à octroyer une « mesure provisoire ou conservatoire », ce qui, selon eux, est le but de la présente demande, car elle vise à « protéger » leurs renseignements privilégiés.

[64]  Je ne suis pas convaincue qu’il s’agisse d’une interprétation exacte de la nature d’une mesure provisoire ou conservatoire, ni que la présente demande de contrôle judiciaire ou toute autre demande puisse être qualifiée de « mesure provisoire ou conservatoire ». Même si c’était le cas, je souligne que le tribunal arbitral est expressément habilité, en vertu de l’article 17 de la Loi type, à ordonner des mesures provisoires. Encore une fois, conformément aux principes fondamentaux de l’arbitrage, je conclus que les demandeurs, qui ont choisi de procéder par voie d’arbitrage, doivent présenter leur demande de réparation devant le tribunal arbitral.

[65]  Pour ces motifs, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT dans le dossier T‑1735‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les dépens sont adjugés à la défenderesse.

« Martine St‑Louis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1735‑19

INTITULÉ :

GEOPHYSICAL SERVICE INCORPORATED, THEODORE DAVID EINARSSON, HAROLD PAUL EINARSSON ET RUSSELL JOHN EINARSSON c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta) (par Zoom à partir de Montréal)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 août 2020

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE ST‑LOUIS

DATE DES MOTIFS :

Le 20 octobre 2020

COMPARUTIONS :

Matti Lemmens

Zack Seymour

Pour les demandeurs

Alexander Gay

Helen Gray

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matti Lemmens

Zack Seymour

Calgary (Alberta)

Pour les demandeurs

Sous‑procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour la défenderesse

 

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